11/10/2015
Je dois une réponse à M. Sénac de Meilhan, mais j'en dois à trente personnes, et je n'ai qu'une tête et une main droite
... A dire vrai, de nos jours, clavier aidant, les deux mains vont de pair , quant à la tête ....
Mis en ligne le 9/8/2017 pour le 11/10/2015
« A François de Chennevières
Des Délices du 11 [octobre] 1760 1
Vous m'avez écrit une lettre charmante mon cher correspondant . Puisque vous me parlez de Tancrède, voyez à quel point on me lutine et on me persécute, lisez ; ce n'est pas la dixième partie des choses essentielles que les comédiens ont altérées dans ma pièce . Je vous supplie d'envoyer ce mémoire , non contresigné, à Mlle Clairon . Il ne faut pas je crois provigner 2 le contre-seing de Belle-Isle . Messieurs de la poste 3 n'en seraient pas contents . D'ailleurs les comédiens sont en état de payer des ports de lettres, mes pièces ne les appauvrissent pas et je leur abandonne le profit des représentations et de l’impression . Je suis en droit de compter sur les petites attentions que je leur demande . Je vous prie donc, mon cher ami, d'envoyer le dit mémoire dès que vous l'aurez lu . Nous allons jouer Mahomet, nous avons 50 personnes dans mon trou où il n'y a que dix lits de maître . Il faut s'habiller , adieu .
Je dois une réponse à M. Sénac de Meilhan, mais j'en dois à trente personnes, et je n'ai qu'une tête et une main droite . »
1 Copie par Boissy d'Anglas ,édition Cayrol . La date du 11 août portée sur le manuscrit, et corrigée en 21 septembre par Cayrol, suivi par les autres éditions, n'est pas convaincante . Celle du 18 octobre conviendrait mieux aux références du texte .
2 Les éditions corrigent ce mot en prodiguer . Mais le sens de provigner, multiplier, convient parfaitement ; et comme c'est la lectio dificilior, elle doit être préférée .
3 La copie de Boissy d'Anglas porte Delaporte, ce qui n'a aucun sens .
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10/10/2015
il faut rendre service aux hommes tant qu'on peut, quoiqu'ils n'en valent guère la peine
... Et après ça, il en est encore qui disent de mal de Voltaire !
Mis en ligne le 8/8/2017 pour le 10/10/2015
« A Marie de Vichy de Chamrond , marquise du Deffand
à Saint-Joseph
à Paris
10è octobre 1760
Vous n'êtes point un grand enfant, madame, vous n'êtes pas non plus une petite vieille ; je suis fort votre aîné 1, et je joue la comédie deux fois par semaine , et le bon de l'affaire c'est que nous jouons des pièces nouvelles de ma façon, que Paris ne verra pas, à moins qu’il ne soit bien sage et bien honnête . Comme je fais le théâtre, les pièces , et les acteurs , qu'en outre je bâtis une église et un château, et que je gouverne par moi-même tous ces tripots-là, et que pour m'achever de peindre il faut finir l'Histoire de Pierre le Grand, et que j'ai dix ou douze lettres à écrire par jour, tout cela fait que vous devez me pardonner, madame, si je ne vous ennuie pas aussi souvent que je le voudrais ; j'ai pourtant un plaisir extrême à m'entretenir avec vous ; vous savez que j'aime passionnément votre esprit, votre imagination, votre façon de penser ; vous aurez la moitié de Pierre incessamment ; il y a un paquet tout prêt pour vous et pour M. le président Hénault, mais on ne sait comment faire pour dépêcher ces paquets par la poste . Je vous avertis que la préface vous fera pouffer de rire, et vous serez tout étonnée de voir que la plaisanterie n'est point déplacée . J'y joins un chant de La Pucelle qui pourra vous faire rire aussi . Je vous promets encore de vous chercher des fariboles philosophiques dans ma bibliothèque; mais il faut que vous sachiez que je ne suis guère le maître d'entrer dans ma bibliothèque à présent , parce qu'elle est dans l'appartement qu'occupe M. le duc de Villars avec tout son monde ; il nous a joué à huis-clos, Gengis Kan, dans L'Orphelin de la Chine ; il vaut mieux que tous vos comédiens de Paris .
Je suis fort aise, madame, qu'on ait imprimé ma lettre au roi de Pologne 2; trois ou quatre lettres par an dans ce goût-là, écrites aux puissances, ou soi-disant telles, ne laisseraient pas de faire du bien ; il faut rendre service aux hommes tant qu'on peut, quoiqu'ils n'en valent guère la peine . Mon petit parti, d'ailleurs m'amuse beaucoup ; j'avoue que tous mes complices n'ont pas sacrifié aux grâces ; mais s'ils étaient tous aimables ils ne seraient pas si attachés à la bonne cause ; les gens de bonne compagnie ne se font point prosélytes ; ils sont tièdes ; ils ne songent qu'à plaire ; Dieu leur demandera un jour compte de leurs talents .
Vous avez bien raison, madame, d'aimer l'histoire de mon ami Hume 3 . Il est , comme vous savez, le cousin de l'auteur de L’Écossaise . Vous voyez comme il rend dans cette histoire le fanatisme odieux . Ne croyez pas que l'Histoire de Pierre le Grand puisse vous amuser autant que celle des Stuarts . On ne peut guère lire Pierre qu'une carte géographique à la main ; on se trouve d'ailleurs dans un monde inconnu ; une Parisienne ne peut s'intéresser à des combats sur les Palus-Méotides 4, et se soucie fort peu de savoir des nouvelles de la grande Permie, et des Samoyèdes . Ce livre n'est point un amusement, c'est une étude . M. le président Hénault ne veut pas que je donne Pierre chiquette à chiquette 5; je ne le voudrais pas non plus , mais j'y suis forcé . On a un peu de peine avec ces Russes, et vous savez que je ne sacrifie la vérité à personne . Adieu, madame, si vous aviez des yeux je vous dirais, venez philosopher avec nous, parce que vos yeux seraient égayés pendant neuf mois par le plus agréable aspect qui soit sur terre ; mais ce qui fait le charme de la vie est perdu pour vous ; et je vous assure que cela me fait toujours saigner le cœur . J'ai chez moi un homme d'un mérite rare, un homme de grande condition, ancien officier, retiré dans ses terres . Il les a quittées pour venir à 150 lieues de chez lui, philosopher dans ma retraite . Je ne l'avais jamais vu, je ne savais pas même qu'il existât , il a voulu venir, il est venu, il fait de grands progrès, et il m'enchante; mais par malheur il me vient des intendants ; ces gens-là ne sont pas tous philosophes . Mon Dieu, madame, que je hais ce que vous savez 6!
Je vais être en relation avec un brahme des Indes par le moyen d'un officier 7 qui va commander sur la côte de Coromandel, et qui m'est venu voir en passant ; j'ai déjà grande envie de trouver mon brahme plus raisonnable que tous vos butors de la Sorbonne . Adieu encore une fois, madame, je vous aime beaucoup plus que vous ne pensez . »
1 V* a trois ans de plus qu'elle .
2 La lettre du 15 août 1760 à Stanislas :
Mme Du Deffand écrit à V* le 20 septembre 1760 : « Votre lettre au roi de Pologne est imprimée, je ne crois pas que ce soit par l'ordre du frère Menoux. »
3 Il s'agit d'un ouvrage dont Mme du Deffand avait parlé à V* (lettre du 20 septembre 1760) : The History of Great Britain under the house of Stuart, 1754-1757, qui venait d'^tre traaduit en franàais par l'abbé Prévost sous le titre d'Histoire de la masion des Stuart sur le trône d'Angleterre, 1760 .
4 Palus Maeotis est le nom latin de la mer d'Azov .
5 L'expression se trouve ordinairement sous la forme chiquet à chiquet ; c'est familier et même populaire .
6 L'infâme .
7 C'est Maudave .
17:59 | Lien permanent | Commentaires (0)
Patientiam habe in me / Soyez patient avec moi
... J'en ai besoin .
Mis en ligne le 9/8/2017 pour le 10/10/2015
« A Gabriel Cramer
[vers le 10 octobre 1760] 1
La tête me tourne, je ne peux rien envoyer aujourd'hui . Patientiam habe in me 2. Je ne peux songer à rien qu'après la représentation de Fanime . Pardon caro Gabriele – vous ne perdrez pas pour attendre . »
1 L'édition Gagnebin place cette lettre en mars 1757 ; mais le filigrane du papier du manuscrit olographe ne se trouve pas avant décembre 1759 ; en conséquence, la représentation de Fanime à laquelle V* fait allusion doit être celle du 13 ou 23 octobre 1760 ; l'expression « la tête me tourne » se trouvait d'ailleurs dans une lettre du 4 octobre 1760 à d'Argental .
2 Soyez patient avec moi .
14:32 | Lien permanent | Commentaires (0)
08/10/2015
Nous couchons les uns sur les autres . Il y avait hier quarante neuf personnes à souper
... Vivent les vacances et les réunions de famille chez papi-mamie !
Mis en ligne le 8/8/2017 pour le 8/10/2015
« A Nicolas-Claude Thieriot
Je vous dois bien des réponses mon ancien ami . Puisque vous logez chez un médecin 1 ce n'est pas merveille que vous soyez malade . Si vous venez aux Délices vous vous porterez bien . Mme Denis vous fera pleurer dans Tancrède tout autant que Mlle Clairon et moi je vous ferai plus d'impression que Brizard . Je suis un excellent bonhomme de père .
Je vous enverrai incessamment un Pierre le Grand par M. Damilaville . Je ne peux vous donner La Capilotade 2 que cet hiver . Je n'ai pas un moment à moi . J'ai dans mon taudis des Délices M. le duc de Villars, un intendant 3, un homme de grand mérite 4 qui a fait 150 lieues pour me voir . Nous couchons les uns sur les autres . Il y avait hier quarante neuf personnes à souper . Nous jouons aujourd'hui Mahomet . Une Palmire jeune 5, naïve, charmante, voix de sirène, cœur sensible, avec deux yeux qui fondent en larmes . On n'y tient pas . Gaussin était une statue . N.b. que j’arrache l'âme au 4è acte . Mon église ne se bâtira qu'au printemps . Vous voulez que j'ose consulter M. Soufflot sur cette église de village, et j'ai fait mon château sans consulter personne .
Ne vous avais-je pas prié de m'envoyer la 24è et 25è feuille de ce coquin de frelon ?6
J'ai reçu Le Père de famille . Mais je voulais l'édition avec l'épigraphe grecque et les deux lettres qui firent tant de bruit 7.
Bonsoir mon cher ami, la tête me tourne de plaisir et de fatigue . Dites-moi donc quelles critiques on fait de Tancrède, et vale .
V.
8 octobre [1760 à Ferney]8 »
1 Thieriot avait annoncé le 18 juin 1760 qu'il avait déménagé pour aller chez un médecin, Hyacinthe-Théodore Baron, rue Couture-Sainte-Catherine .
2 Sur cette Capilotade, voir lettre du 9 septembre 1760 à Thieriot :
3 Saint-Priest .
4Le marquis d'Argence .
5 Mme Rilliet .
6 Cette phrase supprimée par l’édition de Kehl a disparu de toutes les éditions suivantes . Elle contredit une affirmation de V* , à savoir qu'il ne lit jamais les « feuilles », surtout celles de ses ennemis .
7 Allusion à la Préface de la comédie des philosophes, 1760, qui était de Morellet, et que V* republia dans le Recueil des facéties parisiennes, 1760 ; voir lettre du 31 mai 1760 à Chennevières : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2015/05/29/faites-moi-le-plaisir-mon-cher-ami-5631086.html
8 Date endossée par Thieriot .
17:53 | Lien permanent | Commentaires (0)
Quoique le château ne soit ni meublé ni fini
... A ce jour, 8/8/2017, -date de mise en ligne pour le 8/10/2015, - le château est effectivement encore en travaux de restauration jusqu'au début 2018 (croisons les doigts ! ) . Le parc est visitable .
« A Louis-Gaspard Fabry, Maire et
subdélégué du pays de Gex etc.
à Bourg-en-Bresse 1 .
Aux Délices 8 octobre [1760]
Monsieur, puisque M. de Fleury veut garder l'incognito, je ne sais point qu'il doit venir et je n'ai point l'honneur de lui écrire .
S'il ne se propose que d'aller à Genève pour un jour et demi, il logera au cabaret et sera fort mal, il fera un voyage peu agréable . Il ne verra point les environs ; les portes se ferment à six heures . Mais s'il veut faire une halte aux Délices le lundi 13 comme il se le propose, il fera un léger dîner avec sa compagnie, après quoi nous aurons l'honneur de le mener à Tournay où nous lui donnerons une pièce nouvelle , de là nous le ramènerons lui et sa compagnie souper aux Délices, et après avoir soupé nous le mènerons coucher à Ferney . Quoique le château ne soit ni meublé ni fini, il y trouvera dans les attiques quatre lits de maître , et des lits pour ses domestiques . De là il prendra son parti ou d'aller voir Genève ou de dîner à Ferney, ou de dîner aux Délices .
Ayez la bonté, monsieur, de lui présenter cette requête, il mettra bon au bas, s'il veut nous favoriser – nous sommes à ses ordres – nous avons ici M. le duc de Villars et M. de Saint-Priest 2. Tout s'est arrangé fort bien . On pardonne à la petitesse de ma maison, au théâtre de polichinelle, à la médiocre chère ; et cette indulgence nous encourage .
Présentez je vous prie mes respects à monsieur l'intendant, donnez-moi ses ordres précis, et comptez monsieur sur le dévouement entier de votre très humble et obéissant serviteur
Voltaire. »
1 Sur le manuscrit, ligne rayée d'une autre main et remplacée par retourné à Gex .
2 Jean-Emmanuel de Guignard vicomte de Saint-Priest qui était à l'époque intendant du Languedoc .
17:48 | Lien permanent | Commentaires (0)
Pardonnez à mon laconisme ; je n'ai pas le temps, depuis quinze jours, de manger et de dormir
... Help !
Mis en ligne le 8/8/2017 pour le 8/10/2015
« A Etienne-Noël Damilaville
8 octobre 1760 1
M. Thieriot, monsieur m'apprend toutes vos bontés ; il me dit aussi que vous avez une bibliothèque choisie . Je devrais , parce qu'elle est choisie, ne point hasarder de vous présenter ce que j'ai fait imprimer sur Pierre le Grand, et que les lenteurs de la cour de Pétersbourg ont empêché l'année passée de paraître .
Je vous demande le secret ; personne n’en a de ma main . Je vous prierai de permettre que j'en fasse tenir un par vous à M. Thieriot dans quelques jours . Pardonnez à mon laconisme ; je n'ai pas le temps, depuis quinze jours, de manger et de dormir . »
1 Copie ancienne qui n'identifie pas le destinataire, pour le texte voir la lettre du 3 septembre 1760 à Damilaville
17:45 | Lien permanent | Commentaires (0)
Que je vous importune !
... Est-ce un mien constat pour vous lecteurs ? ou un voeu pour vous faire réagir ?
Mis en ligne le 8/8/2017 pour le 8/10/2015
« A François de Chennevières
Que je vous importune ! Mon cher confrère en Apollon ! Ce ne sera pas par une longue lettre car je vais jouer Zopire dans l'instant . Pardon .
V.
8 octobre [1760] »
17:30 | Lien permanent | Commentaires (0)

