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07/03/2020

voilà ce qu'il faut aux hommes . Ils ne méritent pas mieux

... A voir : https://www.20minutes.fr/societe/2733887-20200306-sexisme...

et : https://www.20minutes.fr/societe/2459587-20190308-video-s...

Il est quand même remarquable, et désolant, que tant de femmes se tirent une balle dans le pied .

 

 

« A Paul-Claude Moultou

[1764-1765]

J'aurai l'honneur, mon cher et aimable philosophe , de vous renvoyer votre Thècle 1 incessamment . Son histoire me paraît assez raisonnable et aussi authentique que tout le reste ; voilà ce qu'il faut aux hommes . Ils ne méritent pas mieux . Rabelais est infiniment au-dessus . J'ai retrouvé une partie du chapitre des Chaldéens, le voici ; il ne mérite pas trop l'attention d'un homme tel que vous . Je vous supplie de le renvoyer chez M. Souchay dès que vous l'aurez lu . Si vous pouviez me donner quelque lumière sur ces messieurs de Chaldée que je respecte beaucoup, vous me feriez grand plaisir . Il y a ce me semble deux preuves incontestables qu'ils sont plus anciens que les Égyptiens ; la première c'est que les noms des douze signes conviennent au climat de Chaldée, et point du tout au climat d’Égypte ; la seconde c'est que Vitruve dans son traité des Cadrans solaires 2 cite toujours les anciens chaldéens, et jamais les Égyptiens .

Adieu, je vous suis attaché avec la plus respectueuse tendresse . »

Je ne sais plus quel prophète de Dieu donna un grand soufflet un autre prophète de Dieu, en lui disant, l'esprit de Dieu a passé de ma main sur ta joue

...

 

« A Paul-Claude Moultou

à Genève

[1764-1765]

J'ai recours à vos bontés, mon cher philosophe, ainsi qu'à vos lumières . Je ne sais plus où j'ai lu que Babylone, en ancien chaldéen, signifiait la ville du père Baal, que Ba signifiait père, bel , le seigneur 1, et, on , la demeure . Je ne sais plus quel prophète de Dieu donna un grand soufflet un autre prophète de Dieu, en lui disant, l'esprit de Dieu a passé de ma main sur ta joue 2. Je vous recommande certains trois premiers siècles, vous rendrez service au genre humain . »

1 V* ajouta une note relative à ce sujet dans ce qui est maintenant l'Introduction à l'Essai sur les mœurs, mais qui fut originairement publié sous le titre de La Philosophie de l'Histoire, 1765 . Voir page 47 : https://books.google.fr/books?id=1tmHZGi9RYoC&printsec=frontcover&hl=fr&source=gbs_ge_summary_r&cad=0#v=onepage&q&f=false

2 Allusion possible , selon un hadith coranique, à Moïse qui gifla , ou éborgna l'ange de la mort : https://www.islamreligion.com/fr/articles/3453/l-histoire-de-moise-partie-11-de-12/

06/03/2020

Cela peut être adroit, mais cela n’est pas honnête

... Telle est , en résumé, la défense du couple Fillon par Marc Joulaud : https://www.lemonde.fr/societe/article/2020/03/05/le-loya...

 

 

 

« A Etienne-Noël Damilaville

31 Décembre 1764.

Les gens de bien, et surtout mon cher frère, doivent savoir que Jean-Jacques a fait un gros libelle contre la parvulissime 1 république de Genève 2, dans l’intention de soulever le peuple contre les magistrats. Le Conseil de Genève est occupé à examiner le livre, et à voir quel parti il convient de prendre.

Dans ce libelle, J.-J. fâché qu’on ait brûlé Émile, m’accuse d’être l’auteur du Sermon des Cinquante 3. Ce procédé n’est pas assurément d’un philosophe ni d’un honnête homme. Je voudrais bien savoir ce qu’en pense M. Diderot, et s’il ne se repent pas un peu des louanges prodiguées à Jean-Jacques dans l’Encyclopédie 4. Vous remarquerez que pendant que J.-J. faisait cette belle manœuvre à Genève, il faisait imprimer le Sermon des Cinquante, et d’autres brochures, par son libraire d’Amsterdam, Marc-Michel Rey, sous le titre de Collection complète des Œuvres de M. de V. Cela peut être adroit, mais cela n’est pas honnête.

Mon cher frère avait bien raison de me dire, quand Jean-Jacques maltraita si fort les philosophes dans son roman d’Émile, que cet homme était l’opprobre du parti . Je prie mon cher frère de me mander s’il a reçu le paquet du médecin anglais. Ce médecin aurait dû faire l’opération de la transfusion à Jean-Jacques, et lui mettre d’autre sang dans les veines ; celui qu’il a est un composé de vitriol et d’arsenic. Je le crois un des plus malheureux hommes qui soient au monde, parce qu’il est un des plus méchants.

Omer travaille à un réquisitoire pour le Dictionnaire philosophique. On continue toujours à m’attribuer cet ouvrage, auquel je n’ai point de part. Je crois que mon neveu, qui est conseiller au parlement, l’empêchera de me désigner.

Voilà, mon cher frère, toutes les nouvelles que je sais. La philosophie est comme l’ancienne Église, il faut qu’elle sache souffrir pour s’affermir et pour s’étendre.

Je crois qu’on commence aujourd’hui l’édition de la Destruction. C’est un livre qui ne sera point brûlé, mais qui fera autant de bien que s’il l’avait été.

J’embrasse tendrement mon cher frère, et je me recommande à ses prières, dans les tribulations où les méchants m’ont mis. Les orages sont venus des quatre coins du monde, et ont fondu sur ma petite barque que j’ai bien de la peine à sauver. »



2 Ce livre contre la république de Genève n'est autre que les Lettres écrites de la montagne .

3 A la fin du chapitre V du livre I des Lettres […] de la montagne, Rousseau met dans la bouche de V* une tirade antireligieuse, avec une allusion expresse au Sermon des cinquante (qui est bien entendu de V* ).

4 Ces éloges se trouvent particulièrement dans le « Discours préliminaire », paragraphe. xxxiii ; voir : https://fr.wikisource.org/wiki/L%E2%80%99Encyclop%C3%A9die/1re_%C3%A9dition/Discours_pr%C3%A9liminaire

05/03/2020

La Suisse n'a jamais rien vu de pareil

... En particulier l'ONU à Genève : décès à 100 ans de son ex- secrétaire général Javier Perez de Cuellar   : https://www.lemonde.fr/international/article/2020/03/05/j...

Javier Perez de Cuellar, en janvier 2007, à San Salvador.

 

 

 

« A Marie-Françoise-Catherine de Beauvau-Craon, marquise de Boufflers-Remiencourt

[vers le 30 décembre 1764] 1

Le jeune peintre, madame, que vous avez eu la bonté de m'annoncer n'a pas encore tout à fait le pinceau de Raphaël . Mais il a les grâces de l'Albane et plus d'esprit que les écoles italiennes, flamandes et françaises fondues ensemble . La Suisse n'a jamais rien vu de pareil ; et je crois qu'à Paris et à Versailles il y a peu de peintres qui riment comme lui et peu de rimeurs qui peignent aussi bien . Quand il était abbé, il ressemblait à l'abbé de Chaulieu et à présent qu'il est chevalier il est fort au-dessus du chevalier de Gramont . Il est digne de madame sa mère à qui je souhaite une santé des plus robustes .

Cet aimable peintre a vu à Lausanne une Mme la marquise de Gentil Langalerie, bru de ce M. de Langalerie 2 qui envoya … promener cet imbécile de Chamillard, ministre de la Guerre et des Finances 3, et qui aima mieux se joindre au prince Eugène pour nous battre, que d'être 4

 

Plût au ciel qu’en effet j'eusse été votre père !

Cet honneur n’appartient qu'aux habitants des cieux

Non pas tous encore . Il est des demi-dieux

Assez sots et très ennuyeux,

Indignes d'aimer et de plaire .

Le dieu des beaux esprits, le dieu qui nous éclaire,

Le dieu des beaux vers et du jour

Est celui qui fit l'amour

A madame votre mère .

Vous tenez de tous deux, ce mélange est fort beau.

Vous avez (comme ont dit les saintes Écritures)

Une personne et deux natures,

De l'Apollon et du Beauvau 5.

Je suis tendrement dévoué à [l'un] et l'autre , la Suisse est émerveillée de vous . Ferney pleure votre absence . Le bonhomme vous regrette, vous aime, vous respecte infiniment . »

1 L'édition de Kehl, ainsi que toutes les éditions, place cette lettre en 1768 ; les allusions qu'elle contient la mettent en fait tout à la fin de 1764 ; voir la lettre du 15 décembre 1764 à la marquise, ainsi qu'une lettre contemporaine de chevalier de Boufflers à sa mère, lui envoyant « un petit dessin d'un Voltaire pendant qu'il perd une partie aux échecs », vers le 30 décembre ; voir page 277 : https://books.google.fr/books?id=Fog-AAAAYAAJ&pg=PA268&lpg=PA268&dq=voltaire+boufflers+decembre+1764&source=bl&ots=ebmPnDWXWm&sig=ACfU3U1_9vHwKCuWNcXo0p_HOC0eV21qZg&hl=fr&sa=X&ved=2ahUKEwijoe3G94LoAhUOzIUKHRpYB1AQ6AEwCHoECAoQAQ#v=onepage&q=voltaire%20boufflers%20decembre%201764&f=false

3 Pour V* il n'était « ni politique, ni guerrier, ni même homme de finance » (Siècle de Louis XIV). Voir : http://www.chartes.psl.eu/fr/positions-these/michel-chamillart-ministre-secretaire-etat-guerre-louis-xiv-1654-1721

4 On est ici en bas de page du manuscrit et V* n'a pas terminé sa phrase au dos .

5 La marquise de Boufflers , née de Beauvau-Craon, est la sœur de Charles Juste de Beauvau, prince de Beauvau-Craon , et a été l'amie d’Émilie du Châtelet en même temps que sa concurrente auprès du poète Saint-Lambert .

04/03/2020

Vous avez vu sans doute les derniers édits, ils sont un peu obscurs ; le parlement, en les enregistrant, donne de bons avis au roi, et lui recommande d’être économe

... Notre roi républicain l'entend-il de cette oreille ? Et d'abord, les avis parlementaires sont-ils bons ?

 

 

« A Sébastien Dupont

A Ferney, 29 Décembre 1764.

J’ai donc, mon cher ami, lâché mes filets en votre nom, et quoique je n’aie point reçu de vos nouvelles, j’envoie aujourd’hui le complément des quatre-vingt mille livres en or, à l’adresse de M. Jeanmaire par le coche de Genève et de Berne, à Strasbourg.

Je suppose, mon cher ami, que vous avez fait faire à M. Jeanmaire le contrat en la meilleure forme possible, et que jamais les héritiers de M. le duc de Virtemberg ne pourront inquiéter les miens. Je crois même que M. le prince Louis de Virtemberg, malgré tous ses refus formels et réitérés d’accéder au traité, le ratifierait s’il était jamais souverain ; il ne voudrait pas sans doute trahir l’honneur de sa maison pour un si petit objet. D’ailleurs, il me paraît que la dette est très assurée sur les terres de France qui ne sont point sujettes à substitution. Je m’imagine que le contrat est en chemin, tandis que mon argent est au coche.

Je crois que vos jésuites voyagent par le coche aussi, mais avec moins d’argent. J’ai besoin de deux ou trois bouviers dans ma terre ; si vous pouvez m’envoyer le père Croust et deux de ses compagnons, je leur donnerai de bons gages ; et si au lieu du métier de bouvier, ils veulent servir de bœufs, cela serait égal. Je trouve les parlements très avisés d’avoir su enfin employer les gens aux fonctions qui leur conviennent. Je me souviendrai toute ma vie que vous m’avez dit qu’un maraud de jésuite, nommé Aubert, fit brûler Bayle dans le marché de Colmar 1. Ne sauriez-vous point où cet Aubert est enterré ? il faudrait au moins exhumer et pendre son cadavre. Il faut espérer que la philosophie reprendra un peu le dessus, puisqu’elle est délivrée de ses plus grands ennemis. Je sais bien qu’elle en a encore, mais ils sont dispersés et désunis ; rien n’était si dangereux qu’une société de fanatiques gouvernés par des fripons, et s’étendant de Rome à la Chine.

Vous avez vu sans doute les derniers édits, ils sont un peu obscurs ; le parlement, en les enregistrant, donne de bons avis au roi, et lui recommande d’être économe. Je prie le Conseil souverain d’Alsace d’en dire autant à M. le duc de Virtemberg. Me voilà intéressé à le voir le prince le plus sage de l’Allemagne.

Je vous embrasse bien tendrement, mon cher ami.

Voltaire. » 

vous êtes plus fait pour les agréments de la société que pour les misères de ce tripot

... M. Edouard Philippe , Le Havre/havre vous attend...

 

« A François-Louis-Claude Marin

Vous devez être bien ennuyé, monsieur, des misérables tracasseries de la littérature, vous êtes plus fait pour les agréments de la société que pour les misères de ce tripot . En voici une que je recommande à vos bons offices . Je ne sais pas qui fait aujourd'hui le Mercure, mais, quel qu'il soit, je vous supplie de faire mettre dans son journal le papier ci-joint 1. Vous êtes le premier qui m'ayez instruit de l'insolence des libraires de Hollande, il est dans votre caractère que vous soyez le premier qui m'aidiez à confondre ces abominables calomnies . Je me recommande à vos bontés avec la plus tendre reconnaissance .

V.

28è décembre 1764 à Ferney 2»

Le meilleur parti qu’on puisse prendre avec les hommes, c’est d’être loin d’eux

...

 

« A Jacques-François-Paul Aldonce de Sade

26 décembre 1764 au château de Ferney

Vous avez écrit à un aveugle, monsieur, et j’espère que je ne serai que borgne quand j’aurai l’honneur de vous revoir. Soyez sûr que je vous verrai de très bon œil, s’il m’en reste un. Les neiges du mont Jura et des Alpes m’ont donné d’abominables fluxions, que votre présence guérira. Mais serez-vous en effet assez bon pour venir habiter une petite cellule dans mon petit couvent ? Il me semble que Dieu a daigné me pétrir d’un petit morceau de la pâte dont il vous a façonné. Nous aimons tous deux la campagne et les lettres : embarquez-vous sur notre fleuve , je vous recevrai à la descente du bateau, et je dirai  benedictus qui venit in nomine Apollinis 1.

Je n’ai point encore entendu parler de votre second tome 2 ; mais quand il viendra, je ne saurai comment faire pour le lire. Il y a trois mois que je suis  obligé de me servir des yeux d’autrui. Jugez s’il y a quelque apparence au beau conte qu’on vous a fait que j’avais mis quelque observation dans la Gazette littéraire. Je ne lis depuis longtemps aucune gazette, pas même l’ecclésiastique.

Il est juste que vous ayez beaucoup de jésuites dans Avignon . D’Assoucy 3 et eux se sont sauvés en terre papale, les parlements ont fait du mal à l’ordre, mais du bien aux particuliers . Ils ne sont heureux que depuis qu’ils sont chassés. Mon jésuite Adam était mal couché, mal vêtu, mal nourri ; il n’avait pas un sou, et toute sa perspective était la vie éternelle. Il a chez moi une vie temporelle qui vaut un peu mieux. Peut-être que dans un an il n’y aura pas un seul de ces pauvres gens qui voulût retourner dans leurs collèges s’ils étaient ouverts. Du reste, nous ignorons, Dieu merci, tout ce qui se passe dans le monde, et nous nous trouvons fort bien de notre ignorance. Le meilleur parti qu’on puisse prendre avec les hommes, c’est d’être loin d’eux, pourvu qu’on soit avec un homme comme vous. Mon indifférence pour le genre humain augmentera quand je jouirai du bonheur que vous me faites espérer. Je prends la liberté d’embrasser de tout mon cœur le parent de Laure et l’historien de Pétrarque, qui est de meilleure compagnie que son héros.

V. »

1 Béni celui qui vient au nom d'Apollon ; d'après les Psaumes, CXVII, 26 et l’Évangile selon Luc, XIII, 35 : voir https://www.aelf.org/bible/Ps/117

et https://www.aelf.org/bible/Lc/13

2 De l'ouvrage décrit à propos de la lettre du 12 février 1764 à Sade : Mémoires pour la vie de François Pétrarque ; http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2019/02/22/je-me-suis-donne-une-nombreuse-famille-que-la-nature-m-avait-refusee-et-je.html

3 D'Assoucy, cité par V* dans sa lettre du 17 novembre 1750 à Mme Denis ( page 65, https://books.google.fr/books?id=dBNEAAAAYAAJ&pg=PA65&lpg=PA65&dq=d%27Assoucy+voltaire&source=bl&ots=RbuA2VEc3c&sig=ACfU3U10YAumLMly1kbYEtj26jOUKFxBOA&hl=fr&sa=X&ved=2ahUKEwjrw8TX3P7nAhUN2BoKHSKBCrgQ6AEwBXoECAYQAQ#v=onepage&q=d'Assoucy%20voltaire&f=false ) , raconte dans ses Aventures burlesques ses pérégrinations dans le midi de la France, l'accueil qu'il reçut à Pézenas du « généreux M. de Guillerargues », et la prudente retraite en terre papale, pour des comportements réprouvés à l'époque. Voir : https://fr.wikipedia.org/wiki/Charles_Coypeau_d%27Assoucy