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25/05/2011

Comptez , quand on a la gloire [pour] soi, que le reste vient tôt ou tard.


Une Catherine ! Sauvage !

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Et puis Asa :

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 ... and C° :

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De la guitare à ... la harpe, il n'y a qu'un saut ... de doigts agiles ...

http://www.youtube.com/watch?v=8Tfoto7sokk

 

 

 

 

 

« A Jean-François de La Harpe

à Paris

 

24è mai 1773

 

Je souhaite que la calomnie ne députe point quelques-uns de ses serpents à la cour pour perdre ce génie naissant, en cas que la cour par hasard entende parler de ses talents . Page 10 de l'épître morale et instructive de Guillaume Vadé 1, etc.

 

Vous voyez, mon cher ami que Guillaume était très instruit qu'il y avait des préjugés contre celui qui a donné quelquefois de si bonnes ailes aux talons de Mercure 2, et dont le génie alarme ceux qui n'en ont pas . J'ai ouï dire que Guillaume Vadé avant sa mort avait essuyé quelques injustices un peu plus fortes, qu'un commentateur avait interprété fort mal ses discours auprès d'un satrape de Perse 3, lorsque Guillaume était à la campagne à quelques lieues d'Ispahan . Mais ce n'est point de cela que Guillaume mourut ; il était accoutumé à tous ces orages, et il en riait . On s'était imaginé qu'il était fort sensible à toutes ces misères, on se trompait beaucoup . Sa nièce, Catherine Vadé, que vous avez connue 4, vous dira qu'il avait le plus profond mépris pour les tracasseries persanes . Il était quelquefois un peu malin, soit quand il écrivait à Nicolas 5, soit quand il écrivait à Flaccus 6 mais il fut très sensible et reconnaissant pour le secrétaire intime de Flaccus 7, lequel avait l'esprit et les grâces de son maître . Il m'a même chargé en mourant de dire à ce secrétaire intime qu'il ne l'oubliait point, quoiqu’il allât boire les eaux du fleuve de l'oubli . Il me recommandait en présence de Catherine sa nièce de vous exhorter à ne point craindre vos envieux, à marcher toujours dans le sentier épineux de la gloire, entre le général d'armée Warwick et le ministre Barmécide 8. Comptez , quand on a la gloire [pour] soi, que le reste vient tôt ou tard. Je pense comme Guillaume, je vous suis très sincèrement dévoué, et j'en prends à témoin Catherine . J'espère trouver l'occasion de vous le prouver ; il y a longtemps que je vous ai dit : macte animo generose puer 9. »

 

1 C'est-à-dire l’Épître dédicatoire des Lois de Minos ; voir lettre à d'Alembert du 27 mars 1773 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2009/03/27/mon-vieux-cœur-qui-pour-etre-vieux-n-en-est-pas-plus-dur.html

2 La Harpe contribue au Mercure de France .

3 Encore allusion à l’Épître dédicatoire des Lois de Minos à Richelieu et à la réaction qu'elle provoqua ; voir lettre à d'Alembert du 19 mai : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2011/05/11/mon-degout-pour-tout-ce-qui-n-est-que-vanite-faux-air-affect.html#more

4 Pour ces noms, voir par exemple le titre du Pauvre Diable, 1758, 

: « ouvrage ... de feu M. Vadé, mis en lumière par Catherine Vadé, sa cousine ... » http://www.voltaire-integral.com/Html/10/24_Pauvre.html;

voir aussi les Contes en vers (lettres et notes du début de 1764) : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k4113266/f3.image

; le Discours aux Welches : http://www.voltaire-integral.com/Html/25/12_Welches.html

6 Allusion à l’Épître à Horace ; http://www.theatre-classique.fr/pages/theorie/VOLTAIRE_EP...

9 Haut les cœurs, noble enfant .

 

 

24/05/2011

si j'ai fait des romans j'en demande pardon à Dieu ; mais tout au moins je n'y ai jamais mis mon nom, pas plus qu'à mes autres sottises

 

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« A Charles-Joseph Panckoucke

 

Aux Délices 24 mai 1764

 

Vous me mandez, Monsieur, que vous imprimez mes romans 1, et je vous réponds que si j'ai fait des romans j'en demande pardon à Dieu ; mais tout au moins je n'y ai jamais mis mon nom, pas plus qu'à mes autres sottises ; on n'a jamais, Dieu merci, rien vu de moi contresigné et paraphé Cortiat secrétaire 2 etc. Vous me dites que vous ornerez votre édition de culs-de-lampe : remerciez Dieu, Monsieur, de ce qu’Antoine Vadé n'est plus au monde ; il vous appellerai Welche sans difficulté, et vous prouverait qu'un ornement, un fleuron, un petit cartouche, une petite vignette ne ressemble ni à un cul ni à une lampe 3.

 

Vous me proposez la paix avec maître Aliboron dit Fréron, et vous me dites que c'est vous qui voulez bien lui faire sa litière . Vous ajoutez qu'il m'a toujours estimé , et qu'il m'a toujours outragé 4. Vraiment voilà un bon petit caractère ! C'est-à-dire que quand il dira du bien de quelqu'un, on peut compter qu'il le méprise . Vous voyez bien qu'il n'a pu faire de moi qu'un ingrat et qu'il n'est guère possible que j'aie pour lui les sentiments dont vous dites qu'il m'honore . Paix en terre aux hommes de bonne volonté 5; mais vous m'apprenez que maître Aliboron a toujours été de volonté très maligne . Je n'ai jamais lu son Année Littéraire . Je vous en crois seulement sur votre parole .

 

Pour vous, Monsieur, je vois que vous êtes de la meilleure volonté du monde, et je suis très persuadé que vous n'avez imprimé contre moi rien que de fort plaisant pour réjouir la cour 6; ainsi je suis très pacifiquement, Monsieur, votre etc. 7»


1 Panckoucke a écrit à V* que « quoiqu'il eût acquis ... par la cession de M. Lambert le droit de réimprimer le recueil de ses romans , il croyait devoir lui en demander la permission ».

2 Formule utilisée dans l'Instruction pastorale ... de Jean-Georges Lefranc de Pompignan ; le nom du secrétaire était Cortial .

3 Cf. la parole prêtée à « feu Antoine Vadé » au début du Supplément du Discours aux Welches : « un cul-de-sac, et tous les termes vulgaires qui défigurent une langue, me donnent un mortel chagrin. » Cf. aussi le Discours aux Welches .

4 Panckoucke a écrit : « Personne n'a de vous une si haute estime ... Quand il lit vos ouvrages immortels, il est obligé ensuite de se déchirer les flancs pour en dire le mal qu’il ne pense pas ...si vous daigniez prendre confiance en moi, vous verriez ... que celui que vous regardez comme votre plus cruel ennemi, que vous traitez ainsi deviendrait de votre admirateur secret, votre admirateur public. »

5 Évangile de Luc .

6 Panckoucke imprimait L’Année littéraire de Fréron .

7 La lettre de Panckoucke et la réponse de V* seront publiées . Panckoucke fera paraitre un démenti dans L'Année littéraire et dans L’Avant-coureur du 23 juillet : « Je déclare que je ne suis point l'auteur de cette lettre telle qu'elle est ; et j'en appelle au propre témoignage de M. de Voltaire ... » V* de son côté écrira à Damilaville le 6 août : « Ce que j'ai ... de meilleur à faire ... c'est de vous envoyer l'original de la lettre de Panckoucke . Vous verrez qu'on ne l'a point falsifiée, et qu'on en a simplement retranché des choses fort inutiles. »

 

 

23/05/2011

Moquez-vous de tout, vous dis-je, assurez-vous de quoi vivre, soyez à jamais indépendant, aimez-moi

 

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 Joli cri du coeur de Volti, que je fais mien , et que je vous incite à mettre en oeuvre , y compris le "aimez-moi !" .

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Et comme j'aime les contrastes, Coluche , expert es-rire, donne d'autres conseils , terriblement cyniques qui ont le mérite de faire sourire :  http://www.deezer.com/listen-955832

 

 

 

 

« A Jean Le Rond d'Alembert

 

Au château de Tournay par Genève

21 mai [1760]

 

Mon cher philosophe, somme totale la philosophie de Démocrite 1 est la seule bonne . Le seul parti raisonnable dans un siècle ridicule, c'est de rire de tout ; Jean-Jacques s'est rendu ridicule en voulant qu'on mangeât du gland, et en écrivant contre la comédie après avoir fait des comédies . La pièce qu'on joue à Paris 2 est un ridicule méprisable qui sera bientôt oublié . Fréron est digne du pilori, mais il est encore plus ridicule . Chaumeix idem, Berthier idem, Chauchat 3 idem ; Me Joly de Fleury le plus ridicule et le plus insolent de tous 4; et on m'a promis qu'il aurait en son temps tout ce qu'il mérite .

 

On m'a envoyé les pour, les qui et les quoi . On m'a promis des que . Je ne sais si tout cela est de Piron, ou de Robbé, ou du cocher de Vertamont . Il n'importe . Cela est surement d'un rieur, d'un vrai philosophe 5.

 

Luc m'a envoyé enfin votre épître, c'est à dire une épître de vous, corrigée .

 

Un sénat de Midas, en étole, en soutane

Du mensonge stupide organe 6 etc.

 

Les premiers vers sont beaux . Le reste ne vaut pas le diable . Il faut que cet étrange homme m'ait envoyé plus de deux mille vers en deux ans . Il est un peu métromane 7, il faut en rire, mais je crois qu'il ne rira pas avec Soltikof et Daun . Nous aurons encore longtemps la guerre . Il n'y a pas là de quoi rire . Ce diable de Silhouette nous a attiré cette guerre pour n'avoir pas entendu le latin, pour n'avoir pas voulu comprendre que ut ne signifie pas comme aussi, mais comme et, comme et Annapolis et les bords de l'Ohio, et les îles etc.8 On a fait cette guerre contre les Anglais sans avoir de vaisseaux . Ce n'est pas à nous de rire . A Rosbac et Minden etc. etc. il n'y a pas le mot pour rire . Je me suis fâché en dernier lieu violemment contre Luc et je lui ai fait les plus vifs reproches sur sa conduite en plus d'un genre 9. Mais comme les remontrances ne réussissent qu'en France je prends le parti de rire 10, et je veux mourir en riant . Vous êtes né gai, moquez-vous de tous les faquins qui attaquent la philosophie . Ce monde n'est-il pas réellement un hôpital de fous ? Luc m'écrivait ces jours passés : je vous recommande à la protection de la vierge immaculée et à son fils le pendu ; et il effaça imma et laissa culée 11. Or est-il que ceux qui s'échignent, qui se persécutent pour la culée, sont d'étranges fous ; et qu'est donc Luc qui pouvait vivre si heureux, détruire l'Infâme gaiement, protéger les lettres honorablement, les cultiver paisiblement et qui s'expose au sort de Pyrrhus et de Charles XII ?

 

Moquez-vous de tout, vous dis-je, assurez-vous de quoi vivre, soyez à jamais indépendant, aimez-moi, car je vous aime autant que je vous estime .

 

V.

 

Riez, riez et vous les écraserez . Ils m'appellent le comte de Tornet 12 mais qu'ils viennent à Tournay, et ils seront piloriés 13. N'allez pas vous aviser de m'écrire au comte de Tournay comme le fait Luc . Mais j'ai à cœur qu'on écrive au gentilhomme ordinaire du roi ; car le roi m'a conservé cette charge, et pardieu le roi a de la bonté pour moi, ce que ces bougres-là ne savent pas, et je suis très bien auprès de madame la marquise, et très bien auprès de M. de Choiseul 14, et je me fous de Joly de Fleury, et je lui donnerai sur les oreilles dans l'occasion 15. »


1 Démocrite était alors le type de philosophe qui rit . http://fr.wikipedia.org/wiki/D%C3%A9mocrite

2 Les Philosophes de Palissot ; voir lettre du 25 avril à Mme d'Epinay : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2009/04/25/l...

et du 19 mai : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2011/05/09/c...

3 Gauchat ; voir lettre du 9 juillet 1760 à d'Alembert : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2009/07/09/t...

 

4 Il a entre autres prononcé le réquisitoire contre l'Encyclopédie, devant le Parlement, ayant entrainé sa suspension .

5 Tous sont évidemment de V* ; voir billet du 19 mai ci-dessus ; signés de noms de fantaisie ou d'initiales . Le « cocher de Vertamont » était un compositeur de chansons populaires nommé Estienne . Pierre-Honoré Robbé de Beauveset était un auteur d’œuvres badines .

http://fr.wikipedia.org/wiki/Pierre_Honor%C3%A9_Robb%C3%A...

6 Début de l’Épître à d'Alembert, sur ce qu'on avait défendu l'Encyclopédie et brûlé ses ouvrages en France, de Frédéric, datée de février 1760.

Page 258 : http://visualiseur.bnf.fr/CadresFenetre?O=NUMM-201483&...

8 Silhouette, après le traité d'Aix-la-Chapelle, avait été un des trois commissaires chargés de fixer avec l'Angleterre les limites des possessions françaises et anglaises en Acadie, mal définies par le traité d'Utrecht .

9 Voir lettre à Frédéric II du 21 avril : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2010/04/20/l...

10 Allusion aux remontrances que fait le Parlement au roi ; V* considère le rire comme l'arme la plus efficace, voir le post-scriptum et aussi le billet du 19 mai déjà cité .

11 Le texte de la lettre de Frédéric du 1er mai porte « maculée » ; les éditeurs des œuvres de Frédéric, Koser et Droysen qui avaient le manuscrit ne signalent que la transformation de « maculée » en « immaculée » par une autre main .

Lettre du 1er mai 1760 : page 397 et précédentes : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k80034x/f402.image.r...

12 Référence aux Pourquoi, réponse aux ridicules Quand de M. le comte de Tornet, 1760 .

13 V* dispose en principe de tous les droits seigneuriaux .

14 Un an auparavant il a obtenu d'eux le brevet des droits seigneuriaux sur Ferney ; il vient de servir d'intermédiaire entre le gouvernement et Frédéric pour des pourparlers secrets de paix ; Mme de Pompadour lui a permis de lui envoyer Tancrède .

15 Ces termes se retrouvent dans le même post scriptum de la veille à Thibouville . Voir page 407 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k80034x/f412.image.r...

 

 

22/05/2011

il est à croire encore que s'il réfléchit sur son procédé il en aura quelque regret

 

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Et ma préférée :  Regrets d'une punaise (de sacristie, bien évidemment ! )   :  http://www.deezer.com/listen-229860

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Qui va prier pour Dirty Silly Keutard ?

 

 

 

 

« A Charles-Georges Leroy 1

 

20 mai 1772

 

Dans les Questions sur l'Encyclopédie dont il y a quatre éditions on trouve ces mots à l'article Homme, tome 7, page 91 :

Pour connaître l'homme qu'on appelle moral il faut lire l'article de M. Leroy .

 

On trouve page 95, même tome, même article 2:

Il est un peu extraordinaire qu'on ait harcelé, honni, levraudé un philosophe de nos jours très estimable pour avoir dit que si les hommes n'avaient pas de mains ils n'auraient pu bâtir des maisons et travailler en tapisserie 3.

 

Dans quatre ou cinq endroits l'auteur a pris très vivement le parti de M. Helvétius 4, et il a été le seul qui ait eu le courage de condamner la persécution qu'il essuya 5. Le même auteur a fait plus d'une fois l'éloge de M. Leroy .

 

Pour récompense M. Leroy fait un libelle contre lui 6 et l'accuse d'être flatteur des gens en place et ingrat envers son bienfaiteur 7. Cependant celui que M. Leroy outrage si cruellement est le seul qui ait donné des marques publiques de sa reconnaissance inviolable pour le seigneur généreux 8 dont M. Leroy entend parler . Il est à croire que si M. Leroy avait été mieux informé il n'aurait point fait cet outrage à un homme dont il n'avait qu'à se louer ; et il est à croire encore que s'il réfléchit sur son procédé il en aura quelque regret . »


2 V* supprimera ces références à Leroy dans les éditions suivantes des Questions . Voir page 373 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k4113355/f376.tableDesMatieres

3 Citation exacte .

4 Dans l'article « Homme » 1771, et les articles « pourquoi » et « Quisquis » de 1772 des Questions sur l'encyclopédie, V* condamne les persécutions dont a été victime Helvétius et dit son estime pour lui , bien que formulant certaines critiques sur son ouvrage De l'esprit, comme le lui reprochait Leroy, dans l'article « homme » et plus encore dans l'article « quisquis ».

Voir page 181 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k800160/f187.tableDesMatieres

et page 226 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k800160/f232.tableDesMatieres

7 Le duc de Choiseul .

8 V* fait sans doute allusion à son Épître à la duchesse de Choiseul: Benalkadi à Caramouflée et à certains passages de la brochure Les Peuples aux Parlements , voir lettre à Richelieu du 3 juin 1771 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2009/06/03/s...

Sur l'attitude de V* envers Choiseul disgracié, voir lettres aux d'Argental, Mme du Deffand, de La Ponce, etc. depuis janvier 1771.

 

 

21/05/2011

je vous donne sur ce qui me reste de corps le même pouvoir que vous avez sur ce qui me reste d'âme

Je pense que Volti aurait pu vous l'écrire , Mam'zelle Wagnière : "mon cœur est à vous, Madame, comme si j'avais vingt-cinq ans, et le tout avec un très sincère respect" ; en tout cas , il me fait son heureux messager aujourd'hui .

Et kitchissime illustration chantée :   http://www.deezer.com/listen-6745284

Ou muette, ce qui me semble plus parlant  :     http://www.deezer.com/listen-6776638

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« A Suzanne Necker

 

Ma juste modestie, Madame, et ma raison me faisaient croire d'abord que l'idée d'une statue était une bonne plaisanterie ; mais puisque la chose est sérieuse, souffrez aussi que je vous parle sérieusement 1.

 

J'ai soixante et seize ans, et je sors à peine d'une grande maladie qui a traité fort mal mon corps et mon âme pendant six semaines . M. Pigalle doit, dit-on, venir modeler mon visage . Mais , Madame, il faudrait que j'eusse un visage, on en devinerait à peine la place ; mes yeux sont enfoncés de trois pouces ; mes joues sont du vieux parchemin mal collé sur des os qui ne tiennent à rien . Le peu de dents que j'avais est parti . Ce que je vous dis là n'est point coquetterie, c'est la pure vérité . On n'a jamais sculpté un pauvre homme dans cet état . M. Pigalle croirait qu'on s'est moqué de lui, et pour moi j'ai tant d'amour propre que je n'oserais jamais paraître en sa présence . Je lui conseillerais, s'il veut mettre à fin cette étrange aventure, de prendre à peu près son modèle sur la petite figure en porcelaine de Sèvres 2. Qu'importe, après tout, à la postérité qu'un bloc de marbre ressemble à un tel homme ou à un autre . Je me tiens très philosophe sur cette affaire . Mais comme je suis encore plus reconnaissant que philosophe, je vous donne sur ce qui me reste de corps le même pouvoir que vous avez sur ce qui me reste d'âme . L'un et l'autre sont fort en désordre, mais mon cœur est à vous, Madame, comme si j'avais vingt-cinq ans, et le tout avec un très sincère respect.

 

Mes obéissances, je vous en supplie, à Monsieur Necker .

 

21è mai 1770, à Ferney »

 

1 On disait que le projet de faire exécuter la statue de V* par Pigalle était né dans le salon littéraire de Suzanne Necker, femme du banquier.

2 De 1767 .

20/05/2011

Elle démontre au roi que vous êtes un sujet fidèle, et à l'Eglise que vous êtes un homme très religieux

Rédigé le 1er juin 2011, pour édition le 20 mai 2011.

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« A Jean-François Marmontel

de l'Académie française

[vers le 20 mai 1767]

 

Mon cher ami, mon cher confrère, je viens de lire l 'Indiculum ridiculum 1. Vous devez aller remercier la Sorbonne en cérémonie . Elle a rassssemblé les pensées d'un grand écrivain et d'un grand citoyen . Elle démontre au roi que vous êtes un sujet fidèle, et à l'Eglise que vous êtes un homme très religieux . Il était impossible de travailler plus heureusement à votre justification et à votre gloire .

 

Votre ancien ami qui vous embrasse .

 

V. »


1 Indiculus propositionum ...: liste des propositions du Bélisaire de Marmontel condamnées par la Sorbonne . http://books.google.com/books?id=yEQGAAAAQAAJ&printse...

 

nos idées ne dépendent pas plus de nous que notre digestion

 

Pour rompre mon sevrage jazzy :  http://www.deezer.com/listen-9909701

 De Rock, itou :  http://www.deezer.com/listen-4993154

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The four feathers, pour Volti qui en usa bien davantage (des plumes ! ) :   http://www.deezer.com/listen-2243591

 

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« A Théodore Tronchin

 

Lundi soir 20è mai 1765

 

Mon cher Esculape, vous êtes entouré de vos dévots et dévotes qui accourent dans votre temple d'Epidaure . Je mêle mes vœux aux leurs, mais je vous importune le moins que je peux . Je souffre sans me plaindre toutes les misères attachées à la décadence de mon âge, et à la faiblesse de ma constitution . La résignation vaut mieux que la prière .

 

Mme la duchesse d'Anville arrive . Je vous supplie de lui présenter ma lettre, et de faire valoir auprès d'elle tous les sentiments d'attachement et de respect que je lui conserverai tant que je serai en vie . Mon extrême faiblesse ne me permet pas d’aller à Genève . Si je pouvais y aller, ce serait assurément pour elle et pour vous .

 

Tachez d'avoir le temps de m'instruire en deux mots si Mme la duchesse de Châtillon vient dans votre temple . Toute ma petite famille vous encense avec moi, mon cher Esculape.

 

V.

 

J'apprends dans le moment, qu'un homme qui était chargé de deux grands ministères,1 va les quitter 2. Il restera toujours très grand seigneur . Je vous demande en grâce de me dire si vous croyez cette nouvelle . Je vous garderai le secret .

 

Il vient de m'arriver quelque chose de fort plaisant . Je vous ai écrit mon billet à plusieurs reprises . Je venais de me promener au soleil, la tête m'a tourné , j'ai été une demi-heure sans savoir ce que je faisais . Je me suis fait vomir un peu, j'avais pris de la casse le matin . Je me suis trouvé sans idée . J'ai voulu achever le dernier article de ma lettre et je n'ai pu en venir à bout . Mon pouls était fort élevé, j'avais une petite sueur, et ma vue était fort affaiblie .

 

Remarquez bien l'endroit de ma lettre que j'ai souligné ; j'avais mis deux mots qui ne signi[fi]aient rien du tout c'était Énolph, alnorph . Je voulais absolument continuer ma phrase, et je n'en pouvais venir à bout . J'ai pris le parti de me mettre dans mon lit, j'ai bu quelques gouttes d'eau fraiche . Enfin je suis revenu à moi, et j'ai été fort étonné de mon Énolph alnorph . Je l'ai fait effacer proprement, et j'ai mis quelque chose de raisonnable à la place ; mais ça n'a pas été sans peine . Cela me fait voir combien l'homme est peu de chose et que nos idées ne dépendent pas plus de nous que notre digestion . Mais il y a longtemps que j'en était convaincu .

 

Crescere sentimus pariterque senescer mentem. 3»


1 Expression soulignée dans le manuscrit, écrite sur des mots effacés ; voir fin de la lettre .

2 Le duc de Choiseul que la comtesse d'Esparbès de Lussan, qui voulait remplacer Mme de Pompadour, essaya en vain de faire disgrâcier .

3 Nous sentons bien que l'esprit croit avec le corps et partage sa vieillesse .