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05/03/2015

les Délices remercient très humblement madame Cramer de ses prunes

...

 

 

 

« A Gabriel Cramer

à Genève

3 mars 1760

La lettre malhonnête 1 se trouve dans les fréronades . Cela ne vaut assurément pas la peine d'une édition complète . On pourrait seulement à la longue donner dans ce goût des éclaircissements sur l'Histoire générale . On prévoit qu'on sera dans le cas d'en avoir besoin . Tout est en guerre dans ce monde . Je ne voulais précisément qu'une ou deux douzaines de cette bagatelle qui n’est bonne que pour quelques savants de Paris, et j'ai cru que la voie de l'impression était plus courte que celle des copies manuscrites . Je supplie instamment monsieur Cramer de vouloir bien me faire le plaisir de faire tirer ces deux douzaines d'exemplaires pour mon compte ; il n'est pas juste que ses imprimeurs ne soient pas payés par moi, des fantaisies qui ne regardent que moi . Je compte sur cette marque d'amitié de sa part .

N.B. qu'un jésuite missionnaire, d'auprès de Troyes a volé trois louis d'or à un marchand de bestiaux, et qu'on lui fait son procès . La chose s'est passée à Vandoeuvre sur le chemin de mon ancien Cirey .

N.B. Les Anglais font partir contre nous 80 vaisseaux, et nous n'en avons pas un .

N.B. qu'il y a quelquefois de la justice en ce monde, et que les brigands ennemis de Genève et du pays de Gex, c'est-à-dire messieurs les commis de Saconnex, ont été condamnés aux dépens, dommages, intérêts, et à l'amende pour avoir mal à propos saisi nos blés qui venaient sur le territoire de Genève .

N.B. que les Délices remercient très humblement madame Cramer de ses prunes . »

 

04/03/2015

apprendre aux hommes nés libres qu'ils ne doivent point vendre leur sang à des maîtres étrangers, qu'ils ne connaissent pas, et qui peuvent leur faire plus de mal que de bien

... Vaste programme qui s'adresse à tous ces déboussolés, -ravagés de la cafetière comme je les appelle-, qui courent se battre pour libérer la Syrie du joug de l'assassin Bachar El Assad et qui meurent stupidement pour des révoltés insensés . Voltaire a encore une fois raison .

 

 

 

« A Jacques-Abram-Elie-Daniel Clavel de BRENLES

assesseur baillival

à Lausanne
Aux Délices, 3 mars 1760
Votre petit mémoire, mon cher ami, est une bonne provision pour l'histoire ; mais il doit servir encore plus à la philosophie ; il peut apprendre aux hommes nés libres qu'ils ne doivent point vendre leur sang à des maîtres étrangers, qu'ils ne connaissent pas, et qui peuvent leur faire plus de mal que de bien. J'ai la plus grande envie de venir philosopher avec vous avant que vous retourniez à Ussières. Je ne regrette guère les bals et les comédies, mais je regrette beaucoup votre conversation. Je vous prie de vouloir bien ne me pas oublier auprès de vos amis, et surtout auprès de M. le bailli de Lausanne et de madame son épouse. La vôtre vous a-t-elle donné quelque petit philosophe ?
Je vous embrasse de tout mon cœur. Adieu , la misère et le trouble sont en France; nous avons ici le nécessaire et la paix.

V. »

 

Ajoutez-y quelques centaines de mille pauvres diables de monades au diable d'enfer

...

 

 

 

« A Jean-Henri-Samuel FORMEY.
[vers le 1er mars 1760]1
J'aime votre concitoyen 2 ; il me procure le plaisir d'avoir de vos nouvelles. Je voudrais bien voir l'enduit de poix-résine 3 dont vous avez embaumé ce fou de Maupertuis, avec sa petite perruque et sa loi de l'épargne. Avez-vous bien exalté son âme ?
J'ai peur que vos corps ne meurent de faim à Berlin.
Je ne sais comment vous envoyer l'Almanach 4 de Priam et d'Hector, que votre Troyen m'a envoyé pour vous. Quand votre guerroyant philosophe daigne m'écrire par Michelet, je fourre tous les paquets possibles dans le mien ; mais il m'écrit par d'autres voies lorsqu'il me fait cet honneur. Je ne peux, en conscience, vous envoyer par la poste un Almanach qui vous coûterait plusieurs florins d'empire ; je ménage votre bourse par le temps qui court. La France est ruinée comme la Prusse. Voilà à quoi se réduisent les beaux exploits du meilleur des mondes possibles. Ajoutez-y quelques centaines de mille pauvres diables de monades au diable d'enfer. »

1 Formey, qui a imprimé cette lettre dans ses Souvenirs, tome 1er, page 303, n'en donne pas la date; mais il dit qu'elle accompagnait une lettre de Grosley du 20 février 1760. (Beuchot)

Formey, en écrivant à Algarotti en mars 1760 , cite cette lettre, reçue deux jours auparavant, d'où la date proposée . Formey explique : « Un autre envoi [voir lettre du 6 janvier 1760 à Formey : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2015/01/12/pour-moi-je-ne-mourrai-point-entre-deux-capucins.html] de M. Grosley, avec une lettre du 20 février, me valut encore une apostille de Voltaire . » Il confirme le 20 avril 1760 que la lettre du 20 février lui avait été expédiée par V* ; voir Algarotti, XVI, 324-325 .

2 Grosley, Champenois (voir page 378 ,http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k411355v/f381.image.r=9%20septembre.langFR

), pouvait être appelé concitoyen ou compatriote de Formey, dont la famille était originaire de Vitry en Champagne.

3 L '« enduit de poix résine » est L’Éloge de M. de Maupertuis, lu dans l'assemblée publique du 24 janvier 1760 . V* ne conserva ni cet ouvrage ni aucune des nombreuses publications de Formey . Voir : http://data.bnf.fr/12025873/johann_heinrich_samuel_formey/

4 Le volume des Éphémérides troyennes pour 1759, in-12 ; publication annuelle d'intérêt historique et archéologique . Alphonse Roserot :« Les Éphémérides Troyennes, publication anonyme de notre compatriote Grosley, constituent le plus ancien almanach historique de la ville de Troyes. Imprimées dans cette ville, d'abord par la veuve de Louis-Gabriel Michelin, de 1757 à 1760, puis par Michel Gobelet, de 1761 à 1768, elles forment une collection de douze volumes petit in-12 1. Ces volumes ne sont pas très communs; les premières années sont même très rares, surtout les deux premières. On y trouve des notices historiques, biographiques, statistiques et la description des principaux monuments et œuvres d'art de la ville de Troyes et des environs. »

 

 

03/03/2015

le montant de vos dépenses vous sera toujours payé chez M. de Laleu, notaire, très exactement

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« A Louis-François Prault 1

Monsieur de Voltaire, monsieur, est trop malade pour vous écrire lui-même ; il vous prie de lui envoyer les recueils : A, B, C, qu'il n'a point ; les œuvres de Piron, et ce que vous imprimerez ; le montant de vos dépenses vous sera toujours payé chez M. de Laleu, notaire, très exactement . Quand vous voudrez envoyer quelque chose à M. de Voltaire vous êtes prié de vous adresser toujours à M. Bouret qui a la bonté de lui faire passer ses paquets . M. de Voltaire fait bien ses compliments à monsieur votre père et à vous .

J'ai l'honneur d'être , monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur

Wagnière, secrétaire

de la part de M. de Voltaire

1er mars 1760 aux Délices par Genève »

1 Prault avait écrit le 30 janvier 1760 à V* : « Je me suis brouillé d'abord avec les éditeurs [des] recueils […] j'avais appris que leur intention était, quoiqu'ils me l'eussent vendue de faire imprimer [la rapsodie contre Voltaire] dans un des recueils suivants […] Je fus trois fois chez M. d'Argental […] je me rendis chez M. de Malesherbes . Je lui expliquai tous les droits que j'avais sur cet ouvrage puisqu'il m'avait été vendu . Je lui dis les raisons qui m'avaient empêché d'en faire usage et je lui montrai l'espèce d'engagement que j'avais pris avec vous […] Il me chargea d'ordonner de sa part aux imprimeurs et libraires chargés des recueils suivants de ne pas l'imprimer […] de voir aussi le censeur et de lui recommander de ne pas approuver cette pièce si elle lui était présentée »

Voir le début de l'affaire dans la lettre du 7 janvier 1760 à Prault : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2015/01/17/s-il-se-presente-quelque-occasion-de-vous-marquer-l-envie-ex-5536020.html

 

02/03/2015

nous ferons une campagne sur terre, attendu qu'il nous est impossible de fourrer notre nez sur mer

... Ce qui vaut pour 1760 doit être pris en parfait contrepied en 2015, où nous devons faire campagne sur mer et dans les airs pour éviter de nous engluer sur terre en cet Orient qui n'a plus rien de fabuleux, qui sent la poudre et le cadavre .

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« A Louise-Florence-Pétronille de Tardieu d'Esclavelles d'Epinay
1er mars 1760
Ma respectable philosophe, et, qui pis est, très-aimable, il fait un de ces vents du nord qui me tuent, et que vous bravez. Je suis dans mon lit, et de là je dicte les hommages que je vous rends. L'affaire de mon avanie, et des commis de Saconnex, n'est point du tout terminée. Cette précieuse liberté pour qui j'ai tout fait, pour qui j'ai tout quitté, m'est ravie, ou du moins disputée. J'écris à M. de Chalut de Vérin une prodigieuse lettre 1 : vous devez avoir du crédit dans le corps des Soixante. Qui peut vous connaître et ne pas se rendre à vos volontés ! Voyez si vous pouvez faire donner quelques petits coups d'aiguillon à la bienveillance que M. de Chalut me témoigne. C'est à vous, madame, que je veux devoir mon repos ; il serait bien dur d'être exposé au vent du nord, et de n'être pas libre. Vous sentez bien qu'on fait peu de petits chapitres lorsqu'on a la guerre avec des commis ; on ne peut pas chanter quand on vous serre la gorge. Si vous daigniez faire encore un voyage dans ce pays-ci, on vous donnerait un chapitre par semaine.

 

Je sais bien que Fréron est un lâche scélérat, mais je ne savais pas qu'il eût porté l'infamie jusqu'à se rendre délateur contre les éditeurs de l'Encyclopédie. J'ignore quel est son associé Patte 2, dont vous me faites l'honneur de me parler : ces deux messieurs sont apparemment les parents de Cartouche et de Mandrin ; mais Mandrin et Cartouche valaient mieux qu'eux : ils avaient au moins du courage.
Il y a grande apparence, madame, que nous ferons une campagne sur terre, attendu qu'il nous est impossible de fourrer notre nez sur mer. Mais avec quoi ferons-nous cette campagne, si le parlement ne veut pas que le roi ait de quoi se défendre ? Il paraît aussi déterminé contre la douceur du style de M. Bertin que contre la dureté de la prose de M. Silhouette. Nous nous occupons plus de ces objets sur la frontière qu'on ne fait à Paris, parce que nous voyons le danger de plus près. La perte de nos flottes, de nos armées, de nos finances, n'empêche pas vos chers compatriotes de faire bonne chère sur des culs noirs 3, d'appeler M. Bertin le médecin malgré lui, et de courir siffler les pièces nouvelles.
Je me flatte au moins que le Spartacus de M. Saurin n'aura pas été sifflé : c'est un homme de beaucoup d'esprit, et, de plus, philosophe; c'est dommage qu'il n'ait pas travaillé à l'Encyclopédie.
Est-il vrai, ma belle philosophe, qu'il faut vous donner rendez- vous à Feuillasse 4? Ce serait de votre part un bel exemple. Si vous êtes capable d'une si bonne action, je ne serai plus malade; je braverai la bise comme vous. Toutes les Délices sont à vos pieds.

 

V. »

 

 

1 Cette lettre, écrite à Chalut, l'un des soixante fermiers généraux, n'a pas été retrouvée. (Clogenson.) . Voir lettre du 20 mai 1759 à de Brosses : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2014/07/04/conservez-moi-cette-liberte-qui-me-coute-assez-cher.html

Voir aussi : http://www.culture.gouv.fr/public/mistral/joconde_fr?ACTI...

et : http://histoire-bibliophilie.blogspot.fr/2013/03/les-fermiers-generaux-des-contes-et.html

 

2 Pierre Patte, architecte, né le 3 janvier 1723, mort le 19 août 1814, éditeur des Mémoires de Charles Perrault, 1759, in-12. Voir la « Lettre de M. Patte, architecte, à M. Fréron » dans l'Année littéraire, 1760 ainsi que Pierre Patte, 1940, de Maë Mathieu . Voir : http://fr.wikipedia.org/wiki/Pierre_Patte

 

 

4 Cette propriété située près de Mategnin appartenait, semble-t-il à cette date au comte Hyacinthe de Pingon ; voir E.-L. Dumont, « Le château de Feuillasse », Bulletin de L'Institut genevois, 1953 .voir : http://www.swisscastles.ch/Geneve/meyrin.html

 

 

On assure que ce vin de Beaujolais est fort bon cette année, et qu'il est de garde

... Ouf ! une bonne nouvelle ! à un détail près, c'est la cuvée 1759 ; je serais curieux d'en trouver (façon de parler) pour vérifier la bonne garde de ce picrate . 

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«A Ami Camp

Banquier

à Lyon

1er mars 1760

Nous n'avons point encore goûté, monsieur, du vin que vous avez eu la bonté de nous envoyer . On assure que ce vin de Beaujolais est fort bon cette année, et qu'il est de garde . Si cela est, monsieur, je vous serai bien obligé, si vous voulez bien m'en envoyer encore quatre tonneaux ; je commence à croire que M. Tronchin ne reviendra point à Pâques comme je l'espérais . Je m'en remets toujours à sa prudence et à son amitié, pour la vente de mes effets . Je n'en augure rien de bon, ni de la paix qui ne se fera pas de sitôt, ni de Pondichéry qu'on peut nous prendre, ni de l'Amérique septentrionale, où nous n'aurons bientôt plus rien, ni de notre commerce maritime qui court risque d'être anéanti, ni de la campagne que nous allons faire en Allemagne contre des gens qui combattent pour leurs foyers, et contre des Anglais qui se battent trop bien . Nous avons reçu votre huile, nous vous remercions ; notre ministère perdra sa peine et son huile .

Votre très humble et très obéissant serviteur.

V. »

 

vous êtes tous deux faits pour vous aimer . Si je n'en croyais que mes sentiments, je me mettrais en tiers

... Honni soit qui mal y pense ! il n'est question que de sentiments !

 Par ailleurs, je comprends mieux l'expression "j'ai la patate !"

 honi-soit-qui-mal-y-pense.jpg

 Bio garanti

 

« A Giuseppe Pecis 1

Tout malade que je suis, monsieur, et quoique je ne puisse écrire, je ne peux me priver du plaisir de vous marquer tous les sentiments de reconnaissance et d'estime que je vous dois . Moins je mérite les beaux vers dont vous m’honorez, et plus je les admire . Vous me faites voir que la véritable poésie embellit tout ce qu'elle veut . Que ne ferez-vous point quand vous traiterez de sujets plus dignes de vous ? Il me semble que les belles lettres fleurissent plus que jamais en Italie ; personne ne peut contribuer plus que vous, monsieur, à maintenir votre patrie dans la supériorité qu'elle a eue si longtemps . C'est une vraie peine pour moi que de n'avoir point vu ce si beau pays qui a enseigné les beaux arts au reste de l'Europe ; mais je suis trop vieux pour penser à voyager et trop bien dans mes terres pour les quitter . J'admire de loin la patrie du Tasse , et je me trouve à merveille de ne pas dépendre, comme lui, d'un duc de Ferrare . Je compte écrire à M. Algarotti dès que j'aurai un peu de santé ; personne n'est plus touché que moi de l'universalité de ses talents et des grâces de son esprit ; il est aussi aimable dans la société que dans ses écrits ; je ne suis pas étonné qu'il soit lié avec vous ; vous êtes tous deux faits pour vous aimer . Si je n'en croyais que mes sentiments, je me mettrais en tiers . J'ai l'honneur d'être avec toute l’estime et la reconnaissance que je vous dois, monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur

Voltaire

gentilhomme ordinaire de la

chambre du roi

27è février 1760

aux Délices 2»

1 Copie contemporaine sur laquelle on mentionne Paradisi comme destinataire ; l'édition Algarotti qui donne la lettre en note à un échange de lettre entre Pécis et Algarotti, lesquelles en font l'une et l'autre mention . La lettre de Pécis et ses vers ne nous sont pas connus .