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03/05/2018

Je suis assez malheureux pour ne pouvoir vous donner que des conseils vagues, et pour n’employer que de vaines sollicitations

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Flou-flou printanier

 

« A Pierre Rousseau

à Bouillon par Paris

Aux Délices 8è mai 1763 1

Croyez, monsieur, que je suis très sensible aux peines que vous éprouvez, c'est assez le sort des gens de lettres d'essuyer des injustices ; je pourrais vous en parler savamment si j'avais de la mémoire . Je n'ai pas eu besoin de mon expérience pour être touché de vos chagrins . Mais comme je vous l'ai déjà mandé, n'étant instruit qu'en général, je n'ai pu parler qu’en général ; on m'a répondu de même ; on m'a mandé que vous aviez promis de ne point porter votre journal ailleurs, on m'a fait entendre que vous aviez des dettes dans le pays où vous êtes . J'ai su qu'on protégeait infiniment les deux personnes à qui l'on fait partager avec vous une partie du produit de votre établissement ; que vous aviez affaire à un homme qui demeure dans la maison, et au frère d'un colonel fortement recommandé . Je vois avec douleur que les lettres d'un vieux malade comme moi, très peu connu du seigneur châtelain, ne font pas un grand effet sur des esprits prévenus et qui semblent avoir pris leur parti .

Mais quoi ! n'avez-vous pas parlé vous-même ? n'avez-vous pas représenté vos droits ? ne pouvez-vous pas être le maître d'un établissement que vous avez formé ? n'êtes-vous pas libre ? Je suis assez malheureux pour ne pouvoir vous donner que des conseils vagues, et pour n’employer que de vaines sollicitations . Je suis pénétré du tort qu'on vous fait, comme si on le faisait à moi-même . Soyez persuadé, monsieur, de mon attachement très sincère, et très inaltérable . »

02/05/2018

Vous savez votre histoire de France ; il y a eu des temps plus funestes ; mais y en-t-il eu de plus impertinents ?

... Où l'on voit deux dirigeants, l'un de gauche, le Mélenchon, et l'autre de droite, la Le Pen, attribuer l'appartenance des Black Blocs au camp adverse et s'en tenir à la ridicule condamnation du gouvernement, sans doute parce que eux, avec un courage légendaire auraient su , avec leurs petits bras musclés, arrêter les vandales . Avoue, au fond, Jean-Luc que tu es un peu responsable , les Black Blocs ne peuvent pas être calmés  par tes discours qui se veulent anarchistes, pompier incendiaire que tu es , homme d'Etat de pacotille .

 

 

« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

et à

Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d'Argental

8 mai 1763 1

Anges exterminateurs,

Celui qui vous appelait furie avait bien raison. Vous êtes mon berger, et vous écorchez votre vieux mouton. Voici les derniers bêlements de votre ouaille misérable.

1°/ Vous voulez qu’on imprime la médiocre Zulime au profit de mademoiselle Clairon . Très volontiers, pourvu qu’elle la fasse imprimer comme je l’ai faite. Je doute qu’elle trouve un libraire qui lui en donne cent écus ; mais je consens à tout, pourvu qu’on donne l’ouvrage tel que je l’ai envoyé en dernier lieu.

2°/ Voulez-vous faire supprimer l’édition d' Olympie, ou en faire imprimer une autre, en adoucissant quelques passages sur ce détestable grand-prêtre Joad ? et le tout au profit de mademoiselle Clairon ? de tout mon cœur, avec plaisir assurément.

3°/ L’Histoire générale est peut-être un peu plus sérieuse. Le parlement sera irrité ; de quoi ? de ce que j’ai dit la vérité ? Le gouvernement ne me pardonnera donc pas d’avoir dit que les Anglais ont pris le Canada,2 (que j’avais, par parenthèse, offert, il y a quatre ans, de vendre aux Anglais ; ce qui aurait tout fini 3, et ce que le frère de M. Pitt m’avait proposé). Mais laissons là le Canada, et parlons des Iroquois qui me feraient brûler pour avoir laissé entrevoir un air 4 d’ironie sur des choses très ridicules.

Entre nous, y aurait-il rien de plus tyrannique et de plus absurde que d’oser condamner un homme pour avoir représenté le roi comme un père qui veut mettre la paix entre ses enfants 5 ? Voilà le précis de toute la conduite du roi. J’ai rendu gloire à la vérité, et cette vérité n’a point été souillée par la flatterie. La cour peut ne m’en pas savoir gré ; mais, de bonne foi, le parlement ferait-il une démarche honnête de rendre un arrêt contre un miroir qui le montre à la postérité , miroir qu’il ne cassera pas, et qui est d’un assez bon métal ? Ne saura-t-on pas que c’est la vérité qui l’a indisposé personnellement ? et quand il condamnera le livre en général, quel homme ignorera qu’il n’a vengé que ses prétendues injures particulières ? Je n’ai d’ailleurs rien à craindre du parlement de Paris, et j’ai beaucoup à m’en plaindre. Il ne peut rien ni sur mon bien ni sur ma personne. Ma réponse est toute prête, et la voici :

Il y avait un roi de la Chine qui dit un jour à l’historien de l’État : « Quoi ! vous voulez écrire mes fautes ? – Sire, répondit le griffonnier 6 chinois, mon devoir m’oblige d’aller écrire tout à l’heure le reproche que vous venez de me faire. – Eh bien donc, dit l’empereur, allez, et je tâcherai de ne plus faire de fautes », etc., etc.,etc.

Mais s’il est vrai que j’aie altéré des faits et des dates, j’ai beaucoup d’obligation à M. l’abbé de Chauvelin et à M. le président de Mesnières. Ces dates et ces faits ont été pris dans tous les journaux du temps, et même dans la Gazette ecclésiastique, qui certainement n’a pas eu envie de déplaire au parlement. J’attends avec empressement l’effet des bontés de MM. de Mesnières et de Chauvelin, et je corrigerai les chapitres concernant les billets de confession et la cessation de la justice. J’avoue que j’aurai bien de la peine à louer ces deux choses ; elles me paraissent absurdes, comme à toute la terre. Je m’en rapporte à votre ami M. le duc de Praslin . Je m’en rapporte à vous, mes anges. Vous savez votre histoire de France ; il y a eu des temps plus funestes ; mais y en-t-il eu de plus impertinents ? Je voudrais que vous fussiez aux Délices ; oui assurément, je le voudrais ; vous y verriez des Anglais, des Tudesques, des Polaires, des Russes , vous verriez ce qu'on pense de notre pauvre nation . Vous verriez comme l’Europe la traite . Vous me trouveriez le plus circonspect de tous les hommes dans la manière dont j’ai parlé de vos belles querelles.

A l’égard du czar Pierre 1er, vous en usez avec moi précisément comme le docteur Tronchin avec madame Denis . Elle lui a demandé quatre pilules de moins : et il lui fait prendre quatre pilules de plus. Mais, mes divins anges, quand un livre est lâché dans l’Europe, il n’y a plus de remède. Je griffonne, Cramer imprime, bien ou mal, et il fait ses envois sans me consulter. Je n’ai assurément aucun intérêt à la chose, je n’en ai que la peine. Qu’on supprime ses livres à Paris, c’est son affaire. Pourquoi ne vous a- t-il pas fait présenter le premier exemplaire ?

Voilà M. de Thibouville qui m’envoie vraiment de beaux projets pour Olympie ? c’est bien prendre son temps !

Ma conclusion est que je vous suis très obligé de me procurer les remarques de MM. de Mesnières et de Chauvelin. La vérité, que je préfère à tout, me les fera adopter sur-le-champ. Mais je vous jure que la crainte de tous les parlements du royaume ne me ferait pas altérer un fait vrai ; de même que les trois états du royaume assemblés ne m’empêcheraient pas de vous aimer.

Ne me faites pas peur des parlements, je vous en prie ; car je ne tiens en nulle manière à mes terres au bout de la Bourgogne. Je vais vendre tout ce que j’ai en France dont je peux disposer ; j’enverrai ma nièce avec M. et madame Dupuits à Paris : le parlement ne saisira pas ce que je lui aurai donné, et il m’en restera assez pour vivre et pour mourir libre, et même pour aller mourir dans un pays plus chaud que le mont Jura et les Alpes, dont la neige me rend aveugle six mois de l’année.

Mes anges, tout diables que vous êtes, je suis sous vos ailes à la vie et à la mort. »

1 V* a numéroté les pages du manuscrit de 1 à 9 . la date n'est peut-être pas de sa main .

3 Certains commentateurs disent que V* ne se rend pas compte que cette « solution » est déshonorante . Personnellement, je trouve que V* a raison et qu'on aurait ainsi évité bien des morts inutiles .

4 ton remplacé par air sur le manuscrit .

6 Variante peu attestée de griffonneur .

01/05/2018

C'est un assez grand point d'avoir secoué le joug de l'erreur, et de savoir bien positivement ce qui n'est pas ; on peut tranquillement ignorer alors ce qui est, et s'en tenir au plus vraisemblable

... A l'attention de tous ceux qui font office de dirigeants nationaux et internationaux, de tous poils politiques , ne vous contentez pas de secouer le joug et mettre bas l'erreur, agissez pour la contrer sans répit .

 Une des erreurs humaines : Dieu et ses créateurs/créatures : https://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/pourquoi-l-...

 

 

« A François Achard Joumard Tison, marquis d'Argence

au château de Dirac

près d'Angoulême

8è mai 1763

C'est beaucoup, mon cher adepte, d'avoir ôté comme vous avez fait, toutes les mauvaises herbes qu'on avait voulu faire croitre dans votre jardin , on y sème ensuite ce qui paraît le plus convenable . C'est un assez grand point d'avoir secoué le joug de l'erreur, et de savoir bien positivement ce qui n'est pas ; on peut tranquillement ignorer alors ce qui est, et s'en tenir au plus vraisemblable, jouir doucement de la vie, et attendre la mort sans crainte .

Je suis très affligé de l'interruption de votre voyage et des raisons qui vous ont retenu . Je me serais fait un plaisir bien sensible de vous embrasser, et de raisonner avec vous de philosophie ; si vous voulez y joindre un peu de physique, je vous supplierai d'y joindre votre remède pour les bœufs malades 1. Si vous avez aussi quelque secret pour la vieillesse et pour la faiblesse, je vous prie d'en gratifier un vieillard qui vous aime de tout son cœur . »

30/04/2018

Les choses changent, mon cher frère, selon les temps

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« A Etienne-Noël Damilaville , Premier commis

des bureaux du vingtième

Quai Saint-Bernard

à Paris

7è mai 1763

Les choses changent, mon cher frère, selon les temps . Par le dernier ordinaire je souhaitais le débit de l'Histoire générale, et par celui-ci je souhaite qu'on enferme tout sous quatre clefs jusqu'à nouvel ordre . Le président de Mesnières, et l'abbé Chauvelin prétendent qu'on m'a fourni quelques fausses dates, et quelques faits peu exacts sur les affaires du parlement ; quoique ces dates soient d'après les Nouvelles ecclésiastiques, dont assurément le parlement ne doit pas être mécontent . Il faut donc attendre les mémoires qu'on doit m'envoyer ; c'est pour le moment présent le seul parti que j'aie à prendre . Je vous écris très à la hâte, et je vous réitère ma prière à propos du paquet de M. le comte de Bruc 1.

Écrasez l'infâme . »

1 Sic . Il s'agit apparemment de Philippe Debrus, dont le nom (qu'on régularise, en temps que nom propre français, suivant les principes de l'édition Bestermann) est généralement écrit Debruce sous la plume de Wagnière ; voir aussi lettre du 11 mai 1763 à Damilaville (datée ici du 9 : http://www.monsieurdevoltaire.com/2014/06/correspondance-annee-1763-partie-16.html )

donner six louis d'or pour mon compte à Mme Calas afin de l'aider un peu à poursuivre la juste réparation qu'on doit à la mémoire de son mari

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« A Guillaume-Claude de Laleu Secrétaire

du roi Notaire

rue Sainte-Croix-de-la-Bretonnerie

à Paris

Aux Délices 5 mai 1763 1

Je vous prie monsieur d'avoir la bonté de vouloir bien donner six louis d'or pour mon compte à Mme Calas afin de l'aider un peu à poursuivre la juste réparation qu'on doit à la mémoire de son mari . Je ne crois pas que vous ayez de l'argent à moi, mais vous me ferez un vrai plaisir d'avancer cette petite somme . Je me flatte qu'il se trouvera des cœurs généreux qui aideront cette déplorable famille .

Votre très humble et très obéissant serviteur

Voltaire . »

1 Edition Lyublinsky B. ; on lit sur le verso du folio 225 : « J'ai reçu de M. de Laleu secrétaire du roi notaire la somme de cent quarante- quatre livres pour le montant de six louis d'or de l'autre part dont quittance à Paris, ce dix mai 1763. » [signé] Veuve Calas .

29/04/2018

En vérité, je ne connais de pays vraiment libre, que celui où je suis

... Ce qui me rappelle les mots aigre-doux d'un Français qui pour des raisons pécuniaires  était en cours de naturalisation suisse et m'affirmait, avec la plus parfaite mauvaise foi, que la France n'était pas un pays démocratique, que seule la Suisse l'était, toutes les questions intéressant le peuple pouvant faire l'objet de "votations", oubliant au passage que le taux de participation y est généralement ridiculement faible . Vox populi etc. etc., le populo peut parfaitement, avec une minorité, décider de lois ineptes parfois (heureusement nos Suisses sont relativement sages en ne décidant la plupart du temps qu'à l'échelle de cantons ).

 

 

« Au comte Francesco Algarotti etc.

à Pise

Et s'il n'est pas à Pise à Venise, ou

à Bologna

5 mai [1763] aux Délices

Vous n'êtes pas homme à être encore à Pise, monsieur, à moins que vous n’y soyez amoureux, et dans cette incertitude, il faut que je vous demande où vous êtes . En vérité , puisque vous aimez tant à voyager par le monde, vous devriez bien me venir voir avant que je le quitte . Si j'étais jeune comme vous, je vous réponds que je viendrais vous relancer en quelque endroit que vous fussiez . Je fais actuellement le métier que Virgile a chanté, je suis agricola, mais je ne dirais pas felices nimium 1. Cela pouvait être vrai auprès de Mantoue, mais non pas auprès du lac de Genève où les terres ne rapportent rien depuis qu'elles ont été excommuniées . Ce sera quand je vous reverrai que je dirai felicem nimium .

Si vous voulez avoir le second tome de Pierre le Grand, mandez-moi où vous êtes, et comme je pourrai vous l’adresser ; je vous ferai une petite pacotille de livres, à condition que la sainte inquisition ne s'en empara point . En vérité, je ne connais de pays vraiment libre, que celui où je suis . Il me semble que dans l'Empire romain on ne demandait pas la permission de lire à un jacobin . Les Italiens sont des oiseaux à qui la nature a donné les plus jolies ailes du monde, mais les prêtres vous les coupent, sans cela mon cygne de Padoue, volerait par dessus le dôme de Saint-Pierre.

La riverisco, l'amo 2.

V. »

1 Reminiscence des Georgiques de Virgile , O fortunatos nimium agricolas , « trop heureux les laboureurs... ».

2 Je vous révère, je vous aime .

28/04/2018

Il est dans un état fort triste, et ne peut guère actuellement parler ni de vers ni de saucissons

... "... RIP Jean d'Ormesson !" dit son charcutier préféré .

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« Au marquis Francesco Albergati Capacelli

Senatore di Bologna

à Bologna

5è mai [1763] aux Délices 1

Le pauvre vieux malade a reçu, monsieur, des bouteilles de vin dont il vous remercie, et dont il boira, s’il peut jamais boire ; il y a aussi des saucissons dont il mangera, s’il peut manger . Il est dans un état fort triste, et ne peut guère actuellement parler ni de vers ni de saucissons. Vraiment, monsieur, vous me faites bien de l’honneur de vous regarder comme mon fils ; il est vrai que je me sens pour vous la tendresse d’un père, et que de plus j’ai l’âge requis pour l’être.

N’attribuez, monsieur, qu’à ma vieillesse si je ne me souviens pas du père Pacciaudi ou Paciardi , je n’ai pas la mémoire bien fraîche et bien sûre. Il se peut faire que j’aie eu l’honneur de voir ce théatin ; mais je prie son ordre de me pardonner, si je ne m’en souviens pas . Rien ne peut égaler l’honneur que vous et vos amis m’avez daigné faire en traduisant quelques-uns de mes faibles ouvrages, et rien ne peut diminuer à mes yeux le mérite des traducteurs, ni affaiblir ma reconnaissance.

Comme l’état où je suis ne me permet d’écrire, que très rarement, et encore par une main étrangère, je n’entretiens pas un commerce fort suivi avec notre cher Goldoni ; mais j’aime toujours passionnément ses écrits et sa personne. J’imagine qu’il restera longtemps à Paris, où son mérite doit lui procurer chaque jour de nouveaux amis et de nouveaux agréments : mais, quand il retournera dans la belle Italie, je le supplierai de passer par notre ermitage ; nous aurons le plaisir de nous entretenir de vous , il vous portera, monsieur, mon respect extrême pour votre personne, et mes regrets de mourir sans avoir eu la consolation de vous voir.

Votre très humble et très obéissant serviteur

V. »

1 Date complétée par Albergati ; mention « f[ran]co Milano » . Dans la lettre du 15 avril 1763 laquelle répond V* répond V* , figure cette phrase en français : « […] le sort de vos ouvrages est d'être souvent traduits et toujours faiblement ».