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11/09/2020

Si vous voulez avoir des informations, je crois qu'il les faut juridiques ...vous auriez une réponse satisfaisante qui vous mettrait en état de rendre à vos concitoyens le service qu'ils semblent attendre de vous

... Consigne raisonnable à tous élus et fonctionnaires , et tous dirigeants de tout poil .

 

 

« A Gian-Francesco Marengo à Paris

Au château de Ferney, 20 mai 1765 1

La confiance que vous voulez bien me témoigner, monsieur, me flatte et m'honore . La retraite profonde où je vis, mon âge avancé, et les maladies dont je suis accablé , mettent hors d'état de faire les recherches qui seraient nécessaires pour le dessein que vous avez . J'avoue que vous avez raison de penser que le sieur Jean-Jacques Rousseau, ne s'étant guère occupé à Paris qu'à exciter des troubles dans le parterre de l'Opéra, étant chassé de France, de Genève et de Berne , n'est guère propre à concilier les esprits d'une République . Mais, monsieur, je ne puis vous rendre un compte bien exact de ses livres que je n'ai presque point lus, ni de sa personne que je ne connais point du tout . Si vous voulez avoir des informations, je crois qu'il les faut juridiques ; je pense que si vous écriviez à messieurs du Conseil d’État de Genève, ou du mons à M. le procureur général, vous auriez une réponse satisfaisante qui vous mettrait en état de rendre à vos concitoyens le service qu'ils semblent attendre de vous . La voix d'un particulier est trop peu de chose dans une pareille affaire .

J'ai l'honneur d'être, bien respectueusement, monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur .

Voltaire

gentilhomme ordinaire du roi. »

10/09/2020

Faites beau bruit, vous et les frères

... de Charlie Hebdo !

Trop de silence tue : https://www.francetvinfo.fr/economie/medias/charlie-hebdo...

Il faut persévérer contre l'infâme et non simplement l'oublier : https://www.francetvinfo.fr/economie/medias/charlie-hebdo...

Où en est l'enquête sur les attentats de « Charlie Hebdo » et de l'Hyper  Cacher ?

Disparus mais vivifiants

 

 

« A Etienne-Noël Damilaville

20è mai 1765

Voici, mon cher frère, deux petits croquis de Donat Calas. J’aurais désiré qu’on l’eût fait un peu plus ressemblant, et qu’on n’eût pas sacrifié une chose si importante à l’idée de le représenter dans une attitude douloureuse qui défigure son joli visage. Si vous voulez vous servir de ce dessin, recommandez au peintre de faire Donat le plus joli qu’il pourra. Vous saurez d’ailleurs, mon cher frère, que vous avez carte blanche pour mettre votre frère au rang de ceux qui contribuent à la façon de cette estampe. Ce monument éternisera la plus horrible des injustices, la plus belle réparation, et la générosité de votre zèle vertueux.

Il semble que plus les philosophes font de bien, plus on s’efforce de les persécuter. On a saisi le ballot qui contenait le bel ouvrage de notre cher Archimède . L’autre aura le même sort . La Philosophie de l’Histoire, que tous les gens sensés trouvent très sage, ne sera pas épargnée. Tout est suspect de la part de ceux qui rendent à la nation de vrais services. Je crains bien de n’avoir jamais l’Encyclopédie . Mon âge, ma mauvaise santé, et la fureur des jansénistes, me priveront de la consolation de lire ce grand ouvrage. Ne pourrais-je pas, par votre crédit, obtenir qu’on m’en fît parvenir trois tomes ? je garderais religieusement le secret.

Si vous voyez le véritable prophète Élie, dites-lui, je vous en prie, que nous sommes réduits à faire signer dans Gex une procuration aux filles de Sirven, pour sommer le greffier du parlement toulousain de délivrer copie de l’arrêt qui confirme l’injuste sentence ; et si le greffier refuse, nous enverrons acte de son refus.

Je trouve que cette cause peut faire au moins autant d’honneur à l’éloquence de M. de Beaumont que la cause des Calas. Cette fureur épidémique, qui a persuadé tous les tribunaux d’une province que la loi des protestants est parricide, est un sujet digne d’un citoyen tel que lui. Quiconque arrache une branche du fanatisme fait une plaie à l’arbre dont il se sent jusque dans ses racines.

Rendons encore ce service à l’humanité dans l’affaire des Sirven, et demeurons inébranlables dans celle d’écr. l’inf.

Je pense que désormais il est à propos que vous m’écriviez à Lyon, sous l’enveloppe de  M. Camp, banquier ; la curiosité des méchants sera trompée. Dites à frère Archimède qu’il en fasse autant. Nous pourrons jouir de la consolation de nous ouvrir nos cœurs ; le mien est à vous jusqu’au dernier moment de ma languissante vie.

Ècr l'inf. 

N.B. – Soutenez constamment que l’abbé Bazin est le véritable auteur de la Philosophie de l’Histoire. Comment n’en pas croire son neveu ? quelle fureur de m’imputer jusqu’à l’ouvrage d’un théologien antiquaire ! persécutera-t-on toujours l’auteur de la chrétienne Zaïre ? Faites beau bruit, vous et les frères. »

 

 

09/09/2020

Il est temps que la philosophie apprenne aux hommes à être sages et justes

...

 

« A Jean-Baptiste de Chiniac de La Bastide 1

17è mai 1765 au château de Ferney

Je vois, monsieur, par les vers attendrissants que vous avez bien voulu m’envoyer, combien votre cœur sensible a été touché de la funeste aventure des Calas. Vous avez dû applaudir plus que personne à la justice que messieurs les maîtres des requêtes viennent de rendre à cette famille, et aux bienfaits dont le roi l’a honorée. Cette affaire m’a coûté trois ans de peine, que je ne regrette pas. Il y en a une autre à peu près semblable concernant une famille de Castres. Je ne conçois pas par quelle fureur on s’imagine, en Languedoc, que les pères et les mères égorgent leurs enfants, dès qu’ils les soupçonnent devoir être catholiques. Tantum relligio potuit suadere malorum !2 Il est temps que la philosophie apprenne aux hommes à être sages et justes.

J’ai l’honneur d’être, avec des sentiments respectueux, monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur. 

V.»

2 Comme dans la lettre du 16 avril 1765 à Damilaville ; tant la religion a pu inspirer de crimes , Lucrèce, De natura rerum, I, 101.

08/09/2020

On suppose qu'il a fait partir les soufflets à tours de bras que la presse a donnés à un théologien de Paris

... Mais qui donc peut encore bien s'intéresser à la théologie en ce temps où le virus SRAS-covid rempli plus les rues et laboratoires de ceux qui le craignent qu'elle ne remplit temples et  églises ?

 

 

« A Gabriel Cramer

[vers le 15 mai 1765]

Ce n'est pas assurément la peine de faire venir deux exemplaires des journaux de Schurler 1 de dix années ; monsieur Cramer est instamment supplié d'écrire à son correspondant de Hollande, qu'il se hâte d'envoyer à Genève à mon adresse, par les chariots de poste, les journaux depuis 1725 jusqu’à 1735 .

On dit que le nommé Pellet à Genève réimprimait autrefois lesdits journaux . Monsieur Cramer est prié d'avoir la bonté de s'en informer ; et en cas qu'on pût les y trouver tout serait fini, et monsieur Cramer contremanderait ceux de Hollande .

On suppose qu'il a fait partir les soufflets à tours de bras que la presse a donnés à un théologien de Paris .

Mille tendres compliments à toute sa famille . »

1 Le Mercure historique et politique, dont 200 volumes parurent à La Haye de 1686 à 1782 A ce propos, voir lettre du 5 septembre 1760 à Cramer .

07/09/2020

Je vous l'ai déjà dit, mon cher président, il faut que vous pardonniez aux malingres de répondre tard

... Notez-le bien et ne l'oubliez pas .

 

 

«A Germain-Gilles-Richard de Ruffey

à Dijon

15è mai 1765, à Ferney

Je vous l'ai déjà dit, mon cher président, il faut que vous pardonniez aux malingres de répondre tard ; vous comptez plus assurément sur mon tendre attachement pour vous que sur mon exactitude .

Il est vrai que je bâtis, mais je ne m'en occupe guère . Je prendrais beaucoup plus d'intérêt à l'architecture si je pouvais jamais espérer de vous recevoir dans les appartements que je fais .

Je vous remercie des bontés que vous avez eues pour M. Dupuits mon gendre . Il a un procès contre des huguenots et moi j'en ai contre un prêtre, nous verrons si je l'emporterai sur Juda, et lui sur Samarie .

Je ne sais si M. l’ancien premier président de La Marche est dans sa terre , s'il y est , je vous supplie de lui dire quand vous lui écrirez , qu'il aura en moi jusqu'au dernier moment de ma vie, un serviteur bien tendrement attaché ; je ne lui écris point , car à quoi servent des lettres qui n'ont d'autre objet que celui de renouveler des sentiments dont il doit être sûr ? Je lui écrirais très souvent si j’étais à portée de recevoir quelqu'un de ses ordres .

J'aurai l'honneur de vous envoyer l'édition in-4° qu’on va faire de bien des sottises 1, si je suis assez heureux pour la voir finie .

Conservez-moi votre amitié, elle m'est précieuse . Mille tendres respects .

V. »

06/09/2020

Un des grands défauts qu’on reproche à la nation française, c’est que les hommes de mérite qu’elle a produits ont été presque toujours opprimés ou avilis et qu’on leur a préféré des misérables

... Tiens, ça me fait penser aux Balkany et au manque de moralité conséquent de leurs électeurs qui les adulent . Et ce n'est qu'un des nombreux exemples de truands élus par des gogos immoraux . Nicht wahr ?

 

 

« A Louis-François-Armand du Plessis, duc de Richelieu

15 mai 1765

Puisque vous avez reçu, Monseigneur, le dernier paquet que j’eus l’honneur de vous adresser, il y a quelque temps, par M. Jeannel, en voici un autre 1 qui m’arrive de Hollande et que je vous dépêche par la même voie. Je ne crois pas que vous ayez besoin de l’eau de Lausanne pour vos yeux ; ils ont vingt-cinq ans, comme votre imagination et vos grâces. Les miens sont très vieux, et ont souffert des ophtalmies affreuses par les vents du nord autant que par la lecture . Mais si vous voulez employer cette eau pour quelqu’un de vos amis, vous n’avez qu’à me donner vos ordres, j’écrirai sur-le-champ 2 à Lausanne, afin qu’on en fasse partir quelques bouteilles par la voie que vous voudrez bien indiquer. Ce remède n’est bon que pour ceux qui ont des ulcères aux paupières, et n’est nullement propre d’ailleurs à rétablir l’organe de la vue . Il lui ferait même plus de mal que de bien. Il reste encore à savoir si cette recette, qui est favorable dans le printemps, peut faire le même effet en hiver, ce dont je doute beaucoup.

Permettez-moi de vous dire un petit mot des spectacles, qui sont nécessaires à Paris, et que vous protégez. J’ignore si vous pourriez vous servir de l’occasion présente pour faire sentir combien il est contradictoire que des personnes payées par le roi, et qui sont sous vos ordres, soient en prison au fort ou au four de l’Évêque, si elles ne remplissent pas les devoirs de leur profession ; et excommuniées, damnées par l’évêque, si elles les remplissent. Est-il juste qu’on perde tous les droits de citoyen, et jusqu’à celui de la sépulture, parce qu’on est sous votre autorité ? Si quelqu’un peut jamais avoir la gloire de faire cesser cet opprobre, c’est assurément vous, et Paris vous élèverait une statue comme Gênes 3. Mais quelquefois les choses les plus simples et les plus petites sont plus difficiles que les grandes ; et tel homme qui peut faire capituler une armée d’Anglais ne peut triompher d’un curé.

Je voudrais bien que vous protégeassiez les encyclopédistes. Ce sont pour la plupart des hommes infiniment estimables. Leur ouvrage, malgré ses défauts, fera beaucoup d’honneur à la nation ; et ce ne sera pas un honneur passager et ridicule. Un des grands défauts qu’on reproche à la nation française, c’est que les hommes de mérite qu’elle a produits ont été presque toujours opprimés ou avilis et qu’on leur a préféré des misérables. Feu M. Le Normand de Tourneheim avait relégué les tableaux de Vanlo dans la chambre de ses laquais. Votre protection, accordée à ceux qui travaillent à l’Encyclopédie, les encouragerait ; la plus saine partie de la nation vous en saurait beaucoup de gré.

Il est un peu humiliant que les Russes récompensent magnifiquement 4 ceux que le parlement de Paris a persécutés.

On m’a dit que les pairs avaient présenté au roi un mémoire sur leurs droits. J’ai longtemps examiné cette matière en étudiant l’histoire de France, et je suis convaincu que l’origine de toute juridiction suprême en France est la pairie . Mais vous avez M. Villaret, votre secrétaire 5, qui en sait beaucoup plus que moi, et qui sans doute vous a très bien servi . C’est un homme très instruit. Conservez vos bontés à votre ancien serviteur, qui vous sera toujours attaché avec un profond respect.

V. »

1 La Philosophie de l’histoire

2 Ce mot, sur le manuscrit en surcharge un autre illisible.

4 Achat de la bibliothèque de Diderot par Catherine II.

5 Continuateur de Velly . L’historien Claude Villaret est le secrétaire du groupe « ducs et pairs » au parlement . Les « ducs et pairs » y siègent de droit, sous réserve de la « réception », à la différence des ducs ordinaires .

05/09/2020

Je me flatte que vous jouissez d’une bonne santé ; ainsi je n’ai rien à vous souhaiter

... C'est dit .  Vale .

 

 

« Au cardinal François-Joachim de Pierre de Bernis

A Ferney en Bourgogne

par Genève 15 mai [1765]

J’avais résolu, dans ma timide profanerie 1, de ne point écrire à monseigneur l’Archevêque ; mais j’apprends que Votre Éminence fait autant de bien que je lui ai connu d’esprit et de grâces. Omnis Aristippum decuit color et status et res 2.C’est votre bienfaisance qui m’enhardit ; je m’adresse à vous dans votre département, qui est celui de secourir les malheureux.

Il y a une famille bien plus infortunée que celle des Calas, et qui doit, comme les Calas, ses malheurs à l’horrible fanatisme du peuple, qui séduit quelquefois jusqu’aux magistrats. Mais, pour ne pas fatiguer Votre Éminence par de longs détails, je prends le parti de lui envoyer une lettre que j’écrivis il y a quelques mois à un de mes amis , et qu’on rendit publique 3. On est près de demander au Conseil, dont vous êtes, une évocation ; mais nos avocats ont besoin de la copie de l’arrêt de Toulouse, qui confirme la sentence du premier juge. Cet arrêt est du 5 mai 1764. Vous pourriez aisément charger, sans vous compromettre, quelque homme de confiance de vous procurer cette copie. Je vous conjure de m’accorder cette grâce, si elle est en votre pouvoir. Vous tirerez une famille de très honnêtes gens de l’état le plus cruel où l’on puisse être réduit. Il y a bien des malheureux dans ce meilleur des mondes possibles ; mais il n’y en a point qui méritent plus votre compassion. Vous rendez service au genre humain, en servant à déraciner le fanatisme fatal qui change les hommes en tigres.

Ces deux exemples des Calas et des Sirven seront 4 une grande époque. Accordez-nous, je vous en supplie, toute votre protection dans cette affaire, qui intéresse l’humanité. Je ne sais si vous êtes lié avec M. l’archevêque de Toulouse 5, que je n’ai pas l’honneur de connaître . Mais il me semble que Votre Éminence est à portée de l’engager à nous obtenir cette copie que nous demandons. Il est bien étrange que l’on puisse refuser la communication d’un arrêt . Une telle jurisprudence est monstrueuse, et, j’ose le dire, punissable. De bonne foi, souffririez-vous de pareils abus, si vous étiez dans le ministère ? Enfin je m’en remets à votre sagesse et à votre bonté.

Vous devez avoir quelque avocat à Toulouse chargé des affaires de votre archevêché. Il me paraît bien aisé de faire retirer cette pièce par cet avocat. Au nom de Dieu, prenez cette bonne œuvre à cœur. Je vous aimerai autant qu’on vous aime dans votre diocèse.

Je me flatte que vous jouissez d’une bonne santé ; ainsi je n’ai rien à vous souhaiter. 

Gratia, fama, valetudo, contigit abunde.6

J’écris aujourd’hui de ma main. Une bonne femme m’a presque guéri de mes fluxions, qui m’ôtaient l’usage de la vue : les femmes sont toujours bonnes à quelque chose. Ainsi donc ma main vous assure que mon cœur est pénétré, pour Votre Éminence, d’attachement et de respect. 

V.»

1 Encore un mot créé par V*, et non enregistré dans les dictionnaires .

2 Horace, Épîtres , I, XVII, 23 ; toute couleur, état et fortune conviennent à Aristippe .

3 Lettre du à Damilaville, qui a toujours été destinée à être publiée .

4 Voir lettre du 1er mai 17465 à Mlle Clairon :

5 Etienne-Charles de Loménie de Brienne : https://data.bnf.fr/fr/12319373/etienne-charles_de_lomenie_de_brienne/

et : http://académie-française.fr/les-immortels/etienne-charles-de-lomenie-de-brienne

6 Horace, Épîtres, I, iv, 10 ; la faveur, la réputation, la santé lui sont échues en abondance .