03/05/2021
Je ne rougis, ni de ce que j'écris, ni de ce que je pense, ni de ce que je fais
... Facile quand on est voltairien .
« A Jean-André de Luc 1
A Ferney 11è janvier 1766
En attendant, monsieur, que je sache l'adresse de M. Bertrand, j'ai pris le parti d'écrire à M. de Freudenrich, l'un des seigneurs les plus accrédités de Berne, son ami, son protecteur, et qui m'honore depuis longtemps d'un peu d’amitié .
Je vous envoie la lettre que je lui écris, et je peux vous répondre qu'il sera aussi étonné que moi-même de la singulière imposture que vous m’avez apprise . Ce tissu de calomnies que j'ai ignorées pendant plusieurs années a été, je le vois bien, une des causes des dissensions qui agitent votre République . On a voulu faire accroire que j'avais contribué à faire décréter M. Rousseau à Genève et à le faire chasser de l’État de Berne, tandis que je ne me suis mêlé de ces affaires que pour lui offrir une retraite honorable, que je lui offre encore en pur don pour sa vie . Il eût mieux fait, sans doute de l'accepter, que de fuir d'asile en asile, et de désert en désert, pour aller chez une nation dont il ne pourra jamais parler la langue ; qui se soucie très peu des livres français, et qui au bout de deux jours fait un accueil très médiocre aux étrangers . Il a mal calculé en tout, et le désir d'être singulier ne lui a attiré que des infortunes singulières .
Vous qui avez, monsieur, de la justesse dans l'esprit, et de la justice dans le cœur, je vous fais juge de sa conduite et de la mienne . Je voudrais qu'il fût temps de réparer tant de fautes et tant de malheurs . Si la vérité avait été plus tôt connue, je ne doute pas que M. Rousseau n'eût pris un meilleur ami .
Il paraît par la lettre de M. d'Ivernois que votre infortuné citoyen, aveuglé par ses malheurs et peut-être par une fierté opiniâtre, croit, ou feint de croire que j'ai agi comme lui, ce qui est directement contraire à toute ma conduite, à toutes mes maximes, et surtout à l'intérêt des opinions que je professe hautement .
Ces absurdes calomnies m'ont attiré des injures très grossières , auxquelles je n'ai répondu que par quelques plaisanteries . Mais il faut enfin en oubliant les injures et les railleries, que la vérité s'éclaircisse .
Je vous répéterai toujours que s'il y a dans Genève un seul conseiller à qui j'ai parlé, ou fait parler pour décréter M. Rousseau, je consens de passer pour un scélérat aussi lâche que celui qui a le premier débité cette étrange imposture . Il faut bien que M. d'Ivernois ne soit pas encore pleinement éclairci puisqu'écrivant souvent à M. Rousseau il est le seul de ses amis qui ne soit pas venu chez moi 2. Je vous prie de voir la lettre que je lui ai écrite en réponse à la sienne 3. Ma candeur et mon indignation l'ont dictée , et il doit sentir qu'on n'écrit point ainsi quand on a quelque chose à se reprocher .
Je désirerais fort, monsieur, pouvoir vous entretenir incessamment pour de très fortes raisons, et que vous vinssiez seul . Vous connaissez mes sentiments, et il n'est plus question de compliments entre nous .
V. »
2De fait, d'Ivernois ira finalement chez V* et rapportera les propos de son hôte dans une lettre à J.-J. Rousseau du 1er février 1766 qui constitue un témoignage vivant, reproduit ici, sauf le paragraphe d'introduction :
« J'ai vaincu ma répugnance, j'ai été enfin chez V, je lui ai fait part de la partie de votre lettre qu'il convenait qu'il sût pour bien apprendre à vous connaître, et pour le fortifier dans les intentions où il paraît être de vouloir vous être favorable . Quand je lui eus fait rapport du premier paragraphe et de ce qui termine le second, il porta ses mains sur sa tête, et dit d'un ton qui parut sortir d'un homme à sentiments, Vous m'accablez, monsieur . Hé pourquoi répondis-je ? Il faut, répliqua -t-il, faire revenir ici monsieur Rousseau, faites-lui savoir, qu'il court quelques chiffons de papier où il est question de lui, s'ils lui tombent sous la main, qu'il n'y fasse pas attention, ils étaient écrits avant que je connus ses sentiments . Je répondis : « Si chacun connaissait comme moi la pureté des intentions de mon ami, et la droiture de son coeur, il aurait certainement moins d'ennemis et surtout dans sa patrie . » Je me servis de votre expression, mais tel fiert qui ne tue pas. « Je suis attaché à M. Rousseau de la manière la plus forte, et je n'ai pu, ni ne puis voir qu'avec peine les personnes qui ont cherché et qui cherchent peut-être encore à lui nuire . Souffrez, monsieur, que je vous fasse quelques questions . N'avez-vous point coopéré aux injustices du gouvernement envers lui ,? n'avez-vous point écrit à quelqu'un à Paris ou ailleurs, que malgré la protection du roi de Prusse, vous trouveriez le moyen de le faire sortir de la comté de Neuchâtel ? n'avez-vous pas correspondu à son sujet avec M. Bertrand de Berne, et enfin, monsieur, n'avez-vous pas cherché à lui nuire par d'autres moyens ? » A chaque question je voyais un homme saisi d'un tel étonnement qui ne caractérisait rien moins qu'un hypocrite . Voici ses réponses .
« « Chacun parle des torts d'autrui, monsieur, personne n'avoue les siens . Vous savez le conte de la poutre et du fétu, il ne faut juger que par les faits, ils sont clairs . Je conserve la lettre que M. R m'écrivit en 1759 dans laquelle il me dit qu'il ne m'aime point, que je corromps sa patrie en donnant des spectacles dans mon château ( qui n’est point dans sa patrie ) . Est-ce là le prix de l'asile que Genève vous a donné ? Cette lettre outrageante et inattendue de la part d'un homme qui faisait des opéras, des comédies, et des romans était d'autant plus déplacée qu’assurément je n'ai pas besoin d'asile . Et quand j'ai bien voulu prendre une maison auprès de Genève pour ma santé, je l'ai payée assez cher , puisque j'en ai donné près de quatre-vingts mille francs à condition qu'on m'en rendrait trente-huit mille quand je voudrais la quitter . M. R a cru apparemment, ou on lui a fait accroire qu'ayant été ainsi offensé par lui, j’avais dû me venger . Il y a eu de l'absurdité à dire que j'avais contribué à faire brûler son Vicaire savoyard et son Contrat social . Le Vicaire savoyard m'a toujours paru un excellent ouvrage et susceptible du sens le plus favorable . J'ai condamné hautement, je condamne et condamnerai toujours ceux qui ont cru flétrir cet ouvrage en le faisant brûler . Il n'y a qu'un scélérat qui puisse dire que j'aie eu la moindre part à la condamnation de M. R . J'aimerais autant qu'on dît que j'ai fait rouer Calas, que de dire que j'ai persécuté un homme de lettres . M. R croyant ou feignait de croire que je lui voulais du mal n'a cessé de m'outrager . Il s'est fait mon délateur dans les Lettres de la montagne en m'accusant d'avoir fait le Sermon des cinquante , ouvrage publiquement connu pour être de La Mettrie . Il est faux et calomnieux que j'aie jamais écrit à Paris ni ailleurs contre M. R, il est également faux que je me suis entretenu de lui avec M. Bertrand de Berne, et ma correspondance avec lui n'a roulé que sur l'histoire naturelle et pour lui procurer la vente de son cabinet ; j'offre de vous mettre sous les yeux toutes les lettres du dit monsieur dans aucune desquelles je défie qu'on trouve le nom de M. R, et je le défie lui d'articuler un seul fait où il ait à se plaindre de moi . Je ne me suis vengé qu'en plaisantant . M. Marc Chappuis est témoin que j'ai offert une maison à M. R . Écrivez-lui, monsieur, que je la lui offre toujours, et que s'il veut je me fais fort auprès des médiateurs de le faire rentrer dans tous ses droits à Genève . J'offre de vous donner cette déclaration signée de ma main, que vous pourrez rendre publique si vous trouvez à propos . Je ne rougis, ni de ce que j'écris, ni de ce que je pense, ni de ce que je fais . »
« Je le remerciai, et lui dis que je vous ferais part de cet entretien . De Luc l'aîné était présent […] / « D'Ivernois
« J'oubliais de vous dire que V m’ajouta : je veux faire imprimer Le Vicaire savoyard dans un recueil d'autres pièces que je me propose de donner au public […].
Genève le 1er février 1766 »
3 Aucune de ces lettres n'est connue, la lettre du 27 novembre 1765 à d'Ivernois en donne un idée : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2021/03/22/si-les-deux-partis-voulaient-communiquer-ensemble-amiablemen-6305043.html
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02/05/2021
la vérité, fermera la bouche aux imposteurs ; j'avoue que je dois les dédaigner, mais je ne dois pas moins les confondre
... Entendez-vous, Marine, Jean-Luc, Nicolas, Jean-Frédéric, François, -- pour ne citer que les plus malfaisants et peu recommandables,-- menteurs patentés https://www.franceinter.fr/politique/presidentielle-2022-...
« A Abraham Freudenreich 1
Au château de Ferney par Genève 11è janvier 1766 2
Monsieur,
Je profite du premier relâche que me donnent les maux dont ma vieillesse est accablée pour vous souhaiter à vous et à Mme de Freudenreich des années plus heureuses que les miennes et aussi longues que votre vertu les mérite .
Permettez que je saisisse cette occasion pour vous parler d'un ridicule singulier qui s'est mêlé aux tracasseries de Genève . Vous savez que ces querelles se sont élevées en partie à l'occasion du sieur Jean-Jacques Rousseau . Des brouillons ont imaginé que j'étais l'ennemi de cet homme, que non seulement j'avais engagé le conseil de Genève à donner un décret de prise de corps après lui, mais que j'avais écrit plusieurs lettres à M. le pasteur Bertrand, pour vous engager à le chasser du territoire de votre République .
Vous savez, monsieur, qu'une telle imposture n'a pas le plus léger fondement . M'accuser de persécuter un homme de lettres, c'est m'imputer de me poursuivre moi-même . J'ai toujours été si éloigné d'une telle horreur, que dans tous les temps j'ai offert à M Rousseau une maison de campagne, dont il aurait été le maître, et où il eût été toujours à l'abri de ses ennemis . Quoiqu'il en ait très mal usé avec moi, je suis encore dans les mêmes dispositions . Jugez quelle apparence il y a que j'aie jamais sollicité personne de votre République de le faire chasser de votre territoire .
M. Bertrand est protégé par vous , monsieur ; il était continuellement dans votre maison ; vous avez vu toutes les lettres que je lui ai écrites ; elles n'ont roulé que sur des points d’histoire naturelle et sur sa collection de raretés , que j'ai sollicité Mgr l’Électeur palatin d'acheter de lui . Je ne lui ai jamais prononcé de nom de Rousseau non plus qu'à vous, ni à personne du Conseil, ni à aucun citoyen de votre État . C'est une justice que j'espère que vous me rendrez, en attendant que je puisse écrire à M. Bertrand que je crois actuellement en Pologne .
Il est triste que mes derniers jours soient fatigués par de si infâmes calomnies . J'ose me flatter qu'un mot de votre main, en rendant gloire à la vérité, fermera la bouche aux imposteurs ; j'avoue que je dois les dédaigner, mais je ne dois pas moins les confondre ; et je ne puis mieux y parvenir que par le témoignage d'un homme de votre naissance et de votre mérite, compté depuis si longtemps parmi les premiers seigneurs de Berne et parmi les plus vertueux des hommes .
J’ai l'honneur d'être, avec un très respectueux attachement qui ne finira qu'avec ma vie,
monsieur,
votre très humble et très obéissant serviteur
Voltaire. »
2 Copie signée envoyée à J.-A. De Luc, (Genève), avec mention de la main de Voltaire , « copie de la lettre de M. de Voltaire à M. le baron de Freudenrik, conseiller banneret de l’État de Berne » ; l'édition Gagnebin , « Voltaire a-t-il provoqué l'expulsion de Rousseau de l’île Saint-Pierre ? » dans les Annales de la Société Jean-Jacques Rousseau, 1943-1945 . M. Gagnebin répond par la négative à la question qu'il pose, et cela à juste titre . Il est vrai que le 12/14 janvier, Dupan écrit à Freudenreich : « Tant que Rousseau n'a pas été loin d'ici, Voltaire s'est un peu ménagé sur son compte, mais à présent il en parle comme d'un menteur, d'un coquin qui mériterait d'être chassé de tout le pays . C'est sur ce ton qu'il en entretenait vendredi dernier le père et fils de Luc, lesquels abandonnèrent ce cher et illustre concitoyen sans répondre un mot . » Mais la correspondance entre Luc et Freudenreich qui vient d'être mise au jour,ne confirme pas qu'il ait joué un rôle actif dans l'affaire de l'expulsion de Rousseau .
Voir : https://data.bnf.fr/fr/12227179/jean-andre_de_luc/
et voir Du Pan et Freudenreich dans Annales de la société JJ Rousseau : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k16144h/texteBrut
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01/05/2021
ce qu’il y a de souverainement ridicule, c’est que cette belle idée est la cause unique de la dissension qui règne aujourd’hui
... Ce qui me fait instinctivement penser à la cause de l'écologie défendue par une foultitude , qui, à la croire, n'est composée que d'experts, et donc de chefs auto-proclamés, tirant à hue et à dia, en tout cas en France .
Et tout ce beau monde prétend nous appeller aux urnes et veut notre bien coûte que coûte : kikaréson-c-nous !
https://www.relations-publiques.pro/190672/leadersheep-le...
« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental
et à
Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d'Argental
11è janvier 1766
Mes divins anges, j’aurais pu faire une sottise si j’avais mis ma dernière lettre d’hier1 sous l’enveloppe d’un autre ministre que M. le duc de Praslin, ou M. le duc de Choiseul, qui sont également vos amis ; quoi qu’il en soit, vous me pardonnerez de n’avoir pu résister à la passion qui est devenue chez moi dominante de vous voir médiateur à Genève. Je crois bien que cette nomination ne sera pas sitôt faite. Le conseil de Genève n’a écrit au roi et au conseil de Berne et de Zurich que pour réclamer la garantie, et il est probable que ce ne sera qu’après beaucoup de préliminaires que le roi daignera envoyer un médiateur.
Je vous répète que si les petites passions ne s’étaient pas opposées à la raison, dont elles sont les ennemies mortelles, les petites querelles qui divisent Genève se seraient apaisées aisément. Je crus devoir faire lire un précis de la décision judicieuse des avocats de Paris à quelques-uns des plus modérés des deux partis. Ils tombèrent d’accord que rien n’était plus sagement pensé. Ils commençaient à agir de concert pour faire accepter des propositions si raisonnables, lorsque M. Hennin arriva. Je sentis qu’il était de la bienséance que je lui remisse toute la négociation, et que mon amour-propre ne devait pas balancer un moment mon devoir. Les choses se sont fort aigries depuis ce temps-là, comme je vous l’ai mandé2, sans qu’on puisse reprocher à M. Hennin d’avoir négligé de porter les esprits à la concorde.
M. Hennin paraît penser, comme moi, qu’il y a un peu de ridicule à fatiguer un roi de France pour savoir en quels cas le conseil des Vingt-Cinq de Genève doit assembler le conseil général des Quinze-Cents. C’était une question de jurisprudence qu’on devait décider à l’amiable par des arbitres ; et, encore une fois, les avocats de Paris avaient saisi le nœud de la difficulté, et en avaient présenté le dénouement.
Plusieurs citoyens y ayant plus mûrement pensé sont venus chez moi aujourd’hui ; ils m’ont prié de leur communiquer la consultation, ou du moins le précis de cette pièce, me disant qu’ils espéraient qu’on pourrait s’y conformer. Je leur ai répondu que je ne pouvais le faire sans votre permission. Je me suis contenté de leur en lire le résultat tel que je l’avais lu il y a plus d’un mois à quelques magistrats et à quelques citoyens.
Je vous demande donc aujourd’hui cette permission, mes divins anges ; je crois qu’elle ne fera qu’un très-bon effet. Cette démarche me sera utile, en persuadant de plus en plus mes voisins de mon extrême impartialité, et de mon amour pour la paix.
Il faut que Jean-Jacques Rousseau soit un grand extravagant d’avoir imaginé que c’était moi qui l’avais fait chasser de l’État de Genève et de celui de Berne ; j’aimerais autant qu’on m’eût accusé d’avoir fait rouer Calas que de m’imputer d’avoir persécuté un homme de lettres ; si Rousseau l’a cru, il est bien fou ; s’il l’a dit sans le croire, c’est un bien malhonnête homme. Il en a persuadé Mme la maréchale de Luxembourg3, et peut-être M. le prince de Conti ; et ce qu’il y a de souverainement ridicule, c’est que cette belle idée est la cause unique de la dissension qui règne aujourd’hui dans Genève.
On dit que c’est un petit prédicant, originaire des Cévennes, qui a semé le premier tous ces faux bruits . Un prêtre en est bien capable. Il faudra tâcher que la paix de Genève se fasse, comme celle de Westphalie : aux dépens de l’Église. Je suis comme le vieux Caton, qui disait toujours au sénat : « Tel est mon avis, et qu’on ruine Carthage. »
Respect et tendresse.
V. »
1 Sans doute celle-ci : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2021/04/29/j-ai-fait-un-tres-bon-accommodement-avec-le-cure-il-m-a-rendu-maitre-de-tou.html
2 Lettre du 8 janvier 1766 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2021/04/28/je-m-applaudis-tous-les-jours-de-m-etre-eloigne-de-cette-ville-ou-la-concor.html
3 Voir la lettre du 9 janvier 1765 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2020/03/17/c-est-un-exercice-qui-apprend-a-la-fois-a-bien-parler-et-a-bien-prononcer-e.html
17:35 | Lien permanent | Commentaires (0)
Il serait à souhaiter que nous ne nous occupassions que de ces gaietés amusantes
... J'adore ces imparfaits du subjonctif .
Les CRS des Côtes-d'Armor, eux , ont fort à faire, au présent, pour que force reste à la loi face aux gugusses organisateurs et participants de rave party : https://actu.orange.fr/france/les-gendarmes-ont-mis-fin-a-une-rave-party-dans-les-cotes-d-armor-CNT000001AAH03.html
CRS : 1-Jeunes Crétins : 0 . Pas de match retour .
etc. https://www.ordissinaute.fr/diaporamas/humour/2020-07-27-...
« A Etienne-Noël Damilaville
10 janvier 1766 1
Vous m’avez recommandé, monsieur, de vous envoyer les petites brochures innocentes qui paraissent à Neuchâtel et à Genève . En voici une que je vous dépêche 2. Il serait à souhaiter que nous ne nous occupassions que de ces gaietés amusantes ; mais nos tracasseries, toutes frivoles qu’elles sont, nous attristent. M. de Voltaire, votre ami, a fait longtemps ce qu’il a pu pour les apaiser ; mais il nous a dit qu’il ne lui convenait plus de s’en mêler, quand nous avions un résident qui est un homme aussi sage qu’aimable. Nous aurons bientôt la médiation et la comédie ; ce qui raccommodera tout.
Le petit chapitre intitulé Du czar Pierre et de J.-J. Rousseau3 est fait à l’occasion d’une impertinence de Jean-Jacques, qui a dit dans son contrat insocial4 que Pierre Ier n’avait point de génie, et que l’empire russe serait bientôt conquis infailliblement.
Le dialogue sur les anciens et les modernes5 est une visite de Tullia, fille de Cicéron, à une marquise française. Tullia sort de la tragédie de Catilina, et est tout étonnée du rôle qu’on y fait jouer à son père. Elle est d’ailleurs fort contente de notre musique, de nos danses, et de tous les arts de nouvelle invention ; et elle trouve que les Français ont beaucoup d’esprit, quoiqu’ils n’aient point de Cicéron.
J’ai écrit à M. Fauche6. Voilà, monsieur, les seules choses dont je puisse vous rendre compte pour le présent. J’ai l’honneur d’être, monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur.
Boursier7 »
1 L'édition Garnier la date du 6 janvier 1766 .
2 Troisième volume des Nouveaux mélanges .
3 Actuellement inclus dans le Dictionnaire philosophique sous le titre – peu justifié dans un dictionnaire – de « Pierre le Grand et J.-J. Rousseau » : https://fr.wikisource.org/wiki/Dictionnaire_philosophique/Garnier_(1878)/Pierre_le_Grand_et_Jean-Jacques_Rousseau
4 Chapitre VIII du livre II du Contrat social : https://fr.wikisource.org/wiki/Du_contrat_social/%C3%89dition_1762/Livre_II/Chapitre_8
5 Les Anciens et les Modernes, ou la Toilette de Mme de Pompadour : https://fr.wikisource.org/wiki/Les_Anciens_et_les_Modernes/%C3%89dition_Garnier
6 Samuel Fauche, libraire de Neuchâtel qui apparemment a imprimé quelques-unes des Questions sur les miracles, et des négligences duquel se plaindra V* ; voir lettre du 28 décembre 1765 à du Peyrou : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2021/04/18/a-voir-s-il-veut-rendre-ce-service-au-genre-humain.html
et lettre du 5 janvier 1766 au même : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2021/04/26/vingt-quatre-a-misoprist-6312160.html
7 C’était un des noms que prenait Voltaire, pour dérouter ses ennemis ; Boursier était un prêtre janséniste auquel il a donné un article dans son Siècle de Louis XIV ; voir : https://fr.wikisource.org/wiki/Le_Si%C3%A8cle_de_Louis_XIV/%C3%89dition_Garnier/Catalogue_des_%C3%A9crivains#46
— Quant à M. Boursier, prétendu citoyen de Genève et commerçant, demeurant dans les Rues-Basses, je le crois propre frère de M. l’abbé Bazin, de M. Covelle, de Beaudinet, de M. le proposant Théro, et d’une foule d’autres braves gens. Si vous savez bien votre catéchisme indien, vous devez dire au bout des doigts les quarante-huit métamorphoses de Visnou. Je crois que celles du patriarche sont plus nombreuses. (Note de Grimm.)
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Je ne suis pas juge de votre mérite, mais je me flatte de le sentir
... Chère Mam'zelle Wagnière, notre ami V* vous écrit ! Il est sincère et ne se trompe pas .
« A Giuseppe Colpani
à Brescia
Monsieur,
Je ne puis vous exprimer ni le plaisir que m’ont fait vos beaux vers 1, ni la reconnaissance que je vous dois. Je ne puis avoir l’honneur de vous répondre dans cette belle langue italienne à laquelle vous prêtez de nouveaux charmes. L’état où je suis me permet à peine de dicter dans la mienne. La vieillesse et les maladies qui m’accablent m’empêchent de vous témoigner de ma main ma sensibilité, mais ne la diminuent pas. Je ne suis pas juge de votre mérite, mais je me flatte de le sentir. Les grâces sont de tous les pays, celles de votre style ne m’échappent pas. Vous avez ce que Pétrone aime tant dans Horace : curiosam felicitatem.2
Agréez les sentiments bien véritables de la respectueuse reconnaissance avec lesquels j’ai l’honneur d’être,
monsieur,
votre très humble et très obéissant serviteur
Voltaire,
gentilhomme de la chambre du roi.
Au château de Ferney, par Genève, 10 janvier 1766.3 »
1 Colpani a écrit une pièce Al signor de Voltaire, qui commence par ces vers :
Mentr'io nell ozio delle amiche selve,
spirto immortal, sulle tue dotte carte
pasco la mente di si eletto e raro
cibo, che il nettar non invidio ai Dei […]
(Pendant que dans le loisir des forêts amies, esprit immortel, sur tes doctes écrits je repais mon esprit d'une nourriture si choisie et si rare que je n'envie pas aux dieux leur nectar [...]
2 Pétrone applique ces mots à Horace dans le Satyricon ; faisant l'éloge du fondu dans le style, il cite comme modèles Homère et les lyriques , « Virgile le romain et le bonheur d'expression d'Horace. »
3 (Inédite.) Communiquée par le docteur Pelizzari, bibliothécaire de la Queriniana, à Brescia, par l’intermédiaire de M. Melzi.
L'édition Opere del cavaliere Giuseppe Colpani donne 6 comme quantième et quelques erreurs ou écarts négligeables .
Voir : https://www.tesionline.it/tesi/lettere-e-filosofia/%27%27...
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30/04/2021
Je tiens l’histoire de l’homme pendu pour avoir mangé gras très véritable. Cet arrêt d’ailleurs me semble fort juste, car les hommes qui se laissent traiter ainsi n’ont que ce qu’ils méritent.
... Vae victis ! Quand Voltaire révolté, en colère , lui toujours dire ça ! Il ne supporte pas qu'on subisse l'injustice sans se révolter . A coup sûr, il écouterait Alexeï Navalny (même si cet homme n'est pas totalement blanc-bleu) et lui apporterait son aide . Que la France fasse tout ce qui est nécessaire pour contrer les lettres de cachet du dictateur Poutine, l'usage du knout est encore d'actualité .
« A Charles-Frédéric-Gabriel Christin le fils
Avocat
à Saint-Claude
Je vous demande bien pardon, mon cher ami, de répondre si tard à votre lettre. Vous ne doutez pas combien j’ai été sensible à la perte que nous avons fait[e] tous deux du plus digne ami que vous eussiez. Je le regretterai toute ma vie. Vous êtes le seul, dans le pays où vous êtes, qui puissiez me consoler. Je vous plains de vivre avec des personnes si éloignées du caractère de celui dont nous pleurons la mort. Nous désirons infiniment à Ferney de pouvoir arranger les choses de façon que vous vécussiez avec nous. La vie n’est supportable qu’avec d’honnêtes gens dont les sentiments sont conformes aux nôtres. Je me tiendrai très heureux quand vous pourrez laisser des bœufs ruminer avec des bœufs, et venir penser avec vos amis.
Je tiens l’histoire de l’homme pendu 1 pour avoir mangé gras très-véritable. Cet arrêt d’ailleurs me semble fort juste, car les hommes qui se laissent traiter ainsi n’ont que ce qu’ils méritent.
Nous vous faisons tous les plus sincères compliments.
V.
10è janvier 1766.»
1 Voltaire a souvent parlé du ce gentilhomme franc-comtois, nommé Claude Guillon, qui, en 1629, eut la tête tranchée pour avoir mangé du cheval un vendredi ; voir lettre du 2 décembre 1765 à Christin : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2021/03/31/il-est-si-juste-monsieur-de-pendre-un-homme-pour-avoir-mange-6306815.html
et https://fr.wikisource.org/wiki/Correspondance_de_Voltaire/1766/Lettre_6484
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Quand on a si bien montré les chemins, on y marche sans s’égarer
... Cher président Macron, j'aimerais tant que les faits et actes soient conformes à vos discours . Hélas , nous n'en sommes pas à une reculade près . Gouverner c'est prévoir, dit-on ; à prouver ! approuvé ?
Un moment d'égarement est si vite arrivé ! et bienvenu ... parfois .
« A Melchior Cesarotti 1
10è janvier 1766 au château de Ferney par Genève
Monsieur,
Je fus bien agréablement surpris de recevoir ces jours passés la belle traduction que vous avez daigné faire de la Mort de César et de la tragédie de Mahomet.2
Les maladies qui me tourmentent, et la perte de la vue dont je suis menacé, ont cédé à l’empressement de vous lire. J’ai trouvé dans votre style tant de force et tant de naturel que j’ai cru n’être que votre faible traducteur, et que je vous ai cru l’auteur de l’original. Mais plus je vous ai lu, plus j’ai senti que, si vous aviez fait ces pièces, vous les auriez faites bien mieux que moi, et vous auriez bien plus mérité d’être traduit.
Je vois, en vous lisant, la supériorité que la langue italienne a sur la nôtre ; elle dit tout ce qu’elle veut, et la langue française ne dit que ce qu’elle peut.
Votre discours sur la tragédie, monsieur, est digne de vos beaux vers ; il est aussi judicieux que votre poésie est séduisante. Il me paraît que vous découvrez d’une main bien habile tous les ressorts du cœur humain ; et je ne doute pas que, si vous avez fait des tragédies, elles ne doivent servir d’exemples comme vos raisonnements servent de préceptes.
Quand on a si bien montré les chemins, on y marche sans s’égarer. Je suis persuadé que les Italiens seraient nos maîtres dans l’art du théâtre comme ils l’ont été dans tant de genres, si le beau monstre de l’opéra n’avait forcé la vraie tragédie à se cacher. C’est bien dommage, en vérité, qu’on abandonne l’art des Sophocles et des Euripides pour une douzaine d’ariettes fredonnées par des eunuques. Je vous en dirais davantage si le triste état où je suis me le permettait. Je suis obligé même de me servir d’une main étrangère pour vous témoigner ma reconnaissance, et pour vous dire une petite partie de ce que je pense ; sans cela, j’aurais peut-être osé vous écrire dans cette belle langue italienne qui devient encore plus belle sous vos mains.
Je ne puis finir, monsieur, sans vous parler de vos ïambes latins3 , et, si je n’y étais pas tant loué, je vous dirais que j’ai cru y retrouver le style de Térence.
Agréez, monsieur, tous les sentiments de mon estime, mes sincères remerciements, et mes regrets de n’avoir point vu cette Italie à qui vous faites tant d’honneur.
J'ai l'honneur d'être avec ces sentiments
monsieur
votre très humble et très obéissant serviteur
Voltaire ,
gentilhomme ordinaire
de la chambre du roi. »
2 Melchior Cesarotti, né à Padoue en 1730, mort, en 1808, venait de publier il Cesare e il Maometto, tragédie del signor di Voltaire, trasportate in versi italiani con alcuni ragionamenti del traduttore ; Venezia, presso Giambatista Pasquali, 1766, in-8°.
3 Ils ont pour titre Mercurius, de Poetis tragicis. Voir le passage relatif à Voltaire :
Sed quot fuere, suntque ubique gentium,
Eruntque posthac (Delius jurat pater),
Sceptro potitur aureo (consurgite,
Consurgite omnes ilicet) Voltærius,
Dudum creatus, omnium suffragiis,
Tragicæ tyrannus artis, arbiter, deus.
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