02/01/2022
Si vous êtes chèvre, madame, il n’y a personne qui ne veuille devenir bouc ; mais vous m’avouerez que de vieux singes, devenus tigres, sont une horrible espèce
... J'adore ce sens du compliment "à la Voltaire" !
Avis aux vieux singes et vielles guenons ! Zemmour , Le Pen et Mélenchon, vous êtes découverts .
« A Louise-Florence-Pétronille de Tardieu d'Esclavelles d'Epinay
Place Vendôme
à Paris
26è Septembre 1766
Si vous êtes chèvre, madame, il n’y a personne qui ne veuille devenir bouc ; mais vous m’avouerez que de vieux singes, devenus tigres, sont une horrible espèce. Comment se peut-il faire que les êtres pensants et sensibles ne cherchent pas à vivre ensemble dans un coin du monde, à l’abri des coquins absurdes qui le défigurent ? Je jouis de cette consolation depuis quelques années ; mais il y a des êtres qui me manquent : j’aurais voulu vivre surtout avec vous et vos amis. Il est vrai que le petit nombre de sages répandus dans Paris peut faire beaucoup de bien en s’élevant contre certaines atrocités, et en ramenant les hommes à la douceur et à la vertu. La raison est victorieuse à la longue ; elle se communique de proche en proche. Une douzaine d’honnêtes gens qui se font écouter produit plus de bien que cent volumes : peu de gens lisent, mais tout le monde converse, et le vrai fait impression.
Votre petit Mazar 1, madame, a pris, je crois, assez mal son temps pour apporter l’harmonie dans le temple de la discorde. Vous savez que je demeure à deux lieues de Genève : je ne sors jamais ; j’étais très malade quand ce phénomène a brillé sur le noir horizon de Genève. Enfin il est parti, à mon très grand regret, sans que je l’aie vu. Je me suis dépiqué en faisant jouer sur mon petit théâtre de Ferney des opéras-comiques pour ma convalescence ; toute la troupe de Genève, au nombre de cinquante, a bien voulu me faire ce plaisir. Vous croyez bien que l’auteur de la Henriade a fait jouer Henri IV. Nous avons tous pleuré d’attendrissement et de joie quand nous avons vu la petite famille se mettre à genoux devant ce bon roi. Tout cela est consolant, je l’avoue mais il y a trop de méridiens entre vous et moi : mon malheur est que mon château n’est pas une aile du vôtre ; c’est alors que je serais heureux. Madame Denis pense comme moi ; permettez-nous d’embrasser M. Grimm. Adieu, madame ; vivez heureuse. Agréez mon très tendre respect. »
1 Mozart ! Gabriel Cramer écrit en post- scriptum le 3 septembre 1766 à Johann Rudolf Sinner : « Nous avons ici un jeune Allemand qui m'est fort recommandé de Paris, il a neuf ans ; il joue du clavecin comme on n'en a jamais joué ; il déchiffre tout dans le moment, il compose sur tous les sujets possibles dans le moment, cela est gai, enfant, plein d'esprit, enfin on n'ose pas en parler de peur de n'être pas cru. »
Dans l'édition Garnier, Georges Avenel se contente de donner en note, sèchement : « Joueur de clavecin . » !
12:18 | Lien permanent | Commentaires (0)
01/01/2022
Tout va comme il plait à Dieu
... et le président est son prophète !
Bonne année à tous
« A Etienne-Noël Damilaville
26 septembre 1766 1
Je n'ai point reçu, mon cher ami, de réponse de M. Deodati . Il faut ou qu'il ne soit point à Paris ou qu'il soit malade, ou qu'il ne sache pas remplir les premiers devoirs de la société . Il me doit le témoignage de la vérité . Ma famille juge que la chose est importante . Je serai peut être forcé de m'adresser à monsieur le lieutenant de police .
Je vous ai déjà mandé que M. le duc de Choiseul et M. le duc de Praslin souhaitaient M. de Chardon pour rapporteur . J'ignore les sentiments présents de M. de Beaumont sur ce choix ; mais le point principal est l'impression de son mémoire . Je me flatte que M. d'Argental en aura le premier exemplaire .
Il me semble que le temps est favorable pour faire imprimer cet ouvrage, et pour disposer les esprits . L'automne est un temps d'indolence et de désœuvrement pendant lequel on est avide de nouveautés .
Vous savez sans doute que le sieur Saucourt 2, juge d'Abbeville, n'a pas voulu juger les autres accusés, et l'on croit qu'il se démettra de sa place . C'est ainsi qu'on se repent après que le mal est fait . J'attends votre paquet dans lequel j'espère trouver des consolations .
Si M. Boulanger, auteur du bel article Vingtième, vivait encore, il serait bien étonné que le blé coûte quarante francs le setier, et qu'on n'y mette point bon ordre . Tout va comme il plait à Dieu . Voulez-vous bien mon cher mai, envoyer cette lettre au libraire Lacombe ? Il y a aussi une lettre à lui adressée dans ce maudit recueil, et Lacombe sera sans doute plus honnête que Deodati .
Bonsoir , mon très cher ami . »
1 L'édition de Kehl amalgame cette lettre ébrégée et la lettre du 29 septembre 1766, également incomplète, sans destinataire . Voir : http://www.monsieurdevoltaire.com/2015/02/correspondance-annee-1766-partie-39.html
2 Belleval de Saucourt .
12:45 | Lien permanent | Commentaires (0)
31/12/2021
Il est vrai que j'ai été indigné de certaines barbaries velches, mais je me suis consolé en songeant combien il y a de Français aimables, à la tête desquels vous êtes
... Mam'zelle Wagnière ; je suis heureux de vous connaitre, et je vous souhaite tout ce qui peut vous être agréable .
« A Charles-Augustin Ferriol , comte d'Argental
26è septembre 1766
Mon cher ange, je vous supplie de présenter mes tendres respects à M. le duc de Praslin . Je suis pénétré des sentiments de bonté dont il veut toujours m'honorer . Je lui souhaite une santé affermie, c'est la seule chose qui peut lui manquer , et c'est celle sans laquelle il n'y a point de bonheur .
Il est vrai que j'ai un beau sujet 1 , mais c'est une belle femme qui me tombe entre les mains à l'âge de près de soixante-treize ans : je la donnerai à exploiter à quelque jeune homme . Je vous ai déjà dit que j'étais comme le chevalier Condom 2 qui s'est fait une grande réputation pour avoir procuré du plaisir à la jeunesse quand il ne pouvait plus en avoir .
La Harpe et Chamfort viennent chez moi à la fin de l'automne, ainsi vous aurez deux tragédies . De quoi diable avez-vous à vous plaindre ?
Je ne hais pas absolument les Roués ; je trouve qu'ils se font lire, et qu'il n'y a pas un seul moment de langueur . Je trouve qu'elle est fortement écrite, et je crois même qu'elle ferait plaisir au théâtre, si Mlle Clairon jouait Fulvie, Mlle Lecouvreur Julie, Baron Auguste, et Lekain Pompée . Il n'est pas mal d'ailleurs d'avoir une pièce dans ce goût afin que tous les genres soient épuisés .
À l'égard des ouvrages philosophiques, tels que Cicéron, Lucrèce, Sénèque, Epictète, Pline, Lucien en faisaient contre les superstitions de leur temps, je ne me pique point d'imiter ces grands hommes . Vous savez que je ne fais aucun ouvrage dans ce goût, je vis chez des Velches et non pas chez les anciens Romains . Je suis sur les frontières d'une nation qui connait par cœur Rose et Colas, et qui ne lit point le De Natura deorum . La calomnie a beau m'imputer quelquefois des écrits pleins d'une sagesse hardie qui n'est pas celle des Velches, mais qui est celle des Montagne, des Charon , des La Motte Le Vayer, des Bayle, je défie qu'on me prouve jamais que j'aie la moindre part à ces témérités philosophiques . Il est vrai que j'ai été indigné de certaines barbaries velches, mais je me suis consolé en songeant combien il y a de Français aimables, à la tête desquels vous êtes avec l'hôte chez qui vous logez . Il n'y a point de mois où l'on ne voie paraître en Hollande, tantôt un excellent ouvrage Fréret, tantôt un moins bon, mais pourtant assez bon de Boulanger, tantôt un autre éloquent et terrible de Bolingbroke . On a réimprimé Le Vicaire savoyard, dégagé du fatras d’Émile, avec quelques ouvrages du consul Maillet 3 . Toute la jeunesse allemande apprend à lire dans ces ouvrages, ils deviennent le catéchisme universel depuis Bade jusqu'à Moscou . Il n'y a pas à présent un prince allemand qui ne soit philosophe . Je n'ai assurément aucune part dans cette révolution qui s'est faite depuis quelques années dans l'esprit humain . Ce n'est pas ma faute si ce siècle est éclairé, si la raison a pénétré jusque dans les cavernes . J'achève paisiblement ma vie sans sortir de chez moi . Je bâtis un village, je défriche des terres incultes, et je suis seulement fâché que le blé vaille actuellement chez nous quarante francs le setier . J’ai bâti une église, et j'y entend la messe . Je ne vois pas pourquoi on voudrait me faire martyr . On peut m'assassiner, mais on ne peut me condamner, et d'ailleurs quand on m’assassinerait à soixante-treize ans, j'aurais toujours probablement plus vécu que mes assassins, et j'aurais plus rendu de service aux hommes que maître Pasquier . Mais j'espère que cela n'arrivera pas, et je vous réponds que j'y mettrai bon ordre . J'ai peu de temps à vivre d'une manière ou d'une autre ; je vivrai et je mourrai attaché à mon cher ange avec mon culte ordinaire d'hyperdulie .
P.S. – Que dites-vous de Mme la comtesse de Brionne qui va des Pyrénées aux Alpes comme on va de Versailles à Paris ? Elle voulait venir incognito, je l'en défie ; est-ce qu'elle serait philosophe ? »
1 Première allusion aux Scythes ; il est clair , par ce paragraphe, que V* a déjà dû en parler à d'Argental dans une lettre qu'on ne connait pas .
2 Inventeur du contraceptif qui porte le nom du pays d'origine du chevalier Condom . Voir : https://www.persee.fr/doc/pharm_0035-2349_1996_num_84_309_4323
3 Benoît de Maillet ; voir les Noteboocks, I, 420-426 où V* a recopié plusieurs pages « d'extraits » de son ouvrage . On connait aussi Antoine Maillet du Clairon, consul de France à Amsterdam . Voir : https://www.persee.fr/doc/rhs_0151-4105_1991_num_44_3_4193
Voir : https://fr.wikipedia.org/wiki/Beno%C3%AEt_de_Maillet
et https://data.bnf.fr/en/atelier/13012786/antoine_maillet-duclairon/
00:05 | Lien permanent | Commentaires (0)
30/12/2021
Dieu merci, monsieur, les nouvelles qui ont couru n'ont pas le moindre fondement
... Le monde des tordus de la cafetière ne connait pas les frontières, ceux qui les suivent et les mettent en avant sont bien pourris eux aussi , voir par exemple : https://www.20minutes.fr/high-tech/3203483-20211223-coron...
Je leur souhaite une fin d'année minable et la suivante aussi naze qu'ils le sont , l'idéal étant qu'ils ne voient pas 2023 .
Les transmetteurs, maquereaux de " l'info" [sic]
« A Jean Ribote-Charron
à Montauban
Dieu merci, monsieur, les nouvelles qui ont couru n'ont pas le moindre fondement . Je suis toujours dans ma terre de Ferney où je viens de faire jouer la comédie de Henri IV par la troupe de Genève . J'ai été ivre de joie en voyant mon héros sur la scène .
J'ai un autre héros, c'est M. le duc de Choiseul, le bienfaiteur des Calas . Il veut être celui des Sirven . Voici les propres mots qu'il m'écrit dans la dernière lettre dont il m'a honoré de sa main : Le jugement des Calas n'est qu'un effet de la faiblesse humaine qui n'a fait souffrir qu'une famille ; mais la dragonade de M. de Louvois a fait le malheur du siècle . Il me semble que ces paroles doivent être gravées en lettres d'or dans le Languedoc . On ne peut être plus touché que je le suis, monsieur, des sentiments que vous voulez bien me témoigner .
24è septembre 1766. »
19:14 | Lien permanent | Commentaires (0)
C’est une des petites aventures dignes du meilleur des mondes possibles
... Par exemple celles-ci , celle de KaNoé , de Valsero , etc., sur France 24 : https://www.france24.com/fr/%C3%A9missions/l%C3%A9gendes-...
... Vous n'avez pas tout suivi ? Oh ... ça alors ! dommage .
« A Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand
24è septembre 1766 à Ferney
Ennuyez-vous souvent, madame, car alors vous m’écrirez 1. Vous me demandez ce que je fais . J’embellis ma retraite, je meuble de jolis appartements où je voudrais vous recevoir . J’entreprends un nouveau procès dans le goût de celui des Calas, et je n’ai pas pu m’en dispenser, parce qu’un père, une mère, et deux filles, remplis de vertu, et condamnés au dernier supplice, se sont réfugiés à ma porte, dans les larmes et dans le désespoir. C’est une des petites aventures dignes du meilleur des mondes possibles. Je vous demande en grâce de vous faire lire le mémoire que M. de Beaumont a fait pour cette famille, aussi respectable qu’infortunée. Il sera bientôt imprimé. Je prie M. le président Hénault de le lire attentivement, vos suffrages serviront beaucoup à déterminer celui du public, et le public influera sur le conseil du roi. La belle âme de M. le duc de Choiseul nous protège . Je ne connais point de cœur plus généreux et plus noble que le sien : car, quoi qu’en dise Jean-Jacques, nous avons de très honnêtes ministres. J’aimerais mieux assurément être jugé par le prince de Soubise, et par M. le duc de Praslin, que par le parlement de Toulouse.
Il faudrait, madame, que je fusse aussi fou que l’ami Jean-Jacques pour aller à Vezel. Voici le fait . Le roi de Prusse m’ayant envoyé cent écus d’aumône pour cette malheureuse famille des Sirven, et m’ayant mandé qu’il leur offrait un asile à Vezel ou à Clèves, je le remerciai comme je le devais ; je lui dis que j’aurais voulu lui présenter moi-même ces pauvres gens auxquels il promettait sa protection ; il lut ma lettre devant un fils de M. Tronchin, qui est secrétaire de l’envoyé d’Angleterre à Berlin. Le petit Tronchin, qui ne pense pas que j’ai soixante-treize ans, et que je ne peux sortir de chez moi, crut entendre que j’irais trouver le roi de Prusse ; il le manda à son père ; ce père l’a dit à Paris ; les gazetiers en ont beaucoup raisonné , et voilà comme on écrit l’histoire 2.
Puis fiez-vous à messieurs les savants.3
Il faut que je vous dise, pour vous amuser, que le roi de Prusse m’a mandé 4 qu’on avait rebâti huit mille maisons en Silésie. La réponse est bien naturelle Sire, on les avait donc détruites ; il y avait donc huit mille familles désespérées. Vous autres rois, vous êtes de plaisants philosophes .
Jean-Jacques du moins ne fait de mal qu’à lui, car je ne crois pas qu’il ait pu m’en faire ; et Mme la maréchale de Luxembourg ne peut pas croire que j’aie jamais pu me joindre aux persécuteurs du Vicaire savoyard 5. Jean-Jacques ne le croit pas lui-même ; mais il est comme Chie-en-pot-la-Perruque 6, qui disait que tout le monde lui en voulait.
Savez-vous que l’horrible aventure du chevalier de La Barre a été causée par le tendre amour ? Savez-vous qu’un vieux maraud d’Abbeville, nommé Belleval, amoureux de l’abbesse de Vignancourt 7, et maltraité, comme de raison, a été le seul mobile de cette abominable catastrophe ? Ma nièce de Florian, qui a l’honneur de vous connaître, et dont les terres sont auprès d’Abbeville, est bien instruite de toutes ces horreurs . Elles font dresser les cheveux à la tête. Savez-vous encore, madame, que feu monsieur le dauphin, qu’on ne peut assez regretter, lisait Locke dans sa dernière maladie ? J’ai appris, avec bien de l’étonnement, qu’il savait toute la tragédie de Mahomet par cœur. Si ce siècle n’est pas celui des grands talents, il est celui des esprits cultivés.
Je crois que M. le président H[énault] a été aussi enthousiasmé que moi de M. le prince de Brunswick. Il y a un roi de Pologne philosophe qui se fait une grande réputation. Et que dirons-nous de mon impératrice de Russie ?
Je m’aperçois que ma lettre est un éloge de têtes couronnées , mais, en vérité, ce n’est pas par fadeur, car j’aime encore mieux leurs valets de chambre. Il m’est venu un premier valet de chambre du roi, nommé M. de La Borde, qui fait de la musique, et à qui monsieur le dauphin avait conseillé de mettre en musique l’opéra de Pandore. C’est de tous les opéras, sans exception, le plus susceptible d’un grand fracas. Faites-vous lire les paroles, qui sont dans mes œuvres 8, et vous verrez s’il n’y a pas là bien du tapage. Je croyais que M. de La Borde faisait de la musique comme un premier valet de chambre en doit faire, de la petite musique de cour et de ruelle . Je l’ai fait exécuter , j’ai entendu des choses dignes de Rameau. Ma nièce Denis en est tout aussi étonnée que moi, et son jugement est bien plus important que le mien, car elle est excellente musicienne.
Vous en ai-je assez conté, madame ? vous ai-je assez ennuyée ? Suis-je assez bavard ? Souffrez que je finisse en disant que je vous aimerai jusqu’au dernier moment de ma vie, de tout mon cœur, avec le plus sincère respect. »
1 Réponse à la lettre de la marquise du 18 septembre 1766 : https://fr.m.wikisource.org/wiki/Correspondance_de_Voltaire/1766/Lettre_6509
2 Charlot, I, 7 ; V* doit être en train de travailler à cet ouvrage lorsqu'il écrit cette lettre . Voir : http://www.theatre-classique.fr/pages/programmes/didascal...*
3 La Pucelle, X, 107 ; voir page 116 : https://www.pascalbelon-thomas.fr/uploads/pdf/rubrique%20formation/memoire_DEA_LaPucelle_d_Orleans_Voltaire.pdf
4 Voir lettre du 19 septembre 1766 à Thiriot : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2021/12/25/il-y-avait-eu-huit-mille-maisons-de-detruites-et-huit-mille-6356958.html
5 Ce morceau est dans le troisième livre d’Émile.
6 Voir lettre du 21 septembre 1750 à d'Argental : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2009/09/21/df40a821fb169cb0faa0ca782bd67517.html
7 Ou plutôt Villancourt .
Voir page 505 : https://fr.m.wikisource.org/wiki/Relation_de_la_mort_du_chevalier_de_La_Barre#505
et page 377 : https://fr.m.wikisource.org/wiki/Le_Cri_du_sang_innocent/%C3%89dition_Garnier#377
12:36 | Lien permanent | Commentaires (0)
29/12/2021
il fait plus de cas d’un ramoneur de cheminées, qui exerce un métier utile, que de tous ces petits écornifleurs du Parnasse
... Pour tous les morpions, écornifleurs qui ne savent vivre que de leurs baratins politiques, n'oublions pas que nous avons le pesticide naturel : le bulletin de vote .
«A Etienne-Noël Damilaville
24 septembre 1766 1
Je vous remercie, mon cher ami, mon cher frère, de votre noble et philosophique déclaration 2 sur l’insolence de ce faussaire qui a fait imprimer ses sottises sous mon nom. La canaille littéraire est ce que je connais de plus abject dans le monde. L’auteur du Pauvre Diable 3 a raison de dire qu’il fait plus de cas d’un ramoneur de cheminées, qui exerce un métier utile, que de tous ces petits écornifleurs du Parnasse. Il est bon de faire un petit ouvrage 4 qu’on insérera dans les journaux, et qui servira de préservatif contre plus d’une imposture.
Un beau préservatif sera le factum de notre ami Élie 5. Vous ne m’avez point mandé si vous l’aviez lu. J’ai bien à cœur que l’ouvrage soit parfait. Un factum, dans une telle affaire, doit se faire lire avec le même plaisir qu’une tragédie intéressante et bien écrite. Il n’y a plus moyen de reculer sur M. Chardon ; je crois que M. le duc de Choiseul trouverait fort mauvais qu’après lui avoir demandé ce rapporteur on en demandât un autre ; mais il faudra nécessairement tâcher de captiver M. Le Noir 6, qui est, dit-on, le meilleur criminaliste du royaume : sa voix sera d’un très grand poids ; et nous courons beaucoup de risque 7, s’il ne prend pas notre parti.
Vous aurez incessamment toutes les choses que vous me demandez, mon cher ami. Il y a un nouveau livre, comme vous savez, de feu M. Boulanger 8. Ce Boulanger pétrissait une pâte que tous les estomacs ne pourraient 9 pas digérer : il y a quelques endroits où la pâte est un peu aigre ; mais, en général, son pain est ferme et nourrissant. Ce M. Boulanger-là a bien fait de mourir, il y a quelques années, aussi bien que La Mettrie, Dumarsais, Fréret, Bolingbroke, et tant d’autres. Leurs ouvrages m’ont fait relire les écrits philosophiques de Cicéron ; j’en suis enchanté plus que jamais. Si on les lisait, les hommes seraient plus honnêtes et plus sages.
Je me flatte que le petit ballot est parti. Mes compliments à l’auteur voilé du dévoilé 10. Je l’embrasse mille fois. Écr. l’inf. »
1Copie contemporaine Darmstadt B. sans les trois derniers mots ; ici, édition Kehl .
2 C’est le Certificat qui est page 580 : https://fr.m.wikisource.org/wiki/Appel_au_public/%C3%89dition_Garnier
3 Dans son Pauvre Diable , Voltaire a dit, vers 386 et suivants :
J’estime plus ces honnêtes enfants
Qui de Savoie arrivent tous les ans, etc.
4 C’est l’Appel au public, etc., voir page 579 : https://fr.m.wikisource.org/wiki/Appel_au_public/%C3%89dition_Garnier
5 Pour les Sirven.
6 Le Noir (Jean-Charles-Pierre), né en 1732, maître des requêtes en 1765, lieutenant général de police en 1774, mort en 1807.
7 Le mot risque s'emploie le plus souvent au singulier au XVIIè siècle et encore au XVIIIè .
8 Voir lettre du 23 avril 1766 à Marmontel : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2021/07/19/il-est-tres-vrai-que-la-raison-perce-meme-en-italie-et-que-l-6327918.html . L’Antiquité dévoilée, etc., ouvrage posthume de Boulanger (refait sur le manuscrit, par le baron d’Holbach), 1766, un volume in-4°, ou trois volumes in-12. V* a dû être informé de l'existence de l'édition de « Londres » ( en fait Nancy) , 1767dont il acquit un exemplaire .
9 Les éditions portent peuvent à la suite de la copie Beaumarchais .
10 Le Christianisme dévoilé du baron Paul-Henri Thiry d'Holbach Voir : http://atheisme.free.fr/Atheisme/Bibliographie_christianisme_devoile.htm
17:17 | Lien permanent | Commentaires (0)
28/12/2021
Ses querelles sont petites et longues
... On dirait bien le constat de la vie politique française, tous bords confondus .
ô pinaise !
« A George Keate
Nandos coffe-house
London
Je n'ai reçu, monsieur, que depuis peu de jours vos beaux vers sur la mort de Mlle Cibber 1. Ils m'ont fait tant de plaisir que si j'étais mort je vous prierais d'en faire autant pour moi ; mais je vous assure que j'aime encore mieux recevoir vos ouvrages dans ce monde-ci que dans l'autre . Vous êtes bien heureux de vous occuper des charmes de la poésie, tandis que la plupart de vos compatriotes ne se livrent qu'à l'esprit de parti ; les muses consolent l'âme, et les querelles l'affligent .
Genève est autant qu'elle peut le Gille de l'Angleterre ; elle cherche à l'imiter comme la grenouille voulait ressembler au taureau 2. Ses querelles sont petites et longues ; les Anglais auraient pris toute l'Amérique en moins de temps qu'il n'en faut pour concilier les Genevois .
Adieu, monsieur, j'aurai bientôt besoin d'une épitaphe ; je me recommande à vous . Votre très humble et très obéissant serviteur
V.
23è septembre 1766. »
1 Voir lettre du 13 juin 1766 à Keate : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2021/09/04/encore-dans-cette-ville-ils-y-donneront-des-lois-mais-ils-n-6335679.html
2 Allusion à la fable « La Grenouille qui voulait se faire aussi grosse que le boeuf » de La Fontaine : https://www.iletaitunehistoire.com/genres/fables-poesies/lire/la-grenouille-qui-se-veut-faire-aussi-grosse-que-le-boeuf-biblidpoe_011#histoire
10:29 | Lien permanent | Commentaires (0)