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13/12/2012

Il y a des sots, il y a des fanatiques et des fripons mais je n'ai aucun commerce avec ces animaux, et je laisse braire les ânes sans me mêler de leur musique

... Aussi n'ai-je jamais été tenté par une carrière politique où ces animaux trouvent leur pitance .

 Entre les ânes à deux pattes et ceux à quatre, vous voyez où va ma préférence

 ane anon chateau 4687.jpg

 

« A M. Jean le ROND d'ALEMBERT.

Aux Chênes 1, 29 août [1757].

Me voici, mon cher et illustre philosophe, à Lausanne; j'y arrange une maison où le roi de Prusse pourra venir loger quand il viendra de Neufchâtel, s'il va dans ce beau pays, et s'il est toujours philosophe. Il m'a écrit, en dernier lieu, une lettre héroïque et douloureuse 2. J'aurais été attendri, si je n'avais songé à l'aventure de ma nièce, et à ses quatre baïonnettes.
Je recommande à mon prêtre moins d'hébraïsme et plus de philosophie; mais il est plus aisé de copier le Targum 3 que de penser. Je lui ai donné Messie 4 faire; nous verrons comme il s'en tirera. Je n'ai point vu notre théologal de l'Encyclopédie; ce prêtre est allé à Évian, en Savoie. Il déménage Dieu le conduise ! Il est impossible que dans la ville de Calvin, peuplée de vingt-quatre mille raisonneurs, il n'y ait pas encore quelques calvinistes; mais ils sont en très-petit nombre et assez bafoués. Tous les honnêtes gens sont des déistes par Christ. Il y a des sots, il y a des fanatiques et des fripons mais je n'ai aucun commerce avec ces animaux, et je laisse braire les ânes sans me mêler de leur musique 5.
On dit que vous viendrez leur donner une petite leçon. N'oubliez pas alors les Délices, et venez faire un petit tour au Chêne; c'est le nom de mon ermitage lausannais. Les uns ont leurs chèvres, les autres ont leurs ormes 6; mais il faut être dans les lieux qu'on a choisis, et non pas dans ceux où l'on vous envoie. J'aimerais mieux être à Tobolsk de mon gré, qu'au Vatican par le gré d'un autre. J'ai encore de la peine à concevoir qu'on ne prenne pas de l'aconit, quand on n'est pas libre. Si vous avez un moment de loisir, mandez-moi comment vont les organes pensants de Rousseau, et s'il a toujours mal à la glande pinéale. S'il y a une preuve contre l'immatérialité de l'âme, c'est cette maladie du cerveau ; on a une fluxion sur l'âme comme sur les dents. Nous sommes de pauvres machines. Adieu vous et M. Diderot, vous êtes de belles montres à répétition, et je ne suis plus qu'un vieux tournebroche mais ce tournebroche est monté pour vous estimer et vous aimer plus que personne au monde . Ainsi pense la machine de ma nièce.
Je rouvre ma lettre, je me suis à grand'peine souvenu de ma face, j'en ai si peu ! Si vous voulez me fourrer à côté de Campistron et de Crébillon, ma face est à vos ordres. Mme de Fontaine fera tout ce que vous ordonnerez. J'aimerais mieux avoir la vôtre aux Délices. »

1 Où V* loue une belle maison ; voir lettre du 3 avril à Mme de Fontaine : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2009/04/03/je-vous-ai-deja-dit-que-tout-est-francais-a-lausanne.html
Le Chêne était la dernière rue de Lausanne, du côté de Genève, et celle qui
servait de communication entre la ville et la belle promenade publique nommée
Montbenon. (Note de M. Golowkin.)

2 Elle doit avoir été écrite vers le 12 août comme il le mentionne dans une lettre à sa soeur . Elle est suivie d'une « épigramme » que Wilhelmine jugea « trop forte » et garda, on ne la pas retrouvée .

« Je vous remercie de la part que vous prenez à mes succès et à mes malheurs . J'ai à peu près toute l'Europe contre moi, il ne me reste qu'à vendre cher ma vie et la liberté de ma patrie ; mes yeux seraient devenus des sources de larmes si ces temps d'horreurs ne faisaient que je trouve ma digne et respectable mère heureuse de ne pas voir ce qui arrive et ce qui peut arriver encore . » « Fr .»

4 Polier de Bottens, pasteur . Voir note page 62 et suiv. : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k411336j/f65.image

5 D'Alembert avait reçu une lettre de « personnes respectables » de Genève et en avait fait part à V*, cette lettre ayant été publiée en une brochure . V* ne garda pas complètement le silencec ar dansz une pièce Les Torts : il met :

Le fanatisme est terrassé

Mais il reste l'hypocrisie .

Ce à quoi répondra l'horloger-poête David Rival par des vers pleins de malice envers V* :

Quant à vous célèbre Voltaire ,

Vous eûtes tort, c'est mon avis .

Vous vous plaisez dans ce pays

Fêtez le saint qu'on y révère …

Voir lettre du 24 décembre 1757 à Elie Bertrand : page 333 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k411355v/f336.image

6 La maison de campagne des Ormeaux , près de Saumur, où le comte d'Argenson est exilé .

 

On ne parle point de la marine . Il faut espérer qu'on en parlera

... Le moins possible ! tant de la marine nationale au porte-avions fils unique, que de la Marine porte-à-faux heureusement unique  (par sa grande gu..., que n'ouvrent pas son frère ni sa soeur ainés ) .

 Ô mère -grand, comme vous avez de grandes dents !

  grandes dents 01008.JPG

 

« A Jean-Robert TRONCHIN

à Lyon

27 août [1757]

Mon cher monsieur, les Français boivent le vin du roi d'Angleterre dans Hanovre et je bois celui du chanoine de Soleure . Mais il n'a rien à me reprocher . Pourquoi M. Cathala m'envoie-t-il votre tonneau, pourquoi met-on vite en bouteilles, pourquoi s'empresse-t-on de le goûter ? J'ai perdu vingt bouteilles à ce mécompte car je comptais sur cent cinquante et je n'en ai que cent trente . Le chanoine avec le temps sera plus heureux que moi . Et le baron 1? N'est-ce pas lui qui a mes cent cinquante bouteilles ? C'est lui qui doit se moquer de moi et du chanoine .

On prétend à Neuchâtel que le prince de Conti veut faire valoir ses droits sur cette principauté . Il aurait raison mais il me semble qu'il n'est pas encore temps d'avoir raison 2.

Faites des annuités tout comme vous l'entendrez . Tant que les armées de France mangeront le pays ennemi je crois qu'on sera bien payé . On ne parle point de la marine . Il faut espérer qu'on en parlera . On fait aujourd'hui plus de besogne que de bruit . Adieu mon cher correspondant . L'oncle et la nièce vont à Lausanne pénétrés de vos bontés .nous reviendrons le plus tôt que nous pourrons .

Votre très honoré obéissant serviteur

V. »

1 Labat .Voir lettre du 29 juillet à J-R Tronchin à propos de ce tonneau de vin : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2012/11/25/j-aime-mieux-elever-un-pichon-que-servir-un-roi.html

2 Frédéric II a essuyé plusieurs défaites et fait des offres de paix dont l'une consistait précisément à céder Neuchâtel à Mme de Pompadour .Voir : http://books.google.fr/books/about/La_Marquise_de_Pompadour_et_Neuch%C3%A2tel.html?id=d7zcHAAACAAJ&redir_esc=y

 

 

12/12/2012

je m'accommode assez de ma médiocrité; on peut être heureux sans être roi ni fermier général

... Je confirme !

Médiocrité comprise car

in medio stat virtus (la vertu est éloignée des extrêmes ).

 in medio stat virtus 8571.png

 

 

« A Marie-Elisabeth de DOMPIERRE de FONTAINE.

Aux Délices, 27 août [1757]

Ma chère enfant, je vous avoue que je suis fâché de faire venir des tableaux et des glaces pour Lausanne j'aimerais mieux les placer à Hornoi; mais me voilà Suisse pour le reste de ma vie. Mme Denis a voulu une belle maison à Lausanne; les Délices s'embellissent tous les jours. Nous jouons la comédie à Lausanne; on nous la donne aux portes de Genève. On représenta hier Alzire, et, quand j'arrivai, tous les Genevois me reçurent avec de très longs battements de mains. Il n'y a pas moyen de quitter ces hérétiques-là. Quand, avec une mauvaise santé, on est parvenu à la septième dizaine de son âge, il ne faut plus songer qu'à mourir tranquille, et tous les lieux doivent être égaux...
Je n'ai point de messe en musique comme La Popelinière je n'ai point un trio de complaisantes, mais je m'accommode assez de ma médiocrité; on peut être heureux sans être roi ni fermier général. Le bruit court, dans notre Suisse, que M. le prince de Conti veut faire revivre ses droits sur le comté de Neufchâtel 1. En effet, il était le légitime héritier, et c'est encore une province que le roi de Prusse pourrait perdre. Vos Français sont dans Hanovre; j'espère qu'ils souperont à Berlin en 1758, au plus tard. »

1 Marie de Nemours a été le dernier possesseur français de Neuchâtel, et avant elle, Jean-Louis-Charles d'Orléans avait fait un testament instituant le prince de Conti son légataire . C'est ainsi que la souveraineté de ce territoire fut réclamée sans succès par François-Louis de Bourbon, prince de Conti, grand-père de Louis François à qui V* fait ici allusion . A la mort de Marie de Nemours en 1707 les prétendants avaient été nombreux et le roi de Prusse l'avait emporté .

 

vous me continuerez vos bons offices et vos soins obligeants pour m'aider à passer tranquillement ce qui me reste à vivre

... Disent en choeur Chichi et Valéry à leurs épouses respectives et au minsitère des Finances qui est le pourvoyeur de leurs retraites princières . J'exclus volontairement Sarko dont l'espérance de vie me parait trop longue pour qu'il puisse en toute sérénité faire la même demande à Carla . Qui vivra verra !

 Qui fera long feu ?

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« A M. Guillaume-Claude de LALEU 1

Aux Délices, 23 août 1757.

Je vous renvoie ci-joint, monsieur, mon testament, que j'avais mis en dépôt chez vous en juin 1750. S'il y a quelque codicille à faire, je serai obligé de suivre la jurisprudence du pays où je suis, et la loi de France établie pour les testaments faits en pays étranger. Il n'y aura ni discussion, ni embarras, ni dettes, et puisque vous voulez bien être mon exécuteur testamentaire, vous trouverez que vous n'êtes pas chargé d'une régie difficile; ce qu'il y aura à recevoir de Cadix, ce qu'on devra de mes rentes viagères, les liquidations de mes droits sur la succession de Bernard 2 et dans la régie de Goesbriant 3, seront au profit de mes héritiers.
Vous ne devez pas douter de ma reconnaissance et de celle de Mme Denis. Je me flatte que vous me continuerez vos bons offices et vos soins obligeants pour m'aider à passer tranquillement ce qui me reste à vivre.
Votre très-humble et très-obéissant serviteur,

Voltaire »

2 Samuel-Jacques Bernard, comte de Coubert  : voir : http://fr.wikipedia.org/wiki/Samuel-Jacques_Bernard_%281686-1753%29

 

11/12/2012

c'est peu de chose d'exister en peinture

... Et ça l'est encore moins d'être (ou plutôt "paraitre") sur fesses de bouc et/ou à la télévision !

 Miroir aux alouettes ?

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« A Pierre-Joseph THOULIER d'OLIVET

de l'Académie française

rue de la Sourdière

à Paris

Aux Délices près de Genève 22 août [1757]

Un Cramer, mon cher maître, m'a dit de vos nouvelles, que vous vous portiez mieux que jamais, que vous vous souvenez encore de moi, et que [vous] voulez que j'envoie mon maigre visage pour mettre à côté de votre grosse face. Tout cela est-il vrai? et ma physionomie ne sera-t-elle point de contrebande? Que faites-vous de tant de portraits? Bientôt le Louvre ne les contiendra pas. Portez-vous bien et conservez-vous, voilà le grand point ; c'est peu de chose d'exister en peinture. Si j'avais un portrait de Cicéron, je l'encadrerais avec le vôtre. Mais pour moi, je ne serai tout au plus qu'avec Capistron ou Crébillon. Dites-moi, je vous prie, si, révérence parler, vous n'êtes pas notre doyen ? Il me semble que cette sublime dignité roule entre M. le maréchal de Richelieu et vous 1.
J'ai bien une autre question à vous faire. Olivet n'est-il pas dans mon voisinage près de Saint-Claude 2? N'allez-vous jamais chez vous? Ne pourrait-on pas espérer de vous voir dans mon ermitage des Délices? Je mourrais content. Interim vale et tuum discipulum ama.

Le Suisse V.»

1 D'Olivet a été reçu le 25 novembre 1723 et Richelieu le 12 décembre 1721 .

2 Non, c'est plus au nord à Salins : http://fr.wikipedia.org/wiki/Pierre-Joseph_Thoulier_d'Olivet

 

 

je le remercie de l'ouvrage aussi solide que bien écrit

... Que j'attends avec impatience, à savoir le livret 2012 édité par la société "Voltaire à Ferney" et qui est le cinquième d'une série devant en comporter 21 : http://voltaire-a-ferney.org/13.html

 Petit papa Noël, etc, etc ... j'y crois encore ! il reste 20 jours pour être dans les temps .

 Mais j'ai les crocs !!

montrerles dents 0985.jpg

« A Jacques-François de LUC 1

le 22 août 1757

Je suis très sensible de la confiance que monsieur Luc a bien voulu me témoigner et je le remercie de l'ouvrage 2 aussi solide que bien écrit qu'il m'a prêté . Je serais venu le lui rapporter moi-même et lui faire mes remerciements si ma mauvaise santé avait pu me le permettre . »

1 Une copie de cette lettre fut envoyée par Luc à Rousseau le 24 septembre qui lui répondit le 10 octobre .

2 Observations sur les savans incrédules et sur quelques uns de leurs écrits , Genève 1762 : http://books.google.fr/books?id=aqQFAAAAQAAJ&printsec=frontcover&hl=fr&source=gbs_ge_summary_r&cad=0#v=onepage&q&f=false

 

09/12/2012

ce que je sais, c'est que vous êtes dans la nécessité de faire quelque chose d'éclatant, et que vous le ferez.

... Monsieur le président François Hollande, premier du nom .

 

 

 

« A M. le maréchal duc de RICHELIEU.

Aux Délices, 21 août [1757].

Mon héros, c'est en tremblant que je vous écris. Je n'aurais pas été peut-être importun à Strasbourg, mes lettres peuvent l'être quand vous êtes à la tête de votre armée. Je vous jure que, sans la maladie de ma nièce, j'aurais assurément fait le voyage. Je voudrais vous suivre à Magdebourg, car je m'imagine que vous l'assiégerez. Il y a plus de quatre mois que j'eus l'honneur de vous mander qu'on en viendrait là. Je ne prévoyais pas alors que ce serait vous qui vous mesureriez contre le roi de Prusse mais vous savez avec quelle ardeur je le souhaitais. Vous irez peut-être à Berlin, et d'Argens 1 viendra au-devant de vous. Sérieusement, vous voilà chargé d'une opération aussi brillante qu'en ait jamais fait le maréchal de Villars 2. Je vous connais, vous ne traiterez pas mollement cette affaire-là et, soit que vous ayez en tête le duc de Cumberland, soit que vous vous adressiez au roi de Prusse, il est certain que vous agirez avec la plus grande vigueur. Je ne sais pas ce que c'est que la dernière victoire remportée sur le duc de Cumberland 3; j'ignore si c'est une grande bataille, si les ennemis avaient assez de forces, si les Anglais viennent ajouter quinze mille hommes aux Hanovriens; mais ce que je sais, c'est que vous êtes dans la nécessité de faire quelque chose d'éclatant, et que vous le ferez.
Permettez que je vous parle du commissaire du roi pour les domaines des pays conquis c'est un M. de Laporte 4, qui sera sans doute chargé plus d'une fois de vos ordres. J'espère que vous en serez très-content. Vous le trouverez très-empressé à vous obéir. Je fais, dans ma retraite, mille vœux pour vos succès, pour votre gloire, pour votre retour triomphant.
Favori de Vénus, de Minerve, et de Mars, soyez aussi heureux que le souhaitent votre ancien courtisan le Suisse Voltaire et sa nièce. »