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27/06/2019

si quelque vieux capitaine prend le parti d'aller chez lui tirer un baillage au sort

... il rejoindra le général Georgelin dans un poste civil . L'un pour restaurer Notre-Dame de Paris, l'autre pour tenir une mairie où bon lui semblera .

 

 

« A David-Louis Constant de Rebecque, seigneur d'Hermenches

à Lausanne

24 mai [1764]

J'ai exécuté vos ordres mon très aimable Major . La lettre dont vous avez la minute est adressée à mon colonel 1. Il me permet de lui écrire ainsi . Je crois qu'il serait fort aise de vous avoir parmi ses capitaines . Il est fait pour sentir tout votre mérite ; et je crois que son acquisition est immanquable si quelque vieux capitaine prend le parti d'aller chez lui tirer un baillage au sort 2. Vous savez qu'on croit à présent Mme Constant entièrement hors de danger . On a longtemps désespéré d'elle . C'était une chose bien cruelle de la voir périr à la fleur de son âge . Tout le monde la regrettait . Je n'ai pu monsieur avoir l'honneur de vous écrire plus tôt parce que mes yeux m'ont refusé le service pendant trois jours . Je vois à peine ce que je vous écris . Si je deviens aveugle, au moins ne deviendrai-je pas insensible à votre mérite et à votre amitié .

V. »

2 C'est alors un usage bernois de tirer au sort certains emplois parmi ceux qui sont qualifiés pour le remplir ; si un officier suisse obtient un bailliage, il laissera une place vacante dans le régiment de Choiseul .

capable de négocier comme de combattre, digne enfin non seulement de vous servir mais encore de souper avec vous

...

 

« A Etienne-François de Choiseul-Stainville, duc de Choiseul

[ vers le 23 mai 1764]

Mon cher colonel, 1

La bavarde marmotte vous importune souvent, mais permettez-moi de vous remercier de la niche que vous faites aux États de Hollande et de Vest Frise de leur enlever M. de Const[ant] . Les braves , et les gens d'esprit doivent servir M. le duc et non pas des bourgmestres ; il est bon d'ailleurs que M. de C. expie le tort qu'a eu le général son père de se battre cinquante ans contre vous . Il est vrai qu'il est fort ingrat envers les Hollandais . Ils ont donné de l'emploi à son fils qui n'a que 12 ans . Le père en capitaine major du régiment des gardes et le seul homme de génie sur lequel on puisse compter dans l'occasion pour défendre Berg ob Zon et Mastrich, il est riche par lui-même, il a de la considération dans son pays, capable de négocier comme de combattre, digne enfin non seulement de vous servir mais encore de souper avec vous etc., etc., etc.

V. »

1 Sur le mot colonel, voir la lettre du 24 mai 1764 à Constant de Rebecque : « La lettre dont vous avez la minute est adressée à mon colonel. Il me permet de lui écrire ainsi . »

26/06/2019

vous connaissez la Guadeloupe ; vous savez qu'il y a encore cinq ou six familles des anciens habitants du pays

... Ce qui est vrai , ou supposé vrai en 1764 l'est-il encore en 2019 ? Combien de ceux qui réclament l'indépendance sont des Caraïbes ? Aucun, je suis sûr . Combien ne la réclament que pour leur propre intérêt ? Tous , sans aucun doute .

 

 

« A Henri Rieu

23 mai [1764 ?]

Mon très cher corsaire, vous connaissez la Guadeloupe ; vous savez qu'il y a encore cinq ou six familles des anciens habitants du pays . Vous savez, et vous m'avez dit que leur peau est rouge, ou du moins j'ai cru vous l'entendre dire 1. Mandez-moi si je me suis trompé , car je veux en avoir le cœur net .

Je vous embrasse bien tendrement .

V. »

1 Le problème de la couleur de la peau des Caraïbes est lié à celui de l'origine des peuples d’Amérique : proviennent-ils, comme le dit la Bible des fils de Noé ? Robert Challe qui connaissait les Antilles, l'évoque deux fois sous cet angle dans le Journal de voyage (Mercure de France , 1979 ), et dans les Difficultés sur la religion,(ed Mortier, 1970 ) . Voir aussi une édition de ce texte dans la collection de la Voltaire Foundation . Voir : https://data.bnf.fr/fr/11895910/robert_challe/

et http://philosophie-clandestine.huma-num.fr/phcldata/data/doc/ms53_Difficultes_sur_la_religion-maz.pdf

25/06/2019

j'ai un si violent mal de gorge que je ne peux dicter, et mes yeux sont si misérables que je ne vois pas ce que j'écris

... Canicule = climatisation à fond = recrudescence de maladies ORL . De "ça me fait suer !" on passe à "j'ai la crève !" , on se fait mettre en arrêt maladie et après ça on ose encore se moquer de ceux qui ralentissent leur activité sous les climats tropicaux !

Et on reporte les épreuves du Brevet pour protéger ces chers bambins, si fragiles qu'ils ne pourraient pas donner le meilleur de leur savoir dans un air au delà de 25°C , alors qu'ils veulent bien s'agglutiner sans limites dans des salles de jeux . Magnifique exemple de ce "bon sens" mis en avant par le  ministre de l'Education, M. Blanquer qui n'en est pas à une ânerie près . Voir le one man show du lèche-cul (avec prompteur, c'est flagrant ! ): https://www.education.gouv.fr/cid143227/canicule-les-epre...

Dans le même temps que le gouvernement ouvre la lutte contre la canicule, une majorité de Français -rois/empereurs de la logique- prépare ses valises pour aller se dorer/cramer sur les plages !   On veut bien se protéger de la chaleur quand il s'agit de travailler ( ou plutôt moins travailler ), mais pas question de faire de même pour les sacro-saintes vacances . Welches vous êtes, Welches vous restez !

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« A Etienne-Noël Damilaville

23è mai 1764 1

Mon cher frère, j'ai un si violent mal de gorge que je ne peux dicter, et mes yeux sont si misérables que je ne vois pas ce que j'écris . Il faut pourtant écrire à mon frère . Si vous avez encore un Corneille je vous demande en grâce d'en faire tenir un à M. de La Harpe chez M. de Chimène, rue des Bons-Enfants près du Palais-Royal . Ce La Harpe donne de grandes espérances . Il est plein d'esprit, de raison et de goût .

Je viens de recevoir le mot de l'énigme de la belle paix entre l'illustre Fréron et moi . Panckoucke m'écrit une longue lettre par laquelle il demande un armistice, et propose des conditions 2. Je vous enverrai la lettre et la réponse dès que j'aurai des yeux ou la parole . Interim écr l'inf.

Bonjour, mon frère , M. Cramer me dit que le dernier ballot doit être arrivé, et qu'il y a exemplaires pour M. le d[uc] de Villars .

Mon cher frère, vous êtes notre consolation . »

1 L'édition de Kehl publie le paragraphe central, mais incorporé dans la lettre du 21 mai 1764, d'après un remaniement provenant de la copie Beaumarchais-Kehl .

2 Voici le texte de cette lettre :

« A Paris le 16 mai 1764

«  Monsieur,

« J'ai trouvé dans le fond de M. Lambert une partie d'édition d'un recueil de vos romans etc... Je désirerais en donner une nouvelle au public en y joignant les Contes de Guillaume Vadé etc. J'ornerai cette édition d'estampes, de culs-de-lampes etc.

« Quoique j'aie acquis , monsieur, par la cession de M. Lambert le droit de réimprimer le recueil de ces romans, je crois devoir vous en demander la permission, et je recevrai comme une grâce celle que vous voudrez bien m'accorder .

«  Il y a bien de l'imprudence sans doute au libraire de L’Année littéraire de vous demander des grâces, mais je vous ai déjà prié de croire, monsieur, que je suis bien loin d'approuver tout ce que fait M. Fréron . Il vous a sans doute donné bien des raisons de le haïr ; et cependant, lui, il ne vous hait point . Personne n'a de vous une si haute estime, personne n'a plus lu vos ouvrages, et n'en sait davantage . Ces jours derniers encore dans la chaleur de la conversation, il trahissait son secret, et disait du fond de son cœur que vous étiez le plus grand homme de notre siècle . Quand il lit vos ouvrages immortels, il est ensuite obligé de se déchirer les flancs pour en dire le mal qu'il n'en pense pas . Mais vous l'avez martyrisé tout vivant par vos répliques ; et ce qui doit lui être le plus sensible, c'est que vous l'avez déshonoré dans la postérité . Tous vos écrits resteront . Pensez-vous, monsieur, que dans le secret il n'ait pas à gémir des rôles que vous lui faites jouer ? J'ai souvent désiré pour votre repos, pour ma satisfaction particulière , et pour la tranquillité de Fréron de voir la fin de ces querelles . Mais comment parler de paix dans une guerre continuelle ? Il faudrait au moins une trêve de deux mois ; et si vous daigniez prendre confiance en moi , vous verriez, monsieur, que celui que vous regardez comme votre plus cruel ennemi, que vous traitez ainsi, deviendrait de votre admirateur secret, votre admirateur public.

« Je suis etc. / Panckoucke »

Je vous prie de me dire si les sœurs de la charité ont fini à Dijon leur poursuite

...

 

« A Joseph-Marie Balleidier

Aux Délices, 23 mai 1764 1

Je vous prie de me dire si les sœurs de la charité ont fini à Dijon leur poursuite contre Bétems de Moens et si on subhastera le bois qu’il a au milieu des bois de Ferney […] Je vous prie très instamment de faire les diligences les plus promptes [...]

1 Le manuscrit ne se trouvant plus dans les papiers Balleidier, il est impossible de dire si les deux fragments cités ici par Vézinet représentent le texte complet de la lettre : c'est peu probable .

24/06/2019

le courage, la résignation aux lois de la nature, le profond mépris pour toutes les superstitions, le plaisir noble de se sentir d’une autre nature que les sots, l’exercice de la faculté de penser, sont des consolations véritables

... Programme intéressant, isn't it ?

 

 

« A Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand

Aux Délices , 22è mai 1764 1

Vous me faites une peine extrême, madame ; car vos tristes idées ne sont pas seulement du raisonner 2, c’est de la sensation. Je conviens avec vous que le néant est, généralement parlant, beaucoup mieux que la vie ; le néant a du bon ; consolons-nous, nous en tâterons. Il est bien clair 3, que nous serons, après notre mort, ce que nous étions avant de naître ; mais, pour les deux ou trois minutes de notre existence, qu’en ferons-nous ? Nous sommes , à ce qu’on prétend 4(1), de petites roues de la grande machine, de petits animaux à deux pieds et à deux mains comme les singes, moins agiles qu’eux, aussi comiques, et ayant une mesure d’idées plus grande. Nous obéissons tous au mouvement général imprimé par le maître de la nature (2) ; nous ne nous donnons rien, nous recevons tout ; nous ne sommes pas plus les maîtres de nos idées que de la circulation du sang dans nos veines. Chaque être, chaque manière d’être tient nécessairement à la loi générale. Il est ridicule (3) et impossible que l’homme se donnât quelque chose (4), quand la foule des astres ne se donne rien , et que nous fussions libres (dans le sens théologien) quand (5) l’univers est esclave !

Voilà une belle chienne (6) de condition, direz-vous. Je souffre, je me débats contre mon existence que je maudis et que j’aime ; je hais la vie et la mort ; qui me consolera, qui me soutiendra ?  La nature entière est impuissante à me soulager.

Voici (7) , madame, ce que j’imaginerais pour remède. Il n’a dépendu ni de vous ni de moi de perdre les yeux (8), d’être privés de nos amis, d’être dans la situation où nous sommes. Toutes vos privations, tous vos sentiments, toutes vos idées sont des choses absolument nécessaires. Vous ne pouviez vous empêcher de m’écrire la très philosophique et très triste lettre que j’ai reçue de vous ; et moi je vous écris nécessairement que le courage, la résignation aux lois de la nature, le profond mépris pour toutes les superstitions, le plaisir noble de se sentir d’une autre nature que les sots, l’exercice de la faculté de penser, sont des consolations véritables.

Cette idée, que j’étais destiné à vous représenter, rappelle nécessairement dans vous votre philosophie. Je deviens un instrument qui en affermit un autre, par lequel je serai affermi à mon tour. Heureuses les machines qui peuvent s’aider mutuellement !

Votre machine est une des meilleures de ce monde. N’est-il pas vrai que, s’il vous fallait choisir entre la lumière et la pensée, vous ne balanceriez pas, et que vous préféreriez les yeux de l’âme à ceux du corps ? J’ai toujours désiré que vous dictassiez la manière dont vous voyez les choses, et que vous m’en fissiez part ; car vous voyez très bien et vous peignez de même.

 Dites moi, je vous prie , madame, votre critique de ma critique sur un endroit des Horace, cela vous amusera et m'éclairera . C'est une consolation de mettre son esprit sur la papier ; confiez-moi tout ce qui vous passe par la tête .(9)

J’écris rarement, parce que je suis agriculteur. Vous ne vous doutez pas de ce métier-là, c’est pourtant celui de nos premiers pères. J’ai toujours été accablé d’occupations assez frivoles qui m'engloutissaient tous mes moments (10); mais les plus agréables sont ceux où je reçois de vos nouvelles, et où je peux vous dire combien votre âme plaît à la mienne et à quel point je vous regrette. Ma santé devient tous les jours plus mauvaise, tout le monde n’est pas comme Fontenelle. Allons, madame, courage, traînons notre lien jusqu’au bout.

Soyez bien persuadée du véritable intérêt que mon cœur prend à vous et de mon très tendre respect.

V. (11)

Je suis très aise que rien ne soit changé pour les personnes auxquelles vous vous intéressez. Voilà un conseiller du parlement 5 intendant des finances ; il n’y en avait point d’exemple. Les Finances vont être gouvernées en forme. L’État, qui a été aussi malade que vous et moi, reprendra sa santé.6 »

1 L'original de cette lettre est conservé . On possède aussi la minute autographe de V* que Wagnière a fidèlement suivie pour transcrire la lettre . Deux autres manuscrits sont encore fortement intéressants . L'un est une copie avec des corrections autographes de V* : elle avait été préparée en vue d'une édition qui n'eut pas lieu . Cette copie à son tour portait tant de modifications qu'il fallut la transcrire de nouveau lorsque V* voulut y apporter de nouvelles corrections . D'autres copies n'ont pas d'intérêt . On a ici le texte qui fut réellement envoyé en réponse à la lettre de la marquise du 16 mai 1764 ci-après .

« Ce mercredi 16 mai 1764

« Je suis ravie , monsieur que l'honneur vous déplaise, il y a longtemps qu'il me choque , il refroidit, il nuit à la familiarité et ôte l'air de vérité . Je proposai il y a quelque temps à une personne de mes amies de le bannir de notre correspondance . Elle me répondit, faisons plus que François Ier, perdons jusqu'à l'honneur .  Vous avez bien mal lu ma dernière lettre, puisque vous avez compris que j'étais en liaison avec Mme de Pompadour . Je vous mandais que j'avais été fort occupée de sa maladie et de sa mort, et que je m'y intéressai autant que tant d'autres à qui cela ne faisait rien ; jamais je ne l'avais vue ni rencontrée, mais je lui avais cependant de l'obligation, et par rapport à mes amis j'appréhendais fort sa perte . Il n'y a pas d'apparence jusqu'à présent , qu'elle produise aucun changement dans leur situation . Voilà monsieur d'Albi archevêque de Cambrai . Voilà les dames qui suivent le roi à son premier voyage de saint-Hubert, et ce sont Mmes de Mirepoix, de Gramont et d'Ecquevilly . Je me chargerais volontiers de vous mander ces sortes de nouvelles si je croyais qu'elles vous fissent plaisir et que vous n'eussiez pas de meilleures correspondantes que moi .

« Un autre article de ma lettre que vous avez encore mal entendu, c'est que je vous disais que le plus grand de tous les malheurs était d'être né . Je suis persuadée de cette vérité et qu'elle n'est pas particulière à Judas, Job et moi , mais à vous, mais à feue Mme de Pompadour, à tout ce qui a été, à tout ce qui est et à tout ce qui sera . Vivre sans aimer la vie ne fait pas désirer sa fin, et même ne diminue guère la crainte de la perdre . Ceux de qui la vie est heureuse ont un point de vue bien triste, ils ont la certitude qu'elle finira . Tout cela sont des réflexions bien oiseuses, mais il est certain que si nous n'avions pas de plaisir il y a cent ans, nous n'avions ni peine ni chagrins , et des 24 heures de la journée, celles où l'on dort me paraissent les plus heureuses ; vous ne savez point et vous ne pouvez savoir par vous même quel est l'état de ceux qui pensent, qui réfléchissent, qui ont quelque activité, et qui sont dans le même temps sans talent, sans passion, sans occupation, sans dissipation, qui ont eu des amis, qui les ont perdus sans pouvoir les remplacer ; joignez à cela de la délicatesse dans le goût, un peu de discernement, beaucoup d’amour pour la vérité ; crevez les yeux à ces gens-là, et placez -les au milieu de Paris, de Pékin, enfin où vous voudrez, et je vous soutiendrai qu'il serait heureux pour eux de n'être pas né . L'exemple que vous me donnez de votre jeune homme est singulier, mais tous les maux physiques quelque grands qu'ils soient (excepté la douleur ) attristent et abattent moins l’âme , que les chagrins que nous causent le commerce et la société des hommes . Votre jeune homme est avec vous, sans doute qu'il vous aime, vous lui rendez des soins, vous lui marquez de l'intérêt, il n’est point abandonné à lui-même, je comprends qu'il peut être heureux . Je vous surprendrais si je vous avouais que de toutes mes peines, mon aveuglement et ma vieillesse sont les moindres . Vous concluerez peut-être de là que je n'ai pas une bonne tête, mais ne me dites point que c'est ma faute si vous ne voulez pas vous contredire vous-même ; vous m'avez écrit dans une de vos dernières lettres, que nous n'étions pas plus maîtres de nos affections , de nos sentiments, de nos actions, de notre maintien, de notre marcher, que de nos rêves ; vous avez bien raison et rien n'est si vrai ; que conclure de tout cela ? Rien et mille fois rien, il faut finir sa carrière en végétant le plus qu'il est possible .

« Une seule chose me ferait plaisir c'est de vous lire . Si j'étais avec vous , j'aurais l'audace de vous faire quelques représentations sur quelques-unes de vos critiques sur Corneille . Je les trouve presque toutes fort judicieuses, mais il y en a une dans Les Horaces à laquelle je ne saurais souscrire . Mais vous vous moqueriez de moi si j'entreprenais une dissertation .

Ayez bien soin de votre santé monsieur . Vous êtes heureux à ce qu'il me paraît, et vous adoucissez mes malheurs par l'assurance que vous me donnez de votre amitié et par le plaisir que me font vos lettres. »

2Sur cet emploi substantivé de l'infinitif raisonner, voir lettre du 14 mars 1762 à Thibouville : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2017/02/24/les-anges-ni-vous-ni-moi-ne-connaissaient-la-piece-il-y-a-qu-5914624.html

3 Le passage de Sénèque le Tragique auquel pense ici V* , comme en plusieurs autres occasions (Poème sur le désastre de Lisbonne, Traité sur la Tolérance, Dieu et les Hommes, De l'âme, Un chrétien contre six juifs ) est celui-ci , dans les Triades, 397, 407-408 : Postmortem nihil, ipsaque mors nihil […] / Quaeria quo jaceant post obitum loco ? / Quo non nata jacent. = Après la mort il n'y a rien, et la mort elle-même n'est rien […] Tu demandes où peuvent aller loger [les êtres] après la mort / Là où sont ceux qui ne sont pas nés .

Quant aux passages de Lucrèce concernant l' anéantissement posthume, V* les a relevés lui-même dans les Questions sur l'Encyclopédie (Les Pourquoi?).

4 Pour les variantes des éditions, repérées par les chiffres entre parenthèses voir : http://www.monsieurdevoltaire.com/2014/07/correspondance-annee-1764-partie-18.html

5 Laverdy .

6 Le post scriptum a été barré, puis restauré ; il est omis dans la troisième copie du manuscrit

23/06/2019

Ce Fréron n'est que le cadavre d'un malfaiteur qu'il est permis de disséquer

... Pour actualiser cette affirmation, remplacer Fréron par Balkany ( lequel est défendu par une star du barreau grand-guignolesque tant ses indignations -tarifées- sont écoeurantes ) .

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Qui les voudrait pour amis ?

 

 

« A Jean-François Marmontel, de l'Académie française

à Paris

Mon cher confrère, je n'ai eu chez moi M. le comte de Creutz 1 qu'un jour . J'aurais voulu passer ma vie avec lui . Nous envoyons rarement de pareils ministres dans les cours étrangères . Que de Welches, grand Dieu dans le monde . Je vous avoue que je suis de l'avis d'Antoine Vadé, qui prétend que nous ne devons notre réputation dans l'Europe qu'aux gens de lettres . Ils ont fait sans doute une grande perte dans Mme de Pompadour . Nous ne pouvions lui reprocher que d’avoir protégé Catilina et Le Triumvirat ; elle était philosophe . Si elle avait vécu elle aurait fait autant de bien que Mme de Maintenon a fait de mal . M. le comte de Creutz me disait qu’en Suède les philosophes n'avaient besoin d'aucune protection ; il en est de même en Angleterre , cela n'est pas tout à fait ainsi en France . Dieu ait pitié de nous, mon cher confrère . M. de Creutz m'apporta aussi une lettre du très philosophe frère d'Alembert 2. Dites, je vous prie, à ce très digne et très illustre frère, que je ne lui écris point, parce que lui avais écrit quelques jours auparavant .

Vous devez avoir reçu un Corneille, vous en recevrez bientôt un autre . Cramer a un chaos à débrouiller, je ne me suis mêlé en aucune manière des détails de l'édition ; et je n'ai encore en ma possession qu'un exemplaire imparfait que je n'ai pas même relu .

J'ai été très affligé de La Dunciade, ainsi que de la comédie des Philosophes, mais j'ai toujours pardonné à Jérôme Carré les petits compliments qu'il a fait de temps en temps à maître Aliboron dit Fréron . Ce Fréron n'est que le cadavre d'un malfaiteur qu'il est permis de disséquer .

On dit que frère Hélvétius est allé en Angleterre, en échange de frère Hume . Je ne sais si notre secrétaire perpétuel 3 me conserve toujours un peu d’amitié . Les frères doivent se réunir pour résister aux méchants, dont on m'a dit que la race pullule . Frère Saurin doit aussi se souvenir de moi dans ses prières . J'exhorte tous les frères à combattre avec force et prudence pour la bonne cause . Adressons nos communes prières à saint Zénon, saint Épicure, saint Marc-Antonin, saint Epictète, saint Bayle, et à tous les saints de notre paradis . Je vous embrasse bien tendrement.

Frère V.

21è mai 1764, aux Délices. »

1 Creutz est un ami de d'Alembert .

2 Cette lettre de d'Alembert n’est pas autrement connue .

3 C'est encore Duclos .