18/01/2021
Ceux qui perdent ont possédé. Pour moi, il y a longtemps que j’ai le malheur de n’avoir rien à perdre...
... fors la vie !
« Au marquis Francesco Albergati Capacelli
20 septembre 1765 à Ferney
Vous auriez bien dû, monsieur, venir passer vos trois mois de retraite chez moi ; vous m’auriez consolé de ma vieillesse et de mes souffrances, et j’aurais fait mon possible pour vous consoler de vos chagrins. Mais vous avez trouvé dans vous-même, dans votre philosophie, dans votre goût pour la littérature, des ressources plus sûres qu’on ne pourrait vous en présenter. Le sujet de votre peine n’était d’ailleurs qu’un malheur très commun aux gens heureux, et c’est un malheur que vous avez peut-être déjà réparé. Ceux qui perdent ont possédé. Pour moi, il y a longtemps que j’ai le malheur de n’avoir rien à perdre.
Je n’ai jamais reçu les traductions de M. de Cesarotti ; mais son nom m’est fort connu, et je sais que c’est un homme digne de votre amitié. Si vous voulez bien, monsieur, l’assurer de ma respectueuse estime, lorsque vous lui écrirez 1, ce sera une nouvelle obligation que je vous aurai. Vous savez combien je vous suis tendrement attaché pour le reste de ma vie.
V. »
1 Selon le manuscrit ; l'édition Cayrol porte désirez, que Besterman adpote aussi sans justification raisonnable .
00:08 | Lien permanent | Commentaires (0)
17/01/2021
J'ai reçu de mon mieux vos deux conseillers, mon cher Président
... Et j'attends avec impatience le jour et l'heure de mon rendez-vous vaccinal . Comme dit le dicton espagnol "si tu es pressé , tu es déjà mort !", et c'est donc la seule consolation que j'ai en comptant les jours me séparant de la salvatrice piqure (si c'était des moutons , j'en aurais assez pour m'endormir !).
Ave Caesar ! morituri te salutant !
« Au Président
Germain-Gilles-Richard de Ruffey etc.
à Dijon
18è septembre 1765, à Ferney
J'ai reçu de mon mieux vos deux conseillers, mon cher Président, tout malade que je suis . Je m'intéresse vivement aux progrès de votre Académie ; vous l'avez établie, et vous la perfectionnerez . Je ne peux que vous applaudir de loin . Si vos magistrats avaient pu rester quelque temps dans nos cantons ils auraient vu chez moi une assez bonne comédie, qui se soutient malgré le départ de Mlle Clairon . Il faut avouer que cette Mlle Clairon est bien étonnante . En vérité je n'avais point d'idée d'un jeu si supérieur . Toutes les actrices que j'avais vues jusqu'à présent, excepté Mlle Dumesnil, n'étaient que de froides marionnettes .
J'aurais bien voulu vous tenir à Ferney avec M. l'ancien premier président de La Marche votre ami . Je fais bâtir deux ailes pour vous mieux recevoir si jamais vous revenez dans nos déserts . Conservez-moi des bontés qui seules peuvent me consoler de votre absence .
18è septembre 1765 à Ferney »
10:33 | Lien permanent | Commentaires (0)
16/01/2021
il est avec l'attachement le plus respectueux votre très humble et très obéissant serviteur et il en dit autant à vos deux maris
... En tout bien tout honneur .
« A Marie-Jeanne Pajot de Vaux, Maîtresse
des comptes
à Lons-le Saulnier
Franche-Comté
18è septembre 1765 à Ferney
M. de Gondreville , madame, est aussi aimable que vous le dites . Je vois bien que vous vous y connaissez ; qui est plus faite que vous pour décider de ce qui doit plaire ?
Je demande bien pardon à monsieur François ; je compte bien lui écrire un jour pour l’assurer de tout mon attachement . Je prie madame sa mère en attendant de lui faire mes compliments très sincères .
On répète actuellement chez moi des comédies ; nous n'avons pas besoin de cela pour vous regretter ; vous auriez été une de nos meilleurs actrices ; mais vous êtes encore plus faite pour être le charme de la société que celui du théâtre . Si votre vieux serviteur vous écrivait de sa main il prendrait encore la liberté de vous appeler Pâté 1; mais comme il vous écrit de la main d'un autre il est avec l'attachement le plus respectueux votre très humble et très obéissant serviteur et il en dit autant à vos deux maris .
V. »
10:19 | Lien permanent | Commentaires (0)
15/01/2021
On ne peut rien ajouter à la promptitude et à la bonne grâce qu'on a mises dans cette affaire
... La vaccination anti-Covid , en France, évidemment ! Réputé et auto-proclamé pays de la raison cartésienne ? Bordélique , oui !
Je ne sais pas si l'imprimeur aura assez de papier pour fournir tous les diplômes mérités par nos instances politiques et administratives .
« A Jean Le Rond d'Alembert
18 de septembre [1765]
Mon cher et digne philosophe, vous avez donc enfin votre pension . Vous avez sans doute bien remercié de la manière galante dont on vous l'a donnée . On ne peut rien ajouter à la promptitude et à la bonne grâce qu'on a mises dans cette affaire .
M. le marquis d'Argence d’Angoulême m'a envoyé une lettre que vous lui aviez écrite ; c'est un homme plein de zèle pour la bonne cause, et qui a pris avec zèle le parti des Calas contre Fréron . J'ai bien de la peine à décider quel est le plus misérable d'Aliboron ou de Jean-Jacques ; je crois seulement Jean-Jacques plus fou et non moins coquin . Promettre d'écrire contre Helvétius pour être reçu à la communion, est d'un bassesse incroyable .
Je crois que vous aurez Mlle Clairon au mois d'octobre, mais je ne crois pas qu'elle reparaisse sur le théâtre des Welches . J'aime tous les jours de plus en plus mon philosophe Damilaville ; Tronchin lui a donné la fièvre pour le guérir . Je souhaite qu'il soit longtemps entre ses mains , et je voudrais bien vous tenir avec lui . Vous trouveriez Genève bien changée ; la raison y a fait des progrès dont on ne se doutait pas . Calvin n'y sera bientôt regardé que comme un cuistre intolérant .
Conservez bien votre santé ; jouissez de l'étonnante révolution qui se fait partout dans les esprits, et vivez pour éclairer les hommes . »
00:05 | Lien permanent | Commentaires (0)
14/01/2021
je ne connaissais pas encore ce public inconstant que je croyais connaître. Je ne me doutais pas qu’il dût approuver avec tant de transports ce qu’il avait condamné avec tant de mépris
... Peut-être entendra-t-on cette réflexion, dans un avenir que je souhaite proche, à propos de ces foutus Français qui vont râler pour avoir eu trop tard un vaccin qu'il rejetaient trois mois plus tôt .
C'est malheureusement à peine exagéré, on entend même parfois pire .
Une remise au point : https://www.youtube.com/watch?v=SI6Q1XZ5AVw
« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental
et à
Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d'Argental
17 septembre 1765 1
Mes divins anges, je vois bien que je ne connaissais pas encore ce public inconstant que je croyais connaître. Je ne me doutais pas qu’il dût approuver avec tant de transports ce qu’il avait condamné avec tant de mépris. Vous souvenez-vous qu’autrefois, lorsque Vendôme disait à la dernière scène : Es-tu content, Coucy ? les plaisants répondaient : couci-couci ! J’ai retrouvé ici, dans mes paperasses, deux tragédies d’Adélaïde ; elles sont toutes deux fort différentes, et probablement la troisième, qu’on a jouée à la Comédie, diffère beaucoup des deux autres. Je fais toujours mon thème en plusieurs façons. Il est à croire que Lekain fera imprimer à son profit cette Adélaïde qu’on vient de représenter ; mais je pense qu’il conviendrait qu’il m’envoyât une copie bien exacte, afin qu’en la conférant avec les autres, je pusse en faire un ouvrage supportable à la lecture, et dont le succès fût indépendant du mérite des acteurs. C’est sur quoi je vous demande vos bons offices auprès de Lekain, car je vous demande toujours des grâces.
A l’égard des Roués, j’attends toujours votre paquet et vos ordres ; le petit jésuite a sa préface toute prête ; mais il dit qu’il ne faut pas s’attendre à de grands mouvements de passions dans un triumvir, et que cette pièce est plus faite pour des lecteurs qui réfléchissent, que pour des spectateurs qu’il faut animer. Il sait de plus que le pardon d’Octave à Pompée ne peut jamais faire l’effet du pardon d’Auguste à Cinna, parce que Pompée a raison et que Cinna a tort, et surtout parce que ceux qui sont venus les premiers ne laissent point de place à ceux qui viennent les seconds.
Je sais bien que j’ai été un peu trop loin avec mademoiselle Clairon ; mais j’ai cru qu’il fallait un tel baume sur les blessures qu’elle avait reçues au Fort-l'Evêque. Elle m’a paru d’ailleurs aussi changée dans ses mœurs que dans son talent ; et plus on a voulu l’avilir, et plus j’ai voulu l’élever.
J’espère qu’on me pardonnera un peu d’enthousiasme pour les beaux-arts ; j’en ai dans l’amitié, j’en ai dans la reconnaissance.
Je vous fais , mes divins anges, les plus sincères remerciements de la bonté que vous avez eue de me procurer des éclaircissements de la part de M. de Sainte-Foix . Je n'ose l'en remercier lui-même, de peur de l'engager à une réponse qui lui ferait perdre un temps précieux ; mais je me flatte que quand vous le verrez vous voudrez bien l'assurer des sentiments que je lui dois . Je me doutais bien que ce M. de Barrau 2 était un homme nécessaire au ministère par ses connaissances .
Je soupçonne que la place de résident à Genève est actuellement donnée in petto, par M. le duc de Praslin . Je ne vous avais proposé M. Astier qu'en supposant que M. le duc de Praslin le favorisait, mais je ne serai pas assez effronté pour demander à M. le duc de Choiseul qu'il force la main au ministre des Affaires étrangères ; je dois être modeste dans mes sollicitations, et tout ce que j'ose demander actuellement pour M. Fabry, maire de la ville de Gex, c'est que je puisse l'assurer de votre protection . »
1 L'édition de Kehl supprime les deux derniers paragraphes, biffés sur la copie Beaumarchais et suivie par les éditions .
2 Barrau-Taulès : voir lettre du 23 août 1765 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2020/12/04/ces-petites-notices-sont-necessaires-aux-barbouilleurs-comme-moi.html
01:07 | Lien permanent | Commentaires (0)
13/01/2021
Je ne désespère pas, tandis que vous êtes en train, que vous ne ressuscitiez aussi La Femme qui a raison . On prétend qu’il y a quelques ordures, mais les dévotes ne les haïssent pas
... Je n'y ai pas trouvé d'ordures, mais c'est sans doute que je ne suis pas assez dévot pour les repérer . J'ai retenu quand même cette réplique dans la bouche de deux hommes d'affaires , la réalité étant conforme à la fiction :
DAMIS.
Prête-t-il de l'argent ?
MONSIEUR GRIPON.
En aucune façon,
Car il en a beaucoup.
« A Louis-François-Armand du Plessis, duc de Richelieu
A Genève, 16 Septembre 1765.
Vous vous êtes donc mis, monseigneur, à ressusciter les morts ? Vous avez déterré je ne sais quelle Adélaïde 1 morte en sa naissance, et que j’avais empaillée pour la déguiser en Duc de Foix. Vous lui avez donné la plus belle vie du monde. Tronchin n’approche pas de vous, quelque grand médecin qu’il soit ; il ne peut me faire autant de bien que vous en faites à mes enfants. Je ne désespère pas, tandis que vous êtes en train, que vous ne ressuscitiez aussi La Femme qui a raison 2. On prétend qu’il y a quelques ordures, mais les dévotes ne les haïssent pas ; que sait-on même si un jour vous ne ferez pas jouer La Princesse de Navarre ?3 La musique du moins en est très belle, et je suis sûr qu’elle ferait grand plaisir ; cela vaudrait bien un opéra-comique.
Je ne sais si mademoiselle Clairon rajuste sa santé dans le beau climat de Provence. Je crois que le public ferait en elle une perte irréparable. Vous aurez trouvé que j’ai poussé l’enthousiasme un peu loin dans certains petits versiculets ; mais si vous aviez vu comme elle a joué Electre dans mon tripot, vous me pardonneriez.
Vous allez vous occuper de plaisirs à Fontainebleau ; ces plaisirs-là sont de ma compétence, mais il ne m’appartient pas de les goûter à votre cour. J’ai environ deux douzaines d’enfants qui se produisent quelquefois sous votre protection ; mais pour le père, il fait fort bien d’aimer sa retraite et de ne pas désirer autre chose . Il ne regrette que le bonheur qu’il a eu si longtemps de vous approcher et d’admirer votre gaieté au milieu de vos affaires de toute espèce.
Ses yeux, pochés par le vent du nord, ne lui permettent pas de vous écrire de sa main à quel point il est pénétré de respect pour vous, et combien il prend la liberté de vous aimer.
V. »
1Adélaïde du Guesclin fut reprise le 9 septembre 1765 ; voir : http://www.theatre-classique.fr/pages/programmes/edition.php?t=../documents/VOLTAIRE_ADELAIDE.xml
2 Elle ne fut pas reprise . Voir : https://c18.net/vo/voc_pages.php?nom=vo_oc_30a_femme
et https://wdc.contentdm.oclc.org/digital/collection/Ancien/id/37611
3 Pièce non reprise . Voir : https://operabaroque.fr/RAMEAU_NAVARRE.htm
00:05 | Lien permanent | Commentaires (0)
12/01/2021
Vous ferez les délices de vos amis comme vous avez fait celles du public ; et, en vérité, le public ne vaut pas des amis
... Les "amis" des groupes sociaux, eux, ne sont qu'un public fugitif dont on attend bêtement l'approbation , le nez plongé sur un écran en toutes circonstances . Que va devenir ce peuple qui vit la tête basse ?
« A Claire-Josèphe-Hippolyte Léris de La Tude Clairon
16 Septembre [1765].
Mes yeux, mademoiselle, ne sont pas si heureux à présent qu’ils l’étaient quand ils avaient le bonheur de vous voir. Ils pouvaient alors le disputer à mes oreilles ; mais actuellement ils sont si malades, que je ne peux avoir l’honneur de vous écrire de ma main.
Vous m’ordonnez de vous écrire à Aix, cela me fait craindre que vous n’ayez pas reçu la lettre que je vous écrivis à Marseille 1. Je vous y rendais compte de l’empressement de M. le maréchal de Richelieu à savoir des nouvelles de votre santé. Le roi s’en était informé lui-même. Je vous confiais que j’avais instruit M. le maréchal de Richelieu de la vérité ; je lui disais que vous vous étiez trouvée fort mal de l’effort que vous aviez fait de représenter Electre et Aménaïde sur mon petit théâtre, et que M. Tronchin avait déclaré qu’il y allait de votre vie, mais que vous ne balanceriez pas de la risquer quand il s’agirait de plaire au roi. Si ma première lettre est perdue, celle-ci servira de supplément.
L’amitié que vous me témoignez me fait encore plus de plaisir que les talents inimitables que je vous ai vue déployer. Je m’intéresse à votre bonheur autant qu’à votre gloire. Vous ferez les délices de vos amis comme vous avez fait celles du public ; et, en vérité, le public ne vaut pas des amis.
Toute ma famille vous fait les compliments les plus tendres et les plus sincères. Ne m’oubliez pas, je vous en supplie, auprès de M. le comte de Valbelle ; il ne m’appartient pas d’envier sa place, mais j’envie celle de M. Neledensky, puisqu’il vous accompagne.
Si vous êtes à Aix, voulez-vous bien me recommander aux bontés de M. le duc de Villars ? Je ne le fatigue point de mes inutiles lettres, mais je lui serai attaché toute ma vie.
Adieu, mademoiselle ; si j’avais de la santé, vous me trouveriez à Lyon sur votre passage. »
00:05 | Lien permanent | Commentaires (0)