26/12/2021
il y avait eu huit mille maisons de détruites et huit mille familles désolées, sans compter les morts et les blessés. Voilà les vrais orages, le reste est le malheur des gens heureux
... Dédicace spéciale à tous ceux qui pleurent de n'avoir pas reçu le dernier smartphone ou ont été privés de restaurant/ boîte de nuit/ bistrot, faute de pass-sanitaire valide .
Noël est passé, je peux me remettre en colère .
Une mention spéciale pour les manifestants de métropole et outremer , anti-vax détestables, qui crachent sur ceux qui les nourrissent et les soignent . Continuez comme ça, irresponsables et obtus, malfaisants , le virus saura vous faire taire .
« A Nicolas-Claude Thieriot
à Paris
19 septembre 1766
Mon ancien ami, j’ai été très touché de votre lettre. La société a ses petits orages comme les affaires ; mais tous les orages passent. Votre correspondant me mande qu’on a rebâti huit mille maisons en Silésie 1. Cela prouve qu’il y avait eu huit mille maisons de détruites et huit mille familles désolées, sans compter les morts et les blessés. Voilà les vrais orages, le reste est le malheur des gens heureux.
J’ai été un peu consolé en apprenant que la cour des aides a versé l’opprobre à pleines mains sur le nommé Broutet, l’un des juges les plus acharnés d’Abbeville. Ce malheureux était en effet incapable de juger, puisqu’il avait été rayé du tableau des avocats. Le jugement était donc contre toutes les lois. Un vieux jaloux, avare et fripon, a été le premier mobile de cette abominable aventure, qui fait frémir l’humanité. Voilà encore de vrais orages, mon ancien ami ; il faut cultiver son jardin. Je ne voulais qu’un jardin et une chaumière ,
Di melius fecere, bene est ; nihil amplius opto.2
Je viens d’être bien étonné ; M. de La Borde, premier valet de chambre du roi, m’apporte deux actes de son opéra de Pandore ; je m’attendais à de la musique de cour : nous avons trouvé, Mme Denis et moi, du Rameau. Peut-être nous trompons-nous, mais ma nièce s’y connaît bien ; pour moi, je ne suis qu’un ignorant.
J’ai une chose à vous apprendre, c’est que feu Mgr le dauphin, dans sa dernière maladie, lisait Locke et Malebranche.
Adieu, je vous embrasse de tout mon cœur. Où logez-vous à présent ? »
1 C'est une des nouvelles données par Frédéric II à V* dans sa lettre du 1er septembre 1766 : https://fr.wikisource.org/wiki/Correspondance_de_Voltaire/1766/Lettre_6482
2 D'après Horace, Satires, II, vi, 4 ; Les dieux ont fait davantage : tant mieux ; je ne désire rien au-delà .
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25/12/2021
Je fais mes compliments très sincères à toute la famille, et au cousin germain
...
« A Gabriel Cramer
19è septembre [1766]
Je fais mes compliments très sincères à toute la famille, et au cousin germain de M. Jean-Louis 1 qui nous viendra dans dix mois ou environ .
Quand M. Caro sera quitte de toutes ses fêtes, je le prie de donner un Corneille à M. l'abbé de Heere de ma part . Je suis chargé du prix du Corneille et des œuvres que Jacoby relie 2. Je lui demande en grâce de faire presser Jacoby d'achever sa besogne, avec les plus extrême diligence .
J'embrasse M. Caro de tout mon cœur . »
1 Philibert Cramer, frère de Gabriel, a épousé, le 15 septembre 1766, Catherine Weselovski . Voir : https://gw.geneanet.org/rossellat?lang=en&n=cramer&oc=0&p=christian
Philibert Cramer, né 1727, du CC 1764, conseiller 1767, trésorier-général, † 1779, ép. 15 septembre 1766 Catherine, f. de No. Abraham de Wesselow, gentilhomme russe, et de Marianne Fabri, dont il a eu :
[1.] Marianne, née 1767, fem. de No. Jean-Marc (dit Noski) Calandrini;
[2.] Louis-Gabriel, qui suit; et
[3.] Antoinette-Cécile.
20:10 | Lien permanent | Commentaires (0)
j’ai été enchanté des morceaux que j’ai entendus
... et surtout celui-ci : https://www.youtube.com/watch?v=_AxgZHs2tFQ
à écouter la poignée dans le coin .
Joyeux Noël à tous ceux de bonne volonté
« A Michel-Paul-Guy de Chabanon
19 septembre 1766 1
Je vous avoue, mon très aimable confrère, que je croyais que M. de La Borde faisait de la musique comme un homme de cour. Je suis heureusement détrompé ; j’ai été enchanté des morceaux que j’ai entendus. En vérité, vous devriez faire un opéra pour lui ; vous le feriez mieux que moi. Je n’ai pas l’intelligence de ce spectacle ; je ne connais point le goût de la nation ; il faut être à Paris pour faire un opéra. Vous auriez d’ailleurs le plaisir de travailler avec un homme aussi aimable que vous. Je vous exhorte de tout mon cœur à embellir la scène lyrique. Pandore était un beau sujet ; mais il me semble que je ne l’ai pas traité comme il faut.
La boîte de Pandore s’est ouverte depuis quelque temps ; il en est sorti des malheurs horribles. Les Calas, les Sirven, les La Barre, ont déchiré mon cœur ; et, par une fatalité singulière, je me suis trouvé engagé dans les trois aventures. La première a été réparée ; je n’ai qu’une faible espérance pour la seconde, et la troisième m’afflige sans consolation.
Une de mes nièces a une terre auprès d’Abbeville ; j’ai su l’origine et tous les détails de cette détestable catastrophe. Je vous assure que les cheveux vous dresseraient à la tête, si vous saviez tous les ressorts qu’un vieux scélérat jaloux a fait jouer pour perdre cinq jeunes gens en perdant son rival.
Pour dissiper ma douleur et ma mélancolie, j’ai fait jouer sur mon petit théâtre Annette et Lubin, Rose et Colas, le Roi et le Fermier, et enfin Henri IV. Je n’avais jamais vu d’opéra-comique, et il fallait bien que l’auteur de la Henriade vît son héros. J’ai ri, j’ai pleuré ; je me suis mis presque à genoux avec la petite famille, quand Henri IV est reconnu. Enfin j’ai eu du plaisir, et j’en avais grand besoin. J’en aurai davantage au printemps prochain, si vous voulez venir essayer votre tragédie à Ferney 2. J’aime votre talent passionnément, et j’aime encore mieux votre personne. Mme Denis pense de même. Nous vous embrassons le plus tendrement du monde.
V.
Je vais chercher vite un exemplaire mieux conditionné. »
1 L'édition Voltaire à Ferney, est plus complète que le manuscrit de la copie contemporaine qui ne comporte que les deux premières phrases . Le manuscrit original est passé à la vente J. B. Learmont le 9 janvier 1918 à New-York .
2 Sans doute Eudoxie ( qui n’a pas été représentée. ) . Voir : https://fr.wikipedia.org/wiki/Michel_Paul_Guy_de_Chabanon
et : https://archive.org/details/bub_gb_I3fzA7GTmfwC/mode/2up
10:56 | Lien permanent | Commentaires (0)
24/12/2021
Je viens d’entendre des morceaux de Pandore ; je vous assure qu’il y en a d’excellents
... Cher ami Voltaire , je vous crois sur parole, mais permettez-moi de trouver supérieur ce qui suit : https://www.youtube.com/watch?v=xbhCPt6PZIU
Pour Noël : Stairway to heaven ! Eviva Led Zepp'!
« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental
et à
Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d'Argental
19è septembre 1766
Mes divins anges, je vous avouerai longtemps que j’ai été pénétré de l’aventure que vous savez. Le jugement flétrissant porté unanimement contre ce monstre de Broutet a été une goutte de baume sur une profonde blessure. J’étais dans une si horrible mélancolie que, pour me guérir, j’ai fait venir toute la troupe des comédiens de Genève, au nombre de quarante-neuf, en comptant les violons. J’ai vu ce que je n’avais jamais vu, des opéras-comiques . J’en ai vu quatre. Il y a une actrice très supérieure, à mon gré, à Mlle Dangeville ; mais ce n’est pas en beauté : elle est pourtant très bien sur le théâtre. Elle a, par-dessus Mlle Dangeville, le talent d’être aussi comique en chantant qu’en parlant. Il y a deux acteurs excellents ; mais rien pour le tragique ni pour le haut comique en aucun lieu du monde. Cela prouve évidemment que le cothurne est à tous les diables, et que la nation est entièrement tournée aux tracasseries parlementaires, aux horreurs abbevilliennes, et à la farce. J’ai vu jouer aussi Henri IV . Vous croyez bien que cela n’a pas déplu à l’auteur de la Henriade.
J’ai reçu une lettre charmante de M. le duc de Choiseul . En vérité, c’est une belle âme ; lui et M. le duc de Praslin sont de l’ancienne chevalerie ; mais je doute que M. Pasquier en soit.
Le petit Commentaire sur les Délits et les Peines 1, d’un avocat de Besançon, réussit beaucoup dans la province et chez l’étranger.
Il y a dans le parlement de Besançon un procureur général 2 qui est un bœuf . Le parlement lui fait souvent l’affront de nommer le greffier en chef pour faire les fonctions de procureur général dans les affaires difficiles. Ce bœuf alla mugir, ces jours passés, chez un libraire qui vendait ce que les sots appellent de mauvais livres ; il le fit mettre en prison, et requit qu’on le fît pendre, en vertu de la belle loi émanée en 1756 . Car les Velches ont aussi quelquefois des lois. Le Parlement, d’une voix unanime, renvoya le libraire absous, et le bœuf, en mugissant, dit au libraire , Mon ami, ce sont les livres que vous vendez qui ont corrompu vos juges.
Voilà de beaux exemples. Ô Welches profitez ! Mais cependant je n’ai point encore le factum pour les Sirven 3; mes anges l’ont-ils vu ? Je crois que je me consolerais de tout si je gagnais ce procès . Non, je ne me consolerais point : le monde est trop méchant.
Jean-Jacques Rousseau est un étonnant fou.
J’ai chez moi actuellement M. de La Borde, qui met en musique le péché originel, sous le nom de Pandore 4. Le bon de l’affaire, c’est que monsieur le dauphin lui avait proposé cet opéra quelques mois avant sa mort.
Respect et tendresse.
V.
N. B. -- Je viens d’entendre des morceaux de Pandore ; je vous assure qu’il y en a d’excellents. »
1 Voir : https://fr.wikisource.org/wiki/Commentaire_sur_Des_D%C3%A9lits_et_des_Peines/%C3%89dition_Garnier
2 Voir lettre du 16 septembre 1766 à d'Alembert : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2021/12/20/il-broutera-desormais-ses-chardons-et-voila-du-moins-cet-ane-6356165.html
3 Voir lettre du 8 octobre 1766 à d'Argental : https://fr.wikisource.org/wiki/Correspondance_de_Voltaire/1766/Lettre_6529
12:07 | Lien permanent | Commentaires (0)
il avait fait quelques commissions pour vous . Il ne m’a pas dit ce que c’était
... Radio Bruits de couloirs : Non, madame , ni votre meilleure amie, ni votre concierge ne sauront vous révéler ce que monsieur va vous offrir , et c'est tant mieux ; si déception il y a, elle arrivera toujours bien trop tôt .
Ô magie de Noël ! comme dit l'innocent aux mains pleines .
http://creationsmamaph.over-blog.com/2015/04/paques.html
Un cadeau, c'est un cadeau ! Pas de saison pour ça .
« A François Achard Joumard Tison, marquis d'Argence
19 septembre 1766 à Ferney
J’ai reçu, monsieur, la traduction de l’Exorde des Lois de Zaleucus 1, l’un des plus anciens et des plus grands législateurs de la Grèce. C’est un précieux monument de l’antiquité , il sert à prouver que nos premiers maîtres ont toujours reconnu un Dieu suprême qui lit dans le cœur des hommes, et qui juge nos actions et nos pensées. Il n’y a que la malheureuse secte d’Épicure qui ait jamais combattu une opinion si raisonnable et si utile au genre humain . La piété et la vertu sont de tous les temps.
Vous me mandez que vous avez trouvé des barbares, indignes de la société des honnêtes gens, qui se sont élevés contre ce fragment si respectable. Il est triste que, dans notre nation, il y ait des gens si absurdes . C’est le fruit de l’ignorance où l’on vit dans la plupart des provinces, et de la misérable éducation qu’on y a reçue jusqu’à présent. La rouille de l’ancienne barbarie subsiste encore. On trouve cent chasseurs, cent tracassiers, cent ivrognes, pour un homme qui lit ; c’est en quoi les Anglais, et même les Allemands, l’emportent prodigieusement sur nous.
J’ai vu, ces jours passés, M. Boursier 2, qui m’a dit qu’il avait fait quelques commissions pour vous . Il ne m’a pas dit ce que c’était . Tout ce que je sais, c’est qu’il vous est attaché comme moi. Soyez bien persuadé, monsieur, des tendres sentiments de votre très humble et très obéissant serviteur .
Voltaire.»
1 Voir l'Essai sur les mœurs, page 78 : https://fr.wikisource.org/wiki/Essai_sur_les_m%C5%93urs/Introduction#p78
V* fait apparemment allusion à la préface, faussement attribuée à Zaleucus, publiée par Strobée dans son Florilegium, XLIV, xx-xxi ; voir : https://fr.wikipedia.org/wiki/Jean_Stob%C3%A9e
2 Il s’agit peut-être ici du Recueil nécessaire : https://fr.wikisource.org/wiki/Essai_sur_les_m%C5%93urs/Introduction
Le Recueil nécessaire, à Leipzig, 1765, in-8°, contient : 1° Avis de l’éditeur ; 2° Analyse de la religion chrétienne (sous le nom de Dumarsais) ; 3° le Vicaire savoyard, tiré de l’Émile de Rousseau ; 4° Catéchisme de l’Honnête Homme (voir tome XXIV, page 523) ; 5° Sermon des Cinquante (voir tome XXIV, page 437) ; 6° Examen important, par milord Bolingbroke (c’est-à-dire par Voltaire ; voyez tome XXVI, page 195) ; 8° Dialogue du Douteur et de l’Adorateur (Voyez tome XXV, page 129) ; 8° Les dernières paroles d’Épictète à son fils (voyez tome XXV, page 125) ; 9° Idées de La Mothe Le Voyer (voyez tome XXIII, page 489).
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vous n’ignorez pas tous les bruits qui ont couru
... Eh bien , moi , si !
Je me garde précieusement à l'écart des réseaux sociaux chronophages et m'offre le luxe de n'avoir pas à purger à longueur de journée ma boîte aux lettres . Des amis en chair et en os sont bien préférables, et à tous ceux qui se flattent d'avoir des kyrielles de followers , je rappelle ce que chante le Grand Jacques : " il est plus humiliant d'être suivi que suivant " https://www.youtube.com/watch?v=XVWaGlpOPnY
Ce n'est pas faute d'avoir été prévenus : https://www.20minutes.fr/high-tech/1833499-20160425-video...
« A Jean-François de La Harpe
17 septembre 1766
Mon cher confrère et mon cher enfant, je vous remercie bien tard, mais j’ai été malade. J’ai pris les eaux, et pendant ce temps-là on n’écrit point. Vous savez aussi peut-être combien j’ai été affligé d’une aventure 1 dont vous avez entendu parler à Hornoy ; vous n’ignorez pas tous les bruits qui ont couru . Je suis sûr enfin que vous me pardonnerez mon silence . Comptez que je n’en ai pas moins été sensible à vos succès 2 et à votre gloire. Je suis persuadé que vous avez achevé actuellement votre tragédie, car vous travaillez avec la facilité du génie. Je ne sais si vous aurez des acteurs, . Je ne suis sûr que de vos beaux vers. Votre ami M. de Chamfort m’a envoyé sa pièce académique 3. Vous avez un frère en lui, vous êtes l’aîné ; mais ce cadet me paraît fort aimable, et très digne de votre amitié. Votre union fait également honneur au vainqueur et au vaincu . Je voudrais vous tenir l’un et l’autre dans ma retraite. Je vois que vous n’y viendrez que quand les beaux jours seront passés, mais vous ferez les beaux jours. Vous me trouverez peut-être vieilli et triste ; vous me rajeunirez, et vous m’égaierez. Je vous embrasse du meilleur de mon cœur.
V. »
1 Le supplice de La Barre.
2 Sur ces succès littéraires, voir lettre du 11 août 1766 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2021/11/07/non-seulement-votre-ouvrage-est-couronne-mais-il-est-bon-et-6348092.html .
3 Sébastien-Roch-Nicolas de Chamfort : L’Homme de lettres, discours philosophique en vers, 1766, envoyé à l'Académie en même temps que le poème de La Harpe pour le concours du prix de poésie.
: Voir : https://data.bnf.fr/fr/documents-by-rdt/11895962/te/page1
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23/12/2021
C'est à ceux qui se portent bien à venir chez les malades
... Mon cher Voltaire, ton bon coeur te perdra , connais-tu le virus du Covid 19-version omicron ? Jamais si petite lettre, zéro minuscule, n'a fait sur nous le dessin d'un centre de cible . Seul blindage salvateur : le vaccin . Par sécurité, ajoutons le masque et évitons la foule .
Les pères Noël de supermarchés sont-ils masqués sous leurs barbes ? Sinon, touchent-ils une prime de risque ? Si malades, maladie professionnelle ?
« A Théodore Tronchin
16è septembre 1766 1
Je ne peux rien écrire de ma main à mon Esculape, c'est un tribut que je paie régulièrement au changement des saisons . Je m'étais mis cependant à un excellent régime . Je n'ai pu résister à l'envie de voir jouer Henri IV sur mon petit théâtre de Ferney ; il faut pardonner à l'auteur de La Henriade l'insolence qu'il a eue de faire venir toute la troupe de Genève chez lui . J'ai pleuré une partie de la pièce et j'ai ri l'autre . Si on la jouait à Paris je crois qu'elle serait jouée un an de suite .
Ne nous hâtons pas, je vous en conjure, de condamner M. de Beaumont . Le fond de l'affaire est que le bien revendiqué par Mme de Beaumont avait été vendu à trop vil prix . Elle est héritière naturelle . La lésion est manifeste . Voilà pour les procédés . À l'égard des procédures, je pense comme vous qu'il est fort triste d'être dans la dure nécessité de réclamer une loi cruelle contre laquelle on s'était élevé dans d'autres affaires . Mais il n'y a pas, je crois, d'autre moyen de revenir contre la lésion dont on se plaint . C'est une affaire fort désagréable, et qu'on devrait, ce me semble accommoder .
Ne confondez point , je vous en supplie, vos parents avec d'autres personnes de Genève . Soyez très sûr que je serai attaché du fond de mon cœur à toute votre famille jusqu'au dernier moment de ma vie . Mais il faut se voir et se parler pour s'entendre , et vous savez qu'il y a plus de deux ans que je ne peux sortir . Je vous répète encore que je ne me mêlai un petit moment des affaires de votre ville que sur la prière de plusieurs personnes des deux partis . Je me débarrassai de tous dès que M. Hennin arriva . M. le duc de Choiseul, malgré la multitude de ses affaires, me rend plus de justice que vous . Je reçois une lettre de lui en même temps que je reçois la vôtre 2, et j'aurais souhaité que vous n'eussiez parlé avec autant de confiance et de bonté que lui . Vous affligez encore une fois mon amitié par le soupçon que vous semblez avoir que je ne préfère pas l'intérêt de votre famille à tout autre intérêt . Si quelqu'un avait à se plaindre, ce serait moi, peut-être . C'est à ceux qui se portent bien à venir chez les malades . M. l'ambassadeur me fait l’honneur d'y venir assez souvent pour qu'un de vos parents daignât l'accompagner . Je n'en dirais pas autant de quelques perruques . MM. Tronchin ont toujours été les seuls avec qui j'aie été lié . Au reste, soyez très sûr qu'ils ne peuvent être sacrifiés à personne, et que les partisans les plus outrés du peuple ne leur ôteront jamais rien de leur considération . Je sais bien que la concorde ne sera jamais dans Genève, mais les lois en tiendront lieu et c'est tout ce qu’on peut attendre .
Pour Jean-Jacques, je tiens toujours qu'il faut le montrer à Bartholomey fair pour un scheling . Cela devient trop comique, et la folie est trop forte pour qu'on s'en fâche . Il est très physiquement mentis non compos 3, et je parie ce qu'on voudra qu'il sera enfermé à Bedlam avant deux ans .
Je ne saurais cesser de dicter sans vous demander si vous êtes instruit qu'on a flétri d'une voix unanime à la cour des aides le nommé Broutet, l'un des juges du chevalier de La Barre . Ce scélérat s'étant porté pour juge n'était pas même gradué . Il s'était acharné contre le chevalier, et il avait animé tous les autres juges . Le voilà désormais incapable d’exercer aucune charge de judicature .
Je finis de peur de trop parler, les malades doivent ménager leur poitrine . Mon cœur vous dit tout ce que le secrétaire n'écrit point . »
1 Edition André Delattre « Lettres à Théodore Tronchin par Voltaire », Mercure de France, 1er octobre 1950 . La lettre, comme celle du 3 septembre 1766 a été très mal éditée par Tronchin B.
Voir : https://fr.wikipedia.org/wiki/Th%C3%A9odore_Tronchin
et : https://archives.bge-geneve.ch/archive/fonds/tronchin_141_397
2 Cette lettre n'est pas connue ; pour celle de Choiseul, voir lettre du 14 septembre 1766 à Mme de Saint-Julien : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2021/12/17/soyez-sure-madame-que-vous-n-etes-pas-faite-seulement-pour-p-6355537.html
3 Non maître de son esprit ; réminiscence de Quinte-Curce .
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