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27/02/2020

Quelque mépris qu'on ait pour la calomnie, il est quelquefois nécessaire de la réfuter

... Le couple Fillon est fort mal placé pour réfuter ce qui n'est que la vérité .

Le "condamné par le tribunal médiatique" jouit bien entendu d'une liberté et d'un confort bourgeois que bien d'honnêtes innocents peuvent lui envier . Plus subtil que les Balkany, plus faux-cul aussi . Il va falloir payer !

Pénélope , faute de tapisserie, tu peux continuer ta sinécure de chargée de commission au fleurissement de Solesmes . Attention , ne force pas, ne vas pas te froisser un muscle !

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« A Pierre Rousseau

25 décembre [1764] 1

Quelque mépris qu'on ait pour la calomnie, il est quelquefois nécessaire de la réfuter . Un libraire d'Amsterdam a cru qu'il était de son intérêt d’imprimer sous mon nom des bêtises hardies . Il a débité une brochure intitulée , Ouvrage posthume de M. de M. Y., Le Testament de Jean Meslier, autre brochure, etc., etc. Il a donné a ce petit recueil le titre de Collection complète des ouvrages de M. de V. Comment un si petit livre peut-il être intitulé Collection complète ? Et comment une œuvre posthume de M. Y. , et un testament d'un homme mort il y a trente ans, peuvent-ils être de moi ? Je ferai encore une autre question : comment ne punit-on pas un tel délit , qui est celui d'un calomniateur et d'un faussaire ? Un autre libraire s’est avisé d'imprimer l'Arétin 2 sous mon nom . Un autre donne mes prétendues Lettres secrètes ; mais mon ami, si elles sont secrètes, elles ne doivent donc pas être publiques . Il ne se passe guère de mois où l'on ne m'attribue quelques ouvrages dans ce goût .

Je ne les lis point, et c'est ce qui me console d'avoir presque entièrement perdu la vue : mais je ne me consolerais pas de ces impertinentes imputations, si je ne savais que les honnêtes gens voient avec indignation ces abus de la presse, et que les hommes en place ne jugent pas sur des brochures de Hollande et sur des gazettes . Il faut pardonner cet abus de l'imprimerie en faveur du bien qu'elle a fait aux hommes . »

1 D'après l'édition « Extrait d'une lettre de M. de Voltaire, du 25 décembre » dans le Journal encyclopédique du 1er janvier 1763 ; une copie manuscrite a été faite d'après l'imprimé .

2 L'Arétin moderne, 1763, de Henri-Joseph du Laurens ; l'ouvrage ne porte pas le nom de V* et est donné comme publié « aux dépens de la congrégation de l'Index », ce qui évidemment est une paisanterie . Il a été condamné à Genève le 11 janvier 1764. Voir : https://data.bnf.fr/fr/13093423/henri-joseph_dulaurens_l_arretin/

et : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k207923x/f3.image

et : https://fr.wikipedia.org/wiki/Henri-Joseph_Dulaurens

Vous rendez tant de justice, messieurs, aux ouvrages qu'on fait, que j'ose vous prier de la rendre à ceux qu'on ne fait point

...

 

« A la « Gazette littéraire de l'Europe »

24 décembre 1764

Vous rendez tant de justice, messieurs, aux ouvrages qu'on fait, que j'ose vous prier de la rendre à ceux qu'on ne fait point . J’ai appris dans ma retraite que depuis plus d'un an on imprime sous mon nom, dans les pays étrangers, des écrits auxquels je n'ai pas la moindre part . J'ignore si je dois cet honneur à la malignité d’un éditeur ou à l'intérêt très mal entendu d'un libraire . Tout ce que je puis déclarer, c'est que je regarde comme des faussaires tous ceux qui se servent ainsi d'un nom connu pour débiter des livres qui ne sont pas faits pour l'être . N'étant pas à portée de réprimer une pareille licence, je puis et je dois au moins m’en plaindre , et je m’adresse à vous, messieurs, comme à des hommes à qui l’honneur de la littérature doit être plus cher qu'à personne.

J'ai l'honneur d'être , etc. »

26/02/2020

Que m’importe, lui dit le vizir, que le chien ait mordu le porc, ou que le porc ait mordu le chien ?

... Le vizir étant Donald Trump , reçu en grande pompe en Inde, et fidèle à sa coutume, prêchant le faux pour passer la main dans le sens du poil aux dirigeants d'une puissance commercialement redoutable .

«https://www.lemonde.fr/international/article/2020/02/25/t...

 

 

 A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

23è décembre 1764

Je commence, mon cher ange, et je dois commencer toutes mes lettres par le mot de reconnaissance. Nous vous demandons en grâce, Mme Denis et moi, de répéter à M. le duc de Praslin ce mot, qui est gravé dans nos cœurs pour vous et pour lui. Tandis que vous prenez des mesures politiques avec le tripot de la Comédie, il y a vraiment de belles querelles dans le tripot de Genève.

Quelques conseillers ont voulu que je vous en prévinsse, comptant que, dans l’occasion, vous serez leur médiateur auprès de M. le duc de Praslin. M. Crommelin doit vous en parler ; mais je ne crois pas que la querelle devienne jamais assez violente pour que la France s’en mêle ; le fond en est excessivement ridicule. Permettez-moi de vous ennuyer, en vous disant de quoi il s’agit.

La république de Genève est un petit État moitié démo, moitié aristo-cratique. Le Conseil du peuple, qu’on appelle le Conseil des Quinze-Cents, est en droit de destituer les premiers magistrats, qu’on appelle syndics. Jean-Jacques Rousseau (afin que vous le sachiez) était du Conseil des Quinze-Cents ; les magistrats qui exercent la justice s’étant divertis à faire brûler les livres de J.-J., J.-J., du haut de sa montagne ou du fond de sa vallée, excita les chefs de la populace à demander raison aux magistrats de l’insolence qu’ils avaient eue d’incendier les pensées d’un bourgeois de Genève. Ils allèrent deux à deux, au nombre d’environ six cents, représenter l’énormité du cas ; et J.-J. ne manqua pas de leur faire dire que, si on rôtissait les écrits d’un Genevois, il était bien triste qu’on n’en fît pas autant à ceux d’un Français. Un magistrat vint me demander poliment la permission de brûler un certain Portatif . Je lui dis que ses confrères étaient bien les maîtres, pourvu qu’ils ne brûlassent pas ma personne, et que je ne prenais nul intérêt à aucun Portatif.

Pendant ce temps J.-J. faisait imprimer, dans Amsterdam, un gros livre bien ennuyeux pour toutes les monarchies, et qui ne peut guère être lu que par des Genevois : cela s’appelle les Lettres de la montagne. Il y souffle le feu de la discorde, il excite tous les petits ordres de ce petit État les uns contre les autres ; et, à la première lecture, on a cru qu’il y aurait une guerre civile. Pour moi, je crois qu’il n’y aura rien, et que le tocsin de Rousseau ne fera pas un bruit dangereux. S’il y a quelques coups de poing donnés, je ne manquerai pas de vous en avertir, soit pour vous amuser, soit pour vous prier d’engager M. le duc de Praslin à mettre le hola.

 Je ne sais quel ministre de je ne sais quelle puissance, ou quelle faiblesse chrétienne à la Porte ottomane, demanda un jour audience au grand-vizir, pour lui apprendre que les troupes de son maître chrétien avaient battu les troupes d’un autre prince chrétien. Que m’importe, lui dit le vizir, que le chien ait mordu le porc, ou que le porc ait mordu le chien ?

Vous ne serez point le vizir dans une occasion pareille ; vous serez un médiateur bienfaisant.

Si M. Crommelin vous parle de toutes ces tracasseries, je vous prie de lui dire que je vous en avais parlé comme je le devais.

Madame d’Argental m’inquiète beaucoup plus que Genève ; je ne sais rien de pis que de n’avoir point de santé ; ma mie Fournier 1 n’a-t-elle pas d’elle un soin extrême ?

Respect et tendresse. »



25/02/2020

je prie mon très cher corsaire de vouloir bien rayer Voiture comme Balzac

...

 

« A Henri Rieu

22 décembre [1764]

On m'envoie encore de Lyon une belle édition de Voiture 1, ainsi je prie mon très cher corsaire de vouloir bien rayer Voiture comme Balzac 2.

Il y a un courrier littéraire à Genève . Il annonce numéro 72, View of the internal policy of great Britain 3.

Je ne sais pas le nom du libraire, et je m'en rapporte aux bontés que mon cher corsaire a pour moi .

Mille compliments à M. Gaussen . »

24/02/2020

La rage d’imprimer des livres, et d’imprimer son avis sur les livres, est montée à un tel point, qu’il faudrait une douzaine de bibliothèques du Vatican pour contenir tout ce fatras

... Sans compter tout ce qui circule sur le Net , bien entendu .

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Why not ?

 

 

« Au marquis Francesco Albergati Capacelli

J’ai reçu, par la poste, monsieur, l’énorme poignée de verges de l’Aristarque et du Zoïle d’Italie 1; mais, dans l’état où sont mes yeux, il leur est impossible de lire cet ouvrage . Mes fluxions me sauvent de la frusta 2. C’est une chose prodigieuse que le nombre de journaux dont l’Europe est inondée. La rage d’imprimer des livres, et d’imprimer son avis sur les livres, est montée à un tel point, qu’il faudrait une douzaine de bibliothèques du Vatican pour contenir tout ce fatras. Les belles-lettres sont devenues un fléau public. Il n’y a d’autre parti à prendre que d’en user avec les livres comme avec les hommes, de choisir quelques amis dans la foule, de vivre avec eux, et de se soucier très peu du reste.

Mon malheur sera toujours d’avoir vécu loin d’un ami aussi respectable que vous. Ce qui me fait le plus regretter la perte de mes yeux, c’est de ne pouvoir plus lire l’Arioste ; mais je regrette votre société bien davantage. Votre très humble et très obéissant serviteur

V.

21è décembre 1764 .»

2  Frusta = fouet , d'où les "verges" citées . Capacellei a envoyé le 7 décembre 1764 à V* les 22 premiers numéros de La Frusta Letteraria di Aristarco Scannabue, éditée par Giuseppe Baretti , 1763-1765 ; le Catalogue de Ferney mentionne aussi les numéros 23 et 24 qui sans doute furent envoyés par la suite . Voir : https://en.wikipedia.org/wiki/Frusta_letteraria_(magazine)

nous ne sommes que des barbouilleurs de papier, très inutiles en ce monde

... Notre presse people correspond parfaitement à ce jugement . Son seul mérite est de donner du travail à certains, et son défaut majeur d'être des pollueurs physiques et moraux . Tout n'est pas rose en notre monde ma pauvre M'ame Michu !

 

 

« A Jacob Vernes

[vers le 20 décembre ? ] 1764 1

[…] Jean-Jacques et moi nous ne sommes que des barbouilleurs de papier, très inutiles en ce monde . Tout notre mérite est d'augmenter le commerce du chiffon . Nos vers, notre prose, nos paradoxes, nos contradictions, nos sottises ne font ni bien ni mal . Le grand point est de manger en paix à l'ombre de son figuier 2, et de se réjouir dans ses œuvres 3. Tout le reste est vanité 4 . Dieu nous tienne ne liesse . 

V.»

1 D'après le manuscrit olographe dont manque la partie supérieure ; l'édition Charles Dardier, Esaïe Gasc, 1876, propose cette date par rapprochement avec la lettre du 21 décembre 1764 à Albergati Capacelli .

2 Michée ( Prophètes mineurs, ou Douze) , IV, 4 : https://fr.wikisource.org/wiki/Bible_Segond_1910/Mich%C3%A9e#Mich%C3%A9e_4

4 Ecclésiaste, I, 14 : https://www.levangile.com/Bible-Annotee-Ecclesiaste-1-Note-14.htm . On ne peut se montrer plus pénétré du style biblique que V* ne le fait dans ces quelques lignes .

 

23/02/2020

il s'en remet entièrement au zèle et à la prudence des deux frères , et leur présente ses respects

...

 

« A Jacob Tronchin 1

Conseiller d’État

à Genève

Le vieux de la montagne avait eu l'honneur d'écrire ce matin un petit mot à monsieur Tronchin, et avait déjà envoyé sa lettre avant de recevoir celle que monsieur Tronchin veut bien lui écrire .

Les lettres de MM. les ducs de Choiseul et de Praslin étaient déjà parties hier, en conséquence des ordres de monsieur Tronchin . Il avait même donné avis à M. Crommelin de cette démarche .

Quant à la petite affaire sur laquelle monsieur Tronchin dit avoir reçu une lettre ce matin du vieux de la montagne, il s'en remet entièrement au zèle et à la prudence des deux frères 2, et leur présente ses respects .

20è décembre [1764] à midi 3. »

2 Le frère de Jacob est Jean-Robert Tronchin, procureur général . Voir : https://gw.geneanet.org/rossellat?lang=en&p=jean+robert&n=tronchin&oc=4

3 L'édition Droz place cette lettre en 1766 ; elle est ici placée par son rapprochement avec celle du 23 décembre 1764 à d'Argental : http://www.monsieurdevoltaire.com/2014/09/correspondance-annee-1764-partie-41.html