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10/10/2022

Croyez-moi, ne perdez point de temps

... Des actes plutôt que la tchatche : https://www.lepoint.fr/politique/budget-bataille-rangee-a...

 

 

« A Henri Rieu

[vers le 13 avril 1767]

Mon cher corsaire, je vous remercie de votre Guillaume Tell . Vraiment ce brave homme et tous ses compagnons parlent très bien la langue de leur pays . Cet ouvrage doit être conservé comme un modèle de barbarie .

J'ai l'honneur d'être confrère du Suisse … en qualité de Scythe . Croyez-moi, ne perdez point de temps . J’ai encore bien des changements à vous envoyer pour le troisième acte . Cette édition aura au moins le mérite de la nouveauté et de l'exactitude .

Il faut mettre au frontispice :

EDITION NOUVELLE

plus correcte et plus ample que toutes les autres .

J'en achèterai beaucoup d'exemplaires .

Votre fidèle

V. »

09/10/2022

Vous me dites que la foudre va tomber

...

 

« A Jacques Lacombe

Je reçois, monsieur, par la poste votre paquet et votre lettre mais pour le ballot qui est à Lyon je ne le recevrai probablement de six mois . Je vous renvoie trois ou quatre pages de votre exemplaire en vous suppliant très instamment de faire les cartons nécessaires indiqués dans ces pages . Ces cartons sont indispensables si on veut représenter la pièce après Pâques . Il n'est pas juste qu'en vous donnant tant de peine il vous en coûte encore six cents livres pour le présent que je voulais faire  à M. Lekain . Je me charge de lui faire donner cent écus par mon banquier, et je vous prie de l'en prévenir en lui donnant les cent autres écus . C'est un arrangement auquel je vous prie de tout mon cœur de vous prêter . Si vous faites un profit honnête sur votre édition vous me ferez plaisir de donner pour environ deux cents francs de livres classiques à un jeune homme dont je prends soin .

Si vous faites une seconde édition je vous fournirai cinq ou six fois plus de changements que je ne vous en envoie aujourd'hui .

À l'égard de M. Coqueley, s'il a approuvé les infamies de Fréon au sujet des Calas, il est très coupable et je ne lui pardonnerai de ma vie , fût-il le frère du chancelier . Il m'importe peu qu'il soit parent du procureur général . Ce magistrat a dû lui dire qu'un avocat se déshonore en étant le receleur de Cartouche . Si M. Coqueley n'est pas coupable, j'ai tort et je lui demande pardon, et je fais un transport légal de cet opprobre au misérable, quel qu'il puisse être, qui se déshonore assez pour être l'approbation d'un Fréron .

Vous me dites que la foudre va tomber . C'est apparemment sur Fréron . M. le comte d'Argental m'a fait plaisir en m’apprenant combien vous méprisez ce coquin 1. Je ne savais pas que vous le connussiez .

Je compte sur votre amitié et vous pouvez être bien sûr de la mienne .

V.

13 avril [1767]. »

08/10/2022

Il y a des cas où l’on doit plus faire entendre qu’on en dit

...

 

« A Jean-Baptiste-Jacques Élie de Beaumont , Avocat au

Parlement rue pavée Saint-André-des-Arts

à Paris.

13 Avril 1767  1

Je reçois, mon cher Cicéron, votre lettre non datée, avec le procès-verbal de la célèbre servante 2. Je vais répondre à tous vos articles.

Je ne crois pas qu’il m’appartienne de parler dans ma lettre 3 de la conduite du parlement de Toulouse. J’ai voulu et j’ai su me borner aux faits dont je suis témoin. C’est à vous qu’il sied bien de faire voir l’outrage que le parlement de Toulouse a fait au Conseil, en refusant d’exécuter son arrêt. Ce que vous en dites est d’autant plus fort, que vous l’avez dit avec le ménagement convenable. Le Conseil a senti tout ce que vous n’avez pas exprimé. Il y a des cas où l’on doit plus faire entendre qu’on en dit, et c’est un des grands mérites de votre mémoire . C’est ce qui pourra surtout ramener M. Daguesseau, qui n’aime pas l’éloquence violente.

J’ai eu mes raisons dans tout ce que je vous ai écrit. Si j’ai le bonheur de vous tenir à Ferney, vous apprendrez à connaître mes voisins. La grandeur d’âme est dans le pays conquis autrefois par Gengis-kan 4.

Je ne peux faire signer votre mémoire par les Sirven que quand il me sera parvenu. Je vous ai déjà mandé 5 que toute communication était interrompue entre Lyon et mon malheureux pays.

Si vous trouvez que ma lettre puisse être bien reçue du public, telle que je l’ai envoyée en dernier lieu à M. Damilaville, ôtez les mots consigné entre vos mains ; et mettez : l’argent qu’on leur offrait pour leurs honoraires . Mettez : le conseil de Berne, au lieu de Berne ; le conseil de Genève, au lieu de Genève ; et tout sera dans la plus grande exactitude. Il faut rendre à chacun selon ses œuvres, et Mme la duchesse d’Anville et Mme de Geoffrin ne doivent pas être frustrées des éloges dus à leur générosité.

Quant à M. Coquelet, il est très sûr qu’il a eu le malheur d’être l’approbateur de Fréron ; c’est être le recéleur de Cartouche. Mais on dit qu’il a abdiqué depuis longtemps un emploi si odieux et si indigne d’un avocat. On m’assure que c’est un nommé d’Albaret qui lui a succédé et qui a été réformé ; si cela est, je transporte authentiquement à d’Albaret, et par devant notaire s’il le faut, l’horreur et le mépris qu’un approbateur de Fréron mérite . Mais je ne transporterai jamais mon estime et ma tendre amitié pour vous à qui que ce soit dans le monde. Je vous garde ces deux sentiments pour jamais. »

1 L'édition de Kehl date de 1765 d'après la copie Beaumarchais ; Beuchot rectifie en ajoutant en post scriptum la lettre du 13 août 1765 ; voir : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2020/12/04/j-apprends-la-justice-qu-on-a-rendue-a-celui-qui-eclaire-la-justice-et-qui.html

3 Voir la lettre ostensible donnée à propos de la lettre du 21 mars 1767 à Damilaville : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2022/09/07/il-est-dangereux-il-detruirait-absolument-le-pouvoir-des-ecclesiastiques-av.html

4 Il s'agit de la Russie, et non la Chine , comme le disent les éditeurs antérieurs à Besterman .

06/10/2022

Mon cher ami, vous aurez tout ce que vous demandez

..., ce qui est exagérément trop, alors M. Guéant, qu'allez-vous voler encore à la Nation ?"

Nous avons ici un ex-ministre particulièrement puant et malhonnête et qu'on peut s'indigner de voir encore en liberté ; il n'est pas seul dans son cas, mais ce n'est pas une raison pour qu'il passe entre les mailles du filet grâce à des avocats hors de prix : https://www.francetvinfo.fr/replay-magazine/france-2/comp...

Guéant: c'est de l'art ou du pognon

 

 

 

 

« A Etienne-Noël Damilaville

13 avril [1767]

Mon cher ami, vous aurez tout ce que vous demandez . Mais il faut auparavant savoir si mon paquet vous a été rendu chez M. Gaudet . Il y a eu beaucoup de paquets perdus . Je n'ai point encor le ballot des mémoires de M. de Beaumont . Comme vous le voyez, je vis dans l'embarras et dans le chagrin , c'est-à-dire comme la plupart des hommes . Faites passer, je vous prie, mon cher ami, cette petite lettre à M. de Lambertad 1 . »

Je ne craindrais jamais mon père ou mon époux.

... Si seulement ces hommes étaient mieux éduqués  : https://www.francetvinfo.fr/societe/violences-faites-aux-...

 

 

« A Marc-Antoine-Jean-Baptiste Bordeaux de Belmont

Nouveaux changements dans la tragédie des Scythes :1

Acte Ier, scène 1ère (édition des Cramer )

L'olivier à la main devant nous se présente , 2

 

corrigez :

Sur un coursier superbe à nos yeux se présente.

 

Même scène, mettez :

Son adorable fille est encore au-dessus.

De son sexe et du nôtre elle unit les vertus ;

Courageuse et modeste ; elle est belle et l’ignore .

Sans doute elle est d'un rang que chez elle on honore ;

Son âme est noble au moins, car elle est sans orgueil.

Simple dans ses discours, affable en son accueil

Sans avilissement à tout elle s’abaisse .

Etc.

 

Acte IId, scène 1ère (corrigez ainsi ) :

Obéide

Après mon infortune, après l'indigne outrage

Qu'a fait à ma famille, à mon âge, à mon nom

De l'immortel Cyrus un fatal rejeton,

De la cour à jamais, lorsque tout me sépare

Quand je dois tant haïr ce funeste Athamare,

Sans état , sans patrie, inconnue en ces lieux

Tous les humains, Sulma, sont égaux à mes yeux.

Tout m'est indifférent.

 

Sulma

Ah ! Contrainte inutile !

Est-ce avec des sanglots qu'on montre un cœur tranquille ?

 

Obéide

Hélas ! Veux-tu m'ôter en croyant m'éblouir

Ce malheureux repos dont je cherche à jouir ?

Au parti que je prends je me suis condamnée .

Va – si j'aime en secret les lieux où je suis née

Mon cœur doit s'en punir : il se doit imposer

Un frein qui le retienne, et qu'il n'ose briser .

N'en demande pas plus . Mon père veut un gendre,

Il ne l'ordonne point, mais je sais trop l'entendre .

Le fils de son ami doit être préféré.

Etc.

 

Acte IIIè, scène 1ère

commencez cette scène ainsi :

 

Athamare

Quoi ! C'était Obéide ! Ah ! J'ai tout pressenti .

Mon cœur désespéré m'avait trop averti .

C’était elle, grands dieux !

 

Hircan

Ses compagnes tremblantes

Rappelaient ses esprits sur ses lèvres mourantes .

Etc .

 

Même scène :

Elle aura rassemblé ces objets de terreur ;

Elle imite son père, et je lui fais horreur .

 

Hircan

Un tel saisissement, ce trouble involontaire

Pourraient-ils annoncer la haine et la colère ?

Croyez-moi, les sanglots sont la voix des douleurs

Et les yeux irrités ne versent point de pleurs .

 

Athamare

Ah ! Lorsqu'elle m'a vu, si mon âme surprise

D'une ombre de pitié s'était au moins éprise !

Si, lisant dans mon cœur, son cœur eût éprouvé

Un tumulte secret faiblement élevé !

Hélas ! S'il était vrai ! – tu me flattes peut-être,

Ami, tu prends pitié des erreurs de ton maître .

Qu'ai-je fait ? Que ferai-je , et quel sera mon sort ?

Mon aspect en tout temps lui porta donc la mort !

Etc.

 

Cette même scène doit finir ainsi :

 

Hircan

Oui, seigneur, Obéide

Marche vers la cabane où son père réside,

Je l'aperçois .

 

Athamare

Hélas ! Tâche de désarmer

Ce père malheureux que je n'ai pu calmer .

Des chaumes ! Des roseaux ! Voilà donc sa retraite !

Ah ! Peut-être elle y vit tranquille et satisfaite

Et moi …

etc.

 

Acte IIIè, scène 2de

Sa vertu t'est connue, elle est inébranlable .

 

Athamare

Elle l'est dans la haine, et lui seul est coupable .

 

Obéide

Tu ne le fus que trop, tu l'es de me revoir,

De m'aimer, d'attendrir un cœur au désespoir .

Destructeur malheureux d'une triste famille

Laisse pleurer en paix et le père et sa fille

Il vient . Sors .

 

Athamare

Je ne puis .

 

Obéide

Sors , ne l'irrite pas .

 

Athamare

Non, tous deux à l'envi donnez-moi le trépas .

 

Obéide

Au nom de mes malheurs, et de l'amour funeste
Qui des jours d'Obéide empoisonne le reste,

Fuis, ne m’outrage plus par ton fatal aspect .

 

Athamare

Juge de mon amour ; il me force au respect,

J'obéis – dieux puissants qui voyez mon outrage

Secondez mon amour, secondez mon courage !

(Il sort .)

 

Scène 3è

Sozame

Eh quoi ! Cet ennemi nous poursuivra toujours !

Il vient flétrir ici les derniers de mes jours !

Etc.

 

Même scène

J'ai fait depuis quatre ans d'assez grands sacrifices ;

S’il en fallait encor je les ferais pour vous

Je ne craindrais jamais mon père ou mon époux.

Je vois tout mon devoir –

etc.

 

Acte Ivè, scène 5è

Athamare

Il m'en coûte

D'affliger ta vieillesse et de percer ton cœur,

Ton fils eût mérité de servir ma valeur .

 

Hermodan

Que dis-tu ?

 

Athamare (à ses soldats )

Qu'on épargne à ce malheureux père

Le spectacle d'un fils mourant dans la poussière.

Fermez-lui ce passage .

 

Hermodan

Achève tes fureurs

(on a déjà envoyé toutes les corrections du cinquième acte )

 

Si monsieur de Belmont veut que la pièce lui produise quelque chose il faut qu'Obéide soit touchante et sache pleurer, qu'Athamare soit jeune, brillant , passionné, emporté, que les vieillards soient naturels, qu'Indatire soit naïf, vif et tendre avec Obéide, simple et fier avec son rival . Il faut que les confidents prennent part à l'action . La pièce est très difficile à jouer . Si monsieur de Belmont veut faire une nouvelle édition de la pièce, voici l'épître dédicatoire suivant l'édition de Paris . C'est un vieux Scythe qui lui écrit et qui lui fait ses compliments .

13è avril 1767 à Ferney. »

1 Edition Henri-Auguste Barckhausen : « Lettres et vers de Voltaire », Annales de la faculté de Lettres de Bordeaux, 1880 .

2 Sur le manuscrit, en face de cette ligne, on lit : « N. B. – L'olivier n'est point symbole en Perse, et s'il l'est on ne doit point dire : Viens-tu nous insulter ? » . A quoi Belmont a jouté : « Pourquoi avoir rétabli dans l'édition de Genève L'olivier à la main , etc. ? »

05/10/2022

Ah ! mon Dieu ! peut-on me proposer d’établir une loi par laquelle on est obligé de se marier au bout de quatre ans ?

...

 

 

« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

et

Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d'Argental

13 Avril 1767

Je supplie mes anges et M. de Thibouville de lire les nouveaux changements ci-joints. Il ne faut plaindre ni la peine de l’auteur, ni celle du libraire, ni celle des comédiens.

Pour engager le libraire à faire des cartons ou à faire une édition nouvelle, il ne donnera que trois cents livres à Lekain, et je lui donnerai les trois cents autres.

J’ose me persuader que mes juges, en voyant ce nouveau mémoire de leur client, me donneront cause gagnée.

Je ne sais pas pourquoi on a imprimé à Paris : 

Nous marchons dans la nuit, et d’abîme en abîme.

Je vous assure que mon vers 

Nous partons, nous marchons de montagne en abîme ,1

est beaucoup plus convenable aux voisins du mont Jura. Je vois de mes fenêtres une montagne, au milieu de laquelle se forment des nuages. Elle conduit à des précipices de quatre cents pieds de hauteur, et, quand on est englouti dans cet abîme, on trouve d’autres montagnes qui mènent à d’autres précipices. Je peins la nature telle qu’elle est et telle que je l’ai vue. Je vous demande en grâce de faire jouer les Scythes après Pâques, de n’en faire annoncer qu’une représentation, et d’en donner deux si le public les redemande, après quoi on les jouera à Fontainebleau.

Les papiers publics disent qu’on les reprendra à la rentrée ; il ne faut pas les démentir, ce serait avouer une chute complète ; les Frérons triompheraient. Lekain me doit au moins cette complaisance ; il pourrait bien retarder d’un jour son voyage de Grenoble.

J’avoue que le rôle d’Athamare ne lui convient point. Il faudrait un jeune homme beau, bien fait, brillant, ayant une belle jambe et une belle voix, vif, tendre, emporté, pleurant tantôt de tendresse et tantôt de colère ; mais comme il n’a rien de tout cela, qu’il y supplée un peu par des mouvements moins lents. Que mademoiselle Durancy passe toute la semaine de Quasimodo à pleurer ; qu’on la fouette jusqu’à ce qu’elle répande des larmes ; si elle ne sait pas pleurer, elle ne sait rien.

Ah ! mon Dieu ! peut-on me proposer d’établir une loi par laquelle on est obligé de se marier au bout de quatre ans ? Cela serait en vérité d’un comique à faire rire. Il n’est permis d’ailleurs de supposer des lois que quand il en a existé de pareilles. La loi de venger le sang de son mari, ou de son père, ou de son frère, a été connue de vingt nations ; celle de n’être reçu dans un pays qu’à condition qu’on s’y mariera ressemblerait à l’usage du château de Cutendre, où l’on n’entrait que deux à deux 2.

Dieu me préserve de charger d’aventures et d’épisodes la noble simplicité, si difficile à saisir, si difficile à traiter, si difficile à bien jouer .

Rendez-moi Mlle Lecouvreur et Dufrêne, je vous réponds bien du troisième acte. Le meilleur conseil qu’on m’ait jamais donné se trouve exécuté dans ces vers.

Va, si j’aime en secret les lieux où je suis née,

Mon cœur doit s’en punir, il se doit imposer

Un frein qui le retienne, et qu’il n’ose briser :

N’en demande pas plus…3

Je vous dirai de même : n’en demandez pas plus, ce serait tout gâter. J’ose vous répondre que, si les comédiens approchaient un peu de la manière dont nous jouons les Scythes à Ferney, s’ils avaient la vérité, la simplicité, l’empressement, l’attendrissement de nos acteurs, ils feraient fortune ; mais la même raison pour laquelle ils ne peuvent jouer ni Mithridate, ni Bérénice, ni tant d’autres pièces, leur fera toujours jouer les Scythes médiocrement. N’importe, je demande à cor et à cri deux représentations après Pâques . Si mon cher ange parvient à faire chasser le monstre qui déshonore la littérature depuis si longtemps, les gens de lettres lui devront une statue. Je demande pardon à M. Coqueley 4; mais un avocat plaide furieusement contre lui-même quand il se fait l’approbateur de Fréron : c’est se faire le recéleur de Cartouche. On le dit parent de M. le procureur-général : son parent devait bien lui dire qu’il se déshonorait. On ne connaît pas toutes les scélératesses de Fréron. C’est lui qui a répandu dans Paris la calomnie contre les Calas. Il a voulu engager un des gueux avec lesquels il s’enivre à faire des vers sur les prétendus aveux de la pauvre Viguière 5. Je suis bien fâché que la vérité se soit trop tôt découverte. Il fallait laisser parler et triompher les Frérons pendant quinze jours, et ensuite montrer leur turpitude. Les colombes n’ont pas eu la prudence du serpent 6.

Déployez vos ailes, mes anges, jetez le diable dans l’abîme, et tirez les Scythes du tombeau. Respect et tendresse. 

V.»

1 Les Scythes , Act. I, sc. III.

3 Les Scythes , Acte II, sc. I.

5 La servante des Calas .

6 Évangile selon Matthieu, X, 16 : https://www.aelf.org/bible/Mt/10

04/10/2022

Ils ne sont occupés qu'à raisonner et à boire

...

 

« A Jean Le Rond d'Alembert

13 avril 1767 1

Je me suis douté, monsieur, que vous ne seriez pas content de l'étui de mathématiques . Il vient du cabinet d'un grand maître, mais les garçons ne valent pas le diable . Ils ne sont occupés qu'à raisonner et à boire . On travaille votre planétaire, Dieu sait quand il sera fini . Vous avez dû aussi être mal servi à Lyon . On n'y fera jamais bien que des étoffes . Je suis fâché que l'ouvrier Jean-Gorges ait refusé la besogne qu'on lui donnait à faire . Je ne le croyais pas si sage . Vous voyez qu'on corrige quelquefois les sots . J'espère que Fréron sera bientôt corrigé en qualité de sot et de pervers . Mais , puisque le gouvernement d’Angleterre fait une pension à Jean-Jacques, pourquoi le gouvernement de France n'en fait-il pas à Fréron ? Jean-Jacques est plus adroit qu'on ne pense : il a trouvé le secret de piquer l'honneur de lord Chatham, qui s'est fait un mérite de lui faire obtenir ce qu'il n'avait pu avoir par le moyen d'un Écossais  .

Dieux qui le connaissez,

Est-ce donc la vertu que vous récompensez ?

Il y a une statue de marbre 2 haute d'un pied et demi environ qui vous est adressée par les voituriers de Dijon ; elle doit être franche de port . Je la crois arrivée à présent . Ce n'est pas la statue que Jean-Jacques demandait pour lui : c'est celle que vous avez bien voulu qu'un homme qui vous aime tendrement vous présentât .

Mille tendres amitiés aux Français vos amis et des croquignoles aux Velches .

Je vous demande en grâce de dire à M. le chevalier de Rochefort combien je l'aime : on n'a point reçu les paquets .

Votre très humble et très obéissant serviteur

Boursier . »

1 V * répond à une lettre du 6 avril 1767 de d'Alembert où celui-ci se plaint des fautes dont est rempli l' »ouvrage de mathématiques » et parle de Jean-Georges de Pompignan, Simon Lefranc et Jean-Jacques Rousseau . Voir : http://www.monsieurdevoltaire.com/2015/03/correspondance-avec-d-alembert-partie-44.html

2 Sans doute la statue réalisée par un des Rosset, montrant V* debout, la main gauche sur la hanche, la droite tenant un livre . Un grand nombre de copies en furent exécutées : https://www.parismuseescollections.paris.fr/en/node/87909#infos-principales

Voir : https://fr.wikipedia.org/wiki/Joseph_Rosset