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28/01/2020

le parlement d'Angleterre, vrai parlement, ne soutient la liberté d'écrire que pour affermir la sienne

... Voltaire voit juste et n'est pas dupe de la bonne volonté du parlement d'Angleterre, devenu maintenant parlement britannique, qui, hier comme aujourd'hui, composé de notables et d'élus , administre le pays quasi démocratiquement , ou presque .

https://fr.wikipedia.org/wiki/Parlement_du_Royaume-Uni

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Ci-dessus les fruits -amers- de la liberté .

 

 

« A Etienne-Noël Damilaville

30è novembre 1764 1

Mon cher frère, j'ai en main deux exemplaires de l'ouvrage attribué à Saint-Évremond, qu'on a joint à plusieurs autres 2. Mais comment vous envoyer ces recueils ? Il faudra attendre l'occasion de quelque voyageur .

Voici en attendant, une petite brochure que l'on m'a adressée 3 . Je crois que Merlin pourra l'imprimer, sans que M. Marin puisse trouver mauvais qu'on ne se soit pas adressé à lui pour cette bagatelle : 1° elle n'est point de moi, et en second lieu, quand j'y aurais part, il ne conviendrait pas que j'en fisse les honneurs .

J'ai cru devoir employer les bons offices de M. Marin dans la réponse à M. de Foncemagne, et lui marquer cette confiance . Je vois qu'il protège Duchesne qui est un bien mauvais imprimeur . Si jamais je puis trouver sous ma main quelque ouvrage qui puisse paraître en France sans faire crier les fanatiques, je vous l'enverrai pour en gratifier ce pauvre enchanteur Merlin .

On m'avertit que les Omer se préparent à faire incendier au bas de l'escalier certain Portatif auquel je n'ai nulle part, et qu'ils veulent m'attribuer . Je ne sais même si la chose n'est pas déjà faite . Je me résigne à la volonté divine, et je m'enveloppe dans mon innocence 4 . Le parlement welche ne voit pas plus loin que son nez . Il devrait sentir combien il serait de son intérêt de favoriser la liberté de la presse, et que plus les prêtres seront décrédités, plus il aura de considération . Le sénat romain se garda bien de condamner les livres de Lucrèce, et le parlement d'Angleterre, vrai parlement, ne soutient la liberté d'écrire que pour affermir la sienne .

Sur ce, je vous embrasse, je ris des Welches, je plains les philosophes .

Ecr l'inf . »

27/01/2020

Les choses se tournent bien différemment dans les têtes des hommes ; il y a l'infini entre celui qui a lu avec fruit, et celui qui n'a rien lu . Le premier foule à ses pieds les préjugés, et le second en est la victime

... Lis-tu ? Comprends-tu ce que tu lis ?

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Rien n'est trop grand  pour fouler les préjugés aux pieds !

C'est le pied, dit Prune Nourry [http://www.prunenourry.com/fr]

 

 

« A François Achard Joumard Tison, marquis d'Argence

au château de Dirac

près d'Angoulême

Je vois, mon cher philosophe, que vous avez perdu un adepte qui sera difficile à remplacer . Ce que vous me mandez de lui et le petit billet qu'il écrivit avant sa mort , me donnent bien des regrets . On dit que vous avez aussi perdu monsieur votre père 1 . Il était d'un âge à ne devoir s'attendre à vivre plus longtemps . Il n'aura pas sans doute écrit un billet semblable à celui de votre ami . Les choses se tournent bien différemment dans les têtes des hommes ; il y a l'infini entre celui qui a lu avec fruit, et celui qui n'a rien lu . Le premier foule à ses pieds les préjugés, et le second en est la victime . Songez à rétablir votre santé . Pour peu que vous joigniez la sobriété à vos autres mérites, vous n'aurez pas plus besoin des médecins du corps que de ceux de l'âme . Je vous embrasse de tout mon cœur, je vous serai attaché pour le reste de ma vie qui ne peut être bien longue .

30è novembre 1764. »

1 Annet Achard Joumart Tison, seigneur d'Argence est mort le 19 octobre 1764 : https://gw.geneanet.org/chantallmc?lang=en&iz=23&p=annet&n=achard+joumard+tizon+d+argence ;

voir Un ami de Voltaire , de Claude Gigon, 1928

26/01/2020

le misérable usage de passer une partie de son temps dans les rues, de sortir pour ne rien faire et de parler pour ne rien dire. Cette vie doit être insupportable pour quiconque a quarante ans passés

... Il semble bien qu'en France actuelle ces pratiques ne sont insupportables pour personne, chacun étant bien plus à l'écoute d'un Séguéla affirmant qu'on a raté sa vie si on n'a pas une Rolex à cinquante ans .

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Je n'en dis pas plus , ni mieux .

 

 

« A Philippe-Antoine de Claris, marquis de Florian

29 novembre [1764]

Vraiment vous serez très bien reçu, monsieur, vous et les vôtres, dans le petit château de Ferney ; et je vous réponds que, si j’étais jeune, je viendrais prendre madame de Florian à Hornoy pour la conduire chez nous . Mais je ne lui conseille pas d’aller en litière : le chemin de Lyon à Genève est actuellement un des plus beaux du royaume ; et il faut toujours choisir les routes les plus fréquentées et les plus longues, parce qu’on y trouve toujours plus de ressources et plus de secours dans les accidents.

Nous ne nous flattons pas de vous donner la comédie ; il est trop difficile de trouver des acteurs. Pour moi, j’ai fait comme Sarrazin 1 : j’ai demandé mon congé dès que j’ai eu soixante et dix ans.

Si mes fluxions sur les yeux continuent, je deviendrai bientôt aveugle, et je ne pourrai jouer que le rôle de Tirésie. Nous avons un jésuite qui peut fort bien jouer le rôle de grand-prêtre dans l’occasion ; mais cela composerait, ce me semble, une troupe assez lugubre.

Il faudra, je crois, se réduire aux plaisirs simples de la société. Genève n’en fournit guère ; nous les trouverons dans nous-mêmes. Vous serez contents de M. Dupuits et de sa petite femme. Il a très bien fait de l’épouser. S’il avait eu le malheur de n’être pas réformé, il était ruiné sans ressource ; ses tuteurs avaient bouleversé toute sa petite fortune.

Si vous comptez aller en Languedoc, vous abrégerez beaucoup votre chemin en passant par Lyon, et nous irons au-devant de Mme de Florian. J’espère que je serai en état de la mieux recevoir qu’à son premier voyage. Mes affaires ont été un peu dérangées depuis quelque temps ; mais je me flatte qu’elles seront incessamment rétablies avec des avantages nouveaux.

Je vois avec grand plaisir que vous avez embelli Hornoy. Je répète toujours qu’on n’est véritablement bien que chez soi, et que, quand on sait se préserver un peu du poison mortel de l’ennui, on se trouve bien plus à son aise dans son château que dans le tumulte de Paris et dans le misérable usage de passer une partie de son temps dans les rues, de sortir pour ne rien faire et de parler pour ne rien dire. Cette vie doit être insupportable pour quiconque a quarante ans passés.

Tout Ferney fait mille tendres compliments à tout Hornoy. Autrefois, les seigneurs châtelains de Picardie n’allaient guère voir les seigneurs châtelains du pays des Allobroges ; mais à présent que la société est perfectionnée, on peut sans risque faire de ces longs voyages. Vous serez attendus avec impatience et reçus avec transports. »



Pardonnez aux pauvres campagnards qui ne savent pas ce qui se passe dans le monde 

... Mais qui n'en pensent pas moins !

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Pas de grèves chez nous !

 

 

« A François Tronchin

Conseiller d’État

rue des Chaudronniers

à Genève

[28 novembre 1764]1

Nous ne savions pas , mon cher ami, que votre érésipèle avait eu des suites, et que vous eussiez gardé la chambre si longtemps ; nous aurions envoyé chez vous maman et moi ; nous n'apprenons votre maladie que quand vous en êtes quitte . Pardonnez aux pauvres campagnards qui ne savent pas ce qui se passe dans le monde ; et recevez les tendres compliments de toute la maison. »

1 Date portée par Tronchin sur le manuscrit .

25/01/2020

Tout ce que je puis, c’est de me plaindre

... On parle ici du mal français dont on ne connait aucun remède, plus contagieux que le SRAS chinois et qui fait en réalité beaucoup plus de mal que le virus asiatique , qui sévit depuis une éternité avec des accès ridicules et irraisonnés ; Français vous êtes des niolus  !

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« A François Tronchin

[27 novembre 1764] 1

Mon cher ami, vous me rendrez un vrai service, si vous voulez bien communiquer ce petit billet à l'un de messieurs les scolarques . Je suis indigné de l'effronterie avec laquelle les libraires de Hollande inondent l'Europe de livres sous mon nom . Le stathouder lui-même ne pourrait les en empêcher . Tout ce que je puis, c’est de me plaindre . Faites-moi l’amitié, je vous en supplie, de dire à Esculape combien je m'intéresse à sa gloire .

Ne serez-vous point assez aimable pour venir quelque jour par un beau soleil, sur votre joli petit cheval, dîner chez vos amis de Ferney ? Maman vous embrasse le plus tendrement du monde . »

1 La date est ajoutée par Tronchin sur le manuscrit .

24/01/2020

Je sais très bien, qu’un grand ministre peut faire un détestable ouvrage, même en politique

... Que dire alors de ministres minus habens ? L'espèce n'est pas en voie de disparition, pas même menacée , et les libraires ont bien du mal à écouler leurs productions oiseuses . Ils rejoignent la cohorte des anciens présidents donneurs de leçons à la petite semaine . Il est bien triste qu'on abatte des arbres pour eux .

https://www.lepoint.fr/politique/que-valent-les-romans-ec...

 

 

« A Pierre-Joseph Thoulier d'Olivet, de

l'Académie française, etc.

à Paris

27è novembre 1764

Mon cher maître, non agitur de verbis, sed rebus 1 Je veux que vous me disiez nettement si vous avez rien vu de plus mauvais que ce testament tant vanté par La Bruyère 2. Je sais très bien, qu’un grand ministre peut faire un détestable ouvrage, même en politique. Il ne faut pas être un grand génie pour faire couper le cou au maréchal de Marillac 3, après l’avoir fait juger à Rueil par des fripons en robe vendus à la faveur ; Cartouche en aurait fait autant. Mais pour écrire sur les finances et sur le commerce, on a besoin de connaissances que le cardinal de Richelieu ne pouvait avoir. Je tiens qu’il n’en savait pas assez pour débiter toutes les bêtises qu’on lui attribue.

Au reste, mon cher maître, condamnez-moi si vous voulez sur inconvenance 4 et marginer 5 ; j’aime ces deux mots qui sont expressifs et qui nous sauvent d’une circonlocution. Inconvenance n’est pas Disconvenance ; on entend par disconvenance des choses qui ne se conviennent pas l’une avec l’autre ; et j’entends par inconvenance des choses qu’il ne convient pas de faire. Vous direz que je suis bien hardi ; je vous répondrai qu’il faut l’être quelquefois.

Vivez, vous dis-je, moquez-vous de tout ; vous êtes plus jeune que moi, car vous avez des yeux, et je n’en ai plus. Madame Denis se souvient toujours de vous avec bien de l’amitié ; elle vous fait mille compliments. Nous menons une vie agréable et tranquille avec l’héritière du nom de Corneille et un de vos jésuites défroqués, nommé Adam, qui nous dit tous les dimanches la messe, que je n’entends jamais, et à laquelle il n’entend rien, non plus que vous 6. Vivent Cicéron et Virgile ! Vivez, vale. 

V.»



1 Il ne s'agit pas de mots mais de choses .

2 Voir en effet le Discours prononcé dans l'Académie française par La Bruyère, vers le début : http://www.academie-francaise.fr/discours-de-reception-de-jean-de-la-bruyere-et-preface

5 Le mot apparaît aussi dans cet ouvrage ; V* s'en est servi dès 1761 ; voir lettre du 14 septembre 1761 à Pinot Duclos : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2016/08/19/il-faut-etre-juste-mais-il-faut-etre-poli-et-dire-la-verite-5837919.html

6 Ces quatre mots ont été fortement biffés sur le manuscrit .

23/01/2020

je ne m’épouvante de rien. Je trouve que plus on est vieux, plus on doit être hardi. Je suis du sentiment du vieux Renaud qui disait qu’il n’appartenait qu’aux gens de quatre-vingts ans de conspirer

... On a là une idée de ce que pense/penserait Vladimir Poutine, qui est pourtant bien loin d'être philosophe .

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« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

et à

Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d'Argental

27 novembre 1764

A l'un de mes anges , ou aux deux ensemble.

Les lettres se croisent, et le fil s’embrouille. La lettre du 21 Novembre 1 m’apprend ou qu’on n’avait pas encore reçu les lettres patentes de Mlles Doligny et Luzy, ou qu’elles ont été perdues avec un paquet adressé, autant qu’on peut s’en souvenir, à M. de Courteilles. Tous mes paquets ont été envoyés depuis un mois à cette adresse, excepté un ou deux à l’abbé Arnaud ou à Marin. Il serait triste qu’il y eût un paquet d’égaré. Dans ce doute, voici de nouvelles patentes.

Je vous avais mandé que M. de Richelieu m’avait donné toute liberté sur la distribution de ces bénéfices 2. Si M. de Richelieu change d’avis, je n’en changerai point ; je crois son goût pour mademoiselle d’Epinay passé, et j’imagine que sa fureur de vous contrecarrer sur les affaires du tripot, est aussi fort diminuée.

Je vous supplie, mes divins anges, d’assurer M. Marin de ma très vive reconnaissance. Je voudrais bien pouvoir la lui marquer, et vous me feriez grand plaisir de me dire comment je pourrais m’y prendre.

Il est très vrai que j’avais fait une balourdise énorme, en ajoutant, à la réponse faite à M. de Foncemagne en 1750, les noms du cardinal Albéroni 3 et du maréchal de Belle-Isle 4 ; je fis cette sottise en corrigeant l’épreuve à la hâte. On est bien heureux d’avoir des anges gardiens qui réparent si bien de pareilles fautes. Mais je jure encore, par les ailes de mes anges, que j’ai retrouvé parmi mes paperasses cette lettre de 1750, écrite de la main du clerc qui griffonnait alors mes pensées ; je ne trompe jamais mes anges.

On m’a mandé qu’un honnête homme, qui a approfondi la matière du testament, et qui ne laisse rien échapper, a porté une sentence d’arbitre entre M. de Foncemagne et moi 5. On la dit sage, polie, instructive, et très bien motivée .

Il paraît tous les mois sous mon nom, en Angleterre ou en Hollande, quelques livres édifiants. Ce n’est pas ma faute ; je ne dois m’en prendre qu’à ma réputation de bon chrétien, et mettre tout aux pieds du crucifix.

J’ai bien peur que maître Omer ne veuille me procurer la couronne du martyre. Ces Omer sont très capables de joindre au Portatif la tragédie sainte de Saül et David, que le scélérat de Besogne, libraire de Rouen, a imprimée sous mon nom ; Messieurs pourraient bien me décréter, et quoique je ne fasse cas que des décrets éternels de la Providence, cette aventure serait aussi embarrassante que désagréable. Je connais toute la mauvaise volonté des Omer ; je n’ai jamais été content d’aucun Fleury, pas même du cardinal, pas même du confesseur du roi, auteur de l’Histoire ecclésiastique 6; je ne conçois pas comment il a pu faire de si excellents discours, et une histoire si puérile.

Au reste, je ne me porte pas assez bien pour me fâcher, et mes yeux sont dans un trop triste état pour que je revoie les Roués. Je me sers d’une drogue qui me rendra ou qui m’ôtera la vue tout à fait ; je n’aime pas les partis mitoyens.

Mes chers anges, conservez-moi vos célestes bontés. Toute ma famille se prosterne à l’ombre de vos ailes.

On nous parle aussi d’une petite assignation de notre curé : la robe de tous côtés me persécute ; mais je ne m’épouvante de rien. Je trouve que plus on est vieux, plus on doit être hardi. Je suis du sentiment du vieux Renaud qui disait qu’il n’appartenait qu’aux gens de quatre-vingts ans de conspirer.7 »



1 Cette lettre est conservée .

3 Car le Testament politique du cardinal Alberoni, de Maubert de Gouvest, ne remonte qu'à 1753 : https://books.google.fr/books?id=yHMGAAAAQAAJ&printsec=frontcover&hl=fr&source=gbs_ge_summary_r&cad=0#v=onepage&q&f=false

. V* pouvait donc difficilement le connaître en 1750, ce qui détruit tout l'édifice qu'il a péniblement élevé pour « vieillir » sa réponse .

4 Le testament du cardinal de Belle-Isle parut en 1761 : https://data.bnf.fr/fr/10739486/charles_fouquet_belle-isle/

; nouvel anachronisme souligné officieusement par d'Argental .

6 V* reviendra sur ce sujet dans une lettre ouverte à Damilaville à la date du 7 mai 1770 .

7 Dans la Conjuration des Espagnols contre la ville de Venise, de Saint-Réal : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k62079192.texteImage

et voir : https://fr.wikipedia.org/wiki/C%C3%A9sar_Vichard_de_Saint-R%C3%A9al