05/06/2021
Il faut se défier de toutes ces expériences hasardées, qui contredisent les lois de la nature
...Et tout autant se défier de ce qu'on nomme fake news qui contredisent le plus élémentaire bon sens .
« A M. l'abbé Lazzaro Spallanzani 1
Professeur de philosophie etc.
à Modène
Monsieur,
Je reçus, il y a quelques semaines, par la voie de Genève deux dissertations physiques, sans nom d'auteur 2. Il n'y avait point de lettre dans le paquet . Je viens d'apprendre que ces deux ouvrages qui montrent une grande sagacité et des connaissances très approfondies, sont de vous , monsieur, et sont dignes d'en être . Je voudrais pouvoir vous remercier dans votre belle langue italienne que vous parlez avec tant de politesse, mais l'état où je suis ne me permet pas d'écrire ; ma vieillesse et mes maladies me réduisent à dicter .
Vous avez très grande raison de combattre les prétendues expériences de M. de Needham . On l'a attaqué depuis peu à Genève sur les miracles . Il pourrait se vanter en effet d'avoir fait des miracles s'il avait pu produire des anguilles sans germe . Il faut se défier de toutes ces expériences hasardées, qui contredisent les lois de la nature . Il paraît que vous mettez autant d'exactitude dans vos expériences que de justesse dans vos raisonnements . On ne peut après vous avoir lu vous refuser la plus parfaite estime . C'est avec ces sentiments, et avec beaucoup de reconnaissance, que j'ai l'honneur d'être,
monsieur
votre très humble et très obéissant serviteur
Voltaire
gentilhomme ordinaire
de la chambre du roi
Au château de Ferney par Genève 17è février 1766. »
1Edition Luigi Cagnoli ; Lettere di vari illustri italiani del secolo XVIII et XIX a loro amici, 1741.
Et voir : https://fr.wikipedia.org/wiki/Lazzaro_Spallanzani
et : https://fr.wikipedia.org/wiki/G%C3%A9n%C3%A9ration_spontan%C3%A9e
2 Voir lettre du 10 janvier 1766 à Albergati Capacelli : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2021/04/29/qui-souffre-ne-peut-guere-ecrire-6312802.html
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04/06/2021
Je suis bien aise qu’on ait en France un peu de sévérité sur l’entrée des livres étrangers. On en imprime de si pitoyables et de si ridicules que c’est très bien fait d’écarter cette vermine
... De nos jours, Google and Co ne sont pas regardants sur la marchandise et il n'y a plus de frontières pour se garder de la diffusion des idées les plus détestables . Reste à conserver un peu de jugeotte et quelques principes altruistes . Nul besoin de cyber-influenceurs bidons !
« A Etienne-Noël Damilaville
17 février 1766 1
Permettez, mon cher ami, que je vous adresse le billet important pour mon notaire , M. de Laleu . Le cœur me dit que je recevrai de vous aujourd'hui quelques nouvelles, où vous parlerez de vous, de votre santé, de l'affaire de Sirven .
Je suis bien aise qu’on ait en France un peu de sévérité sur l’entrée des livres étrangers. On en imprime de si pitoyables et de si ridicules que c’est très bien fait d’écarter cette vermine ; mais Cramer est la victime d’une méprise singulière à l’occasion de cette défense. Il envoyait en Hollande un recueil de Mélanges littéraires en trois volumes 2, dans lequel, sans me consulter, il a fourré quelques ouvrages qu’il a attrapés de moi ; et il envoyait en France des suppléments de Corneille, et d’autres œuvres permises. On s’est trompé ; on a adressé les Mélanges en France, et le Corneille en Hollande. J’espère que sa bonne foi le tirera de ce mauvais pas.
Je n'ai point encore mon Encyclopédie . Les relieurs de ce pays-ci sont aussi lents que mauvais ; je n'ai de ma vie été si contrarié . En attendant je me jette dans la métaphysique . Je voudrais bien être entre Platon et vous . »
1 L'édition de Kehl, suivant la copie Beaumarchais amalgame cette lettre à celle du 21 février 1766, datant le tout du 21 février, comme toutes les éditions .
2 Au commencement de 1766, parurent, sous le millésime de 1765, trois volumes intitulés Nouveaux Mélanges philosophiques, historiques, critiques, etc.
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03/06/2021
Caro vous étiez hier soir noir comme encre
...
« A Gabriel Cramer
[février 1766 ?] 1
Caro vous étiez hier soir noir comme encre . Je ne dis pas comme l'encre de votre imprimerie car elle est blanche. Consolez-vous, reprenez espérance et gaieté .
Je vous envoie le petit morceau que je recommande à votre amitié et à votre goût .
Petit cadre, joli caractère, marge large, correction, netteté, propreté, j'ai tout cela extrêmement à cœur . Vous me ferez un extrême plaisir de dépêcher cette besogne . Je vous enverrai du papier de Hollande . Je n'ai point encore de nouvelles des Pucelles de Panckoucke.
V. »
1 L'édition Gagnebin place la lettre en décembre 1761. On ne possède aucun indice permettant de penser que V* fût en relation avec Panckoucke avant 1764 ; du reste l'écriture du manuscrit est celle de V* plus âgé . On se souviendra qu'une allusion à La Pucelle ( en relation avec Panckoucke ) est faite dans la lettre du 27 janvier 1766 ( http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2021/05/16/portez-vous-bien-mon-cher-frere-et-soit-que-je-vive-soit-que-6316233.html ). Il sera aussi question de vingt Pucelles dans la lettre du 12 décembre 1766 à Cramer :
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02/06/2021
Il est venu aujourd’hui au chevet de mon lit deux filles de Genève, jeunes et jolies ; je leur ai demandé ce qu’elles voulaient. Elles m’ont dit qu’elles avaient des besoins ; je n’étais point du tout en état de les satisfaire
... I can't get no satisfaction !
That's rock !! https://www.youtube.com/watch?v=poXvMBhjSWk
« A Pierre-Michel Hennin
J ai l’honneur, monsieur, de vous envoyer le petit catafalque de campagne. On ne dira pas de celui-là :
Et dans ces grands tombeaux où leurs âmes hautaines
Font encore les vaines,
Ils sont mangés des vers. 1
Il n’y aura ni vers ni âme. M. Racle viendra ajuster cette triste décoration, et ce sera à vos ordres. Je voudrais bien y être aussi, mon cœur y est ; mais si l’esprit est prompt, la chair est faible 2, je ne puis quitter le coin du feu.
J’ai entendu votre canon, tandis que vous buviez ; nous avons bu à votre santé au bruit de ce tintamarre 3. Quand les médiateurs suisses viendront, les Genevois ne tireront pas leur poudre aux moineaux. On dit que ces médiateurs sont d’une taille énorme, et que le syndic l’Agneau 4 leur passera entre les jambes.
Il est venu aujourd’hui au chevet de mon lit deux filles de Genève, jeunes et jolies ; je leur ai demandé ce qu’elles voulaient. Elles m’ont dit qu’elles avaient des besoins ; je n’étais point du tout en état de les satisfaire. Je leur ai fait donner à déjeuner et de l’argent le plus innocemment du monde. Je leur conseille de venir à votre lever, mais l’une après l’autre, afin que vous ayez la liberté de satisfaire à leurs besoins pressants. Nous en avons un très grand d’avoir l’honneur de vous voir.
V.
15è février 1766 à Ferney. »
1 Des Stances à Du Perrier, de Malherbe, paraphrase du Psaume cxlv. : https://geudensherman.wordpress.com/lit-17-fr/01-1600-1640/francois-de-malherbe-1555-1628-consolation-a-m-du-perier/
2 Evangile selon Matthieu , XXVI, 41 : https://saintebible.com/matthew/26-41.htm
et Marc , XIV, 38 : https://www.aelf.org/bible/Mc/14
3 Le 12 , le conseil de Genève a fait tirer ne l'honneur du résident, à diverses reprises, un total de 97 coups de canon .
4 André Gallatin ainsi qu'on le déduit d'après une lettre de Du Pan à Freudenreich : https://archives.bge-geneve.ch/ark:/17786/vtad6311ccf0f9419a4
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Si vous me croyez entièrement mort, daignez du moins venir me jeter de l’eau bénite
... Comment ne pas sourire ou rire en lisant cela ?
« A Michel-Paul-Guy de Chabanon
Vraiment, monsieur, je croyais que vous seriez assez bon pour exécuter mes dernières volontés. Si vous me croyez entièrement mort, daignez du moins venir me jeter de l’eau bénite. J’ai peur que vous ne soyez tombé malade vous-même, ou que nos montagnes de neige ne vous aient effrayé. Si vous avez le courage de venir nous n’en sentirons que davantage, s’il se peut, le bonheur de vous posséder.
V.
A Ferney 15è février 1766. »
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01/06/2021
Je demande un peu de diligence... Enfin faites comme pour vous
... Je vaccine, tu vaccines, il ou elle ou on vaccine, petits et grands, jeunes ou vieux, il y a beaucoup d'appelés, combien d'heureux élus ?
« A Joseph-Marie Balleidier
15è février 1766 1
J'envoie à M. Balleidier le contrat passé avec Bétens . Je le prie de présenter requête pour saisir son domaine de Valavrant, requête fondée :
sur ce que je lui prêtai de l'argent en 1757 sans intérêt pour le tirer des prisons de Genève où il était détenu pour dettes comme il appert par sa lettre du 10 août 1757.
qu'ensuite je lui prêtai une somme plus considérable par le contrat ci-joint, que je lui remis encore une partie de cette somme, ainsi que le prouve la déclaration du 15 novembre 1764 ci-jointe 2.
que le dit Bétens n'ayant répondu à tant de bontés que par de l'ingratitude, et ne m'ayant jamais payé, je dois rentrer de plein droit dans le domaine de Valavrant selon qu'il est porté dans le contrat ci-joint 3.
Je prie aussi M. Balleidier de ne point oublier l'affaire de Pasteur qui continue à couper tous les arbres de la haie qui est entre la pièce subhastée par Truches, et le pré et champ de l'ancien domaine .
Je demande un peu de diligence.
Voltaire.
Le nom de la pièce subhastée par feu Destruches contenant trois seytines 4 se nomme Verney, autrefois pré, à présent champ, et le pré et champ du propre domaine de l'ermitage, séparé du ci-dessus par la haie en question, se nomme aussi pré Verney . Le nom de Pasteur est Abraham, je ne sais pas celui de sa servante .
On a coupé l'arbre le jour que Ducemetière alla vous faire son rapport .
On vous sera très obligé si vous voulez bien avoir la bonté de faire avoir des bourneaux percés 5; non seulement cinquante toises, mais cent si l'on peut . Tâchez d'en faire le prix . On les a payées à Venare 2 florins la toise . Enfin faites comme pour vous .
Vous devez avoir je crois encore la subhastation de Destruches. »
1 L'édition Vézinet ne contient que trois brefs extraits.
2 Reproduite par Besterman, app. D 239.
3 Le manuscrit porte ici les mots suivants qui ont été biffés : « J'envoie aussi le contrat de bail de l'ermitage fait avec le suisse Bouquet qui .
4 W. Pierrehumbert, dans son Dictionnaire historique du parler neuchâtelois et suisse romand, 1926, enregistre le mot seytine ( dans l'article seiteur ) comme un ancien mot genevois désignant une mesure de terrain équivalent à une « pose », la pose de Lausanne valant quarante-cinq ares, selon Littré .
5 Bourneau, apparenté à l'allemand Brunnen, fontaine, est un terme jurassien et savoyard désignant diverses variétés de tuyaux d’arrosage .
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31/05/2021
insérer à l’article Dieu un gros papier blanc sur lequel il y aurait ces mots : que la calomnie rougisse, et qu’elle se repente
... Dieu seul est assez fort pour cette entreprise , ou à défaut que passe la justice humaine (diablement plus concrète, même si ce n'est pas toujours efficace ).
« A Etienne-Noël Damilaville
12 février 1766 1
Mon cher frère, je n’ai pas encore pu lire Vingtième 2, et j’en suis bien fâché ; Vingtième me tient au cœur : les relieurs sont bien lents. Je vous envoie une lettre pour un M. d'Orville 3 que je n’avais pas l’honneur de connaître, mais à qui j’ai beaucoup d’obligations. C’est une bonne âme à qui Dieu a inspiré de me peindre au public en miniature. Lisez, je vous prie, la réponse que je lui fais : je voudrais que vous en prissiez une copie, et que vous la fissiez lire à Platon.
Ne pourrais-je point, par votre protection, avoir de Merlin une douzaine d’exemplaires de ce recueil ? je les lui payerais exactement. Il faut que je joue un tour honnête à ce malheureux archevêque d’Auch 4. Il n’y aurait qu’à mettre pour lui à la poste le premier tome de ce recueil, et insérer à l’article Dieu un gros papier blanc sur lequel il y aurait ces mots : que la calomnie rougisse, et qu’elle se repente. Faites-lui cette petite correction, je vous en supplie ; je lui en prépare d’autres, car je n’oublie rien.
J’ai grande impatience de savoir ce que vous pensez du mémoire d’Élie. Je vous réponds que je lui donnerai des ailes pour le faire voler dans l’Europe.
Est-il vrai que l’Encyclopédie est débitée dans tout Paris sans que personne murmure 5 ? Dieu soit loué ! On s’avise bien tard d’être juste.
Vous m’aviez promis de petits paquets par la diligence, adressés à MM. Lavergne et fils, banquiers à Lyon, avec lettre d’avis. Souvenez-vous de vos promesses, et ne laissez point mourir votre frère d’inanition. »
1 Dans une copie contemporaine de Darmstadt, il manque la première phrase . L'édition C.L. n'indique pas le destinataire .
2 Article de Damilaville dans l'Encyclopédie, qu'il a signé Boulanger . Voir https://fr.wikisource.org/wiki/Grand_dictionnaire_univers...)
3Voir lettre du 11 février 1766 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2021/05/29/chaque-siecle-a-ses-vices-dominants-je-crois-que-la-calomnie-6318794.html
4 Montillet . Voir : https://fr.wikipedia.org/wiki/Jean-Fran%C3%A7ois_de_Montillet_de_Grenaud
5 On lit dans les Mémoires secrets de Bachaumont , au 29 mars 1766 : « Enfin l’Encyclopédie parait tout entière ; il y a dix nouveaux volumes. Par un arrangement bizarre, le libraire les a fait venir de Hollande aux environs de Paris, où ils sont imprimés, et c’est aux souscripteurs à les faire entrer ici à leurs risques, périls et fortune ; il est à présumer cependant que le gouvernement, sans vouloir prêter son autorité à cette publicité, ferme les yeux là-dessus, et que le tout se fait avec son consentement tacite. » Voir page 22 : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6336835k/f26.item.texteImage
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