29/04/2019
il n'y a qu'à cartonner tout ce qui paraîtra trop fort pour les Français
... Est trop fort pour les Français toute réforme qu'ils réclament à haut cri mais qui risque d'écorner quelque privilège . Egalité ? c'est bien la dernière chose que désire le Français moyen ou aisé . Quid du cahier des réformes envisagées dès ce jour par le séminaire des ministres ?

Qui va coller les gommettes ?
https://www.lepoint.fr/politique/grand-debat-un-seminaire...
« A Gabriel Cramer
[vers le 21 mars 1764]1
J'envoie la préface 2, qui étant imprimée en gros caractères rendra le volume d'une taille fort honnête . On n'a point joué Olympie, parce que Mlle Dumesnil est très enrhumée . Le billet pour le jeune homme que monsieur Cramer favorise servira toujours, en quelque temps qu'on représente la pièce .
Voilà, Dieu merci, tout en règle pour le Corneille ; c'est un grand fardeau dont me voilà déchargé . Je donnerai à monsieur Cramer une quittance générale et absolue, et lira les commentaires qui pourra . Je l'embrasse de tout mon cœur .
V.
N.B. – La préface est un peu verte, mais les examinateurs ne font jamais attention aux préfaces . D'ailleurs, il n'y a qu'à cartonner tout ce qui paraîtra trop fort pour les Français . »
1 La date est fixée par l'allusion au retard de la première représentation d'Olympie .
2 Pour les Contes de Guillaume Vadé ; elle est composée en « 14 points » dans l'édition in-8° . Voir : https://fr.wikisource.org/wiki/Contes_en_vers_(Voltaire)/Pr%C3%A9face_de_Catherine_Vad%C3%A9
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28/04/2019
Sentiments, passions, goûts, talents, manières de penser, de parler, de marcher, tout nous vient je ne sais comment , tout est comme les idées que nous avons dans un rêve ; elles nous viennent sans que nous nous en mêlions
...

Il faut pourtant se réveiller ...
« A Marie de Vichy de Chamrond, marquise du Deffand
21è mars 1764
Je ne vous dirai pas, madame, que nous sommes plus heureux que sages ; car nous sommes aussi sages qu’heureux. Vous tremblez que quelque malintentionné n’ait pris le petit mot qui regardait mon confrère Moncrif pour une mauvaise plaisanterie 1. J’ai reçu de lui une lettre remplie des plus tendres remerciements 2. S’il n’est pas le plus dissimulé de tous les hommes, il est le plus satisfait. C’est un grand courtisan, je l’avoue ; mais ne serait-ce pas prodiguer la politique que de me remercier si cordialement d’une chose dont il serait fâché ? Pour moi, je m’en tiens, comme lui, au pied de la lettre, et je lui suppose la même naïveté que j’ai eue quand je vous ai écrit cette malheureuse lettre que des corsaires ont publiée.
Sérieusement, je serais très fâché qu’un de mes confrères , et surtout un homme qui parle à la reine, fût mécontent de moi . Cela me ruinerait à la cour, et me ferait manquer les places importantes auxquelles je pourrai parvenir avec le temps . Car enfin je n’ai que dix ans de moins que Moncrif, et l’exemple du cardinal de Fleury, qui commença sa fortune à soixante-quatorze ans, me donne les plus grandes espérances.
Vous ferez fort bien, madame, de ne plus confier vos secrets à ceux qui les font imprimer, et qui violent ainsi le droit des gens. Je savais votre histoire du lion 3; elle est fort singulière, mais elle ne vaut pas l’histoire du lion d’Androclus. D’ailleurs, mon goût pour les contes est absolument tombé : c’était une fantaisie que les longues soirées d’hiver m’avaient inspirée. Je pense différemment à l’équinoxe : l’esprit souffle où il veut, comme dit l’autre 4. Je me suis toujours aperçu qu’on n’est le maître de rien . Jamais on ne s’est donné un goût ; cela ne dépend pas plus de nous que notre taille et notre visage. N’avez-vous jamais bien fait réflexion que nous sommes de pures machines ? J’ai senti cette vérité par une expérience continue . Sentiments, passions, goûts, talents, manières de penser, de parler, de marcher, tout nous vient je ne sais comment , tout est comme les idées que nous avons dans un rêve ; elles nous viennent sans que nous nous en mêlions. Méditez cela ; car nous autres, qui avons la vue basse, nous sommes plus faits pour la méditation que les autres hommes, qui sont distraits par les objets. Vous devriez dicter ce que vous pensez quand vous êtes seule et me l’envoyer . Je suis persuadé que j’y trouverais plus de vraie philosophie que dans tous les systèmes dont on nous berce. Ce serait la philosophie de la nature . Vous ne prendriez point vos idées ailleurs que chez vous ; vous ne chercheriez point à vous tromper vous-même. Quiconque a, comme vous, de l’imagination et de la justesse dans l’esprit peut trouver dans lui seul, sans autre secours, la connaissance de la nature humaine : car tous les hommes se ressemblent pour le fond, et la différence des nuances ne change rien du tout à la couleur primitive . Je vous assure, madame, que je voudrais bien voir une petite esquisse de votre façon. Dictez quelque chose, je vous prie, quand vous n’aurez rien à faire ; quel plus bel emploi de votre temps que de penser ? Vous ne pouvez ni jouer, ni courir, ni avoir compagnie toute la journée. Ce ne sera pas une médiocre satisfaction pour moi de voir la supériorité d’une âme naïve et vraie sur tant de philosophes orgueilleux et obscurs . Je vous promets d’ailleurs le secret.
Vous sentez bien, madame, que la belle place que vous me donnez dans notre siècle n’est point faite pour moi . Je donne, sans difficulté, la première à la personne à qui vous accordez la seconde 5. Mais permettez-moi d’en demander une dans votre cœur ; car je vous assure que vous êtes dans le mien. Je finis, madame, parce que je suis bien malade, et que je crains de vous ennuyer. Agréez mon tendre respect, et empêchez que M. le président Hénault ne m’oublie.
V. »
1Dans une lettre du 14 mars 1764, Mme Du Deffand informe V* qu'on a imprimé une lettre qu'il a écrite en retranchant le nom de la reine, mais en y laissant celui de Moncrif « tout de son long ».
2 Lettre inconnue .
3 Dans sa lettre Mme Du Deffand propose à V* un sujet de fable : « Il y avait un lion à Chantilly à qui on jetait tous les roquets qu'on aurait jetés dans la rivière . Il les étranglait tous ; une seule petite chienne qui se trouva pleine eut grâce devant ses yeux , il la lécha, la caressa, lui fit part de sa nourriture, elle accoucha, il ne fit aucun mal à toute sa petite famille et je ne sais ce qu'elle devint, mais il arriva un jour que des mâtins vinrent aboyer le lion à la grille de sa loge ; la petite chienne se joignit à eux, aboya le lion et lui tira les oreilles ; la punition fut prompte, il l'étrangla, mais le repentir suivit d eprès, il ne la mangeat pint , il se coucha auprès d'elle et parut pénétré d ela plus grande tristesse ; on espéra qu'une inclination nouvelle pourrait le consoler, on se trompa, il étrangla sans miséricirde tous les chiens qu'on lui donna . »
4 Évangile de Jean , III, 8 .
5 Mme Du Deffand a écrit : « Je demandai l'autre jour à plusieurs personnes quel était le premier homme de ce siècle . Voltaire, Voltaire, Voltaire ; je m'y attendais, mais comme j'avais beaucoup rêvé pour trouver le second, je ne fus point surprise qu'on délibérât beaucoup à le nommer, cependant on nomma celui que j'avais pensé et ce que je pense que vous penserez aussi . Je vous le dirais, mais je ne l'écrirai pas . » . Georges Avenel suppose que ce second est Frédéric II .
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27/04/2019
il n’était pas juste, en vérité, que ce fût moi qui semât et labourât pour la sainte Église
... Laquelle parfois/souvent se gave aux dépens de la foule des petits croyants en pratiquant des tarifs exagérés pour des prestations rituelles qui devraient être gratuites en toute justice ( par ex. 250€ pour une bénédiction lors d'obsèques ! ).
« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental
et à
Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d'Argental
21è mars 1764
J’allais faire partir ce petit morceau pour la Gazette littéraire, lorsque je reçois la lettre du 15 Mars de mes anges. Ils me donnent de grandes espérances contre ces dîmes établies de droit divin et contre le concile de Latran ; nous espérons tout des bontés de mes anges et de M. le duc de Praslin. J’aimerai mes anges et mon terrain ingrat ; je le cultiverai avec bien plus de soin ; il n’était pas juste, en vérité, que ce fût moi qui semât et labourât pour la sainte Église.
Tant mieux qu’Olympie soit retardée 1, elle en sera mieux jouée et mieux reçue, et plus le carême sera avancé, moins il y aura de honte à n’avoir qu’un petit nombre de représentations 2.
Je reviens à la Gazette littéraire. Je m’imagine que les auteurs, en rectifiant les petits mémoires que j’envoie et en y mettant les convenances dont je ne me mêle point, pourront procurer au public des morceaux assez intéressants : j’en prépare un sur des ouvrages qui me sont venus d’Italie. Je cherche partout des morceaux piquants qui puissent réveiller le goût du public ; mais je n’en trouve guère. Le nombre des ouvrages nouveaux sera toujours très grand, et le nombre des ouvrages intéressants bien petit.
Je vais travailler, si ma pauvre santé me le permet, c’est-à-dire je vais dicter ; car je ne peux plus rien faire de mes organes.
Respect et tendresse.
V.»
1 On l'a jouée depuis quatre jours .
2 Le théâtre ferme à Pâques .
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26/04/2019
Je désespère de trouver de quoi grossir son petit volume de contes
... M. Macron est désormais expert en contes après l'avoir été en comptes, aussi ne rajouterai-je rien maintenant . Pour être franc, je ne l'ai pas écouté, donc pas entendu, le verbe ne vaut pas l'action, et comme St Thomas , je dois toucher pour croire . En attendant, les Français seront-ils assez niais pour donner quitus à Marine ?

Vue de l'esprit
« A Gabriel Cramer
[vers le 20 mars 1764]
J'envoie à monsieur Cramer le billet pour la comédie . Il ne restera plus que quatorze mille cent soixante livres à payer avec ce qu'on pourra retirer des exemplaires de la Russie , moyennant quoi l'affaire sera entièrement finie .
Je compte que les 24 exemplaires envoyés à M. Damilaville, et les autres présents qui pourront aller à peu près au même nombre, n'entrent point dans ce paiement .
J'attends les quatre exemplaires que monsieur Cramer m'a promis , mais je souhaiterais surtout d'en avoir un exemplaire incessamment, je lui serai très obligé s’il peut me le procurer .
Je désespère de trouver de quoi grossir son petit volume de contes, mais je lui enverrai incessamment une grosse préface qui vaudra bien un conte 1. »
1La préface des Contes de Guillaume Vadé ne compte pas moins de 12 pages dans l'édition in-8°, et 10 pages dans l'édition augmentée d'un Supplément du discours aux Welches . Voir : https://fr.wikisource.org/wiki/Contes_en_vers_(Voltaire)/Pr%C3%A9face_de_Catherine_Vad%C3%A9
et : https://fr.wikisource.org/wiki/Suppl%C3%A9ment_du_Discours_aux_Welches/%C3%89dition_Garnier
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25/04/2019
Ce Jean-Jacques est un franc polisson
... Et il est tout à fait du même tonneau que ce Jean-Luc [Mélenchon] qui bout de n'être qu'un chef de parti accessoire, et grenouille qui veut se faire aussi grosse que le boeuf , il sait être aussi le geai paré des plumes du paon, pour tout dire un comédien, un mauvais comédien .

... il enfla si bien qu'il en creva !
« A Gabriel Cramer
[vers le 20 mars 1764]
Je prie instamment monsieur Cramer de vouloir bien envoyer sans délai, deux ballots de douze exemplaires chacun, à M. Damilaville . Il n'a qu'à lui envoyer ceux qu'il me destinait, et monsieur Cramer aura aussi la bonté de faire donner à M. Damilaville les estampes de ces 24 volumes .
Je renverrai demain la feuille L. J'ai été trop malade pour la corriger . Monsieur Cramer me fera grand plaisir de m'envoyer les feuilles précédentes remaniées, je lui dépêcherai le tout sans le faire attendre .
L'imitation théâtrale de J-J est un ennuyeux et détestable ouvrage . Ce Jean-Jacques est un franc polisson . »
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24/04/2019
Quand on saura que les personnes les plus respectables de l’Europe s’intéressent à ces innocents persécutés, les juges en seront certainement plus attentifs
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« A Caroline-Louise de Hesse-Darmstadt, margravine de Baden-Durlach
A Ferney 20 mars 1764
Madame, la bonté que Votre Altesse Sérénissime a bien voulu témoigner dans l’aventure affreuse des Calas est une grande consolation pour cette famille désolée, et le secours que vous daignez lui donner pour soutenir un procès qui est la cause du genre humain est l’augure d’un heureux succès. Quand on saura que les personnes les plus respectables de l’Europe s’intéressent à ces innocents persécutés, les juges en seront certainement plus attentifs. Il s’agit de réhabiliter la mémoire d’un homme vertueux, de dédommager sa veuve et ses enfants et de venger la religion et l’humanité en cassant un arrêt inique. Il est difficile d’y parvenir . Ceux qui, dans notre France, ont acheté à prix d’argent le droit de juger les hommes composent un corps si considérable qu’à peine le Conseil du roi ose casser leurs arrêts injustes. Il a fallu peu de temps pour faire mourir Calas sur la roue, et il faut plusieurs années et des dépenses incroyables pour faire obtenir à la famille un faible dédommagement, que peut-être encore on ne lui donnera pas. Heureux, madame, ceux qui vivent sous votre domination ! Il est bien triste pour moi que mon âge et mes maux me privent de l’honneur de venir vous renouveler le profond respect avec lequel je serai toute ma vie,
madame,
de Votre Altesse Sérénissime,
le très humble et très obéissant serviteur
Voltaire. ».
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23/04/2019
je ne sais pas quelle place on peut lui accorder , ni ce qu’on peut faire pour lui dans un pays où probablement on ne se battra contre personne ; mais à tout hasard , je prends la liberté de demander votre protection
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« A Anne-Robert-Jacques Turgot 1
19è mars 1764 à Ferney
Monsieur,
Dieu a permis que je fusse chargé, je ne sais comment, de deux affaires qui regardent M. le chevalier Turgot 2, et qui sont de votre département comme du sien, puisqu’il s'agit de faire du bien aux hommes et de servir l’État .
Il y a vingt-quatre protestants aux galères à Marseille ; j'avais eu l'impudence , il y a quelques mois, de demander à M. le duc de Choiseul la grâce d'un imbécile qui était au nombre de ces martyrs, je l’obtins sur le champ . Cela me donna une grande réputation sur les bancs des galères . Les 24 martyrs s'imaginèrent que j'avais tout pouvoir sur la Méditerranée ; ils me firent écrire qu'ils pourraient donner quinze ou vingt mille francs pour obtenir leur délivrance . J'ai conclu de là qu'il pourraient très bien employer cet argent à s'établir à la Guyane , et qu'ils pourraient même engager plusieurs familles à cette émigration . J'ai conçu que les gens qui aimaient mieux rester aux galères que de changer de religion étaient la meilleure acquisition que M. le chevalier Turgot pourrait jamais faire . J'en ai écrit à M. le duc de Choiseul, qui daigne approuver mon idée, et je crois que M. le chevalier Turgot pourra faire un bon coup de filet ; il augmentera sa colonie de plusieurs personnes actives, industrieuses, et qui ne coûteront rien à l’État . Je compte envoyer incessamment les propositions des martyrs et confesseurs, et en cas que ces propositions soient raisonnables, je vous demanderai votre protection et celle de monsieur votre frère .
La seconde grâce dont j'ai à vous parler, monsieur, est encore au sujet de la colonie . Je quitterai volontiers mon pays de neiges, pour aller vivre sous un beau soleil, et sous un gouverneur philosophe , mais étant trop vieux et trop malade pour me transplanter, j'ai offert à ma place un jeune homme qui se porte bien , qui a servi dans l'Inde six ans sous l'Irlandais Lally, sans avoir été payé, qui a fait dix-huit mois les fonctions de major, il s'appelle de Sireday . Il est fils d'un avocat général de la chambre des comptes de Dijon, il a perdu son père , il n'est pas riche, mais sa mère pourra faire un effort pour lui. M. le duc de Choiseul me fait l'honneur de me mander qu'il a recommandé cet officier à M. le chevalier Turgot ; je ne sais pas quelle place on peut lui accorder , ni ce qu’on peut faire pour lui dans un pays où probablement on ne se battra contre personne ; mais à tout hasard , je prends la liberté de demander votre protection .
Je n'ai pas encore de nouvelles positives de l'affaire des protestants de France, mais il me paraît qu'ils seraient tout propres à peupler la Guyane ; ils sont accoutumés aux pays chauds, et détonneraient très bien les psaumes de Marot dans la pays d'Eldorado, c'est le pays dont Candide a été si content, et où il aurait dû rester .
Il se peut faire que de mes deux propositions aucune ne réussisse, c'est une chose à laquelle je suis très accoutumé, mais elles m'auront du moins procuré l'une et l'autre une nouvelle occasion de vous assurer du très tendre respect de l’habitant des neiges du mont Jura ; pardonnez-lui s'il n'a pas l'honneur de vous écrire de sa main, ses yeux ne valent pas mieux que le reste de sa machine . »
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