05/06/2020
la différence de vous à moi c'est que la vieillesse rend mes maux incurables
... Erratum : "mes mots" ! Vous le savez bien chers lecteurs/trices .
« A Louis-Amable Deprez de Crassier
l'aîné, etc.
à Crassier
Monsieur,
Si vous avez été malade je le suis encore, mais la différence de vous à moi c'est que la vieillesse rend mes maux incurables ; ils sont bien soulagés par le plaisir que me donne le gain de votre procès 1. Je voudrais pouvoir être en état de vous donner des preuves du respectueux attachement avec lequel j'ai l'honneur d'être,
monsieur,
votre très humble et très obéissant serviteur
Voltaire.
16è mars 1765 à Ferney.2 »
1 Voir lettre du 30 décembre 1763 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2019/01/01/personne-ne-doute-de-la-justice-de-votre-cause-6117279.html
et 25 décembre 1760 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2015/12/25/en-vous-remerciant-de-vos-perdrix-5737493.html
2 L'édition Moland place à tort cette lettre en décembre 1760 .
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04/06/2020
Dieu vous maintienne, mon cher destructeur, dans la noble résolution où vous êtes de faire main basse sur les fanatiques
...
« A Jean Le Rond d'Alembert
Ce 16 de mars [1765] 1
Frère Gabriel, mon cher destructeur, obéit ponctuellement à vos ordres ; la Destruction sera magnifiquement reliée et envoyée à sa destination . Mme Denis a dévoré ce petit livre qui contient deux cent trente-cinq pages, le seul de tous les livres qui restera sur ce procès qui a produit tant de volumes . Je vous réponds que quant il sera arrivé à Paris, il sera enlevé en quatre jours . Je suis fâché que vous ayez oublié que notre ami Fréron a été jésuite , et que même il a eu l'honneur d'être chassé de la société ; cela aurait pu vous fournir quelque douce et honnête plaisanterie .
Je voudrais bien savoir qu'est devenu le petit jésuite derrière lequel marchait Lefranc de Pompignan à la procession de son village . Est-il vrai que le jésuite qui avait enfondré 2 le cul du prince de Guéménée 3 est mort ? Ne s’appelait-il pas Marsy 4? On dit d'ailleurs que c'était un garçon de mérite .
Dieu vous maintienne, mon cher destructeur, dans la noble résolution où vous êtes de faire main basse sur les fanatiques , en faisant patte de velours ! Vous serez cher à tous les gens de bien . Écr l'inf . »
1 L'édition de Kehl donne le nom du prince réduit à un astérisque et le passage le plus libre est châtié . Les restitutions furent faites respectivement par Renouard et Beuchot, d'après un manuscrit qui ne nous est pas parvenu .
2 Enfondrer, verbe archaïque apparenté à effondrer et à fondrière, signifiant « enfoncer ». Voir à propos de cette attitude scandaleuse : page 320 : https://books.google.fr/books?id=PP2exyLVv9UC&pg=PA320&lpg=PA320&dq=marsy+gu%C3%A9m%C3%A9n%C3%A9e&source=bl&ots=Ykqq7HI0mV&sig=ACfU3U1a6uW6KmuZkr4g-UXPT4QfUYBhmw&hl=fr&sa=X&ved=2ahUKEwjLlbC2nebpAhUW3IUKHVQIBw0Q6AEwAHoECAYQAQ#v=onepage&q=marsy%20gu%C3%A9m%C3%A9n%C3%A9e&f=false
3 Une note de Condorcet, citée par Beuchot, précise que Marsy a été précepteur du prince de Guéménée . On peut aussi en inférer que la formule de Voltaire est au moins excessive : « Les choses n'allèrent pas tout à fait si loin » dit en effet Condorcet . Le prince dont il est question ici est Henri-Louis-Marie, prince de Rohan, connu sous le nom de prince de Guéménée . Voir : https://fr.wikipedia.org/wiki/Henri-Louis-Marie_de_Rohan
et : https://marie-antoinette.forumactif.org/t676-le-prince-et-la-princesse-de-guemenee
4 Marsy est mort le 16 décembre 1763 . Voir : https://www.boywiki.org/fr/Fran%C3%A7ois-Marie_de_Marsy
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03/06/2020
Voyez s'il n'est pas de l'intérêt du ministère, et du bien public d'imposer silence à ces malheureux qui vivent de calomnies
... Ce serait sage de se débarrasser de telles malfaisances, les soucis actuels n'ont pas besoin qu'on en rajoute .
« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental
[mars 1765]1
Mon cher ange, il y a plus d'un d’Éon et plus d'un Vergy . Lisez et jugez . Voyez s'il n'est pas de l'intérêt du ministère, et du bien public d'imposer silence à ces malheureux qui vivent de calomnies et qui osent se dire gens de lettres . Je m'en rapporte à la bonté, à la prudence, et au zèle éclairé de M. le duc de Praslin . »
1 L'édition Vie Privée donne une lettre très falsifiée par l'ajout de fragments déformés empruntés à quatre lettres bien postérieures, le tout daté de décembre 1765 .
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portez-vous bien et combattez
... Combattez le virus en combattant d'abord vos mauvaises habitudes .
« A Etienne-Noël Damilaville
[vers le 15 mars 1765]
Il est fort triste que frère Gabriel ait laissé échapper quelques exemplaires de La Destruction jésuitique . Cependant l'ouvrage me paraît fait avec tant d'art que je ne crois pas qu'on le défende , à moins que le parlement n'ait rendu quelque arrêt que je ne connais pas, par lequel il est ordonné à tout bon Français de ne jamais prononcer le nom de jésuite .
Bonsoir mon cher frère, ; ma santé s'altère, portez-vous bien et combattez . Je suis comme cet officier danois qui disait dans la bataille d'Hochstedt 1, je suis las, je ne puis plus tuer, tue brave Anglais, tue . Écr l'inf. »
1 En 1704 . Voir : https://fr.wikipedia.org/wiki/Bataille_de_H%C3%B6chst%C3%...)
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02/06/2020
chacun un volume de Destruction
... et cinq volumes de construction , dosage recommandé . Sans modération .
« A Gabriel Cramer
[vers le 15 mars 1765]1
Mon cher Caro nous vous demandons Mme Denis et moi chacun un volume de Destruction . Je vous réitère encore la prière que je vous ai faite de me faire avoir les journaux de Scheurler 2 depuis 1725 jusqu'à 1740 . S'il y avait quelques autres journaux de ce temps-là à la bibliothèque j’implorerais votre crédit pour les emprunter et je les rendrais fidèlement . Est-il vrai que le livre des princes 3 de Jean-Jacques paraît dans votre ville ? »
1 L'édition Crowley propose pour date février 1765 . La date est fixée par la référence à la Destruction des jésuites qui ne fut imprimée que vers la mi-mars et dont V* réclame des exemplaires reliés .
2 Henri Scheurler, éditeur .
3 Les Lettres de la montagne .
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01/06/2020
votre zèle est égal à votre raison . Je hais les tièdes
... Je vous le dis froidement .
« A Etienne-Noël Damilaville
15è mars 1765 1
Que vous avez une belle âme ! mon cher frère . Au milieu des soins que vous donnez pour les Calas vous portez votre sensibilité sur les Sirven . Que n'avons-nous à la tête du gouvernement des cœurs comme le vôtre ! Par quel aveuglement funeste peut-on 2 souffrir encore un monstre qui depuis quinze cents ans déchire le genre humain, et qui abrutit les hommes quand il ne les dévore pas !
M. d'Argental doit recevoir dans quelques jours deux paquets de mort-au-rats, qui pourront au moins donner la colique à l'infâme . Il doit partager la drogue avec vous .
Je crois qu'en effet il ne sera pas mal de publier la lettre qu'un certain V. vous a écrite sur les Calas et sur les Sirven . Cela pourra préparer les esprits, et on verra ce qu'on pourra faire avec M. d'Argental . M. le premier président de Toulouse est très bien disposé . Il s'agira de voir si monsieur le vice-chancelier voudra qu'on ôte à ce parlement une affaire qui lui ressortit de plein droit . Les Sirven ont été condamnés à Castres ; s'ils vont à Toulouse n'est-il pas à craindre que des juges irrités ne fassent rouer, pendre, brûler ces pauvres Sirven, pour se venger de l'affront que la famille Calas leur a fait essuyer ? Je ferai un mémoire que je vous enverrai, mais ces Sirven sont bien moins instruits des procédures faites contre eux que ne l'étaient les Calas . Ils ne savent rien, sinon qu'ils ont été condamnés, et qu’ils ont perdu tout leur bien . D'ailleurs, n'étant jugés que par contumace, je ne vois pas comment on pourrait faire pour les soustraire à leurs juges naturels .
Le procédé de M. de Beaumont m'inspire de la vénération . Son nom d'Elie me fait soupçonner qu'il n'est pas d'une famille papiste , et la générosité de son âme me persuade qu'il est un de nos frères . Laissons d'ailleurs juger les Calas, ne troublons pas actuellement leur triomphe par une nouvelle guerre . Je me flatte bien que vous m'apprendrez le plein succès auquel je m'attends . On verra immédiatement après ce qu'on pourra faire pour les Sirven . Ce sera une belle époque pour la philosophie qu'elle seule ait secouru ceux qui expiraient sous le glaive du fanatisme . Remarquez, mon cher frère, qu'il n'y a pas eu un seul prêtre qui ait aidé les Calas, car Dieu merci l'abbé Mignot n'est pas prêtre .
Voulez-vous bien faire parvenir le petit billet ci-joint à la veuve Calas ?3
Adieu, mon cher frère, vous êtes un homme selon mon cœur ; votre zèle est égal à votre raison . Je hais les tièdes .
Qu'est-ce , je vous prie, que Le Pyrrhonien raisonnable du marquis d'Autrey 4, qui croit prouver géométriquement le péché originel ? Écr l'inf, écr l'inf vous dis-je . Je vous embrasse de toutes mes pauvres forces . »
1 L'édition de Kehl suivant la copie Beaumarchais insère dans cette lettre une partie de celle du 22 mars 1765 (datée par erreur du 12 mars dans l'édition de Kehl ). La correction est faite par Georges Avenel, édition Moland , 1941.
2 Correction du texte de l'édition Besterman qui omet le on .
3 Voir : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2020/05/30/ce-sera-un-beau-moment-que-celui-du-prononce-de-l-arret.html
4 Voir lettre du 8 mars 1765 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2020/05/23/p...
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31/05/2020
quand un prêtre ne peut plus dire la messe, ce n'est pas la peine d'avoir un autel
... Et quand on n'a plus de vacances, on n'a pas besoin d'hôtel .
https://verviers.lameuse.be/539290/article/2020-03-28/le-...
« A David-Louis Constant de Rebecque, seigneur d'Hermenches
[à monsieur le colonel
d'Hermenches chez monsieur le comte de Bezenval, Lieutenant-général
Inspecteur général des Suisses en son hôtel
à Paris ]
15è mars 1765 à Ferney
Je ne suis pas étonné , monsieur, que vous soyez content des Français . Vous êtes comme une belle qui se voit avec complaisance entourée de ses amants . Peut-être avez-vous perdu un peu du côté de l'intérêt, mais cela se regagne en agréments ; et d'ailleurs, il est bien difficile que vous ne soyez pas bientôt colonel en pied . Pour peu que vous voyiez M. le duc de Choiseul il connaîtra bien vite tout ce que vous valez ; il y a des gens pour qui l’ordre du tableau n'est pas fait .
Je suis extrêmement sensible à l’honneur du souvenir de M. de Bezenval . Je suis persuadé que son amitié pour vous a été le principal motif qui vous a fait donner la préférence à la France sur la Hollande . Voulez-vous bien avoir la bonté, monsieur, de lui présenter mes très humbles hommages ? Si M. le maréchal de Richelieu regrette mon petit théâtre de Ferney je le regrette bien aussi ; mais quand un prêtre ne peut plus dire la messe, ce n'est pas la peine d'avoir un autel . Je perds la vue, je n'ai plus de voix, je suis condamné à souffrir, j'entre dans ma soixante et douzième année, il n'y a plus moyen d’amuser des Genevois . D'ailleurs, Jean-Jacques Rousseau m'avait écrit que je corrompais sa république en donnant des spectacles 1; je n'ai pas voulu m'exposer plus longtemps aux excommunications de ce père de l’Église . Je ne fais donc plus de tragédie, ni n'en joue ; j'applaudis de loin au Siège de Calais, et au lieu d'un théâtre, je bâtis deux ailes au château de Ferney . Si jamais vous daignez en occuper une quand vous irez à Hermenches vous comblerez de joie et d'honneur toute ma petite famille, et surtout le vieux malade qui vous est dévoué avec la tendresse la plus respectueuse .
V. »
1 Lettre du 17 juin 1760 ; voir à ce propos la lettre du 23 juin 1760 à d'Alembert : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2015/06/28/je-voudrais-que-vous-ecrasassiez-l-infame-c-est-la-le-grand-5647116.html
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