22/01/2016
D'Aubant fut amoureux d'elle et de sa principauté ; ils se marièrent
... Et eurent quelques enfants, sans trop savoir comment , ni pourquoi .
« A la comtesse Sabina von Bassevitz
Ferney, le 22 janvier 1761 1
[…] Une Polonaise, en 1722, vint à Paris et se logea à quelques pas de la maison que j'occupais ; elle avait quelques traits de ressemblance avec l’épouse du czarowitz . Un officier français, nommé D'Aubant, qui avait servi en Russie, fut étonné de la ressemblance ; cette méprise donna envie à la dame d'être princesse ; elle avoua ingénument à l'officier, qu'elle était la veuve de l'héritier de la Russie , qu'elle avait fait enterrer une bûche à sa place, pour se sauver de son mari . D'Aubant fut amoureux d'elle et de sa principauté ; ils se marièrent . D'Aubant , nommé gouverneur dans une partie de la Louisiane, mena sa princesse en Amérique . Le bonhomme est mort croyant fermement avoir épousé une belle-sœur d'un empereur d'Allemagne et la bru d'un empereur de Russie ; ses enfants le croient aussi et ses petits-enfants n'en douteront pas […]. »
1D'après une copie ancienne dérivant de l'édition qui a été suivie ; l'édition « Lettre de M. C.C. Gjoerwelle bibliothécaire du roi de Suède et directeur de la Société royale de Stockholm, aux auteurs de ce journal », Journal de Paris, 19 juillet 1782, présente ce t extrait par ces mots : « Mais d'où vient donc ce bruit, et même cette persuasion, que la dame susdite, morte à Vitry, était la princesse en question ? C'est une chose qu'il faut absolument éclaircir à paris ; mais pour en indiquer au moins une occasion, je veux transcrire ici un morceau d'une lettre que feu M. de Voltaire a écrite à une dame allemande, distinguée autant par ses talents que par ses titres, Mme la comtesse de B*** , et qui vit encore à D. en Mecklembourg [...] » Voir aussi la lettre du 27 septembre 1760 à Schouvalov : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2016/01/22/comment-a-t-on-le-front-d-inventer-tant-de-circonstances-et-5748654.html
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Ce n'est qu'avec les ennuyeux qu'on est ingrat
... Et tous nos candidats aux élections devraient bien le retenir faute de retenir leurs partisans désabusés et abusés .
« A Louise-Dorothée von Meiningen, duchesse de Saxe-Gotha
Au château de Ferney pays de Gex en Bourgogne
par Genève 22è janvier 1761
Madame, moi, n'avoir point écrit à Votre Altesse Sérénissime ? Moi coupable d'ingratitude ? Non, madame, il est impossible d'être ingrat avec vous . Il y a trop de plaisir à sentir et à exprimer les sentiments qu'on vous doit . Ce n'est qu'avec les ennuyeux qu'on est ingrat ; on ne l'est jamais envers les vertus aimables .
J'ai eu l'honneur d'écrire à Votre Altesse Sérénissime tant que j'ai eu un souffle de vie . Et l'état de faiblesse où je suis me force aujourd’hui de vous remercier de vos bienfaits par une main étrangère . Je reçois le paquet de Mme de Bassevitz ; je vais la remercier ; mais elle permettra que je commence par madame la duchesse de Gotha .
Je m’étais bien donné de garde, madame, d'adresser par la poste, les volumes du Czar Pierre . Le port immense qu'ils auraient coûté eût été une indiscrétion , et le paquet ne valait pas cette dépense . J’envoyai le petit ballot par le commissionnaire Oboussier, de Lausanne ; il m’a plusieurs fois assuré que le paquet était arrivé à Francfort . Je lui écris encore aujourd'hui pour savoir le nom de son correspondant . Le peu de sureté des voitures publiques, est, à la vérité, le plus petit malheur de la guerre, mais il ne laisse pas d'en être un . Quand finira-t-elle donc madame cette guerre funeste ? Mme de Bassevitz n'en souffre-t-elle pas beaucoup ? Son pays n'est-il pas dévasté et rançonné ? Oserais-je madame, prendre la liberté de vous demander où est à présent M. le landgrave de Hesse ? Serait-il vrai qu'il fût gardé à vue ; et qu'on ne pût lui écrire les choses les plus simples , qu'en courant quelque risque ? N'est-ce encore là un des effets de cette guerre maudite ?
Un de mes étonnements est que le roi de Prusse ait pu envoyer un détachement de son armée, à celle de ses alliés . Depuis Mithridate on n'a jamais résisté si longtemps ; il fut vaincu par les Romains, mais le Mithridate d'aujourd'hui est le seul Romain que je connaisse . Son poème sur l'art de la guerre est très bien traduit en italien . Il est plus aisé de traduire ses vers , que d'imiter ses exemples . Je me mets aux pieds de Votre Altesse Sérénissime, et à ceux de toute votre auguste famille, avec le plus profond et le plus tendre respect .
Le vieux Suisse V.
La grande maîtresse des cœurs, m'a-t-elle entièrement oublié ?
Je ne doute pas que Votre Altesse Sérénissime n'ait un ministre à Paris, mais si elle n'en avait pas, elle me permettra de lui recommander un Genevois nommé Cromelin dont je réponds comme de moi-même . Elle en serait quitte je crois pour 1 200 livres de France par an ou à peu près et elle serait fidèlement servie .
Son Altesse Sérénissime permet-elle qu'on insère ici cette lettre pour Mme de Bassevits ? »
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Rien n'est si bon que la messe, mais les assassins ne doivent pas la dire
... Pas plus que ceux qui vivent du meurtre , toutes religions confondues, ne doivent se prosterner devant un Dieu ou un prophète de quelque sorte qu'il soit et s'en glorifier .
« A Charles de Brosses, baron de Montfalcon
Aux Délices 22janvier 1761 1
Je vois, monsieur, que vous vous intéressez au sieur de Croze . Son fils a été en effet en danger de mort pendant quinze jours . Il mérite votre compassion . Je savais que les curés du pays de Gex étaient fort insolents, mais je ne croyais pas qu'ils fussent assassins . On trouve fort étrange que les complices aient été décrétés de prise de corps, et que le chef n'ait été assigné que pour être ouï ; on trouve encore plus étrange qu'il dise la messe . Rien n'est si bon que la messe, mais les assassins ne doivent pas la dire . Vous entendez d'ici les cris de Genève . Ce n'est pas à ses portes qu'un prêtre doit être impuni . On espère que le parlement éclairera ou rectifiera la conduite des juges subalternes, et surtout on espère beaucoup de votre protection et de votre justice .
Je me flatte monsieur que je n'entendrai jamais parler de Charles Baudy 2, et que vous conserverez votre amitié à l'homme du monde qui la désire le plus et qui en est infiniment honoré .
V. »
1 L'édition Desnoireterres est limitée à de brefs extraits ; Émile Desserre dans La Vie littéraire à Dijon au XVIIIè siècle, 1902,[https://archive.org/stream/lavielittraire00debe/lavielitt...] suit pour la date une mention portée sur le manuscrit : « Volt. jer 1760. De Croze et l'infamie du bois de Charlot. »
2 Dans une lettre non datée mais à peu près contemporaine de Charles De Brosses à V*, on apprend que ce « Charlot Baudy » avait, à la demande de De Brosses livré pour 42 écus de bois à V* . Celui-ci les considérant comme un don du président avait refusé de payer Baudy ; sur quoi celui-ci s'était retourné vers De Brosses à qui il demandait le paiement, ce à quoi ce dernier se refusait ; voir la lettre du 30 janvier 1761 à de Brosses en réponse à celle du 22 janvier 1761 de ce dernier qui dit « Agréez , monsieur, que je vous demande l'explication d'une chose tout à fait singulière que je trouve dans le compte de mes affaires que l'on vient de m'envoyer du pays de Gex, pour les années 1759 et 1760 . C'est à l'article des paiements qu'a faits le nommé Charlot Baudy, d'une coupe de bois que je lui avait vendue avant notre traité . Il me porte en compte et en paiement « quatorze moules de bois vendus à M. de Voltaire à trois patagons le moule [patagons = coins d'Espagne, au sens d'écus] » . Et comme il pourrait paraître fort extraordinaire que je payasse le bois de la fourniture de votre maison, il ajoute pour explication , qu'ayant été vous demander le paiement de sa livraison , vous l'aviez refusé en affirmant que je vous avais fait don de ce bois . » . Après quelques explications circonstanciées, De Brosses conclut : « J'espère que vous voudrez faire incontinent payer cette bagatelle à Charlot, parce que, comme je me ferai certainement payer de lui, il aurait infailliblement aussi son recours contre vous, ce qui ferait une affaire du genre de celles qu'un homme tel que vous ne veut point avoir . »
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21/01/2016
cet évêque prouve que Moïse était inspiré de Dieu, parce qu'il n'enseignait pas l'immortalité de l'âme
... Ce qui n'est guère plus curieux que de rapporter la qualité remarquable de Mohammed, autre inspiré de Dieu, au fait qu'il a voyagé dans les airs avec son copain Gabriel l'emplumé . Nos premiers cosmonautes , Jésus-Christ et Mohammed , prédécesseurs de Youri Gagarine, voila de quoi nous rendre modestes, non ?
« A Nicolas-Claude Thieriot
A Ferney le 21 janvier [1761] 1
Reçu le petit livre royal de moribus Brachmanorum 2. Me voilà plus confirmé que jamais dans mon opinion que les livres rares, ne sont rares que parce qu'ils sont mauvais ; j'en excepte seulement certains livres de philosophie qui sont lus des seuls sages, que les sots n'entendraient pas et que les sots persécutent .
Je reçois aussi La Divine Légation de Moïse 3, de l'évêque Warburton, dans laquelle cet évêque prouve que Moïse était inspiré de Dieu, parce qu'il n'enseignait pas l'immortalité de l'âme . »
1 Il ne s'agit sans doute que d'un extrait de lettre, fondu, sur la copie de Kehl, avec des extraits de la lettre du 25 janvier 1761 à Damilaville et Thieriot .
2 De saint Ambroise .
3 Sur The Divine Legation of Moïse..., voir lettre de janvier-février 1756 à Gabriel et Philibert Cramer où V demande cet ouvrage ; The Divine Legation of Moïse demonstrated on the principles of a religion deist, 1755, que V* après deux ans de requêtes finira par obtenir d'un voyageur anglais ; voir lettre à George Keate du 26 octobre 1757 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2013/01/15/ni-moise-ni-les-prophetes-ne-connurent-jamais-rien-de-l-immo.html
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les faquins à monologue sont si jaloux des gens de dialogue qu'ils veulent avoir le privilège exclusif d'ennuyer le monde
... Suivez mon regard , de droite à gauche et de gauche à droite, politiquement, on ne manque pas d'exemples de coqs au perchoir médiatique .
« A Bernard-Louis
et à
Agnès-Thérèse Chauvelin
Aux Délices, le 21 janvier 1761
Voici pour Votre Excellence la négociation la plus importante que vous ayez jamais fait réussir . Le porteur, avec son baragouin, est à la tête d'une troupe d'histrions ; il a le privilège du gouverneur de Bourgogne 1, il veut nous donner du plaisir ; c'est donc un homme nécessaire à la société . Une autre troupe d'histrions, nommés prédicants calvinistes, a eu l'insolence de trouver mauvais que les Genevois jouassent Alzire en France au château de Tournay . Cette ville d’usuriers corromprait sans doute en France la pureté des mœurs . De plus les faquins à monologue sont si jaloux des gens de dialogue 2 qu'ils veulent avoir le privilège exclusif d'ennuyer le monde . Le porteur a une troupe catholique . Il peut donner du plaisir sur terre de France . Mais les terres de Savoie sont plus à portée ; s'il peut s'établir à Carrouge 3, petit village aux portes de Genève, il croit nos plaisirs assurés, et sa fortune faite . Il demande donc votre protection . Ô belle ambassadrice, actrice charmante, portez nos prières à monsieur de Chauvelin, favorisez un art dans lequel vous daignez exceller ; confondez les hérétiques qui prêchent contre la divinité de Jésus-Christ, et contre Athalie et Polyeucte . La descendante du grand Corneille qui est aux Délices, vous conjure par les mânes de Cinna et de Chimène de procurer une église dans Carrouge au sacristain que nous vous dépêchons .
Monsieur l'ambassadeur, regardez cette affaire comme la plus importante de votre vie, ou du moins de la nôtre . Les Délices seront-elles assez heureuses pour vous reposséder au mois de mai ?
Respect et attachement éternel . Comment se portent le fils et la mère ?
V. »
1 Le gouverneur de Bourgogne est alors Louis-Joseph de Bourbon, prince de Condé .
2 On a ici un écho d'un passage de l'Appel aux nations .(Moland, XXIV, 215 ) .
3 Sur la troupe de Carouge, voir lettre du 9 août 1757 au seigneur d'Hermenches : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2012/11/30/quand-on-a-debauche-quelqu-un-monsieur-il-est-bien-juste-d-a.html
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20/01/2016
Il est allé pieusement à onze heures du soir chez une dame, avec cinq ou six paysans armés de bâtons ferrés, pour empêcher qu'on ne fit l'amour, sans sa permission
... Voila les excès où mène le célibat des prêtres ! enfin , où "menait" l'hypocrisie du prétendu célibat si je veux être exact , car l'usage de bâtons ferrés pour n'être point fait cocu n'est plus guère en usage chez nos prêtres , évidemment .
« A François Achard Joumard Tison, marquis d'Argence
Au château de Ferney, pays de Gex en Bourgogne
par Genève 20è janvier 1761
Vous connaissez ma vie, monsieur, mes occupations sont fort augmentées, depuis que j'ai eu le malheur de vous perdre . Je n'ai pas eu un moment à moi ; j'ai voulu vous écrire tous les jours, et je me suis contenté de penser sans cesse à vous . Je vois par les lettres dont vous m'honorez, que vous êtes heureux ; il n'y a que deux sortes de bonheur dans ce monde, celui des sots qui s'enivrent stupidement de leurs illusions fanatiques, et celui des philosophes . Il est impossible à un être qui pense, de vouloir tâter de la première espèce de bonheur, qui tient de l'abrutissement . Plus vous vous éclairez, et plus vous jouissez . Rien n'est plus doux que de rire des sottises des hommes, et de rire en connaissance de cause . Si vous daignez vous amuser, monsieur, à rechercher en quel temps certaines gens s'avisèrent de dire que deux et deux font cinq, et dans quel temps d'autres docteurs assurèrent que deux et deux font six, il vous sera aisé de voir que ni le sentiment d'Arius, ni celui d'Athanase n'étaient nouveaux ; et que dès le 3è siècle, les théologiens étant devenus platoniciens, se battirent à coups d'écritoires pour savoir si l’œuf est formé avant la poule ou la poule avant l’œuf, et si c'est un péché mortel de manger des œufs à la coque certains jours de l'année .
Pour votre pâté de perdrix il nous arriva heureusement avant le carême : ainsi nous pourrons en manger en sûreté de conscience ; car vous sentez combien Dieu est irrité, et qu'il y va de la damnation éternelle, quand on est assez pervers pour manger des perdrix à la fin de février, ou au commencement de mars .
J'ai fait, depuis votre départ, une terrible action d'impiété ; j'ai contraint les jésuites à déguerpir d'un domaine, qu'ils avaient usurpé sur six gentilshommes mes voisins, tous frères, tous officiers du roi, tous servants dans le régiment de Deux-Ponts, tous braves gens, tous en guenille .
Je me damne de plus en plus . Je suis actuellement occupé à poursuivre criminellement un curé de nos cantons, lequel a cru qu’il est de droit divin de rosser ses paroissiens . Il est allé pieusement à onze heures du soir chez une dame, avec cinq ou six paysans armés de bâtons ferrés, pour empêcher qu'on ne fit l'amour, sans sa permission . Son zèle a été jusqu'à laisser sur le carreau un jeune homme de famille, baigné dans son sang ; et s'il ne s’était trouvé un impie comme moi, ce pauvre garçon était mort, et le curé impuni . Le curé se défend tant qu'il peut ; il dit qu'il ne veut point aller aux galères, et que je serai damné ; mais heureusement, un bon prêtre vient de prouver, à Neuchâtel, que l'enfer n'est point du tout éternel 1, qu'il est ridicule de penser que Dieu s'occupe pendant une infinité de siècles à rôtir un pauvre diable ; c'est dommage que ce prêtre soit un huguenot, sans cela ma cause était bonne . Je n'aime point ces maudits huguenots . Nous avons eu depuis peu un cocu à Genève . Ce cocu , comme vous savez, tira un coup de pistolet à l'amant de sa femme; la petite église de Calvin, qui fait consister la vertu dans l'usure, et dans l'austérité des mœurs, s'est imaginé qu'il n'y avait de cocus dans le monde, que parce qu'on jouait la comédie . Ces maroufles s'en sont pris aux jeunes gens de leur ville , qui avaient joué sur mon théâtre de Tournay, et ils ont eu l'insolence de leur faire promettre de ne plus jouer avec des Français qui pourraient corrompre les mœurs de Genève .
Vous voyez, monsieur, qu'on est aussi sot à Genève, qu'on est fou à Paris . Mais je pardonne à ces barbares, parce qu'il y a chez eux dix ou douze personnes de mérite . Dieu n'en trouva pas cinq dans Sodome 2. Je ne suis pas assez puissant pour faire pleuvoir le feu du ciel sur Genève ; je le suis d'autant moins assez pour avoir beaucoup de plaisir chez moi, au nez de tous ces cagots . J'en aurais bien davantage, monsieur, si vous étiez encore ici ; vous y verriez la descendante du grand Corneille, que nous avons adoptée pour fille, Mme Denis et moi . Son caractère parait aussi aimable, que le génie de Corneille est respectable .
Adieu, monsieur, nous vous regretterons, et nous vous aimerons toujours ; s'il y a quelqu'un qui pense dans votre pays, faites-lui mes compliments . Mme Denis vous fait les siens bien tendrement .
V. »
1 Voir lettre du 26 décembre 1760 à d'Hermenches : en ligne le 26/12/2015
2 Genèse , XVIII, 32 .
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mon cœur vous dit tout ce que ma plume ne vous dit pas .
...
« Au marquis Francesco Albergati Capacelli senatore
à Bologna .
Au château de Ferney 20 janvier 1761
par Genève
Monsieur, il y a un mois que je suis très malade, et que je n'écris à personne ; mais je ne peux résister au plaisir de vous dire combien votre souvenir m'est cher ; je vous prie de vouloir bien excuser auprès de M. Paradisi un silence forcé, qui me fait assez de peine . J'espère incessamment vous envoyer un gros paquet, pour vous, et pour vos amis . Vous y verrez un hommage que je vous rends, et un petit détail que je vous adresse de l'état de notre littérature en France . Je n’y ai point oublié l'éloge de notre cher Goldoni, à qui je vous supplie de vouloir bien faire mes compliments . Si j'avais du loisir et de la santé, je vous écrirais de longues lettres ; mon cœur vous dit tout ce que ma plume ne vous dit pas .
Algarotti m'a écrit quatre lettres ; je n'ai pu faire réponse à aucune ; je vous supplie de l'instruire de mon état languissant et de croire que mon amitié et mon estime pour vous monsieur ne sont pas languissants .
V. »
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