30/04/2011
je vous avais d'abord envoyé quelques Pégase par l'hippopotame , mais je n'ai point eu de nouvelle de ce cheval marin
http://www.deezer.com/listen-706573
http://www.deezer.com/listen-7248533
L'Hippopodame de Serge Gainsbourg que je vous recommande : http://www.deezer.com/listen-2542694 avec des paroles qui font oublier toute autre forme de poésie : http://www.paroles-musique.com/paroles-Serge_Gainsbourg-L...
L'hippo est une source de chants et de textes où l'on se pâme : http://www.deezer.com/listen-512514 , http://www.deezer.com/listen-2754039 , http://www.deezer.com/listen-299457 , http://www.deezer.com/listen-7227832 , et pour vous navrer davantage ou finir en beauté (je ne sais pas tous vos goûts ! ) : http://www.deezer.com/listen-5389719 .
Ai-je été assez lourd sur ce sujet ? trop lourd ? Normal ! j'ai l'esprit léger !
« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental
30è avril 1774
Mon cher ange, je vous avais d'abord envoyé quelques Pégase i par l'hippopotame ii, mais je n'ai point eu de nouvelle de ce cheval marin, quoique j'aie caressé son poitrail iii: je n'ai pas même eu de réponse de lui depuis quinze jours . Je ne sais s'il est au fond de la mer . Tous mes Pégase que je lui avais envoyés sont probablement noyés avec lui .
Je suis toujours très malade, et quoique je m'égaye quelquefois à faire de mauvais vers, je n'en souffre pas moins .
Je me suis donné la petite consolation de démasquer dans les notes de Pégase ce scélérat d'abbé Sabatier iv, qui après avoir commenté Spinoza, a l'insolence d'accuser d’irréligion tant d'honnêtes gens, et qui ayant fait des vers que le cocher de Vertamon v aurait été honteux de faire dans un mauvais lieu, ose condamner les libertés innocentes qu'on peut prendre en poésie . Ce petit monstre est, dit-on, le favori de l'évêque Jean-Georges de Pompignan . Il est bon de connaitre ces scélérats d'hypocrites . La littérature est devenue un cloaque que mille gredins remplissent de leurs ordures . Vous conviendrez qu'il vaut mieux à présent faire labourer Pégase que le monter .
Portez-vous bien, mon cher ange, vous et madame d'Argental ; jouissez d'une vie honorée et tranquille, pour moi je me meurs entre mes montagnes .
V. »
i Dialogue de Pégase et du vieillard : http://www.voltaire-integral.com/Html/10/36_Pegase.html
ii Marin, que Beaumarchais appelait dans ses Mémoires « l'animal marin » ou « l'hippopotame » ;
voir lettre à d'Argental du 17 janvier 1774 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2011/01/17/perdre-une-somme-considerable-que-m-le-controleur-general-m.html#more
iii Voir par exemple les lettres à Marin du 7 mars : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2009/03/07/j...
et 21 mars : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2011/03/20/s...
iv Sur l'abbé Sabatier, voir lettres à d'Alembert du 1er janvier 1773 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2009/01/02/j...
et du 19 novembre 1773 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2010/11/22/t...
et la note 112 de M. de Morza (=V*) dans le Dialogue de Pégase .
v Auteur de chansons du pont-neuf . http://littre.reverso.net/dictionnaire-francais/definitio...
En 1774, Charles Collé fit une chanson pour les vingt ans de Louis XVI : voir : http://trac.beaumesdevenise.over-blog.com/article-605006....
et ici, un de ses poèmes coquins : http://www.deezer.com/listen-1394700
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29/04/2011
No milk today ! C'est vache ...
Pour rester en lien avec le monde réel, ce qui est vraiment important .
Dédiés à mon fils, dessinateur, -BuggToxic,- ces clips :
http://www.youtube.com/watch?v=RVA2hY9knls&feature=related
http://www.youtube.com/watch?v=mv0gmz6gcxI&NR=1
http://www.youtube.com/watch?v=2Tny-OWSHPo&NR=1
Tout comme Louis XVI qui écrivit dans son journal de chasse du 14 juillet 1789 : "aujourd'hui : rien ", je me réjouis qu'en ce jour de grand tralala, de grand guignol, de poudre aux yeux, l'Histoire n'écrive que ces mots en date du 29 avril 2011 : "aujourd'hui : rien !"
Pas de lettre datée du 29 avril sous la main, alors j'en mets une en ligne datée du 27 février 1773 à d'Argental :
Et pour les fans de mariages princiers, je recommande ceci , infiniment plus rempli d'esprit , tout comme sa gentille rédactrice Mam'zelle Wagnière :
http://www.monsieurdevoltaire.com/article-epitre-a-mademoiselle-de-guise-72769471.html
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28/04/2011
je vous garderai jusqu'au tombeau les sentiments qui m'amenèrent à vos pieds, lorsque je quittai pour vous tout ce que j'avais de plus cher et quand vous me jurâtes que vous daigneriez toujours m'aimer
http://www.deezer.com/listen-7667265
Dans le domaine "serments d'ivrognes", je crois bien en tenir un de première grandeur . C'est vrai que Volti fait les choses bien, qu'on ne peut douter un instant de sa parfaite et indéfectible volonté, de sa sincèrité, jusqu'à ce que les évènements , la dure loi de la vie, viennent bouleverser les meilleurs intentions du monde . Première option !
Seconde option, ce qu'on suppose être de parfaits sentiments d'amour n'en sont pas, et les sentiments qu'on verra exprimés par la suite, beaucoup moins flatteurs, beaucoup plus critiques et réalistes, sont ceux qui au fond de son coeur étaient là de toute éternité, dès la déchirure de la mort d'Emilie et l'exil choisi (?) outre-Rhin .
Dans les deux cas, Volti est fidèle à sa parole et conforme à ses idées . Génial !
http://www.deezer.com/listen-2949303
http://www.deezer.com/listen-929563
Tout autre ton . A ras le bitume ! belle chanson de Catherine Lara : La Vérité sort de la bouche du Métro :
http://www.deezer.com/listen-2305545
« A Frédéric II, roi de Prusse
28 avril [1753] à Gotha
Ce que j'ai vu dans les gazettes est-il croyable ? On abuse du nom de Votre Majesté pour empoisonner les derniers jours d'une vie que je vous avais consacrée . Quoi ! L'on avance que je vous ai averti que König écrivait contre vos ouvrages !i Ah ! Sire, il en est aussi incapable que moi . Votre Majesté sait ce que je lui en ai écrit ii. Je vous ai toujours dit la vérité, et je vous la dirai jusqu'au dernier moment de ma vie . Je suis au désespoir de n'être point allé à Bareith iii. Une partie de ma famille iv, qui va m'attendre aux eaux, me force d'aller chercher une guérison que vos bontés seules sauraient me donner . Je vous serai toujours tendrement dévoué, quelque chose que vous fassiez . Je ne vous ai jamais manqué, je ne vous manquerai jamais . Je reviendrai au mois d'octobre à vos pieds ; et, si la malheureuse aventure de La Beaumelle n'est pas vraie ; si Maupertuis en effet n'a pas trahi le secret de vos soupers, et ne m'a point calomnié pour exciter La Beaumelle contre moi v; s'il n'a pas été par sa haine l'auteur de mes malheurs, j'avouerai que j'ai été trompé, et je lui demanderai pardon devant Votre Majesté et devant le public . Je m'en ferai une vraie gloire . Mais si la lettre de La Beaumelle est vraie vi, si les faits sont constatés, si je n'ai pris d'ailleurs le parti de König qu'avec toute l’Europe littéraire, voyez, Sire, ce que les philosophes Marc-Aurèle et Julien auraient fait en pareil cas . Nous sommes tous vos serviteurs, et vous auriez pu d'un mot tout concilier . Vous êtes fait pour être notre juge, et non notre adversaire . Votre plume respectable eût été dignement employée à nous ordonner de tout oublier ; mon cœur vous répond que j'aurais obéi . Sire, ce cœur est encore à vous ; vous savez que l'enthousiasme m'avait amené à vos pieds, il m'y ramènera . Quand j'ai conjuré Votre Majesté de ne plus m'attacher à elle par des pensions vii, elle sait bien que c'était uniquement préférer votre personne à vos bienfaits . Vous m'avez ordonné de recevoir ces bienfaits, mais jamais je ne vous serai attaché que pour vous-même ; et je vous jure encore entre les mains de S. A. R. Madame la margrave de Bareuth, par qui je prends la liberté de faire passer ma lettre, que je vous garderai jusqu'au tombeau les sentiments qui m'amenèrent à vos pieds, lorsque je quittai pour vous tout ce que j'avais de plus cher et quand vous me jurâtes que vous daigneriez toujours m'aimer . Je suis etc. »
i Frédéric a fait reproduire par les gazettes sa lettre de congédiement du 16 mars , précédée d'un avertissement sur le paiement de la pension de V* et accompagnée d'un commentaire suivant lequel V* aurait accusé König de vouloir écrire contre les ouvrages du roi .
Page 56 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k80033k/f60.image.r=...
ii Effectivement, V* a seulement écrit le 12 mars à Frédéric : « Je suis ami de König... » ; Page 55 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k80033k/f59.image.r=...
iii V* avait quitté Leipzig le 18 avril et envisagé d'aller à Bayreuth chez la sœur du roi à qui il avait même proposé un « capital de quinze mille écus », mais était allé à Gotha où il restera jusqu’au 25 mai .
v Le 3 février, V* écrivit à Roques : « Ce fut le marquis d'Argens qui avertit (le roi) à souper de la manière dont La Beaumelle avait parlé de sa cour, ainsi que de plusieurs autres cours, dans son livre intitulé Le Qu’en-dira-t-on . Le marquis d'Argens sait que, loin de vouloir porter ces misères aux oreilles du roi, je lui mis presque la main sur la v bouche ...(le roi) doit voir clairement que Maupertuis ne m'a calomnié ainsi auprès de (La Beaumelle) que pour l'exciter à écrire contre moi ... ».
Voir page 31: http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k80033k/f35.image.r=...
La Beaumelle : http://dictionnaire-montesquieu.ens-lyon.fr/index.php?id=...
Pour Roques, voir aussi : http://www.voltaire-integral.com/Html/15/03ROQUES.html
vi Toujours dans la lettre du 3 février à Roques , V* « rapporte mot pour mot » un passage d'une lettre écrite par La Beaumelle à Roques et que celui-ci a cité le 17 décembre : « Maupertuis me dit qu'un jour ... »
vii Voir lettre à Darget de la mi-février 1751 :
http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2011/02/14/c...
et un passage de la lettre au roi du 19 ou 20 février 1751 : page 280 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k800327/f285.image.r...
et lettre du 11 mars 1753 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2009/03/11/d...
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27/04/2011
On ne saurait souffrir l'absurde insolence de ceux qui vous disent : je veux que vous pensiez comme votre tailleur et votre blanchisseuse
Et pourquoi pas, en sus, en musique : Water music ! évidemment !!
http://www.youtube.com/watch?v=agV6ZzBjqKM
http://www.youtube.com/watch?v=cRGS65ooJ0A&feature=fv...
http://www.youtube.com/watch?v=eosr4lO6i_k&feature=re...
http://www.youtube.com/watch?v=gW8xIUxs1Us&feature=re...
Et bien sûr tout ceci peut aussi évoquer, par un certain côté, -côté pile,- la sonate au Clair de lune :
http://www.youtube.com/watch?v=3TIN955FYeg&feature=re...
Une dérive sur le mot « gadouards » m'a amené sur un site hautement éducatif et d'intérêt général et quotidien (pour ceux qui « vont » bien, évidemment) : http://www.blog-habitat-durable.com/article-chiotissime-e...
« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental
et à
Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d'Argental
27 avril [1765]
Mes divins anges, il me parait que le tripot est un peu troublé i. Si les comédiens étaient assez fermes pour dire : nous ne pouvons faire les fonctions de notre état si on l'avilit, nous sommes las d'être mis en prison si nous ne jouons pas, et d'être excommuniés si nous jouons ii; dites-nous à qui nous devons obéir, du roi ou d'un habitué de paroisse ; mettez-nous au dernier rang des citoyens, mais laissez-nous jouir des droits qu'on accorde aux gadouards iii, aux bourreaux et aux Frérons ; si, dis-je, ils tenaient ce langage et s'ils le soutenaient, il faudrait bien composer avec eux . Mais la difficulté sera toujours d'attacher le grelot . Je me flatte que vous avez été un peu amusés par les dernières feuilles de l'abbé Bazin iv. Si je peux en attraper encore, j'aurai l'honneur de vous en faire part .
Il y aura des misérables qui malgré les protestations honnêtes et respectueuses de l'abbé v, croiront toujours qu'il a eu des intentions malignes, mais il faut les laisser crier .
Je ne sais à qui en a le tyran du tripot vi. Mon cher ange a fait tout ce qu'il devait ; si le tyran persiste dans sa lubie, mon ange n'ayant rien à se reprocher l'abandonnera à son sens réprouvé .
Je vous rends toujours mille grâces aussi bien qu'à M. le duc de Praslin de la vertu de persévérance dans les arrangements avec le parlement de Bourgogne vii. Je crois que le premier président et M. de Fontette viii sont à présent à Paris . Ainsi on sera à portée d'obtenir d'eux des paroles positives .
On n'a donc point voulu permettre le débit de la Destruction jésuitique ix qui est bien aussi la destruction des jansénistes x. Tous ces marauds-là en ites, en istres et en iens sont également les ennemis de la raison . Mais la raison perce malgré eux, et il faudra bien qu'à la fin ils n'aient d'empire que sur la canaille . C'est à mon gré le plus grand service qu'on puisse rendre au genre humain de séparer le sot peuple des honnêtes gens pour jamais ; et il me semble que la chose est assez avancée . On ne saurait souffrir l'absurde insolence de ceux qui vous disent : je veux que vous pensiez comme votre tailleur et votre blanchisseuse .
Mes anges, je baise le bout de vos ailes. »
i Voir lettre du 24 avril à Damilaville : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2009/04/25/j...
ii C'est ce qu'il « supplie » Mlle Clairon de déclarer le 1er mai ; en concluant : « si elle (Mlle clairon) remonte sur le théâtre comme un esclave qu'on fait danser avec ses fers, elle perd toute considération . J'attends d'elle une fermeté qui lui fera autant d'honneur que ses talents, et qui fera une époque mémorable »
Voir page 211 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k80037z/f216.image.r...
iv La Philosophie de l'histoire : http://www.archive.org/stream/laphilosophiedel01volt#page...
v Voir lettre du 22 mai à Damilaville :« L'auteur y montre partout un grand respect pour la religion ; ... » Page 219 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k80037z/f224.image.r...
viii Charles-Marie Févret de Fontette, conseiller au parlement de Bourgogne, directeur de l'Académie des Sciences, Arts et Belles Lettres de Dijon ; page 152 : http://books.google.fr/books?id=xXdBAAAAcAAJ&pg=PA152...
ix Ouvrage de d'Alembert Sur la destruction des jésuites en France ... : http://books.google.fr/books?id=VWQuAAAAYAAJ&printsec...
; et voir lettre à Damilaville du 19 avril : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2009/04/19/p...
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26/04/2011
dans l’état où sont les choses, j'aime mieux les suffrages de l'Europe que ceux de la ville de Paris
" C'est aux seuls gens de lettres qu'on doit actuellement la réputation de la France"
Je dirai plus précisément, pour nous situer dans cet étonnant XXIè siècle, que , à mes yeux, Voltaire et les humanistes français font la bonne réputation de la France .
Les capitalistes me diront que ce sont les secteurs du luxe qui engrangent les suffrages étrangers .
Les agences de voyage vanteront notre patrimoine et notre si remarquable sens de l'accueil (si ! si ! ne vous moquez pas ! ) .
Les paysans resteront PAC'sés, sans possibilité de divorce pour cause de primes , et pris à la gorge par le Crédit Agricole, ne sachant plus si c'est du lard ou du cochon ( bio ! bien évidemment ).
Le remarquable sens de l'organisation de la grève , pitoyable travail des syndicats , -tous plus suicidaires les uns que les autres-, fait l'admiration de ceux qui travaillent hors de nos frontières et raflent nos parts de marché .
Ach ! la Franss' ! Pétit' femmes ! Folies Bergères ! Pariss' Tour Eiffel !
Un autre " Etat des choses ": http://www.deezer.com/listen-204526 , un peu nostalgique, comme notre Volti un peu triste ce jour, jour de bise ce 25 avril 1763, jour de bise, itou le 25 avril 2011 à Ferney .
« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental
et à
Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d'Argental
25 [avril 1763]
Mes chers anges, je vous envoie Olympie que j'ai fait imprimer pour deux raisons assez fortes . La première, à cause des remarques que je crois très intéressantes et très utiles i, si utiles même qu'on ne les aurait jamais imprimées à Paris, où les véritables gens de lettres sont persécutés, et où l'insolent et ridicule Omer de Fleury ose prescrire la Religion naturelle ainsi que le Bon sens.ii
La seconde raison c'est que ni Lekain , ni Mlle Clairon ne mutileront mon ouvrage iii. Je vous avoue que dans l’état où sont les choses, j'aime mieux les suffrages de l'Europe iv que ceux de la ville de Paris . Vous m'avouerez, mes chers anges, que c'est aux seuls gens de lettres qu'on doit actuellement la réputation de la France . L'impératrice de Russie veut faire imprimer chez elle l'Encyclopédie v, tandis qu'Omer de Fleury veut qu'on vole à Paris les souscripteurs vi. On représente à Moscou et à Rome ce même Mahomet qu'Omer de Fleury voulait anéantir à Paris vii, etc. etc. etc.
J'avoue qu'on a protégé dans votre ville une comédie, dont tout le mérite consistait à dire que Diderot et d’Alembert étaient des fripons viii. J'avoue qu'on élève un mausolée à un assez mauvais poète boursouflé, qui n'a presque jamais parlé français ix; mais ces petites faveurs si bien appliquées ne me font pas changer de sentiment .
Je vous demande en grâce, mes chers anges, de ne pas souffrir qu'on me joue le tour de représenter Adélaïde du Guesclin . Si le public se déclara contre cette pièce à sa naissance, il ne souffrirait pas à sa résurrection . Il est si ridicule et si indécent de supposer à un prince du sang connu, un crime abominable qu'il n'a point commis, que moi-même, si j’étais à Paris, je sifflerais l'ouvrage avec indignation x.
Je crois que Mlle Clairon est la plus grand actrice que vous ayez eue, mais permettez-moi de ne m'en rapporter en aucune manière à aucun de ses jugements .
Permettez-moi aussi de vous dire que vous me faites une vraie peine de céder à ceux qui ont assez peu de goût pour vouloir retrancher ces vers que dit Antigone au 1er acte :
Nous verrons ... mais on ouvre, et ce temple sacré
Nous découvre un autel de guirlandes paré.
Je vois des deux côtés les prêtresses paraître ;
Au fond du sanctuaire est assis le grand prêtre .
Olympie et Cassandre arrivent à l'autel !xi
Chaque mot que dit Antigone est la peinture d'un spectacle qui lui sera funeste, et lui-même en prononçant ces paroles ajoute beaucoup à la solennité du spectacle . Rien n'est si pauvre, si mesquin, si opposé à la vérité de la véritable tragédie, que de vouloir tout étriquer, tout tronquer, d'ôter aux mouvements et aux sentiments l'étendue qui leur est nécessaire . Si on resserrait, par exemple, la catastrophe de la fin, il n'y aurait plus rien de pathétique ; j'aimerais autant entendre des chanoines dépêcher leurs complies pour gagner plus vite leur argent .
En un mot, mes chers anges, je n'ai nullement envie que l'on joue à présent Olympie, et puisqu'on n'a pas voulu reprendre Le Droit du Seigneur, et qu'on a violé toutes les règles, pour me faire cet outrage xii, je ne me soucie point du tout de me risquer au hasard de la représentation, au caprice du parterre, et aux fureurs d la cabale . J'avais peut-être quelque talent, et je me faisais un plaisir de le consacrer aux amusements de mes anges, mais eux-mêmes ne me conseilleraient pas dans les circonstances présentes d'essuyer de nouvelles humiliations .
Je suis bien étonné qu'on me reproche d'avoir dit dans l'Histoire de Pierre le Grand, ce que j'avais déjà dit dans celle de Louis XIV . Vous me direz que j'ai eu tort dans l'une et dans l'autre . Malheureusement ce tort est irréparable, tous les exemplaires étant partis de Genève il y a plus de trois mois, à ce que disent les Cramer, et ces torts consistent à avoir dit des vérités dont tout le monde convient, et qui ne nuisent à personne . Au reste , si vous avez trouvé quelque petite odeur de philosophie morale et d'amour de la vérité dans l'Histoire de Pierre le Grand, je me tiens très récompensé de mon travail, car c'est à des lecteurs tels que vous que je cherche à plaire xiii.
Vous aurez incessamment la lettre de Jean-Jacques à Christophe xiv. Il n'a point fait de cartons, comme on le croyait xv, il persiste toujours à dire qu'il fallait lui élever des statues au lieu de le brûler xvi; il assure que si on trouve quelques traits voluptueux dans son Héloïse, il y en a davantage dans l'Aloïsia xvii que tous les prêtres ont à Paris dans leurs bibliothèques . Il proteste à Christophe qu'il est chrétien, et en même temps il couvre la religion chrétienne d'opprobres et de ridicules ; il y a une douzaine de pages sublimes contre cette sainte religion . Peut-être ce qu'il dit est-il trop fort, car après tout le christianisme n'a fait périr qu'environ cinquante millions de personnes, de tout âge et de tout sexe, depuis environ quatorze cents ans pour des querelles théologiques . J'oubliais de vous dire que Jean-Jacques, dans son épître, prouve à Omer qu'il est un sot, en quoi je suis entièrement de son avis .
Mes divins anges, la plus grande consolation de ma vie est votre amitié ; il est vrai que je ne vous verrai plus, mais je songerai toujours que vous daignez m'aimer . Mme Denis est infiniment sensible à toutes vos bontés ; Tronchin prétend qu'elle sera guérie après qu'elle aura pris quatre ou cinq mille pilules ; j'aimerais mieux faire un voyage aux eaux, pourvu que vous y fussiez .
Mes divins anges, il faut encore que je vous dise que j'exige absolument des Cramer d'ôter mon misérable nom des frontispices de leur recueil xviii. Vous savez que rien n'est plus aisé que de brûler un livre . Un Chaumeix, un Gauchat n'ont qu'à recueillir, falsifier, empoisonner quelques phrases, et donner un extrait calomnieux à un Omer, Omer fera son réquisitoire et des hommes extrêmement ignorants condamneront au brasier un livre qu'ils n'auront pas lu xix. A la bonne heure, les Cramer n'en seront pas fâchés, mais moi si mon nom est à la tête d'une histoire sage et instructive, je suis décrété en personne ; et mes biens confisqués si je ne comparais pas devant Messieurs . Or c'est ce qui est absolument inutile ; je veux bien qu'on décrète un quidam qui pouvait prouver que le parlement n'a aucun droit de faire des remontrances que par la pure concession des rois, et qui ne l'a pas dit, qui pouvait prouver que les enregistrements ne viennent que des regesta des compilations qu'on s'avisa de faire sous Philippe le Bel, des olim, de l’habitude enfin qu'on prit de tenir registre (habitude qui succéda au trésor des chartes), qui pouvait éclaircir cette matière et qui ne l'a point fait . On peut brûler une histoire dans laquelle la conduite du parlement est toujours ménagée, on peut brûler ce livre par arrêt du parlement, cela est dans l'ordre, mais je ne veux pas être brûlé en effigie . N'êtes-vous pas de mon avis ?
Mes anges, un petit mot d'Olympie, et je finis .
Un homme qui a été à moi xx, qui a été volé à Francfort avec moi, l'a imprimée à ses dépens . C'est un plaisir que je lui devais . Serait-il juste d'empêcher une édition d'entrer en France, et de le priver du fruit de ses avances ? Je m'en rapporte à vos cœurs angéliques .
Vous m'avez, j'en suis sûr, trouvé sombre, chagrin dans mon épître . Je ne sais pourquoi je suis triste, car votre humeur est toujours égale, et je voudrais vous imiter . Je crois que c'est parce que le vent du nord souffle . Mais je suis à vous à tout vent, ô anges . Respect et tendresse .
V. »
i Sur le sens d'Olympie, voir lettre du 22 février 1762 aux d'Argental : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2009/02/22/v...
ii Le Poème sur la loi naturelle fut interdit et condamné les 23 janvier et 6 février 1759 en même temps que La Philosophie du bon sens, que le livre d'Helvétius De l'esprit et en même temps que l'Encyclopédie était suspendue .
iii V* s'est beaucoup plaint de la mutilation du Droit du seigneur et de Zulime en particulier ; voir lettres aux d'Argental du 26 janvier 1762 et 28 septembre 1762 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2009/09/inde...
iv Sur la représentation à Mannheim, voir lettre à Collini du 30 août 1762 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2010/08/inde...
v De la part de Catherine II, Shouvalov avait proposé à Diderot et d’Alembert de faire imprimer l'Encyclopédie « en Russie, soit à Riga, soit dans quelqu'autre ville » et avait chargé V* par une lettre du 20 août d'insister auprès d'eux ; voir lettre aux d'Argental du 28 septembre 1762 .
vii En août 1742, V* avait été obligé de retirer sa pièce à la troisième représentation à la demande du procureur général, père d'Omer Joly de Fleury.
viii Les Philosophes de Palissot ; voir lettre du 25 avril 1760 à Mme d'Epinay : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2009/04/25/l...
ix Crébillon . Le frère de Mme de Pompadour , intendant des bâtiments du roi, avait entrepris d'élever un mausolée en l'honneur de cet auteur tragique que sa sœur avait protégé .
x Échec d'Adélaïde en janvier 1734 . Un prince du sang y faisait assassiner son frère ; c'est une des raisons pour lesquelles V* voulut remanier sa pièce en 1749 , changeant alors situation et titre, Adélaïde sera reprise au théâtre le 9 septembre 1765 .
Voir lettre du 24 juillet 1749 à d'Argental : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2010/07/24/v...
xii Voir lettre à Damilaville du 9 septembre 1762 : « Les farceurs de paris joueront Le Droit du seigneur quand ils voudront, mais ils n'auront Cassandre que quand ils auront satisfait à ce devoir »
http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2010/09/08/c...
Le Droit du seigneur avait été représenté en janvier-février 1762 et ne fut pas repris du vivant de V*
xiii Le 2 avril 1763, V* recommande à ses « anges » le tome II de cette Histoire du « czar Pierre », leur recommandant « les chapitres sur la religion et la mort d'Alexis ».
Voir page 233 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k80036m/f238.image.r...
xiv Brochure intitulée Jean-Jacques Rousseau, citoyen de Genève, à Christophe de Beaumont, archevêque de Paris, 18 novembre 1762, dans laquelle Rousseau répondait à la condamnation de l'Emile .
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k1063574/f3.image.r=.langFR
xv V* le 13 avril a écrit à d'Argental : « Il y a un mois que sa lettre est imprimée, mais il n'y en a eu que trois exemplaires dans Genève ... »
Page 235 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k80036m/f240.image.r...
xvi Vers la fin de sa lettre, JJ Rousseau écrivait effectivement : « ... s'il existait en Europe un seul gouvernement éclairé ... il eut rendu des honneurs publics à l'auteur d’Émile, il lui eut élevé des statues. »
Voir page 127 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k1063574/f130.image....
avec ce commentaire en marge par V* : « une statue rien de plus modeste » !
xvii Aloisiae Sigeae Toletanae Satyra sotadica de arcanis amoris et veneris . Aloisia hispanice scripsit, latinitate donavit Joannes Meursius, ouvrage obscène de Chorier, publié vers 1675, mis en général dans l'Enfer des bibliothèques .
xviii Le 9 avril, V* écrit : « Les frères Cramer se sont avisés de mettre mon nom en gros caractères à la tête de cet essai sur l'Histoire générale ... » Voir page 234 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k80036m/f239.image.r...
xx Alessandro Collini, ancien secrétaire de V*, arrêté avec V* au retour de Prusse en 1754 ; voir lettre du 30 août 1762 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2010/08/30/l... ;
l'édition de Collini porte l'adresse de Francfort .
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25/04/2011
Le mot politique signifie, dans son origine primitive, citoyen, et aujourd’hui, grâce à notre perversité, il signifie trompeur de citoyens
Le citoyen numéroté : http://www.deezer.com/listen-314952
http://www.deezer.com/listen-10302457 : Enquête sur un citoyen au-dessus de tout soupçon (vous n'avez que l'embarras du choix pour le nom !)
Dans les trois shémas, trouvez ce qui n'est qu'une vue de l'esprit, un leurre, un attrape-couillon , une promesse électorale jamais tenue, etc.
http://lewebpedagogique.com/allegre/2009/10/13/ec-fiches-8/
Voyez, et lisez la correspondance de Volti et Frédéric, entre autres, sur le splendide blog « monsieurdevoltaire » dont le lien est en tête de colonne droite .
Pour paraphraser Volti, je dis : "C’est à nous à faire l’éloge de l’amitié, c’est à nous de détruire l’infâme politique qui érige le crime en vertu" .
http://www.deezer.com/listen-5904879 : un bon citoyen ?
Citoyen par tous les moyens ! Yes !! http://www.deezer.com/listen-7083497
« A Frédéric, prince héritier de Prusse
A Cirey, le 25 d’avril[1739]
Monseigneur, j’ai donc l’honneur d’envoyer à votre altesse royale la lie de mon vin. Voici les corrections d’un ouvrage qui ne sera jamais digne de la protection singulière dont vous l’honorez. J’ai fait au moins tout ce que j’ai pu ; votre auguste nom fera le reste. Permettez encore une fois, Monseigneur, que le nom du plus éclairé, du plus généreux, du plus aimable de tous les princes, répande sur cet ouvrage un éclat qui embellisse jusqu’aux défauts mêmes ; souffrez ce témoignage de mon tendre respect, il ne pourra point être soupçonné de flatterie. Voilà la seule espèce d’hommages que le public approuve. Je ne suis ici que l’interprète de tous ceux qui connaissent votre génie. Tous savent que j’en dirais autant de vous, si vous n’étiez pas l’héritier d’une monarchie.
J’ai dédié Zaïre à un simple négociant i ; je ne cherchais en lui que l’homme. Il était mon ami, et j’honorais sa vertu. J’ose dédier la Henriade à un esprit supérieur. Quoiqu’il soit prince, j’aime plus encore son génie que je ne révère son rang ii.
Enfin, Monseigneur, nous partons incessamment, et j’aurai l’honneur de demander les ordres de Votre Altesse Royale, dès que la chicane qui nous conduit nous aura laissé une habitation fixe. Madame du Châtelet va plaider pour de petites terres iii, tandis que probablement vous plaiderez pour de plus grandes, les armes à la main. Ces terres sont bien voisines du théâtre de la guerre que je crains :
Mantua væ miseræ nimium vicina Cremonæ !iv
Je me flatte qu’une branche de vos lauriers, mise sur la porte du château de Beringhem v le sauvera de la destruction. Vos grands grenadiers ne me feront point de mal, quand je leur montrerai de vos lettres. Je leur dirai : Non hic in prœlia veni vi. Ils entendent Virgile, sans doute ; et s’ils voulaient piller, je leur crierais : Barbarus has segetes !vii Ils s’enfuiraient alors pour la première fois. Je voudrais bien voir qu’un régiment prussien m’arrêtât ! « Messieurs, dirais-je, savez-vous bien que votre prince fait graver LaHenriade viii, et que j’appartiens à Émilie ? » Le colonel me prierait à souper ; mais, par malheur, je ne soupe point.
Un jour je fus pris pour un espion par des soldats du régiment de Conti : le prince, leur colonel ix, vint à passer, et me pria à souper au lieu de me faire pendre. Mais actuellement, Monseigneur, j’ai toujours peur que les puissances ne me fassent pendre au lieu de boire avec moi. Autrefois le cardinal de Fleury m’aimait, quand je le voyais chez madame la maréchale de Villars ; altri tempi, altre cure x.Actuellement c’est la mode de me persécuter, et je ne conçois pas comment j’ai pu glisser quelques plaisanteries dans cette lettre, au milieu des vexations qui accablent mon âme, et des perpétuelles souffrances qui détruisent mon corps. Mais votre portrait, que je regarde, me dit toujours : Macte animo xi.
Durum, sed levius fit patientia
Quidquid corrigere est nefas.xii
J’ose exhorter toujours votre grand génie à honorer Virgile dans Nisus et dans Euryalus xiii, et à confondre Machiavel. C’est à vous à faire l’éloge de l’amitié, c’est à vous de détruire l’infâme politique qui érige le crime en vertu. Le mot politique signifie, dans son origine primitive, citoyen, et aujourd’hui, grâce à notre perversité, il signifie trompeur de citoyens. Rendez-lui, monseigneur, sa vraie signification. Faites connaître, faites aimer la vertu aux hommes.
Je travaille à finir un ouvrage xiv que j’aurai l’honneur d’envoyer à Votre Altesse Royale, dès que j’aurai reposé ma tête. Votre Altesse Royale ne manquera pas de mes frivoles productions, et tant qu’elles l’amuseront, je suis à ses ordres.
Madame la marquise du Châtelet joint toujours ses hommages aux miens.
Je suis avec le plus profond respect et la plus grande vénération, Monseigneur, etc. »
ii Il modifiera quelques vers de la dédicace quand Frédéric devenu roi envahira la Silésie en 1740 .
iii « une petite principauté située vers Liège et Juliers ... composée de Ham et Beringhem » héritage du marquis de Trichâteau pour lequel les du Châtelet font un procès à la maison de Hoensbroek.
v A neuf lieues et demie de Maestricht. C’est un marquis de ce nom qui fut enlevé sur le pont de Sèvres à la place du dauphin, en 1708. Il semble que Voltaire se souvenait de cette méprise en écrivant ce qui va suivre.
viii Frédéric lui avait fait part de cette intention le 3 février 1739 . Voir lettre 77 : http://www.monsieurdevoltaire.com/article-coorespondance-...
ix Louis-François de Bourbon, au camp de Philipsbourg où V* était allé voir le duc de Richelieu en 1734 .
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24/04/2011
Retour des cloches, retour vers le passé
Pâques ! c'est bien quand les cloches ont guidé les rois-mages vers Rome pour être filmés en mondio-vision ? Non ?
http://www.deezer.com/listen-237303
Avec ma bénédiction urbi et orbi ....
http://www.deezer.com/listen-7673926
Point de lettre nouvelle datée du 24 avril .
http://www.deezer.com/listen-4727595
Je vous invite à lire celle du 20 janvier 1778, rédigée ce jour, à cette adresse :
http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2011/04/24/m...
http://www.deezer.com/listen-4955769
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