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04/04/2018

Le mot de tolérance dans la bouche d'un ministre d’État et dans la circonstance présente est un grand mot

... Quel que soit le ministre, et quelque soit sa nationalité d'ailleurs ! Reste à savoir ce qui est alors toléré, vaste question ... ce n'est pas toujours honorable .

 

 

« A Charles Manoël de Végobre

Avocat à Genève

[Aux Délices 4 avril 1763]1

Mon ami Pierre rendra compte à monsieur de Végobre des sentiments de la respectueuse estime que je lui ai vouée .

Le mot de tolérance dans la bouche d'un ministre d’État et dans la circonstance présente est un grand mot . J'ose me flatter qu'avant qu'il soit un an on y fera un beau commentaire, mais il faut que dans certains quartiers méridionaux on recommande la plus vive circonspection . Trois ministres d’État 2 pensent d'une manière également favorable, nous n'en avons qu'un contre nous 3 et on le fléchira .

À l'égard des Lettres toulousaines, ce livre ne sera jamais lu à Paris parce que l'affaire des Calas qui tient la moitié du livre est assez connue, et qu'on ne se soucie point du tout du reste .

Il n'y aura rien à craindre, ni à espérer de ce livre, et pourvu qu'il ne paraisse qu'après l'envoi des procédures de Toulouse il n'y aura rien du tout à craindre . »

1 La date est endossée deux fois par le destinataire . Les lettres à Végobre appartenant à cette bibliothèque (Philadelphie) ont fait partie successivement des collections Maunoir, Feuillet de Conches, et Read .

2 Choiseul, Praslin, Berrin .

3 Saint-Florentin .

donné quatorze louis de ma part à un jeune homme très estimable et très malheureux qui en avait grand besoin en Hollande

... et qui en était réduit à "bouffer des haubans", selon le grand Jacques !

 

« A Gabriel Cramer Delon

à Genève

Monsieur Cramer saura que Marc-Michel Rey 1 a donné quatorze louis de ma part à un jeune homme très estimable et très malheureux qui en avait grand besoin en Hollande . Il m'a mandé que je pouvais envoyer ces quatorze louis d'or à monsieur Cramer qui apparemment a quelque compte à faire avec lui .

J'écris à M. Souchai au Lion-d'Or 2 et je le prie de donner ces 14 louis à monsieur Cramer . Sans la maladie de l’ami Wagnière 3 je l'aurais dépêché à Genève . J'en donne avis à monsieur Cramer, à qui je fais mes tendres compliments .

A Ferney 4 avril [1763] 4. »

2 Marchand de draps à Genève .

4 L'année 1763 est la seule où Wagnière ait été malade à cette période, et les autres détails concordent pour donner cette datation .

03/04/2018

Dieu prenne pitié de nous dans ce saint temps de Pâques

... et fasse que ces foutus grévistes SNCF & Co reprennent le travail, ce qui bien sûr est plus difficile que d'emm... tout le monde, domaine dans lequel ils sont passés experts .

SNCF = 1% des salariés français = 25% des jours de grève annuels !

 Voir : http://www.lepoint.fr/editos-du-point/pierre-antoine-delh...

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« A Gabriel Cramer

[vers le 3 avril 1763]

Mon cher caro, voici des cartons qui semblent nécessaires et pour vous et pour moi .

Votre édition n'entrera pas en France sans ce petit lénitif . Il est surtout d'une nécessité indispensable que ces cartons soient placés aussi dans ce fatal volume séparé qui contient les additions de l'Histoire .

Dieu prenne pitié de nous dans ce saint temps de Pâques . »

02/04/2018

Pourquoi s'est-il brouillé de gaieté de cœur avec tous les siens ?

... Jean -Marie ? Benoit ? Nicolas ? Fanfoué ? Jean-François ? François ? and Co. ? le monde politique est champion pour les divorces et les divisions en groupuscules qui font plaisir à de mini-présidents de mini-sections sans intérêt .

 

 

« A Paul-Claude Moultou

Voici à peu près , monsieur, comme je voudrais finir le petit ouvrage en question ; ensuite, j'en enverrais des exemplaires aux ministres d’État, sur la protection et sur la prudence de qui je puis compter ; à Mme la marquise de Pompadour, à quelques conseillers d’État, et à quelques amis discrets qui pensent comme vous et moi . J'accompagnerais l'envoi d'une lettre circulaire par laquelle je les supplierais de ne laisser lire l'ouvrage qu'à des personnes sages, et d'empêcher que leur exemplaire ne tombât entre les mains d'un libraire .

J'en enverrai un au roi de Prusse, et à quelques princes d'Allemagne, et je les supplierais de se joindre à ceux qui ont secouru la famille Calas, plongée dans l'indigence par l'arrêt absurde et barbare du parlement de Toulouse .

Le reste des exemplaires demeurerait enfermé sous la clef, en attendant le moment favorable de le rendre public . Voyez, monsieur, si ce plan est de votre goût, et ce qu'on doit ajouter et retrancher à la feuille que j'ai l'honneur de vous soumettre .

J'attends avec impatience la lettre de Rousseau à l'archevêque de Paris, mais j'ai bien peur qu'elle ne soit préjudiciable à la cause de la raison . J'ai été extrêmement affligé des inconséquences de votre ami . J'aurais souhaité qu'il eût été le mien . Pourquoi s'est-il brouillé de gaieté de cœur avec tous les siens ?

Dimanche [3 avril 1763]1 .»

1 L'édition Gaberel , suivie de tous les éditeurs, place la lettre en mai . Mais la référence à la lettre de Rousseau « attendue » n'est valable que jusqu'au 13 avril ; V* a eu vent de cet ouvrage le 25 mars (voir lettre du 25 mars 1763 à d'Argental : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2018/03/19/j-aime-encore-mieux-un-sifflet-qu-un-changement-fait-malgre-6035491.html ) . Il ne peut être « impatient » de l'avoir que quelque temps après, et cela est confirmé par la lettre du 6 avril 1763 à Vernes : «  la lettre à Christophe me donne la pépie ») . Le 13 avril 1763 le Traité sur la tolérance est imprimé ; la date du dimanche 3 avril est donc la plus probable, mais il est cependant possible qu'elle soit du dimanche précédent ou suivant . Sur les relations de V*, Moultou et J .-J. Rousseau , voir lettre du 19 mars 1763 à Fusée de Voisenon : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2018/03/15/on-dira-peut-etre-qu-il-faut-attendre-que-le-proces-soit-fin-6034553.html .

01/04/2018

moi je vous écris le dimanche de Pâques

... mais je ne vous ferai pas un discours se terminant par urbi et orbi .

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Lâché par une cloche

 

 

« A Jean-François Marmontel

[3 avril 1763] 1

Vous m'écrivez, mon cher ami, le dimanche des Rameaux et moi je vous écris le dimanche de Pâques . Laissez-moi faire, je me charge de faire entendre raison aux personnes dont vous parlez . Vous moquez-vous du monde de m'envoyer votre Poétique 2 par les frères Cramer ? Je ne l'aurai que dans un mois . Je suis très sûr qu'il y a des choses excellentes, je veux la citer dans le commentaire de notre père Pierre 3, cela ne sera peut-être pas inutile pour nos desseins académiques 4 . On imprime notre père à force, il n'y a pas un moment de temps à perdre, envoyez-moi je vous prie votre Poétique par poste, contresignée le généreux Bouret ; je suis bien aise que notre ami Pompignan inspire la joie à sa famille, mes respects je vous prie à sa belle-sœur qui ne rit point par oubli . Où demeurez-vous ? Que faites-vous ? Aimez- moi toujours .

Je suis toujours un peu quinze-vingts .

V. »

1La date est fixée par la première phrase, la lettre de Marmontel n'étant pas connue .

2 A ce propos voir lettre du 2 mars 1763 à Marmontel : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2011/03/01/e...

3 V* s'arrangea en effet pour introduire une référence à un « ouvrage [de Marmontel] rempli de goût, de raison et de science » dans les notes sur Pulchérie .

31/03/2018

bonnet sale ou sale bonnet, c’est la même chose

... C'est ce que portent François de Rugy et Gérard Larcher à ce jour , après la réunion élyséenne d'hier, où ils étaient tenus de réfléchir (ce qui est beaucoup leur demander ) et se décider (encore plus difficile ) pour une réduction du nombre de parlementaires de trente pour cent . De toutes façons, quand on voit le taux de présence aux séances de l'Assemblée, 30% d'absents seulement serait remarquable . Dur dur, pour des politicards professionnels de vivre un plan social qu'ils voient habituellement appliqué au vulgum pecus , mais il est impératif de renvoyer un bon nombre de ces députés improductifs qui nous reviennent si cher à nous tax payers .

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En attendant le retour des cloches ...

 

«  Charles-Augustin Ferriol ,comte d'Argental

et à

Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d'Argental

Veille de Pâques [2 avril 1763] aux Délices 1

Mes yeux permettent à ma main d’écrire. Mes anges, vous êtes bien tutélaires, et vous n’êtes pas oisifs. Le père Mabillon 2 n’a jamais tant fait de recherches que vous daignez m’en envoyer. Il y a surtout un Corneille, vinaigrier, dans le treizième siècle, qui est un point d’érudition assez rare. N’est-ce point ce vinaigrier-là qui a fait Suréna et Pulchérie ?

Il est vrai, mes anges, que je me plains quelquefois du temps que ces dernières pièces me font perdre. Figurez-vous la mine que fait un pauvre homme qui a été presque aveugle tout l’hiver, et qui était forcé de lire Attila imprimé menu. Ma mauvaise humeur n’empêche pas que je ne rende à notre père Pierre toute la justice qui lui est due ; et si je révèle la turpitude de notre père, c’est en adorant ce qu’il a de bon.

Adélaïde du Guesclin, ou le Duc de Foix, bonnet sale ou sale bonnet, c’est la même chose . C’est-à-dire que ces deux pièces sont également médiocres, à cela près que le bonnet sale d’Adélaïde est encore plus sale que celui du Duc de Foix. Puisque me voilà sur l’article du tripot, je vous avouerai que j’ai du faible pour le Droit du Seigneur, et que l’ouvrage me paraît neuf et piquant. J’ai peut-être tort .

Je sens encore entrailles de père pour Olympie. Croyez-moi, cela fait un beau spectacle. Je compte les yeux pour quelque chose. Une petite fille tendre, naïve, avec un petit grain de noblesse et de fermeté, est plus mon affaire pour Olympie qu’une héroïne fière, vigoureuse, connaissant toutes les finesses de l’art, et ayant l’air d’avoir rôti le balai. Olympie ressemble plus à Zaïre qu’à Cornélie.

Passons à la prose, mes anges. Je mets à l’ombre de vos ailes ce tome  du czar Pierre 3. Lisez les chapitres sur la religion et sur la mort d’Alexis.

M. le duc de Praslin a-t-il le temps de lire ? Mais à Genève on est un mois à relier un livre .

Il y a une autre prose plus intéressante, c’est celle des derniers chapitres de l’Histoire générale 4. J’estime qu’il faut absolument que ni M. de Malesherbes ni personne n’en permettent l’entrée en France avant que mes anges et leurs amis aient donné leur approbation, et qu’ils aient indiqué ce qui pourrait trop déplaire. On sait bien qu’il faut dire la vérité, mais les vérités contemporaines exigent quelque discrétion.

Mes anges, nous baisons tous le bout de vos ailes.»

1Manuscrit olographe sur lequel la date est complétée par une main contemporaine ; l'édition de Kehl, et les suivantes omettent le sixième paragraphe .

3 Seconde partie de l'Histoire de la Russie sous Pierre le Grand .

4 Ces chapitres appartiennent aujourd'hui au Précis du Siècle de Louis XV .

30/03/2018

Une conversation produit plus d'effet que vingt lettres

... et je ne parle pas des SMS, textos, tweets et autres messages aussi immatériels que l'âme de leurs expéditeurs .

C'est pour ça que je m'insurge moins , aujourd'hui, des voyages à répétition de notre président et du premier ministre qui vont au contact de leurs homologues . Un ton de voix, un regard, un sourire ou une moue, une poignée de main ou une claque sur l'épaule, un coup de gueule, etc. ont plus de poids en direct que tout  message écrit ( à classement vertical / corbeille, classé "Chine" disait on il y quelques années dans le monde diplomatique français ) . 

D'autre part, pour nombre d'accros du petit écran, vingt lettres de l'alphabet sont plus qu'assez pour l'exposé de leurs niaiseries .

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Il faut du talent pour tout dire en lipogramme !

 

« A Philippe Debrus

[mars-avril 1763] 1

Plus je songe à ce qui regarde notre grande affaire, plus je crois qu'il n'y a aucune démarche à hasarder, et qu'il faut attendre l'apport des pièces, et les motifs du parlement de Toulouse .

Bien des gens prétendent qu'on renverra la décision à un autre parlement de province . En ce cas, non seulement il ne faudrait point faire venir la servante à Paris, mais il serait même dangereux de lui faire entreprendre ce voyage . Si elle est à Toulouse dans le besoin, on peut lui donner une partie de ce que je destinais pour son voyage à Paris . Monsieur Debrus en est entièrement le maître, il se ruine en libéralités ; c'est à lui d’ordonner ce que les autres doivent faire ; il arrangera ces petites bagatelles avec M. Cathala .

M. de Court s'est certainement mis à la raison . Il répond, aussi bien qu'un magistrat de Lausanne, que les exemplaires des Lettres toulousaines ne passeront point en France avant d'être corrigés, il fera des cartons, il adoucira des choses un peu trop dures, et je suis persuadé que ce livre ne pourra faire que du bien, dès que le parlement de Toulouse aura envoyé les procédures .

Si on est toujours à Genève dans l'intention de récompenser par un petit présent la docilité de M. de Court , je prie monsieur Debrus de me permettre d 'y contribuer ; il ne s'agit que de dédommager l'auteur des frais de quelques feuilles de papier, et du retardement qu'il essuie . Je pense qu'un présent de dix louis suffirait . J'offre d'en payer le quart . Je supplie M. de Végobre de vouloir bien me faire savoir sur cela ses ordres .

Je fais une réflexion, que je soumets aux lumières de tous ceux qui gouvernent l'affaire de Mme Calas . Si nous pouvons obtenir la révision au Grand Conseil, j'ai de fortes raisons d'espérer que l'arrêt sera plus favorable dans ce tribunal que dans un autre ; je suis convaincu que le sieur David, premier auteur de toute cette cruauté fanatique, serait fortement réprimandé ; je doute beaucoup qu'on osât nous rendre une justice aussi complète à Aix ou à Grenoble . Nous obtiendrions après bien des peines et des délais, la réhabilitation de la mémoire de Jean Calas, mais de bonne foi, n'est-elle pas entièrement réhabilitée ? y a-t-il, quelqu'un dans l'Europe qui puisse en douter ? et l’ordre donné au parlement de Toulouse de rendre compte de ses motifs n'est-il pas flétrissant pour les juges ? demande-t-on raison à un homme de sa conduite si sa conduite est satisfaisante ? L'arrêt du parlement de Toulouse est déclaré injuste par le Conseil et par le public . Que pourrions-nous demander à présent ? Une réparation . David devrait être condamné solidairement avec les juges, à payer les frais du procès et à demander pardon à la veuve ; mais c'est ce qu'on ne fera pas . Les parlements seront toujours ménagés et surtout par d'autres parlements . Nous obtiendrons tout au plus en province la réhabilitation d'une mémoire déjà toute réhabilitée dans l'Europe . Nous pourrions obtenir à Paris quelque chose de plus, et ce plus sera bien mince . Voilà sur quoi je voudrais que l'on consultât encore nos avocats et nos amis de Paris . M. Dumas pourrait en conférer avec M. Mariette . Une conversation produit plus d'effet que vingt lettres .

Je fais mille compliments à monsieur Debrus, à M. de Végobre et à leurs amis . »

1 Le catalogue suggère la date du 20 mars 1763 ; l'édition Lettres inédites la place en mai-juillet 1763 .