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15/01/2015

mon cher camarade, je peux vous répondre que vous ne serez jamais soupçonné d'une infidélité, à moins que ce ne soit avec quelques damoiselles.

... Mon cher Wolinski !

On se fait un sang d'encre ...

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« A Étienne DARGET 1
Aux Délices, 7 janvier 1760 2
Mes pauvres yeux sont les très-humbles serviteurs des vôtres, mon cher et mon ancien camarade des bords de la Sprée; je commence à perdre les joies de ce monde, comme disait cet aveugle à Mme de Longueville, qui le prenait pour un châtré; je commence à croire que la poésie n'a jamais fait que du mal, puisque celles dont vous me parlez vous ont attiré de si énormes tracasseries ; mais je vous jure que vous n'auriez rien à craindre quand même on imprimerait à Paris ce qui a déjà été imprimé ailleurs; je n'ai jamais entendu parler d'une Mme d'Artigny 3. Il vint chez moi, il y a environ deux mois, un prétendu marquis en... il , qui prétendait avoir des compliments à me faire du roi de Prusse ; ce marquis, étant à pied et n'ayant nulle lettre de recommandation, ne parvint pas jusqu'à moi. Il dit qu'il avait des choses importantes à me communiquer. Pour réponse, je lui fis donner une pistole, et je n'en ai pas entendu parler depuis. Il est difficile que ce marquis ait transcrit sous l'abbé de Prades le livre des poëshies du roi mon maître 4; attendu que le roi mon maître m'a mandé qu'il avait fourré, il y a deux ans, l'abbé de Prades à la citadelle de Magdebourg 5. En tout cas, mon cher camarade, je peux vous répondre que vous ne serez jamais soupçonné d'une infidélité, à moins que ce ne soit avec quelques damoiselles.
Le philosophe de Sans-Souci n'est pas sans souci ; cependant il m'envoie toujours des cargaisons de vers avant de donner bataille, et après l'avoir donnée ; et avant Maxen, et pendant Maxen, et après Maxen; et dans ces vers il y a toujours de l'esprit, et un fond de génie. Je suis toujours honteux d'être plus heureux que lui, et, révérence parler, je ne troquerais pas le château que j'ai fait bâtir à Ferney contre celui de Sans-Souci ; la liberté et la plus belle vue du monde sont deux choses qu'on ne rencontre pas dans tous les châteaux des rois. J'aurais bien voulu que vous fussiez venu dans nos tranquilles retraites avec Mme de Bazincour 6: elle aurait été charmée d'avoir un tel écuyer, et je vous aurais bien fait les honneurs de mon petit royaume de Catai. Je visais toujours à une retraite agréable, lorsque nous étions dans la ville des géants ; mais je n'osais en espérer une aussi charmante. J'ai avec moi un homme de lettres qui s'est fait ermite dans mon abbaye 7, la sœur Bazincourt, la prieure Denis, un neveu qui a pris l'habit ; bonne compagnie vient dîner, souper et coucher dans le monastère. Si vous étiez homme à y venir passer quelque temps en retraite nous dirions notre office très- gaiement. Je ne sais si vous savez que le véritable roi mon maître, le roi très-bien aimé de moi chétif, a daigné, par un beau brevet, rendre mes terres que j'ai en France, sur la frontière, entièrement franches et libres ; c'est un droit qu'elles avaient autrefois, et que Sa Majesté a daigné renouveler en ma faveur, de sorte que mes monastères sont obligés de prier Dieu pour lui, ce que nous faisons très-ardemment. C'est une grâce que je dois à M. le duc de Choiseul, et à Mme la marquise de Pompadour. Par ma foi, cela vaut mieux que d'être chambellan. Ne m'oubliez pas auprès de M. Duverney, je vous en supplie, et dites-lui que je lui serai attaché jusqu'à la mort : car, tout moine que je suis, je ne suis pas ingrat.
Ihr treue Diener, georsam Diener 8, qui ne mourra pas entre deux capucins 9.
Voltaire »

 

1 Darget, Claude-Étienne (1712-1778), conseiller privé et secrétaire de Frédéric II . Voir page 377 la lettre de Choiseul au directeur de la librairie  : http://visualiseur.bnf.fr/CadresFenetre?O=NUMM-208006&I=380&M=tdm

 

2 Dans l'édition de Baie, d'où elle est tirée, cette lettre est datée du 7 janvier 1759. Or la franchise des terres de Voltaire ne lui fut accordée qu'en mai 1759 (voyez lettre du 3 juin 1759 à d'Argental : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2014/07/21/ma-modestie-m-a-perdu-je-n-ai-pas-eu-la-temerite-de-parler-d-5414546.html ) ; ce ne fut qu'en juillet 1759 que Maupertuis mourut entre deux capucins . Enfin le combat de Maxen est du 20 novembre 1759.

 

3 Darget avait reçu une lettre signée « d'Artigni », apparemment d'une main féminine, l'avertissant que les œuvres de Frédéric II étaient en cours d’impression à Paris ; voir « Frédéric II poète et la censure française » de V. Lemoine et A. Lichtenberger, Revue de Paris du 15 janvier 1901 .

 

4 Allusion au fameux recueil réclamé par Schmid (ce « faquin de Schmitt » dit V* dans la lettre suivante ) à V* lors du passage et l’arrestation à Francfort . Sa publication en 1759 pose des problèmes bibliographiques complexes . Il existe au moins une douzaine d'éditions des poèmes de Frédéric II datées de 1760, les unes « Au donjon du Château », à Potzdam, Berlin, Francfort, Neuchâtel, avec pour titre Œuvres du philosophe de Sans Souci ; les autres sous le titre de Poésies diverses, à Berlin (3 éditions différentes) , Glogau, Paris, Lyon, Amsterdam ; et la liste st probablement incomplète . Dans une lettre du 18 février 1760 à Thieriot V* laisse entendre qu'il ne connait qu'une édition de Lyon . Elle fut publiée par Jean-Marie Bruyamment ( voie lettre du 16 février 1760 à Ami Camp) qui en avait probablement acheté le manuscrit à Hyacinthe de Bonneville : l'un et l'autre furent mis en prison à Pierre-Encise le 6 février . La meilleur étude sur ce problème est de loin celle de Moriz Türk, « Voltaire und die Veröffenlichung des Gedichte Friedrichs des Grossen », Forschungen zur brandenburgischen und preussischen Geschichte, XIII, I, 49-73 , 1900 .

 

5 V* l'avait appris par une lettre de Thieriot du 27 décembre 1759 ; Thieriot, qui parlait d'ailleurs de Shandau (Spandau ?) et non de Magdebourg avait pu être informé par Darget .

 

 

 

8 Votre fidèle et obéissant serviteur, dans un allemand approximatif ; il faut lire Ihr treuer, gehorsamer Diener

 

 

14/01/2015

Ce que je crains et ce que je déteste plus que jamais à mon âge, ce sont les longueurs

... Mais je regarde l'avenir ...

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« A Charles de BROSSES, baron de Montfalcon
7 janvier [1760]
Le sieur Girod, monsieur, n'a pu encore signer avec moi ; mais il m'a donné votre parole, et je suis entièrement à vos ordres Il y a quelques préliminaires dont il est essentiel que je m'assure J'ai besoin, comme vous le savez, de M. le duc de Choiseul et de M. l'abbé d'Espagnac 1.
Mais il y a une affaire considérable qui se présente, et dont je ne peux m'ouvrir au sieur Girod 2. Elle pourrait vous être d'un très-grand avantage. Il faudrait probablement me céder le syndicat, et nommer ainsi un autre syndic du tiers état que le sieur de Bosson. Je demanderais aussi la capitainerie des chasses. Ce sont deux petits préalables de peu de conséquence qui mettront plus de convenance dans l'affaire dont je vous parle.
Il s'agirait, monsieur, d'un arrangement pour le pays de Gex 3, d'un abonnement qu'on ferait avec les fermiers généraux, d'une compagnie qui fournirait aux fermes générales ou au roi une forte somme moyennant laquelle tout le pays serait purgé de quatre-vingts sbires qui le désolent en pure perte; le sel et le tabac seraient libres. Il y a longtemps qu'on propose un arrangement ; mais celui qu'on a présenté en dernier lieu ne me paraît avantageux pour personne. On a proposé une taxe, une espèce de capitation sur chaque individu, homme ou bétail, pour racheter chaque année des fermes générales la liberté du pays. C'est là une autre sorte d'esclavage qu'on propose pour être libre, et un nouvel appauvrissement pour être à son aise. Je vois bien qu'on ne prend ce parti que parce qu'on manque d'argent pour faire tout d'un coup une grande et bonne affaire. On trouvera de l'argent, et il ne faut pas manquer cette occasion. Vous dites sans doute, monsieur, en lisant ceci : Quel rapport cela peut-il avoir à la vente de Tournay? Celui de placer votre argent à dix pour cent à jamais, en faisant du bien à la province.
Il sera très-convenable que je sois syndic pour accélérer la consommation de cette affaire. Ce que je crains et ce que je déteste plus que jamais à mon âge, ce sont les longueurs.
Si la chose réussit, je m'engage à vous payer une rente de dix pour cent pour la vente de Tournay, et de cinq pour cent de toutes les autres possessions que vous avez dans le pays sur les prix des baux. Tout cela doit être fait ou manqué avant Pâques; mais, si la proposition n'est pas acceptée, la vente de Tournay subsistera toujours. Vous jugez bien, monsieur, qu'en vous donnant dix pour cent, vous n'aurez aucune somme comptant en signant le contrat; ce ne serait pas votre avantage. Les 110 000 livres, prix de Tournay, seront placées dans la somme donnée au roi par la province, et les arrérages vous seront payés sur le pied du denier dix, du produit de ces avances faites au roi, et j'en répondrai. Il faut donc que ces deux affaires marchent ensemble.
Je ne doute pas que monsieur l'intendant de Bourgogne n'appuie la proposition de ces avances, système de tout point préférable à tous les autres. J'aurai l'honneur de vous envoyer le plan rédigé. Votre approbation sera d'un grand poids, et c'est à cette approbation et à vos soins officieux qu'on en devra le succès. Je ne crois pas que monsieur l'intendant revienne sitôt, mais votre influence s'étendra aisément de Dijon à Paris. Vous allez dire : Voilà un homme qui veut être libre aux Délices, et maître à Gex. Oui ; mais maître pour faire du bien, et maître sous vos ordres.

V.
La compagnie trouve bon que je m'adresse à vous et vous demande le secret. »

1 Chef du conseil du comte de La Marche.

3 Voir lettres du 30 janvier 1760 : page 292 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6514333b/f304.image...

et début février 1760 à Mme d'Epinay : page 294 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6514333b/f306.image.r=4040

 

13/01/2015

La moitié de l'ouvrage est un tissu de calomnies; mais ce qu'il y a de vrai fera passer ce qu'il y a de faux à la postérité

... Valérie Trierweiler  ! Valérie ... !!

Voltaire a lu ton livre , il n'a pas aimé !

Malheureusement il a diablement raison .

Moi, je ne l'ai pas lu , je lui fais confiance et je tiens à ne pas gaspiller mon temps  .

 J'ai mieux à faire , non ? joystick xbox.jpg

 http://www.ginjfo.com/espace-environnement/green-it/insolite/console-xbox-de-microsoft-du-bois-pour-la-posterite-20110609

 

« A Élie BERTRAND

premier pasteur de l’Église française

à Berne
7 janvier [1760]
Je vous souhaite une vie tolérable, mon cher philosophe, car pour une vie heureuse et remplie de plaisirs, cela est trop fort après tout ce qui arrive aux annuités, actions et billets de la Compagnie des Indes. Tout périt ; je laisse là mes bâtiments, et mea me virtute involvo 1.
On a imprimé mes lettres 2 que M. de Haller avait fait courir. Il a oublié apparemment cet article dans les principes de l'irritation 3 : Magis magnos clericos non sunt magis magnos sapientes 4. Je ne concois pas comment vos magis magni clerici peuvent accorder des lettres de naturalité à un voleur 5 avéré . Il me semble que la vertu de la république de Berne devait être inflexible.
A propos de vertu, mes tendres respects à M. et Mme de Freudenrick .
Ce n'est pas une affaire de vertu que trois éditions faites en Angleterre de la Vie de Mme de Pompadour 6. La moitié de l'ouvrage est un tissu de calomnies; mais ce qu'il y a de vrai fera passer ce qu'il y a de faux à la postérité.
Adieu : je lève les épaules quand on me parle du meilleur des mondes possibles. Je vous embrasse de tout mon cœur.

V. »

1 Horace, livre III, Odes ,XXIX, vers 54-55 : avec une inversion ; et je me drape dans ma vertu .

2 La lettre de Voltaire du 24 mars 1759 à Haller ( http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2014/05/09/v... ) et la réponse de Haller ( page 39, http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6514333b/f51.image.r=3782 ) à la lettre du 13 février 1759 ( http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2014/04/23/je-ne-dois-rien-faire-a-demi-5353273.html ) avaient été imprimées à la suite d'une édition encadrée du Précis de l' Ecclésiaste et du Cantique des cantiques, Liège, 1759, in-8°, avec un portrait de Voltaire sur le frontispice.

5 François Grasset. Les lettres de naturalisation ne lui furent pas accordées; voyez la lettre du 22 janvier 1760  : page 285 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6514333b/f297.image.r=4030

.

6 La Vie de la marquise de Pompadour avait paru, en anglais, à Londres, en deux volumes in-16. Cette Vie, qui eut quatre éditions, fut traduite en français par P.-Ant. de La Place. Voir lettre du 18 décembre 1759 à Constant de Rebecque : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2014/12/29/on-ne-peut-s-empecher-de-lire-la-vie-bien-ou-mal-ecrite-vrai-5522273.html

 

je crois que je mangerais de caresses M. du Triangle , si cette familiarité française était compatible avec le décorum germanico-impérial

... Aurait chuchoté François Hollande à Angela !

Honni soit qui mal y pense, bien sûr .

Mais à quoi ce coquin de Volti pouvait-il penser ? Vous pensez ce que je pense ? je n'arrive pas à croire à son ingénuité dans ce cas . 

 

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 Dessous coquin ?

 

« A Charlotte-Sophie von Altenburg, comtesse Bentinck

Aux Délices 7 janvier 1760

Vous mettez madame des feuilles de rose dans votre dernière lettre ; mais je vous avoue que j'aime encore mieux celles où vous mettiez des feuilles de laurier . Je crus d'abord en voyant votre écriture que c’était une victoire , et la dame saucée 1 dans les ruisseaux de Francfort, et volée par les Freitag et les Smith, tressaillit d'aise . Il est vrai que nous trouvâmes dans votre charmante lettre tout ce qui peut consoler de ne vous pas voir entièrement victorieux . Vous prodiguez les grâces si vous ne prodiguez pas les bonnes nouvelles .

Je suis bien honteux de ne m'être pas vanté à vous d'être connu de Mme l’ambassadrice de France, 2 mais vous m'avouerez que ce n'est pas avoir eu l'honneur de la voir , que d'avoir été honoré d'un de ses regards dans la foule . Il faut la voir comme vous la voyez, madame, très souvent, et connaître son caractère dont vous êtes enthousiasmée avec raison . C'est un bonheur dont j'ai joui autrefois auprès de monsieur l'ambassadeur, et le souvenir m'en est bien cher .

Quant à votre grand procès je crois que je mangerais de caresses M. du Triangle 3, si cette familiarité française était compatible avec le décorum germanico-impérial : mais que ce digne protecteur de l’équité et du droit naturel vous fasse donc rendre toutes vos terres usurpées ; qu'il échauffe donc le zèle de vos amis, qu'il les rende aussi constants aussi inébranlables que vous et lui . Vous ne pourriez faire qu'un pitoyable arrangement : faudrait-il après avoir dépensé tant d'argent dans un procès si juste, en abandonner le fruit par un compromis qui ne vous vaudrait pas la dixième partie de ce qui vous en a coûté pour vous faire rendre justice ? Cette justice est lente, je l'avoue, mais à la fin il faudra bien rendre un arrêt définitif en votre faveur, puisque vous avez gagné tant d'accessoires . Vous avez nagé dix lieues en mer . Vous lasserez vous à la vue du port ? Non, sans doute, et je crois que c'est l'avis de votre habile avocat pour qui j'ai une si grande vénération .

Ah madame si j'avais jeunesse et santé j'irais comme vous voir l'Italie ; mais je passerais assurément par Vienne .

Les saucés de Francfort sont à vous pour jamais .

V. »

1 Marie-Louise Denis .

2 La comtesse de Choiseul .

3 Le chancelier Kaunitz ; voir lettre du 9 septembre 1758 à la comtesse Bentinck : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2013/10/22/tout-le-monde-avoue-qu-il-faut-etre-philosophe-qu-il-faut-et.html

 

 

Pour moi, je ne mourrai point entre deux capucins .... Pourtant je suis heureux ; ô dieux !

...

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Je mourrais volontiers entre deux cappucino !

 

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« A Jean-Henri-Samuel Formey 1

On m'envoie cette lettre ouverte 2; je profite de l'occasion pour vous souhaiter la santé et la paix . Soyez secrétaire éternel . Votre roi est toujours un homme unique , étonnant, inimitable ; il fait des vers charmants dans les temps où un autre ne pourrait faire une ligne de prose ; il mérite d’être heureux . Mais le sera-t-il ? Et s’il ne l'est pas, que devenez-vous ? Pour moi, je ne mourrai point entre deux capucins 3 . Ce n'était point la peine d'exalter son âme pour voir l'avenir . Quelle plate et détestable comédie que celle de ce monde !

Sum felix tamen , o superi : nullique potestas

haec auferre deo.4

Je vous en souhaite autant et vale .

V.

Aux Délices , le 6 janvier [1760] »

1 Formey transcrivit cette lettre avec des variantes de détail dans une lettre à Algarotti du 12 février 1760

2 Dans une lettre à Formey du 24 décembre 1759, Pierre-Jean Grosley dit lui envoyer un paquet par l'intermédiaire de V* et avec son accord .

3 Comme Maupertuis .

4 Pourtant je suis heureux ; ô dieux ! Et aucune divinité n'a le pouvoir de m'enlever ces biens .

 

12/01/2015

il est des circonstances où un homme qui a eu le malheur d'écrire doit au moins, en qualité de citoyen, réfuter la calomnie

...

 

 

 

« A Pierre ROUSSEAU
au Journal Encyclopédique
[vers le 5 Janvier 1760]. 1
Quelque répugnance, messieurs, qu'on puisse sentir à parler de soi-même au public, et quelque vains que puissent être tous les petits intérêts d'auteurs, vous jugerez peut-être qu'il est des circonstances où un homme qui a eu le malheur d'écrire doit au moins, en qualité de citoyen, réfuter la calomnie. Il n'est pas bien intéressant pour le public que quelques hommes obscurs aient, depuis dix ans, mis leurs ouvrages sous le nom d'un homme obscur tel que moi ; mais il m'est permis d'avertir qu'on m'a souvent apporté, dans ma retraite, des brochures de Paris, qui portaient mon nom avec ce titre : imprimé à Genève.
Je puis protester que non-seulement aucune de ces brochures n'est de moi, mais encore qu'à Genève rien n'est imprimé sans la permission expresse de trois magistrats, et que toutes ces puérilités, pour ne rien dire de pis, sont absolument ignorées dans ce pays, où l'on n'est occupé que de ses devoirs, de son commerce et de l'agriculture, et où les douceurs de la société ne sont jamais aigries par des querelles d'auteurs.
Ceux qui ont voulu troubler ainsi ma vieillesse et mon repos se sont imaginé que je demeurais à Genève. Il est vrai que j'ai pris, depuis longtemps, le parti de la retraite, pour n'être plus en butte aux cabales et aux calomnies qui désolent, à Paris, la littérature ; mais il n'est pas vrai que je me sois retiré à Genève. Mon habitation naturelle est dans des terres que je possède en France, sur la frontière, et auxquelles Sa Majesté a daigné accorder des privilèges et des droits qui me les rendent encore plus précieuses. C'est là que ma principale occupation, assez connue dans le pays, est de cultiver en paix mes campagnes, et de n'être pas inutile à quelques infortunés. Je suis si éloigné d'envoyer à Paris aucun ouvrage que je n'ai aucun commerce, ni direct ni indirect, avec aucun libraire, ni même avec aucun homme de lettres de Paris; et, hors je ne sais quelle tragédie, intitulée l'Orphelin de la Chine, qu'un ami 2 respectable m'arracha il y a cinq à six années, et dont je fis le médiocre présent aux acteurs du Théâtre-Français, je n'ai certainement rien fait imprimer dans cette ville.
J'ai été assez surpris de recevoir, le dernier de décembre, une feuille 3 d'une brochure périodique, intitulée l'Année littéraire, dont j'ignorais absolument l'existence dans ma retraite. Cette feuille était accompagnée d'une petite comédie qui a pour titre la Femme qui a raison, représentée à Karonge, donnée par M. de Voltaire, et imprimée à Genève. Il y a dans ce titre trois faussetés. Cette pièce, telle qu'elle est défigurée par le libraire, n'est assurément pas mon ouvrage ; elle n'a jamais été imprimée à Genève ; il n'y a nul endroit ici qui s'appelle Karonge 4, et j'ajoute que le libraire de Paris qui l'a imprimée sous mon nom, sans mon aveu, est très- répréhensible.
Mais voici une autre réponse aux politesses de l'auteur de l'Année littéraire. La pièce qu'il croit nouvelle fut jouée, il y a douze ans, à Lunéville, dans le palais du roi de Pologne, où j'avais l'honneur de demeurer. Les premières personnes du royaume, pour la naissance, et peut-être pour l'esprit et le goût, la jouèrent en présence de ce monarque. Il suffit de dire que Mme la marquise du Châtelet-Lorraine représenta la Femme qui a raison avec un applaudissement général. On tait par respect le nom des autres personnes illustres qui vivent encore, ou plutôt parla crainte de blesser leur modestie. Une telle assemblée savait, peut-être aussi bien que l'auteur de l'Année littéraire, ce que c'est que la bonne plaisanterie et la bienséance. Les deux tiers de la pièce furent composés par un homme 5 dont j'envierais les talents, si la juste horreur qu'il a pour les tracasseries d'auteur et pour les cabales de théâtre ne l'avait fait renoncer à un art pour lequel il avait beaucoup de génie. Je fis la dernière partie de l'ouvrage ; je remis ensuite le tout en trois actes, avec quelques changements légers que cette forme exigeait. Ce petit divertissement en trois actes, qui n'a jamais été destiné au public, est très-différent de la pièce qu'on a très-mal à propos imprimée sous mon nom.

Vous voyez, messieurs, que je ne suis pas le seul qui doive des remerciements à l'auteur de l'Année littéraire, pour ces belles imputations de grossièreté tudesque, de bassesse, et d'indécence, qu'il prodigue 6. Le roi de Pologne, les premières dames du royaume, des princes mêmes, peuvent en prendre leur part avec la même reconnaissance ; et le respectable auteur que j'aidai dans cette fête doit partager les mêmes sentiments.
Je me suis informé de ce qu'était cette Année littéraire, et j'ai appris que c'est un ouvrage où les hommes les plus célèbres que nous ayons dans la littérature sont souvent outragés. C'est pour moi un nouveau sujet de remerciement. J'ai parcouru quelques pages de la brochure; j'y ai trouvé quelques injures un peu fortes contre M. Lemierre. On l'y traite d'homme sans génie, de plagiaire, de joueur de gobelets, parce que ce jeune homme estimable a remporté trois 7 prix à notre Académie, et qu'il a réussi dans une tragédie longtemps honorée des suffrages encourageants du public.
Je dois dire en général, et sans avoir personne en vue, qu'il est un peu hardi de s'ériger en juge de tous les ouvrages, et qu'il vaudrait mieux en faire de bons.
La satire en vers, et même en beaux vers, est aujourd'hui décriée ; à plus forte raison la satire en prose, surtout quand on y réussit d'autant plus mal qu'il est plus aisé d'écrire en ce pitoyable genre. Je suis très-éloigné de caractériser ici l'auteur de l'Année littéraire, qui m'est absolument inconnu. On me dit qu'il est depuis longtemps mon ennemi. A la bonne heure ! on a beau me le dire, je vous assure que je n'en sais rien.
Si, dans la crise où est l'Europe, et dans les malheurs qui désolent tant d'États, il est encore quelques amateurs de la littérature qui s'amusent du bien et du mal qu'elle peut produire, je les prie de croire que je méprise la satire, et que je n'en fais point. »

1 Cette lettre a été imprimée dans le Journal encyclopédique, daté du 1er janvier 1760, page 110, comme adressée aux auteurs de ce journal, que rédigeait Pierre Rousseau. Elle a été reproduite dans le Mercure de 1760, tome II de janvier, page 143.

Copie Beaumarchais-Kehl ; « Lettre de M. de Voltaire au sujet de La Femme qui a raison, adressée aux auteurs de ce journal » : Journal encyclopédique, Bouillon,1er janvier 1760, c'est le texte le plus ancien et qui , en conséquence, a té suivi de préférence à celui du Mercure de France de janvier 1760 que reprend la copie Beaumarchais . Malgré la date du 1er janvier que donne l'éditeur, la lettre correspond à celles des 4 et 7 janvier 176 à Thieriot et Mme d'Epinay , d'où la date proposée . Le Journal encyclopédique accompagne la lettre de la note suivante : Lorsque M. de Voltaire nous a fait l'honneur de nous adresser cette lettre, il n'avait pas sans doute encore reçu le volume de notre journal dans lequel nous rendons compte de cette comédie . Si sur la foi du titre, nous l'avons présentée comme étant de cet illustre auteur, du moins avons nous la consolation d'avoir rendu justice à ce qu'il y avait de bon . Pouvait-on, aux traits que nous avons cité, méconnaître sa plume ? Ces beautés nous ont induits en erreur ; nous en convenons de bonne foi ; et d'ailleurs nous ne présumions pas qu'il y eût des hommes assez impudents pour mettre le nom d'un auteur à un ouvrage qu'il n'a point fait . »

3Fréron avait commencé la guerre à l'occasion de Candide, puis de la Femme qui a raison. La lettre de Voltaire la décida. Fréron y répondit dans l'Année littéraire, 1700, tome IV, page 7. Il feint de croire que la lettre n'est pas de Voltaire. (Beuchot) . C'est la malsemaine dont Voltaire parle dans la lettre du 15 décembre 1759 à Thieriot : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2014/12/25/quid-agis-dulcissime-rerum-que-fais-tu-toi-qui-m-est-cher-en-5520053.html

Voir aussi lettre du 4 janvier à Thieriot : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2015/01/11/j-aime-il-est-vrai-tirer-sur-le-jesuite-sur-le-moliniste-sur-5531064.html

4 L'édition de 1759 de la Femme qui a raison ne portait pas sur le titre Karonge, comme le dit Voltaire, mais Caronge, ainsi que Beuchot l'a dit page 573 du tome IV. Le nom du village, aujourd'hui ville de Carouge, près de Genève, étant ainsi défiguré, Voltaire faisait une observation juste, mais sévère, et sur laquelle il savait bien à quoi s'en tenir.

5 Sans doute Saint-Lambert, selon Clogenson . Mais rien de ce que dit V* ne s'applique à lui , ce qui est bien naturel puisque la pièce est toute de V* lui-même .

6 Le 12 novembre 1759, dans un article de l'Année littéraire, VII, 145-188, à l'occasion d'un compte rendu de la tragédie d'Hypermnestre, Fréon se vengea en publiant dans le numéro de son journal du 26 mai 1760 un compte rendu satirique de la présente lettre .

7 Lemierre, auteur entre autres de Guillaume Tell, obtint au total cinq prix académiques sans être pour autant un plus grand auteur dramatique .

 

11/01/2015

Il me semble que le temps présent n'est pas celui d'écrire, mais de se battre,..., et ne devoir la paix qu'à son courage

... No comment !

Ayons ce courage voltairien sans cesse !

 souhaits.jpg

 http://prixpublicpaix.org/les-24-h-pour-la-paix-2015/

 

« A François de Chennevières

5 janvier 1760

Je ne peux commencer l'année par de jolis vers comme vous, mon cher monsieur, ma santé un peu altérée influe un peu sur ma pauvre imagination, mais on peut très bien manquer d'esprit sans manquer de reconnaissance ; si vous voulez des vers, Mlle de Bazincour vous en fera ; elle m’en montra ces jours passés de très jolis de sa façon, et dans lesquels il n'y avait qu'une faute très légère ; tout malingre que je suis il m'a fallu pourtant faire un peu de prose . Permettez que je vous l'envoie et que je vous supplie de la faire passer à sa destination , elle ne mérite pas le port immense qu'elle coûterait à ceux qui la recevrait .

Il me semble qu'il y a autant de tracasseries au Parnasse que dans les cours ; on me mande de tous côtés qu'on croit Marmontel auteur d'une détestable parodie contre M. le duc d'Aumont et de M. d'Argental ; on le croit à la Bastille 1, et moi qui crois peu de chose, je ne crois assurément rien de tout cela . Ce ne peut être qu'un laquais de comédien qui ait fait cet impertinent ouvrage ; et si c'était le laquais de Marmontel, il l'aurait sans doute chassé . Il me semble que le temps présent n'est pas celui d'écrire, mais de se battre, et puisque le roi a donné un si grand exemple en se privant de son argenterie, et que la nation l'a suivi; elle doit actuellement employer le fer contre les Anglais et les Hanovriens, et ne devoir la paix qu'à son courage ; on attend beaucoup de M. le maréchal de Broglie ; j'ai ouï dire il y a plus de douze ans à M. le maréchal de Belle-Isle, que s'il y avait quelqu'un qui pût rétablir les affaires de la France ce serait M. de Broglie . Il me semble que cela fait bien de l'honneur à tous deux, car alors M. le maréchal de Belle-Isle n'était pas trop bien avec le père 2 .

Mandez-moi je vous prie quelle est la sœur de votre aimable ministre M. le duc de Choiseul 3. N'y a-t-il rien de nouveau ? Vale et nos ama 4 . Respects à la sœur du pot .

Je vous demande pardon de l'endosse que je vous donne, de faire cacheter pour moi trois paquets . J'abuse de votre amitié . Mais vous le pardonnerez . »

2 C'était pendant les négociations qui devaient aboutir à la paix d'Aix-la-Chapelle en 1748 .

3 Il s'agissait de Béatrix de Choiseul-Stainville, femme d'Antoine-Antonin, duc de Gramont .

4 Porte-toi bien et aime-nous .