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08/10/2015

Pour Dieu laissez-moi mon franc arbitre . Encore faut-il bien que j'aie mon avis . Dieu a permis à ses créatures de dire ce qu'ils pensent

... Tais-toi Pape !

 

Mis en ligne le 8/8/2017 pour le 8/10/2015

 

« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

et à

Jeanne-Grace Bosc du Bouchet, comtesse d'Argental 1

Ô divins anges, jugez si je suis fidèle à mon culte . Je vais jouer Zopire 2, j'ai deux cents personnes à placer, je fais copier Tancrède, je vous écris . Où avez-vous pêché mes anges que j'avais un peu d'amertume, quand je suis pénétré de vos bontés ?

Je vous enverrais aujourd'hui Tancrède, si j'avais seulement le temps de faire un paquet . Qui, moi, de l'amertume – parce que j'ai pris le parti du 3è acte et que j'ai cru que Lekain me l'avait saboulé 3! Pour Dieu laissez-moi mon franc arbitre . Encore faut-il bien que j'aie mon avis . Dieu a permis à ses créatures de dire ce qu'ils pensent . Mon cher ange mandez-moi je vous prie où l'on en est de ce Tancrède, quel parti on prend .

J'ai envoyé un long mémoire à Clairon par Versailles – je vous écris aussi par Versailles . Je ne veux pas ruiner mes anges par mes bavarderies . Nous jouons donc Mahomet aujourd'hui . N'a-t-on pas fait cent critiques de Mahomet ? Cela empêche-t-il qu’elle doive faire un effet terrible, qu'elle ne doive déchirer le cœur ? Ah Gaussin, Gaussin, si vous aviez la centième partie de l'âme de Mme Rilliet ! Si on avait eu un Séide ! Pauvres Parisiens vous n'avez point d'acteurs qui pleurent .

J'ai un petit mot à vous dire mes anges ; c'est que presque toutes vos tragédies sont froides, et vos acteurs aussi excepté la divine Clairon, et quelquefois Lekain . Mes yeux se sont ouverts, mais trop tard . Je mourrai sans avoir fait une pièce selon mon goût .

M. le duc de Choiseul vous a-t-il montré la facétie de ma dédicace 4?

Avez-vous reçu un Pierre ?

Madame Scaliger ne soyez donc pas fâchée contre moi . C'est que je suis à vos pieds c'est que je vous aime et révère au pied de la lettre .

V.

8 octobre [1760] 5

Non par Versailles, mais par M. de Courteilles . »

1 L'édition de Kehl suivie par les autres éditions omet le post-scriptum .

2 Dans Mahomet .

3 Ce mot familier signifiait « arranger mal » et se disait par exemple d'une femme de chambre qui coiffait mal sa maîtresse ; on le trouve dans La Comtesse d'Escarbagnas de Molière .

4 Dédicace de Tancrède à Mme de Pompadour .

5 Date complétée par d'Argental .

Il m'a donné de plus un dieu qui en vaut bien un autre . C'est le phallum . Il m'a l'air d'en porter sur lui une belle copie

... Merci papa !

 

Mis en ligne le 8/8/2017 pour le 8/10/2015

 

« A Jean Le Rond d'Alembert

8 octobre 1760

J'ai eu mon très cher maître, votre discours et M. de Maudave, et j'ai été bien content de l'un et de l'autre . Indépendamment de vos bontés pour moi, j'aime tout ce que vous faites . Vous avez un style ferme qui fait trembler les sots . Je vous sais bon gré de n'avoir pas mis la tragédie dans la foule des genres de poésie qu'on ne peut lire . Je vous prie à propos de tragédie de ne pas croire que j'aie fait Tancrède comme on le joue à Paris . Les comédiens m'ont cassé bras et jambes . Vous verrez que la pièce n'est pas si dégingandée 1. Heureusement le jeu de Mlle Clairon a couvert les sottises dont ces messieurs ont enrichi ma pièce pour la mettre à leur ton . Nous l'avons jouée ici, et si vous y revenez nous la rejouerons pour vous . Vous seriez très étonné de nos acteurs . Grâce au ciel j'ai corrompu Genève, comme m'écrivait votre fou de Jean-Jacques 2. Il faut que je vous conte pour votre édification que j'ai fait un singulier prosélyte 3. Un ancien officier, homme de grande condition retiré dans ses terres à 150 lieues de chez moi, m'écrit sans me connaître, me confie qu'il a des doutes, fait le voyage pour les lever, les lève, et me promet d'instruire sa famille et ses amis . La vigne du Seigneur n'est pas mal cultivée . Vous prenez le parti de rire, et moi aussi . Mais

En riant quelquefois on rase

D'assez près ces extravagants

A manteaux noirs, à manteaux blancs,

Tant les ennemis d'Athanase,

Honteux ariens de ce temps,

Que les amis de l'hypostase,

Et ces sots qui prennent pour base

De leurs ennuyeux arguments

De Baïus quelque paraphrase .

Sur mon bidet nommé Pégase

J'éclabousse un peu ces pédants.

Mais il faut que je les écrase

En riant 4.

Laissons là ce rondeau . Ce n'est pas la peine de le finir . Le temps est trop cher . M. le chevalier de Maudave m'a donné des commentaires sur le Vedam 5 qui en valent bien d'autres . Il m'a donné de plus un dieu qui en vaut bien un autre . C'est le phallum 6. Il m'a l'air d'en porter sur lui une belle copie . Duclos m'a envoyé le T pour rapetasser cette partie du dictionnaire 7 . Signa T supra caput dolentium 8. Je n'ai pas encore eu le temps d'y travailler . Il nous faut jouer la comédie deux fois par semaine . Nous avons eu dans notre trou quarante neuf personnes à souper qui parlaient toutes à la fois comme dans L’Écossaise . Cela rompt le chainon des études . Je donnerais ces 49 convives pour vous avoir . À propos vous frondez la perruque de Boileau 9. Vous avez la tête bien près du bonnet . S'il avait fait une épître à sa perruque, bon, mais il en parle en un demi-vers pour exprimer en passant une chose difficile à dire, dans une épître morale et utile .

Si j’ai le temps et le génie je ferai une épître à Clairon 10 et je vous promets de n'y point parler de ma perruque .

Il n’y a a point de metum judeorum 11. Nous avons ici deux maîtres des requêtes qui m'ont annoncé M. Turgot . Nous allons avoir un conseiller de grand-chambre 12. C'est dommage qu'Omer Joly de Fleury n'y vienne pas .

Luc est remonté sur sa bête, et sa bête est Daun .

Aimez-moi un peu et s'il y a à Paris quelque bonne et grave impertinence ne me la laissez pas ignorer .

V. »

 

1 Au sens ancien de « disloqué » .

2 A la fin de la lettre du 17 juin 1760, dans un passage déjà cité dans la lettre du 23 juin à d'Alembert : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2015/06/28/je-voudrais-que-vous-ecrasassiez-l-infame-c-est-la-le-grand-5647116.html

3 D'Argence .

4 On a ici le seul rondeau de V* qui juge ce genre « gothique et puéril » dans l'article « Épigramme » du Dictionnaire philosophique . Les « manteaux noirs » sont le jésuites ou les Bénédictins , les « manteaux blancs » les Dominicains . Les « ennemis d'Athanase » (ce dernier étant un fameux docteur de l’Église qui combattit les ariens ) sont les ariens adversaires de la Trinité et de la divinité de Jésus-Christ ; au contraire, les « amis de l'hypostase » sont les partisans de la double nature du Christ et du mystère de l'Incarnation . Baïus est un fameux théologien catholique (1513-1584) qui fonda l'enseignement de la théologie non sur la scolastique mais sur la Bible . Il embrassa des opinions augustiniennes ; persécuté par les Jésuites et condamné par le pape, il n'en devint pas moins chancelier de l'université de Louvain, puis inquisiteur général des Pays-Bas .

5 Voir la lettre du 22 février 1761 à Algarotti où V* se réjouit du commentaire du Vedam :

En fait il ne s'agit nullement d'un ancien commentaire du Vedam mais de l’œuvre d'un missionnaire ; voir Francis Ellis : Accounts of a discovery of a modern imitation of the Vedas, with remarks on the genuine works, 1822 . Quoi qu'il en soit cette oeuvre exerça sur V* une grande influence dont on trouve trace notamment dans les Lettres d'Amabed : .

6 Ce « dieu » n'est pas une nouveauté pour V* .

7 Pour la participation de V* au Dictionnaire de l'Académie, voir lettre du 11 août 1760 à Pinot Duclos :

8 D'après Ézéchiel : Les signes T sur le front de ceux qui souffrent .

9 Dans son essai, d'Alembert avait trouvé des passages « bas » dans l'épître où Boileau parle de sa perruque (X,26).

10 Sur les pièces dédiées par V* à Mlle Clairon, voir Jean Malcolm, Table de la bibliographie de V* par Bengesco, 1953 :

11 Évangile de Jean : vii, 13 : crainte des Juifs .

12 D'Espagnac .

05/10/2015

maman Denis a senti tout d'un coup passer son vieux mal de reins à la région de l'estomac

... "Oh c'est bien vrai ça !!"

Repose en paix Mère Denis .

 

Mis en ligne le 8/8/2017 pour le 5/10/2015

 

« Au professeur Théodore Tronchin

à Genève

A Ferney à dix heures du soir

[5 octobre 1760 ?] 1

Puis-je mon très cher Esculape interrompre un moment vos préoccupations pour vous dire que maman Denis a senti tout d'un coup passer son vieux mal de reins à la région de l'estomac ? Ce mal de reins était fixe, il fait l'effet d'une crampe dans l'estomac et il a volé à cette place en un clin d’œil comme la goutte qui passe d'un orteil à l'autre . Nous l'avons couchée, mous lui avons mis des serviettes chaudes . Son pouls est d'une personne qui souffre mais sans aucune apparence de fièvre . Je crois que cette aventure n'est nullement dangereuse, mais quid illi facere 2? Rien sans vos ordres .

Nous avons vu Mme Constant qui vous doit la vie . Plût à Dieu que Jean-Jacques vous eût dû la raison .

Je vous embrasse tendrement .

Trissotin Gengis Kan. »

 

1 L'édition Voltaire à Ferney place cette lettre au commencement de 1765, Moland la place en octobre 1759 . La date ici proposée repose sur l'hypothèse selon laquelle elle aurait été écrite à l'époque de la représentation de L'Orphelin d e la Chine au début d'octobre 1760 ; voir les références à Gengis khan et à JJ Rousseau .

2 Que faire à cela ? C'est une citation du ballet final du Malade imaginaire de Molière, paroles du cinquième docteur .

Mens sana in corpore sano , tous les dons de l'esprit, les dons solides de la fortune, la première des dignités, la force de l'âge, tout cela compose un lot qui est à peu près le gros lot dans la loterie de ce bas monde

... Mis en ligne le 8/8/2017 pour le 5/10/2015

 

« Au cardinal François-Joachim de Pierre de Bernis

Voues m'avez ordonné monseigneur d'envoyer du sérieux à Votre Éminence quand j'en aurais . En voici 1. La préface est pourtant un peu plaisante . Elle se sent du parti que j'ai pris de rire de tout , et je ne crois pas qu'il y en ait un meilleur . Il n'appartient peut-être pas tant de rire à un cardinal, mais il lui appartient d'être content ; et je crois que vous l'êtes . C'est un honneur que je vous fais et je me flatte que vous le mériterez toujours . Mens sana in corpore sano 2, tous les dons de l'esprit, les dons solides de la fortune, la première des dignités, la force de l'âge, tout cela compose un lot qui est à peu près le gros lot dans la loterie de ce bas monde . J'aurais souhaité que vos grasses abbayes eussent été situées vers le midi de la Bourgogne . J'aurais eu le plaisir de vous demander votre bénédiction que je n'ai jamais demandée qu'au feu pape . Je me sens plus digne que jamais des bontés d'un cardinal depuis que je me suis mis à bâtir une église, mais j'en suis encore plus digne par mon estime infinie pour votre mérite, et par mon très respectueux attachement pour Votre Éminence .

Le vieux Suisse V.

A Ferney par Genève 5 octobre 1760 . »

1 L'Histoire de l'empire de Russie sous Pierre le Grand .

2 Un esprit sain dans un corps sain ; Juvénal, Satires, X, 356 .

04/10/2015

Il faut laisser dire les petits critiques qui font semblant de s’effaroucher de tout ce qui est nouveau, et qui ne voudraient que des expressions triviales

... Mis en ligne le 8/8/2017 pour le 4/10/2015

 

« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'ArgentaI

et à

Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d'Argental

A midi 4 octobre [1760] aux Délices

Eh mon Dieu mes anges, vous voilà fâchés contre moi ! Vous voilà les anges exterminateurs . Que votre face ne s'allume pas contre moi, et regardez-moi en pitié . Je vous ai écrit une lettre ce matin 1. Je réponds à votre courroux du 29 . Figurez-vous que je n'ai le temps ni de manger ni de dormir . La tête me tourne .

1° Je vous jure qu'on m'a mandé que Lekain et la Clairon avaient arrangé le 3è acte à leur fantaisie . Mais allons pied à pied si je puis et commençons par le commencement .

2° J'ai déjà dit et je redis que la transfusion des deux scènes paternelles d'Argire avec Aménaïde, en une seule scène vers la fin du 1er acte était le salut de la république . J'ai remercié et je remercie .

3° Je m'en tiens à cette manière de finir le 1er acte :

Viens, je te dirai tout – mais il faut tout oser,

Le joug est trop affreux – ma main doit le briser,

La persécution enhardit la faiblesse .2

Cela fortifie le caractère d'Aménaïde, et rend en même temps ses accusateurs moins odieux .

4° Le second acte commence encore d'une manière plus forte :

. . . . . . . . . . . . . ;

Moi des remords ; qui ? moi ! le crime seul les donne, etc.

Et c'est Aménaïde et non la suivante qui fait tout, et il est bien plus naturel de lui donner de la confiance pour un esclave qui l'a déjà servie, que de remettre tout aux soins de Fanie . Cela était trop d'une petite fille, et cette fermeté du caractère d'une Aménaïde prépare mieux les reproches vigoureux qu'elle fait ensuite à son père .

5° Jamais je n'ai eu d'autre idée au 3è acte que de faire apprendre à Tancrède son malheur par gradation . Je n'ai jamais prétendu qu'il parlât d'abord à Aldamon comme au confident de son amour, et quand Tancrède disait au nom d'Orbassan, Orbassan, l'ennemi , le rival de Tancrède !3 Il le disait aparté : et pour lever toute équivoque, j'ai mis l’oppresseur de Tancrède, au lieu de rival . J'ai toujours prétendu que Tancrède en arrivant dans la ville avait appris par le bruit public qu'Orbassan devait épouser Aménaïde . C'est une chose très naturelle, tout le monde en parle, et Aldamon n'en sait que ce que la voix publique lui en a appris .

Quand Tancrède demande, qui commande les armes dans la ville ? Aldamon peut répondre . Ce fut vous le savez le respectable Argire – mais Orbassan lui succède 4. En un mot tout l'art de cette scène doit consister dans la manière dont Tancrède laisse pénétrer son secret par Aldamon, qui voit par son émotion quels sont ses chagrins et ses projets . Je vais parler de vous était équivoque, vous cependant ne signifie pas je vous nommerai, il signifie qu'Aménaïde pourra se douter quel est ce vous . Mais cela est trop subtil, et vous m'envoyez vaut mieux . Ce sont bagatelles .

6° Je suis encor sous le couteau 5 est une expression noble et terrible . Si on ne la trouve pas ailleurs tant mieux, elle a le mérite de la nouveauté, de la vérité et de l'intérêt . Cette scène a fait un grand effet chez moi . Il faut laisser dire les petits critiques qui font semblant de s’effaroucher de tout ce qui est nouveau, et qui ne voudraient que des expressions triviales ; notre langue n'est déjà que trop stérile .

7° La dernière scène du second acte était aussi nécessaire que cette dernière scène du 3è, mais comme ce petit monologue du second ne peut être qu'une expression simple de la situation d'Amènaïde, comme ce tableau de son état n'est point un grand combat de passions, il ne faut pas s'attendre à de grands effets de ce monologue, mais seulement à rendre le spectateur satisfait, et à terminer l'acte avec rondeur et élégance, sans refroidir .

8° Si Ô ma fille vivez fussiez-vous criminelle 6, est dit par un acteur glacé, tels que les acteurs français l'ont presque toujours été, si ce vers n'est pas dans la bouche d'un homme qui ait déjà pleuré et fait pleurer , il est clair que ce vers doit être mal reçu . Mais moi en le disant j'arrache des larmes . J'ai voulu peindre un vieillard faible et malheureux, c'est la nature . Il y a un préjugé bien ridicule parmi nous autres francs, c'est que tous les personnages doivent [être]7 de la même noblesse d'âme, qu'ils doivent tous être bien élevés, bien élégants, bien compassés . La nature n'est pas faite ainsi .

Le grand point est de toucher – inventez des ressorts qui puissent m'attacher (dit Boileau 8) . Or Aménaïde est aussi touchante à la lecture qu'au théâtre . Cependant vous savez mes anges que M. de Chauvelin avait été mécontent du quatrième acte . Il avait imaginé d'envoyer un ambassadeur à Solamir, et de substituer une entrée et une audience aux sentiments douloureux d'une femme qui a été condamnée à mort par son mère et qui est à la fois méprisée et défendue par son amant . Toutes ces idées que chacun a dans sa tête de la manière dont on pourrait conduire autrement une pièce nouvelle, ne serviront jamais qu'à refroidir un auteur , à lui ôter tout son enthousiasme . On pourra gagner quelque chose du côté de l'historique, et on perdra tout l’intérêt . Si Corneille avait suivi dans Le Cid le plan de l' Académie, Le Cid était à la glace .

On crie aux premières représentations – et le couteau et la haine outrageuse et Je ne peux souffrir ce qui n'est pas Tancrède 9 . Au bout de huit jours on ne crie plus .

10° Les longueurs doivent être raccourcies, mais l'étriqué et l'étranglé détruit tout . Un sentiment qui n'a pas sa juste étendue , ne peut faire effet . Qu'est-ce qu'une tragédie en abrégé ?

11° Nous soutenons toujours que les derniers vers d'Aménaïde sont un morceau pathétique , terrible, nécessaire, et nous en avons eu la preuve – Arrêtez, vous n'êtes point mon père 10. On fut transporté .

Je n'ai plus de papier, je n'ai plus ni tête ni doigts . Mon cœur est navré de douleur si j'ai déplu à mes anges, mais au nom de Dieu ôtez moi ce car tu m'as déjà dit 11.

V. »

1 Sans doute la lettre précédente bien que datée du 3 octobre :

2 Ces vers ont été adoptés avec quelques modifications .

3 Tancrède , III, 1 .

4 Tancrède, ibid.

5 Tancrède, III, 7 .

6 Ce vers fut finalement supprimé .

7 V* avait commencé par écrire avoir, biffé en oubliant de restituer un autre verbe, en m'occurence être .

8 Cette parenthèse ajoutée au dessus de la ligne, renvooe à L'Art poétique, III, 26 .

9 Tancrède, II, 1 .

10 Tancrède, V, 6 .

11 Ces mots furent supprimés à l'acte III, 3 ; ce dernier paragraphe est écrit dans la marge du bas .

03/10/2015

Votre compatriote berlinois ne prêche pas encore aux Russes, mais il pourra bientôt arriver que les Russes viennent déranger sa bibliothèque

... Toute ressemblance avec des faits actuels ne peut être que fortuite .

 

Mis en ligne le 8/8/2017 pour le 3/10/2015

 

« A Pierre-Jean Grosley

etc. etc.

à Troyes

en Champagne

Aux Délices 3 octobre 1760

On ne peut mieux prendre son temps monsieur pour donner La Splendeur des empires en forme de spectacle 1. À l'égard de la critique du siècle de Louis XIV, permis à tout commissaire du Châtelet de critiquer ce siècle, et à tout bon citoyen de le regretter . Votre compatriote berlinois 2 ne prêche pas encore aux Russes, mais il pourra bientôt arriver que les Russes viennent déranger sa bibliothèque . J'avais pour la maison Rémond 3 le goût que vous m'aviez inspiré, mais la beauté du séjour où je suis l'a emporté . J'y ai acquis deux belles terres que le roi a eu la bonté de déclarer libres et indépendantes par un brevet qu'il m'a donné . Me voilà fixé et heureux pour ma vie . Votre correspondance ajoute à ma félicité . Si vous avez quelques paquets à m'envoyer pour votre prêtre huguenot vous pouvez les adresser à M. Bouret fermier général à Paris avec double enveloppe .

Je suis à vos ordres,

votre très humble et très obéissant serviteur

V. »

1 Le Système de la splendeur des empires, en forme de spectacle, 1758, consiste en deux lettres, l'une signée Montignan, l'autre Piltalde, qui critiquent le Siècle de Louis XIV, et spécialement les récits de batailles contenus dans cet ouvrage .

2 Formey .

3 Selon le premier éditeur, il s'agit du château des Cours, près de Troyes, construit par Nicolas Rémond .

mezzo inglese mezzo 'ollandese, e richissimo, dunque tre volte libero / moitié anglais moitié hollandais, d'ailleurs très riche, et par conséquent trois fois libre

... Mis en ligne le 8/8/2017 pour le 3/10/2015

 

« Au marquis Francesco Albergati Capacelli

senatore

à Bologna 1

Signor mio amabile, caro protettore di tutte le buone arti, vi ho seritto pel'mezzo d'un cavaliere chiamato M. Hope 2, mezzo inglese mezzo 'ollandese, e richissimo, dunque tre volte libero, egli va a vedere tutta l'Italia et la Grecia ancora . Vi ho dato notizia nella mia lettera, che il Shaftsburi fu trasmesso da Geneva alla casa de'signori Maggione Bianchi e Ballestreri 3 in Milano . Il signor Galois è quello che io mando, a quelli mercanti . Niente e più sicuro . Non so se la santa inquizizione si sia impadronita di questo libro maledetto . Ringrazio la sua cortezia per i primi versi della traduzione del Tancrède . Prego il gentile poeta che mi fa l'honore dabbellir mi 4 , di fermar si un poco, perche la tragedia di Tancrède si rappresenta in Parigi molto differente di quella che jo vi mandai troppo frettolosamente . Bisogna sempre ripulire le nostre opere, e male formatos incudi reddere versus 5.

Ecco dunque j nostri comici trastulli andati al'diavolo com' bel' tempo . Ho fatto sempre il vecchio sul' moi piccolo teatro, e l'ho rappresentato troppo naturalmente . La mia vecchiezza non mi concede la licenza d'andare a Bologna . Venite dunque ad poveras delicias meas 6. Adieu monsieur, je vous respecte, je vous aime de tout mon coeur .

V.

Aux Délices 3 octobre 1760.

Ne m'oubliez pas auprès de mon illustre Goldoni que j'aime plus que jamais .

Je joins à cette lettre le présent billet du sieur Galois qui me fait croire que messieurs de l'inquisition lisent à présent Shafstburi avec grande édification . O povera bella Italia ! 7»

1 La copie la par Albergati , suivie par les éditions, omet les passages suivants : Vi ho dato notizia […] libro maledetto , et Je joins à cette lettre […] bella Italia !

2 John Hope, de la famille des Hope d'Amsterdam, ou Olivier Hope, de la branche des Hope de Rotterdam ; voir Sandor Baumgarten , Le Crépuscule néo-classique : Thomas Hope, 1958 et David Watkin, Thomas Hope, 1968 .

3 Ou plutôt Ballestrani comme le porte la copie faite par Albergati .

4Agostino Paradisi .

5 Ces six derniers mots appartiennent à une citation d'Horace, Art poétique, v, 441 où l'on trouve tornatos au lieu de formatos .

6 Mon aimable monsieur, cher protecteur de tous les beaux arts, je vous ai écrit par le moyen d'un cavaler nommé M. Hope, moitié anglais moitié hollandais, d'ailleurs très riche, et par conséquent trois fois libre, qui va visiter toute l'Italie , sans compter la Grèce . Je vous ai donné avis dans ma lettre que le Shaftesbury a été expédié de Genève chez les sieurs Maggione Binachi et Ballestreri à Milan . Le sieur Galois est celui que j'ai dépêché à ces marchands . Il n'y a rien de plus sûr . Je ne sais si la sainte inquisition s'est emparée de ce livre maudit . Je vous rends grâce pour les premiers vers de la traduction de Tancrède . Je prie le gentil poète qui me fait l'honneur de m'embellir de s'arrêter un peu, car la tragédie qui se joue à Paris est fort différente de celle que je vous ai envoyée trop à la hâte . Il faut sans cesse repolir nos œuvres, et remettre sur l'enclume les vers mal forgés . Voici donc nos divertissements comiques envoyés au diable avec le beau temps . Je fais toujours le vieillard sur mon petit théâtre, et je ne le joue que trop au naturel . Ma vieillesse ne me permet pas d'aller à Bologne . Venez donc à mes pauvres Délices .

7 Ô pauvre belle Italie !