22/01/2021
J'attends encore le petit relevé des représentations
... dit le premier ministre avant de prendre sa décision de réouverture des théâtres et toutes salles de spectacles . Le chiffre tient aisément sur un quart de ticket de métro poinçonné pour celles de 2020 !
Castex m'a tuer
« A Henri-Louis Lekain
[23 septembre 1765]
Mon cher Tancrède, mon cher Vendôme j'attends la pièce que M. d'Argental veut bien avoir la bonté de me faire tenir par la poste . J'attends encore le petit relevé des représentations d'Oreste et de l'Électre crébillonique depuis la reprise d'Oreste 1. Je suis honteux des peines que je vous donne . »
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21/01/2021
Il est plaisant qu’à la suite d’un écrit si sublime il se trouve une approbation de deux docteurs
...
« A François de Chennevières
M. Bernard, mon cher ami, est un digne correspondant, et qui mérite bien votre amitié . Il m'a appris que vous m'aviez envoyé cet excellent ouvrage de M. Thomas, qui est resté parmi les paperasses de Montpéroux . Je viens de le recevoir, de le lire, et de l'admirer .
Voici ma réponse que je vous prie de lui faire tenir . Nous vous embrassons tous le plus tendrement du monde .
22è septembre 1765. 1»
1 Ce billet accompagne la lettre du même jour à Thomas .
« A Antoine-Léonard Thomas
22 Septembre 1765.1
Je n’ai reçu qu’aujourd’hui, monsieur, le présent dont vous m’avez honoré 2, et la lettre charmante dont vous l’accompagnez. La mort de notre résident, chez qui le paquet est resté longtemps, a retardé mon plaisir, et je me hâte de vous témoigner ma reconnaissance . Vous ne savez pas combien je vous suis redevable. Ce n’est point là un discours académique, c’est un excellent ouvrage d’éloquence et de philosophie. Autrefois nous donnions pour sujet du prix des textes faits pour le séminaire de Saint-Sulpice . Aujourd’hui les sujets sont dignes de vous. Il est plaisant qu’à la suite d’un écrit si sublime il se trouve une approbation de deux docteurs . Elle ne peut nuire pourtant à votre ouvrage ; il est admirable, malgré leur suffrage.
On ne lit plus Descartes, mais on lira son éloge, qui est en même temps le vôtre. Ah ! monsieur, que vous y montrez une belle âme et un esprit éclairé ! quel morceau que l’histoire de la persécution du nommé Voët contre Descartes 3! Vous avez employé et fortifié les crayons de Démosthène pour peindre un coquin absurde qui ose poursuivre un grand homme. Vous m’avez fait un grand plaisir de ne pas oublier le petit conseiller de province, qui méprisait la philosophie de son frère. Tout votre ouvrage m’enchante d’un bout à l’autre. Je vais le relire dès que j’aurai dicté ma lettre ; car l’état où je suis me permet rarement d’écrire. Vous avez parfaitement séparé le génie de Descartes de ses chimères, et vous avez habilement montré combien l’auteur même des tourbillons était un homme supérieur.
On m’a dit que vous faites un poème épique sur Pierre le Grand 4 ; vous êtes fait pour célébrer les grands hommes ; c’est à vous à peindre vos confrères. Je m’imagine qu’il y aura une philosophie sublime dans votre poème. Le siècle est monté à ce ton-là, et vous n’y avez pas peu contribué.
Vous faites, dans votre Éloge de Descartes, un éloge de la solitude qui m’a bien touché. Plût à Dieu que vous voulussiez bien partager la mienne, et vivre, avec moi, comme un frère que l’éloquence, la poésie, et la philosophie m’ont donné ! J’ai dans ma masure un homme qui est comme moi votre admirateur, et avec qui je voudrais passer le reste de ma vie . C’est M. Damilaville qu’un malheureux emploi de finance rappelle à Paris. Il vous dira quelle obligation je vous aurais, si vous daignez venir tenir sa place. Il est vrai que dans l’été nous avons un peu de monde, et même des spectacles , mais je n’en suis pas moins solitaire. Vous travailleriez avec le plus grand loisir . Vous feriez renaître ces temps que nos petits-maîtres regardent comme des fables, où les talents et la philosophie réunissaient des amis sous le même toit.
J’ai bien peur que ma proposition ne soit aussi une fable ; mais enfin il ne tiendra qu’à vous d’en faire la vérité la plus consolante pour votre serviteur, pour votre admirateur, et, permettez-moi de le dire, pour votre ami.
V. »
1 La copie contemporaine donne trois variante de détail avec le texte imprimé ; il y a une autre copie contemporaine, aux archives du marquis de Bristol (Ickworth) ; on suit ici l'édition Nouveaux mélanges philosophiques, historiques, critiques, etc., etc., 1765 . A cette époque, la lettre fut imprimée comme « Réponse de M. de Voltaire à M. Thomas » dans le Journal encyclopédique du 1er novembre 1765. Voir page 421 : https://books.google.sm/books?id=JBsPAAAAQAAJ&printsec=frontcover&hl=fr&source=gbs_ge_summary_r&cad=0#v=onepage&q=thomas&f=false
Voir : https://data.bnf.fr/fr/12107626/antoine-leonard_thomas/
2 Éloge de René Descartes, a gagné un prix de l'Académie Française . L'édition imprime cette lettre de V*. Voir : https://books.google.fr/books?id=LwG5HBo6sbIC&printsec=frontcover&hl=fr#v=onepage&q&f=false
3 Gysbert Voet, protestant fanatique a écrit contre Descartes qui lui a répondu par une Epistola [...] ad [...] Gisbertum Voetium, 1643 . Voir : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b86015062/f7.image
4 Thomas ne put l'achever . Il n'en parut que quelques fragments sous le titre Le Czar Pierre Ier dans les Œuvres posthumes de Thomas, 1802 . Voir page 424 : https://books.google.co.zw/books?id=NFFDZo9JiKQC&printsec=frontcover&hl=fr&source=gbs_ge_summary_r&cad=0#v=onepage&q=czar&f=false
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Ce monde-ci est une plaisante pièce de théâtre, et messieurs du clergé [...] sont de plaisants comédiens
... Et Joe Biden ne sais pas s'en passer . La Maison Blanche vaut bien une messe ! Pas de président athée sous la bannière étoilée . Représentation réussie .
Le poids des mots
« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental
et à
Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d'Argental
21 septembre [1765]1
Mes divins anges, tout le monde croit que j’ai bien du crédit dans votre cour céleste ; tout le monde demande la place de Montpéroux ; tout le monde s’adresse à moi. Madame de La Chevalerie 2, sœur de M. de Chabanon, que vous protégez, veut obtenir la résidence de Genève pour son mari, qui est officier, et qui a la croix de Saint-Louis. Elle m’a ordonné de vous en écrire, et j’obéis à ses ordres. Je suis persuadé que M. de Chabanon vous en aura déjà parlé ; mais je suis persuadé aussi qu’il lui sera plus aisé de faire une bonne pièce que d’obtenir pour son beau-frère cette place, que vous m’avez dit être destinée à ceux qui ont servi dans les affaires étrangères.
Pour moi, je me borne à obtenir une copie de l’Adélaïde que vous avez fait jouer. Je voudrais surtout savoir si le duc de Nemours est reconnu rival de son frère, au troisième ou au quatrième acte. Voilà les intérêts politiques qui m’occupent. Je vous écris en sortant de Mérope, qu’on a exécutée sur mon petit théâtre de marionnettes, au grand étonnement des Allobroges. Figurez-vous qu’il n’y avait rien chez vous de si brillant . Car madame de Shouvalow avait prêté à ma nièce Denis 3 pour deux cent mille écus de diamant et à peu près autant à madame de Florian, pour jouer à la baronne dans Nanine. Ce qui est encore plus étonnant, c’est que M. de Schowalow jouait Egisthe dans Mérope 4.
Je ne m’attendais pas, quand je fis cette pièce, que je la verrais exécutée par des Russes, près du lac de Genève. Ce monde-ci est une plaisante pièce de théâtre, et messieurs du clergé, qui me mêlent dans leurs caquets 5, sont de plaisants comédiens. Respect et tendresse.
V. »
1 Date complétée par d'Argental
2 Ou plus exactement La Chabalerie . Voir : https://fr.wikisource.org/wiki/Correspondance_de_Voltaire/1765/Lettre_6051#cite_note-2
3 Denis est ajouté au dessus de la ligne sur le manuscrit .
5 Dans les Actes de l’assemblée générale du clergé de France, publiés en septembre, se trouve la condamnation de l’Essai sur les mœurs. (Georges Avenel.) Voir : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k111610w.image
et : https://data.bnf.fr/fr/12110348/france_assemblee_generale_du_clerge/
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20/01/2021
Je souhaite passionnément qu’il se porte bien, et qu’il demeure en place
... Ce sont les voeux de Voltaire , M. Joe Biden , bon mandat, pour votre bien et celui du monde . Pourvu que ça marche !
Pourtant dommage que vous en soyez encore à prêter serment sur la bible , comme si un kilo de papier imprimé sous la main pouvait assurer une conduite digne et une sincérité inaltérable de l'impétrant * :
Je rêve du jour où le serment se résumera, comme au temps de mon catéchisme , à "Croix de bois, croix de fer, si je mens, je vais en enfer !", et vogue la galère !
* On a vu le résultat avec le Donald Trump !
La superstition va encore bon train , duck, you sucker ! "Patrie des courageux" ;-))
Lady Gaga , à vous : https://www.youtube.com/watch?v=0mHOC0aDHcg
« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental
et à
Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d'Argental
[vers le 20] [septembre 1765]1
Je crois à présent l’un de mes anges gardiens quitte de tous les tristes devoirs que la perte de l’Infant 2 a exigés de lui. Je le supplie de vouloir bien faire donner cette lettre à Lekain . En la lisant, vous me trouverez bien curieux.
On m’a dit que la santé de M. le duc de Praslin n’était pas bonne et qu’il parlait de se retirer. Je souhaite passionnément qu’il se porte bien, et qu’il demeure en place , et je le souhaite très indépendamment des dîmes que la sainte Église dispute à Genève et à moi. Quand il aura nommé un résident à Genève, je vous prie d’avoir la bonté de m’en instruire.
J’attends toujours vos instructions et votre paquet pour le communiquer au petit ex-jésuite, et je me mets au bout des ailes de mes anges.
V. »
1 Date complétée par d'Argental, sauf le jour . A cette époque, Garcin écrit à Moultou de Neuchâtel : « On débite une étrange nouvelle . C'est que Voltaire a obtenu votre place de résident à Genève ; elle est si extraordinaire que je n'y puis ajouter foi . Je n'ai vu ni ses Contes, ni sa Tolérance, ni le livre de Roustan qui n'est pas imprimé : je voudrais fort que tu pusses m'envoyer les deux premiers ouvrages [,,,]. » Le « livre de Roustan » ne peut être que les Lettres sur l'état présent du christianisme, et la conduite des incrédules, 1768 : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k722144/f1.item.texteImage
et voir : https://data.bnf.fr/fr/13014673/antoine-jacques_roustan/
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19/01/2021
cher soutien des spectacles et des plaisirs des Welches et des Français
... Ô chère Roselyne Bachelot, que faites-vous ? Vous a-t-on remisée dans les réserves de nos musées ? Etes-vous en cours de restauration après analyse par vos confrères ministres qui vous ont sortie du catalogue d'exposition ? Ou jouez-vous le rôle de la potiche ébrèchée, mais qu'on garde, pour ranger ses clés, pièces jaunes et masques ?
« A Henri-Louis Lekain
[vers le 20 septembre 1765]1
Mon cher grand acteur, vous voyez comme ce public approuve aujourd’hui ce qu’il condamnait hier, et condamne ce qu’il approuvait. Il n’appartient qu’au temps de fixer nos têtes de girouette. J’ai chez moi deux leçons d’Adélaïde fort différentes l’une de l’autre ; je soupçonne que la pièce, telle qu’on l’a jouée en dernier lieu, diffère encore de mes deux exemplaires. Je vous prie de m’envoyer l’exemplaire sur lequel vous vous êtes déterminé, afin qu’ayant confronté le tout, je puisse en former une pièce passable, que je vous ferai parvenir, avec une petite préface à la louange des Welches qui ne changent jamais d’opinion. J’ai grand’peur que vous ne les ayez séduits, et qu’ils n’aient pris vos talents pour de beaux vers.
Je vous remercie du petit relevé de la reprise d’Oreste que vous m’avez envoyé. Pourriez-vous pousser vos recherches et votre amitié pour moi jusqu’à m’instruire du nombre de représentations qu’Oreste a eues depuis cette reprise, et de la recette de ces représentations ? car on dit que c’est la recette qui est le thermomètre du succès. Je voudrais bien obtenir aussi que vous me fissiez la même grâce
Sur l’Electre française 2 à la mode soumise,
Pour le galant Itys si galamment éprise.3
Je suis curieux de savoir l’histoire de mon siècle.
Vous pourriez mettre le tout dans une enveloppe de toile cirée, ficelée, à la diligence de Lyon, à l’adresse de votre serviteur :
par la diligence de Lyon pour la messagerie de Genève.
Je vous embrasse bien tendrement, cher soutien des spectacles et des plaisirs des Welches et des Français. »
1 Le manuscrit est daté par l'éditeur « Commencement septembre 1765 » ; Moland , lui, précise « 24 septembre ». On se base notamment sur la mention de la représentation d'Adélaïde .
2 L'Électre de Crébillon .
3 Épître à Mlle Clairon , vers 21-22 .
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Vous ne faites que de bonnes actions, monsieur
... A qui pourrais-je dire cela aujourd'hui ?
A qui pourriez-vous le dire ?
Depuis l'abbé Pierre, je ne vois personne d'aussi bon, et c'est triste . Heureusement, son oeuvre perdure .
Une bonté et un sourire vrais
« A François Achard Joumard Tison, marquis d'Argence
Brigadier des armées du roi
au château de Dirac
près d'Angoulême
20è septembre 1765 à Ferney
Vous ne faites que de bonnes actions, monsieur, vous protégez l’innocence des Calas contre un scélérat ; et vous mariez mademoiselle votre fille 1 à un bon gentilhomme. J’espère que vous aurez des petits-fils qui seront bons serviteurs du roi, et bons philosophes comme vous. C’est bien dommage que nos terres soient si loin des vôtres : nous vous donnerions la comédie pour les noces. Permettez-moi de présenter mes respects à madame votre femme et à monsieur votre frère. Tout ce qui a eu le bonheur de vous voir à Ferney vous fait les plus tendres compliments. »
1 Louise va épouser Louis-Honoré Froger de l'Équille le 24 octobre 1765 (20 novembre 1765 selon Besterman : note adaptée par F. Deloffre) ; voir : https://gw.geneanet.org/wailly?lang=en&p=louise&n=joumard+tison+d+argence
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18/01/2021
Ceux qui perdent ont possédé. Pour moi, il y a longtemps que j’ai le malheur de n’avoir rien à perdre...
... fors la vie !
« Au marquis Francesco Albergati Capacelli
20 septembre 1765 à Ferney
Vous auriez bien dû, monsieur, venir passer vos trois mois de retraite chez moi ; vous m’auriez consolé de ma vieillesse et de mes souffrances, et j’aurais fait mon possible pour vous consoler de vos chagrins. Mais vous avez trouvé dans vous-même, dans votre philosophie, dans votre goût pour la littérature, des ressources plus sûres qu’on ne pourrait vous en présenter. Le sujet de votre peine n’était d’ailleurs qu’un malheur très commun aux gens heureux, et c’est un malheur que vous avez peut-être déjà réparé. Ceux qui perdent ont possédé. Pour moi, il y a longtemps que j’ai le malheur de n’avoir rien à perdre.
Je n’ai jamais reçu les traductions de M. de Cesarotti ; mais son nom m’est fort connu, et je sais que c’est un homme digne de votre amitié. Si vous voulez bien, monsieur, l’assurer de ma respectueuse estime, lorsque vous lui écrirez 1, ce sera une nouvelle obligation que je vous aurai. Vous savez combien je vous suis tendrement attaché pour le reste de ma vie.
V. »
1 Selon le manuscrit ; l'édition Cayrol porte désirez, que Besterman adpote aussi sans justification raisonnable .
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