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12/05/2011

cela n'empêche pas que je ne trouve toujours l'âme immortelle placée entre deux trous prodigieusement ridicules

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L_Ame_Immortelle_5.jpg

 

 

 

« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

 

12 mai 1776

 

L'un de mes anges m'a écrit une lettre toute pleine de raison, d'esprit, de bonté, et de choses charmantes ; cela n'empêche pas que je ne trouve toujours l'âme immortelle placée entre deux trous prodigieusement ridicules .

 

Il s'en faut de beaucoup que le petit ex-jésuite ait négligé ses marauds du Triumvirat ; mais il pense que vos belles dames, qui ont dans Paris toutes les réputations, ne seront nullement touchées de ces gens de sac et de corde . Il a cru se tirer d'affaire par des notes historiques, et par une histoire de toutes les proscriptions de ce monde, qui fait dresser les cheveux à la tête . Il prétend, dans ses notes, que la conspiration de Cinna n'a jamais existé, que cette aventure est supposée par Sénèque, et qu'il l'inventa pour en faire un sujet de déclamation . C'est un objet de critique pour quelques pédants, mais dont le public ne se soucie guère . Il reste donc persuadé qu'il ne trouvera point de libraire qui veuille donner cent écus de cette guenille, attendu que La Harpe n'en a pas pu trouver cinquante de son beau Gustave Vasa . L'ex-jésuite vous enverra bientôt ses roués et ses notes pédantesques . Il souhaite d'ailleurs passionnément que Mlle Dubois se forme et que M. de Chabanon lui donne un beau rôle ; mais il ne sait pas où est M. de Chabanon ; il devait retourner à Paris au commencement du mois ; nous lui avons souhaité bon voyage, et depuis ce temps nous n'avons plus de ses nouvelles.

 

A l'égard de la comédie de Genève, c'est une pièce compliquée et froide qui commence à m'ennuyer beaucoup . J'ai été pendant quelque temps avocat consultant ; j'ai toujours conseillé aux Genevois d'être plus gais qu'ils ne sont, d'avoir chez eux la comédie , et de savoir être heureux avec quatre millions de revenu qu'ils ont sur la France . L'esprit de contumace est dans cette famille . Les Natifs disent que je prends le parti des bourgeois ; les bourgeois craignent que je ne prenne le parti des Natifs . Les Natifs et les bourgeois prétendent que j'ai eu trop de déférence pour le conseil . Le conseil dit que j'ai eu trop d'amitié pour les natifs et les bourgeois . Les bourgeois, les natifs et le conseil ne savent ni ce qu'ils veulent , ni ce qu'ils font, ni ce qu'ils disent . Les médiateurs ne savent encore où ils en sont ; mais j'ai cru m'apercevoir qu'ils étaient fâchés qu'on fut venu me demander mon avis à la campagne . J'ai donc déclaré aux conseil, bourgeois, et natifs, que n'étant point marguillier de leur paroisse, il ne me convenait pas de me mêler de leurs affaires, et que j'avais assez des miennes . Je leur ai donné un bel exemple de pacification, en m'accommodant pour mes dîmes avec mon curé, et finissant d'un trait de plume, à l'aide de quelques louis d'or, des chicanes de cent années .

 

Peut-être que M. le duc de Praslin parle quelquefois avec M. le duc de Choiseul des tracasseries genevoise . En ce cas, je le supplie de vouloir bien me recommander ou me faire recommander à M. le chevalier de Beauteville . J'attends cette grâce de vous, mes divins anges ; car non seulement plusieurs morceaux de mes petites terres sont enclavées dans le petit territoire de la parvulissime république, mais j'ai tous les jours de petits droits à discuter avec elle ; car vous noterez qu'elle n'a guère plus de terrain en France que je n'en ai . Chose étonnante que la liberté ! il y a vingt villes en France beaucoup plus peuplées que Genève ; qu'il y ait un peu de dissension dans une de ces vingt villes, on envoie des archers ; qu'il y ait une petite dissension à Genève, on y envoie des ambassadeurs.

 

Vous ferez, mes anges, une très belle et bonne action, non seulement de recommander mes petits intérêts à M. de Beauteville, mais surtout l'engager à garder pour lui ce droit négatif dont nous avons tant parlé. C'est une manière si naturelle et si honnête d'être maître de Genève sans le paraitre ; ce tempérament est si convenable ; il sera si utile de disposer de Genève dans les guerres qu'on peut avoir en Italie, qu'il ne faut pas assurément manquer cette précaution ; vous y êtes même intéressé comme Parmesan ; vous êtes puissance d'Italie . Henri IV vous a ôté le marquisat de Saluces, que vous auriez bien par la suite perdu sans lui ; ne manquez pas l'occasion de vous assurer un jour de Genève . La Corse dont vous vous êtes mêlés vous était bien moins nécessaire . Il me semble que M. le duc de Praslin approuvait cette idée ; il la fera goûter sans doute à M. le duc de Choiseul . C’est une négociation dont il faut que vous ayez tout l'honneur ; la maison de Parme en aura peut-être un jour tout l'avantage .

 

L’Encyclopédie me parait un peu vexée à Paris ; je crois que c'est une sage précaution du ministère, qui ne veut pas donner de prise à messieurs du clergé . Il y a dans ce livre d'excellents articles qu'il serait bien triste de perdre . L’ouvrage est en général un coup de massue porté au fanatisme . L'ex-jésuite lui porte quelquefois des coups de stylet ; il faut attaquer ce monstre de tous les côtés et avec toutes les armes . Ne craignons point de répéter ce qu'il est nécessaire de savoir ; il y a des choses qu'il faut river, dans la tête des hommes, à coups redoublés . Je ne m'en mêle pas, comme vous le croyez bien, mais j'apprends, avec une grande consolation, que plusieurs avocats travaillent à ce procès ; vous n'en serez pas fâché, vous qui êtes au rang des meilleurs juges .

 

Je me mets au bout de vos ailes avec mon culte ordinaire . »

11/05/2011

mon dégoût pour tout ce qui n'est que vanité, faux air, affectation de protéger, plaisir secret d’humilier et de nuire, orgueil et mauvaise foi

Je pense que tout est résumé par cette image !

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VANITé.jpg

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« A Jean Le Rond d'Alembert

 

19è mai 1773

 

S'il i est coupable de la petite infamie dont vous me parlez ii, j'avoue que je suis une grande dupe, mais vous qui parlez l'auriez été tout comme moi . Si vous saviez tout ce qui s'est passé, vous seriez bien étonné . Un jeune homme n'a jamais été trahi plus indignement par sa maîtresse iii. On dit que c'est l'usage du pays iv. Comme il y a environ trente ans que j'y ai renoncé, il m'est pardonnable d'en avoir oublié la langue . Je devais me souvenir que dans ce jargon je vous aime signifiait je vous hais, et que je vous servirai voulait dire positivement je vous perdrai .

 

Il se peut encore que l'on ait été choqué des conseils qui au fond ne sont que des reproches v.

 

Il se peut aussi qu'un certain histrion ait fait ce qu'on impute à un autre, car il y a bien des histrions . Quand on est à cent lieues de Paris, il est difficile de prévoir et de parer les effets des petites cabales, des petites intrigues, des petites méchancetés qu'on y ourdit sans cesse pour s'amuser .

 

Le seul fruit que je tirerai de ma duperie sera de n'avoir plus aucune espérance ; mais on dit que c'est le sort des damnés vi.

 

Il faut, mon cher philosophe, que je me sois trompé en tout, car j'ai cru que ces conseils assez délicatement apprêtés auraient dû vous plaire vii, attendu qu'un conseil qui n'a pas été suivi est un reproche, et que c'était au fond lui dire à lui-même ce que vous dites de lui .

 

Je dois vous faire à vous-même un reproche que vous méritez, c'est que vous traitez de déserteur le martyr de la philosophie viii. Bertrand doit employer Raton ix, mais il ne faut pas qu'il lui morde les doigts .

 

Au bout du compte, je suis sensible, et je vous avouerai que la perfidie dont vous m'instruisez m'afflige beaucoup, parce qu'elle tient à des choses que je suis obligé de taire, et qui pèsent sur le cœur .

 

Je m'aperçois que ma lettre est une énigme ; mais vous en déchiffrerez la plus grande partie . Soyez bien sûr que le mot de l'énigme est mon sincère attachement pour vous, et mon dégoût pour tout ce qui n'est que vanité, faux air, affectation de protéger, plaisir secret d’humilier et de nuire, orgueil et mauvaise foi . Je vois qu'actuellement nous ne devons être contents ni des Esclavons x ni des Welches, et qu'il faut donc se rejeter du côté des Ibères . J’écrirai donc en Ibérie xi, mais ce que j'ai de mieux à faire, c'est de m'arranger pour l'autre monde, et de ne pas laisser périr ma colonie quand il faudra la quitter .

 

Jugez de toutes mes tribulations par celle que je vais vous confier, qui est assurément la plus petite de toutes.

 

Ma colonie avait fourni des montres garnies de diamants pour le mariage de M. le Dauphin . Elles n'ont point été payées, et cela retombe sur moi . Il me parait qu'en Espagne on est plus généreux . Ce que j'éprouve des beaux messieurs de Paris en ce genre est inconcevable . Ces beaux messieurs ont bien raison de détester la philosophie qui les condamne et qui les méprise .

 

Adieu, je ne vous dis pas la vingtième partie des choses que je voudrais vous dire . Mais encore une fois, que Bertrand ne gronde point Raton . Que Bertrand au contraire encourage Raton à s'endurcir les pattes sur la cendre chaude . Que plusieurs Bertrands et plusieurs Ratons fassent un petit bataillon carré bien serré et bien uni . »

 

 

i Le duc de Richelieu .

ii Le 14 mai, d'Alembert écrit : « Votre Childebrand ... a demandé à Lekain ... une liste de douze tragédies pour être jouées aux fêtes de la cour à Fontainebleau .... » ; voir : page 197 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k800416/f202.image.r...

iii Ce 19 mai, V* écrit à Mme de La Tour du Pin de Saint-Julien en lui demandant d'intervenir auprès de Richelieu : « M. le maréchal de Richelieu votre ami ... m'accable d'abord de bontés au sujet des Lois de Minos ...» ; voir page 200 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k800416/f205.image.r...

iv C'est à dire de la cour .

v Dans l’Épître dédicatoire des Lois de Minos, V* demandait à Richelieu de protéger « la véritable philosophie » ; voir lettre à d'Alembert du 27 mars 1773 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2009/03/27/m...

vi Référence à l'Enfer de Dante.

vii Voir la lettre du 27 mars .

viii V* s'applique sans doute cet élément de la conclusion de d'Alembert dans la lettre du 14 mai : « Faudra-t-il donc que la philosophie dise à la personne dont elle se croyait aimée : « tu quoque, Brute ? » ; d'Alembert reprochait aussi à V* d'avoir dédié sa tragédie à Richelieu .

ix Voir lettres à d'Alembert du 1er janvier 1773 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2009/01/02/j...

et 4 janvier 1773 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2009/01/04/c...

sur l'origine de ces surnoms .

x Esclavons ou Slavons = Russes . D’Alembert lui avait écrit à propos de Catherine II : « Plus je relis l'extrait que vous m’avez envoyé de la lettre de Pétersbourg, plus j'en suis affligé . Il était si facile à cette personne de faire une réponse honnête, satisfaisante, et flatteuse pour la philosophie, sans se compromettre en aucune manière, et sans accorder ce qu'on lui demandait [la libération des prisonniers français capturés par les Russes en Pologne], comme j'imagine aisément que les circonstances peuvent l'en empêcher. » ; voir lettre à d'Alembert du 4 janvier.

xi Au duc d'Albe, comme le lui avait conseillé d'Alembert qui avait précisé que celui-ci avait envoyé 20 louis pour sa statue et qu'il était un « amateur éclairé des lettres et de la philosophie » qui aurait mieux mérité que Richelieu la dédicace des Lois de Minos. De plus il disait que V* ferait bien de mettre un mot flatteur pour l'infant don Gabriel «  fort instruit et passionné pour toutes les lettres (qui) ont grand besoin de trouver quelques princes qui les aiment ... »

10/05/2011

il serait trop ridicule que l’éternel architecte changeât et rechangeât continuellement les petits évènements de notre petit globule ; il ne s'occupe ni de nos souris, ni de nos chats, ni de nos jésuites

 

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« A Claude-Philippe Fyot de La Marche

 

Aux Délices 19è mai 1762

 

J'ai été sur le point, Monsieur, d'aller voir le Pierre que je commente i; car pour le Pierre aux filets et aux deux clefs, il n'y a pas d'apparence que je lui fasse jamais ma cour . J'aime bien mieux celui qui a si bien peint les Romains que celui au nom duquel un prêtre est le maitre de Rome .

 

Je suis encore très faible ; M. Tronchin prétend qu'il me tirera d'affaire ; je le veux croire, car je serais très embarrassé si je mourais avant d'avoir fini mon ouvrage .

 

J'ai reçu vos nouvelles bontés ; je n'ai que des remerciements à vous faire, à vous, Monsieur, et à vos artistes . Les Cramer ii ajoutent à mes remerciements une petite prière ; c'est que votre dessinateur iii et votre graveur aient la bonté de se conformer aux dimensions qu'on a dû leur faire parvenir par la voie d'un libraire de Dijon . Je trouve les dessins fort beaux,et surtout celui de Sophonisbe m'a beaucoup plu . Mais encore une fois, ne vous privez pas de vos plaisirs pour les miens . Je me contenterai bien d'être honoré de six estampes iv, que je devrai à votre complaisance et à votre amitié .

 

Je doute fort que Dieu se mêle des jésuites v, attendu qu'ils ne se sont jamais mêlés de lui, et que s'il se mêlait de pareilles affaires, il nous délivrerai de tous les moines vi; d'ailleurs, la providence bien particulière est, entre nous, une chimère absurde ; la chaîne des événements est immense , éternelle . Les acceptions de personnes, les faveurs , les disgrâces particulières ne sont pas faites de globes qui roulent les uns autour des autres par des lois générales , il serait trop ridicule que l’éternel architecte changeât et rechangeât continuellement les petits évènements de notre petit globule ; il ne s'occupe ni de nos souris, ni de nos chats, ni de nos jésuites, ni de nos flottes, ni même des tracasseries de votre parlement . Vous me feriez grand plaisir de me mander si vous espérez qu'elles finiront vii.

 

Je me flatte que M. Tronchin aura fini de rapetasser ma détestable machine quand il faudra venir vous faire ma cour au mois de juillet ; mais si les lois éternelles de ce monde dérangent toujours ma poitrine et mes entrailles, si je ne peux me transplanter, vous ne feriez pas mal de passer par Ferney en allant à Lyon . J'ai un des plus jolis théâtres, d'assez bons acteurs, et une mauvaise pièce nouvelle, qui forme, toute mauvaise qu'elle est, le spectacle le plus pittoresque, et le plus beau que vous ayez jamais vu viii. Bouchez-vous les oreilles, si vous voulez, mais ouvrez les yeux, et vous aurez beaucoup de plaisir ix. Il y a même par-ci, par-là des morceaux qui ne vous déplairont pas ; j'espère encore venir à La Marche, et de là vous conduire à Ferney ; laissez-moi me bercer de mes chimères ; qu'avons-nous autre chose de bon dans cette vie ?

 

Mon cher et illustre magistrat, je vous respecte et je vous aime bien tendrement.

 

V. »

 

i Pierre Corneille.

ii Éditeurs à Genève de ses Commentaires sur Pierre Corneille.

iii François de Vosges .

iv Il arrive à V* de dire qu'il ne tient pas particulièrement à ce que ses livres soient ornés d’estampes ; cf. lettre à Panckoucke du 12 janvier 1778 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2011/01/07/quand-il-s-agira-de-travailler-pour-vous-faire-plaisir-rien1.html

v Lettres du 31 mai 1761 à Damilaville et Thieriot : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2009/05/30/il-faut-defendre-les-vivants-et-les-morts-contre-les-gens-d.html

et 2 novembre 1761 à Bianchi : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2010/11/01/j-ai-commence-par-admirer-avant-de-travailler.html

Il y est fait rappel de la banqueroute du père La Valette, du procès perdu par la Compagnie de Jésus, la condamnation de certains livres des jésuites et l'arrêt du 6 août 1761 leur interdisant d'enseigner . On examina leurs Constitutions . On prononça la fermeture de leurs collèges, à Rouen, à Rennes, à Paris en février-mars 1762 ; le 6 août 1762, le parlement de Paris prononcera la dissolution de la Compagnie à Paris comme l'avait fait celui de Rouen dans son secteur . Un édit prononcera en novembre 1764 la dissolution de la Compagnie dans toute la France .

vi Il écrit à d'Argence : « quatre-vingt mille autres moines » « qui sont perdus pour l’État et qui en dévorent la substance » , et à La Chalotais qu'il félicite pour le réquisitoire contre les jésuites prononcé à Rennes.

vii Le parlement refuse de juger « pour faire dépit au roi » ; voir lettre du 25 mars : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2009/03/25/il-est-bon-d-egayer-les-affliges.html

viii Il a « fait venir Lekain à Ferney » pour « connaitre (s)on ouvrage, écrit-il à Collini le 23 avril ; il a « vu l'effet de la pièce . C'est un très beau coup d’œil ... Mais (il a) senti à la représentation qu'il manquait beaucoup de nuances à ce tableau ». Voir page 36 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k80036m/f41.image.r=.langFR

Voir la lettre aux d'Argental du 8 mars 1762 sur le théâtre de Ferney et sur la mise en scène : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2010/03/08/1.html

et la signification de Cassandre-Olympie, dans la lettre du 22 février 1762 aux mêmes : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2009/02/22/voila-bien-du-bruit.html

ix A Thibouville, le 25 février 1762, il écrit que c'est une pièce « qui est toute d'appareil et de spectacle » «  et qui d'ailleurs n'est guère du ton ordinaire » ; voir page 8 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k80036m/f13.image.r=.langFR

 

09/05/2011

Ce monde est une guerre , celui qui rit aux dépens des autres est le victorieux

 

http://www.wat.tv/video/barbara-perlimpinpin-live-wv38_2gh7d_.html

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 Amour victorieux !

 

 

« A Louise-Florence-Pétronille de Tardieu d'Esclavelles d'Epinay

 

19 mai [1760]

 

Ma belle philosophe, ces qui et ces quoi, qu'on m'envoie i m'ont amusé . Il faut rire de tout ii; il n'y a que ce parti là de bon . On parle des si, des mais, et des pourquoi iii. Il faut que quelque bonne âme fasse les comment .

 

La comédie contre les philosophes iv a donc réussi . Eh bien ! ils en seront plus philosophes . Qu'est-ce qu'une comédie intitulée Le Caffé v, et une Relation du voyage de frère Garassise vi?

 

Où est ma belle philosophe ? Où est le prophète vii?

 

Mille tendres respects . »


i   Les Qui et les Quoi sont de V* ; comme les Pour et les Que, les Oui et les Non, les Car et les Ah Ah, ils font suite aux Quand et sont toujours dirigés contre Lefranc de Pompignan .                                                                             Voir : http://www.monsieurdevoltaire.com/article-36337238.html

Pour les Quand, voir lettre du 25 avril : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2009/04/25/les-sottises-de-paris-elles-me-paraissent-se-multiplier-tous.html#more

et les billets à Cramer des 25 mars : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2010/03/27/la-lettre-a-laquelle-je-reponds-est-d-un-cuistre-de-ministre.html#more

et 1er avril : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2011/04/02/i...

Voir : http://www.voltaire-integral.com/Html/24/19_Les_Quand.html

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k80022x/f91.image

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k80022x/f184.tableDesMatieres

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k80022x/f186.tableDesMatieres

ii  Ce même jour, à Thieriot : « Je conseille à tous (les philosophes) ... de se moquer de leurs ennemis . Ce monde est une guerre , celui qui rit aux dépens des autres est le victorieux. »

iv   Les Philosophes, de Palissot, jouée le 2 mai ; voir lettre du 25 avril.

v  Le Caffé ou L'Ecossaise, de V*, dirigée contre Fréron ; voir billet à Cramer du 12 mars : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2010/03/10/1.html#more

vi  La Relation du voyage de frère Garassise, neveu de frère Garasse, successeur de frère Berthier, de V*. Page 31 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k80022x/f36.tableDes...

vii  Melchior Grimm, auteur du Petit prophète de Boemischbroda, 1753.

 

 

 

08/05/2011

Donnons la pièce incognito . Jouissons une fois de ce plaisir ; il est très amusant

 

Commencer par un Te deum :

http://www.youtube.com/watch?v=i23i0IS8m6U&feature=related

 http://www.youtube.com/watch?v=3O5ov3ABAAI&feature=related

http://www.youtube.com/watch?v=Z9SrQbNnr9w&feature=related

http://www.youtube.com/watch?v=rUPHqkloOnY&feature=related

http://www.youtube.com/watch?v=qUsPlHNPoYA&feature=related

 

Tout comme le Tancrède de Volti, j'ai commencé mon errance en ce monde un 22 avril, jour de neige, et vous vous doutez bien que n'étant pas Highlander, ce ne fût pas en 1759 de l'ère chrétienne . Là s'arrête le point commun, mon père ne se nommant pas François-Marie, non plus que ma mère Marie-Louise .

Quoique, quoique !

Tout bien réfléchi, certains jours (rares !) le terme de « vieux fou » peut aussi me convenir ! Et je ne revendique que le "fou", le "vieux" n'étant pas d'actualité, pour autant que je puisse en juger .

 

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« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

et à

Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d'Argental

 

19 mai 1759

 

C'est aujourd'hui, mon cher ange, le 19 mai, et c'est le 22 avril qu'un vieux fou commença une tragédie, finie hier i. Vous sentez bien , mon divin ange, qu'elle est finie et qu'elle n'est pas faite, et que mes maçons, mes bœufs, mes moutons et les loups nommés fermiers-généraux contre lesquels je combats, et deux ou trois procès ii qui m'amusent, et des correspondants nécessaires ne me permettront pas de vous envoyer mon griffonnage l'ordinaire prochain iii. Mon cher ange, je vous avais bien dit que la liberté et l'honneur rendus à la scène française iv échauffaient ma vieille cervelle . Ce que vous verrez ne ressemble à rien et peut-être ne vaut rien . Mme Denis et moi-même nous avons pleuré . Mais nous sommes trop proches parents de la pièce, et il ne faut pas croire à nos larmes . Il faut faire pleurer mes anges, et leur faire battre des ailes . Vous aurez sur le théâtre des drapeaux portés en triomphe, des armes suspendues à des colonnes, des processions de guerriers, une pauvre fille excessivement tendre et résolue et encore plus malheureuse, le plus grand des hommes et le plus infortuné, un père au désespoir ; le 5è acte commence par un Te Deum et finit par un De Profundis . Il n'y a eu jamais sur aucun théâtre aucun personnage dans le goût de ceux que j'introduis, et cependant ils existent dans l’histoire, et leurs mœurs sont peintes avec vérité . Voila mon énigme ; n'en devinez pas le mot, et si vous le devinez , gardez moi le secret le plus inviolable . Conspirons, mais ne nous décelons pas . Donnons la pièce incognito . Jouissons une fois de ce plaisir ; il est très amusant, et d'ailleurs je crois le secret nécessaire . La mesure des vers v est aussi neuve au théâtre que le sujet . Mme Denis n'en a point été choquée ; au quatrième vers , elle s'y est accoutumée . Elle a trouvé ce genre plus naturel que l'ancien et quelquefois plus convenable au pathétique . Il met le comédien plus à son aise, j'entends le bon comédien . Avec tout cela nous pouvons être sifflés et il faut tâcher de ne l'être pas sous mon nom.

 

Gardez-vous bien d'être aussi empressé de faire voir mon monstre que je l'ai été à le former . Silence, anges, ou point de pièce .

 

Et ce n'est pas assez du silence, il faut jurer comme saint Pierre que vous ne me connaissez pas vi.

 

N b que dans notre petite drôlerie, nous n'avons ni rois, ni reines , ni princes, ni princesses, ni même gouverneur de toute la province, comme dit P. Corneille vii, et c'est encore un agrément .

 

Voyez, ô anges, quel pouvoir vous avez sur un Suisse .

 

V. »

 

 

ii Concernant ses terres .

iii Il l'enverra le 28 mai .

iv Désormais les spectateurs ne sont plus admis sur la scène ; voir lettre du 6 avril : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2011/04/05/est-ce-l-infame-amour-propre-dont-on-ne-se-defait-jamais-bie.html

v En réalité la disposition des rimes : il y a des rimes croisées . En leur envoyant la pièce V* dit qu'il « a changé la mesure afin que ce maudit public ne me reconnût pas à ce qu'on appelle mon style » . Il propose de « faire donner (la pièce) par Lekain ou par M. de Lauraguais comme l'ouvrage d'un jeune inconnu » ; page 252 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k80034x/f257.image.r=.langFR

vii Polyeucte . http://www.dr-belair.com/Languages/French/Corneille/Polyeucte.htm

 

Dédicace aux tyrans : finir par un De profundis ; oui, mais pas n'importe lequel !

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07/05/2011

Vous avez gouverné environ vingt mois . Ces vingt mois seront une époque éternelle

 

Je ne sais à qui je pourrais dédier cette phrase ; pourtant il y a l'embarras du choix si l'on met  une connotation négative à "époque éternelle" . C'est vrai que les prises de pouvoir de certains ministres/présidents peuvent sembler n'avoir pas de terme assez rapproché tant elles déçoivent ( et ce n'est ici qu'un euphémisme ! ), et alors 20 mois sont plus longs que 20 siècles . 

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« A Anne-Robert-Jacques Turgot

 

Monseigneur,

 

Quand vous eûtes la plume de Rosny i, je vous dis que vous seriez toujours Monseigneur ; vous le serez toujours et aujourd'hui plus que jamais ii.

 

Je ne sais pas ce qui se passe ailleurs, mais M. de Trudaine est témoin qu'à Genève, en Suisse, en Franche-Comté, sur toute la route de Lyon chacun croit avoir perdu son père . On me mande qu'il en est ainsi dans toutes les provinces iii.

 

Vous avez gouverné environ vingt mois . Ces vingt mois seront une époque éternelle .

 

C'est tout ce que peut vous dire un vieillard de quatre-vingt-trois ans qui n'a plus qu'à mourir ...

 

V.

 

A Ferney 18 juin [1776] »

 

i C'est-à-dire : quand vous devîntes le successeur et continuateur de Sully, baron de Rosny ; dans le texte imprimé des Œuvres de Turgot on trouve : "la plume du Roi ".

ii Turgot a dû démissionner le 11 mai . V* lui enverra le 17 juin son Épître à un homme : « philosophe indulgent, ministre citoyen ... » ; voir Épîtres : http://www.voltaire-integral.com/Html/10/06EP93FI.htm

iii Par contre, Condorcet écrira le 5 juin : « Le spectacle de la gaieté du peuple me serre le cœur. »

06/05/2011

Madame, si on ne peut être le maître de sa destinée, rendez la vôtre heureuse ...réjouissez vous, et n'en convenez point

 

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http://www.deezer.com/listen-7403037

 

 

« A Charlotte-Sophie von Altenbourg, comtesse Bentinck

 

A Gotha 17 mai 1753

 

Belle âme, j'ai porté à Gotha ma figure de trépassé et mon cadavre ambulant . Si j'avais compté faire un voyage de plaisir j'aurais sans douté été chez Mme la duchesse de Zerbst i où j'aurais parlé de vous . Mme la duchesse de Gotha sachant qu'il y avait dans sa ville un pauvre voyageur malade a fait comme vous , Madame, elle a eu pitié de moi . Elle m'a traité comme vous me traiteriez à Kniphausen ii. Je trouve partout des bontés auxquelles je ne m'attendais pas . Mgr l'électeur palatin m'a fait dire qu’il trouvait bon que je vinsse lui faire ma cour . Mme la margrave de Bareuth veut bien que j'aille à Bareuth . Je ne sais pas encore ce que ma mauvaise santé me permettra de faire . On m'avait prédit que le roi de Prusse me ferait mourir de chagrin comme Louis XIV en fit mourir Racine, mais si cela est je veux qu'on mette dans mon épitaphe que vous y avez contribué, et que le regret de vous avoir quittés m'a achevé .

 

Vous croyez que Maupertuis va à Lisbonne, plutôt qu'aux terres australes iii. Je voudrais qu'il eût été couronné roi du pôle antarctique le jour qu'il fit faire à La Beaumelle ces beaux commentaires sur Le Siècle de Louis XIV . Il a fait là vraiment une belle affaire, et tout cela a opéré de jolies tracasseries . Vous faisiez jeter au feu l'ouvrage de La Beaumelle par vos remontrances iv. Maupertuis le faisait recommencer par ses cruelles calomnies . Vous étiez le bon ange de ce malheureux, et Maupertuis le mauvais ange . Voila La Beaumelle à la Bastille v, Maupertuis couvert de ridicule et d'opprobre à la face de toute l'Europe littéraire, moi disgracié je ne sais comment auprès d'un monarque dont j'attendais tout le bonheur de ma vie, et à qui j'avais immolé patrie, emplois, famille et tout ce que j'avais de plus cher au monde . Qui croirait qu'un polisson chassé de Dannemark a fait toute cette besogne ? Voilà comme vont les choses de ce monde . Nous sommes des boules qui roulons au hasard selon qu'une autre boule vient nous frapper . C'est la grande chaine des évènements . Un Genevois vi a fait changer la Russie de face . Un Genevois vii me fait changer de face aussi . Le grand et le petit sont soumis à peu de chose. Madame, Madame, si on ne peut être le maître de sa destinée, rendez la vôtre heureuse afin que la mienne soit un peu moins disgraciée . Trottez de reine en reine, réjouissez vous, et n'en convenez point . Arrangez vos affaires, amusez-vous, dormez , digérez, conservez-moi vos bontés . Je suis à vous partout et toujours, sain ou malade, vif ou mort. »

 

i La princesse d'Anhalt-Zerbst .

ii En juillet, il écrira à la duchesse de Saxe-Gotha qu'on « trouve autant de distraction que de plaisir » dans sa cour, qu'il a commencé à sa demande dans sa belle bibliothèque les Annales de l'Empire, et il semble que « Jeanne » ait « servi d'intermède aux scènes tragiques des Empereurs et des Électeurs ».

iii Référence aux plaisanteries que fait V* aux dépens des théories de Maupertuis . A Koenig, le 17 novembre 1752 : « C'est un homme qui prétend que pour mieux connaitre la nature de l'âme il faut aller aux terres australes disséquer des cerveaux de géants hauts de douze pieds et des hommes velus portant une queue de singe . » ; voir page 21 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k80033k/f25.image.r=.langFR

iv Le 30 avril, à Roques : « Je savais que Mme la comtesse de Bentinck avait obligé deux fois La Beaumelle de jeter dans le feu cet indigne ouvrage ... »

Page 60 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k80033k/f64.image.r=.langFR

v La Beaumelle a été arrêté le 23 avril 1753 et embastillé ; il en sortira six mois plus tard .

vi François Le Fort, né à Genève et auteur de Mémoires que V* utilisera pour son Histoire de l'empire de Russie .

vii La Beaumelle, qui n'était pas né à Genève, mais y avait passé quelques années à la fin de ses études .