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24/01/2015

Vous me ferez un grand plaisir de m'écrire quelquefois

... Quelque commentaire de votre goût .

 

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« A Cosimo Alessandro Collini

A Tournay par Genève

21 janvier [1760]

Mon cher secrétaire intime de Son Altesse électorale, je reconnais votre bon cœur, à la manière tendre et pathétique dont vous me parlez de M. Pierron 1, et surtout à votre attachement pour le meilleur prince qu'il y ait sur la terre . Vous voilà heureux, puisque vous êtes auprès de lui ; j'espère 2, tout malingre que je suis, partager votre bonheur cet été . Vous me ferez un grand plaisir de m'écrire quelquefois, surtout quand les braves troupes palatines auront remporté quelque avantage .

Je vous embrasse de tout mon cœur .

V. COMTE DE TOURNAY 3

Mettez un petit pain 4 à la lettre pour M. Pierron . »

2 Le mot suivant qui est peut-être « aussi » a été soigneusement biffé .

3 Voici ce que dit Colini, dans ses Mémoires, au sujet de cette signature : « Voltaire signa quelque temps de la sorte, après avoir acquis la terre de Tournay. Ses ennemis ne virent pas que c'était une plaisanterie, et accusèrent ce grand homme d'une vanité ridicule. Il avait pris ce titre de comte comme il prit ensuite celui de frère Voltaire, capucin indigne, lorsque les capucins du pays de Gex l'eurent nommé (1770) leur père temporel. »

4 Cachetez (petit pain de cire ).

 

 

23/01/2015

I am indeed yr friend, since you are a man without prejudices, a man of every country / Je suis, à la vérité, votre ami, depuis que vous êtes un homme sans préjugés, un citoyen de tous pays

... "Sans préjugés", "de tous pays" : quel rêve pour quiconque aime la paix et l'union fraternelle .

Mais comme on est loin de cela quand on voit tant d'envie de divisions chez ces humains qui revendiquent quelques arpents d'une terre qui n'a ni Dieu ni maître en réalité et qui aura le dernier mot en recyclant leurs misérables carcasses . Comme on est loin de l'humanisme d'un mien grand-père, né en 1880, et qui a toujours trouvé stupide la notion de frontières territoriales, qui sont loin d'être des garants de paix, qui sont bonnes seulement pour ceux qui ont peur de "l'autre".

 

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C'est mieux comme ça !

 http://www.lepartenariat.org/?option=com_content&view=article&id=15&Itemid=115

 

« A George Keate

You are not, dear Sir, like most of yr countrymen, who forget their friendships contracted in terra so soon as they are pent up in their island. You remember me. I am indeed yr friend, since you are a man without prejudices, a man of every country. Had I not fixed the seat of my retreat in the free corner of Geneva, I would certainly live in the free kingdom of England ; for though I do not like the monstrous irregularities of Shakespear, though I admire but some lively and masterly strokes in his performances, yet I am confident no body in the world looks with a greater veneration on yr good philosophers, on the croud of yr good authors ; and I am these thirty years the disciple of yr way of thinking. Yr nation is at once a people of warriours and of philosophers. You are now at the pitch of glory, in regard to publick affairs ; but I know not whether you have preserv'd the reputation yr island enjoy'd in point of litterature when Addison, Congreve, Pope, Swift, were alive. However, you kan not be so low as we are. Poor France, at the present time, has neither navy, nor money, nor plate, nor fame, nor wit. We are at the ebb of all. I have read the life of Mme de Pompadour, printed at London 1. Indeed, Sir, t'is a scurrilous book. I assure you there is not one page of truth.
Pray, in case some good book appears into yr world, let me be inform'd of it 2.
Adieu, mon cher jeune philosophe, je compte sur votre souvenir, et je vous aimerai toujours.
Yr for ever,
Voltaire

Aux Délices 16 janvier 1760 n.s. ».

1 Communiquée à l'Illustrated London News, par M. John Henderson, esq. (voir la lettre du 20 juin 1759 à Keate : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2014/08/07/i... ). L'original, en anglais, est de la main de Voltaire.

2 Traduction: « Vous n’êtes pas, cher monsieur, comme beaucoup de vos compatriotes, qui oublient leurs amitiés contractées sur le continent aussitôt qu'ils sont rentrés dans leur ile. Vous vous souvenez de moi. Je suis, à la vérité, votre ami, depuis que vous êtes un homme sans préjugés, un citoyen de tous pays. Si je n'avais pas fixé le lieu de ma retraite près du libre territoire de Genève, j'aurais certainement voulu vivre dans le libre royaume d'Angleterre : car, quoique je n'aime pas les monstrueuses irrégularités de Shakespeare, je ne laisse pas d'admirer les traits de génie qui brillent dans ses créations; j'ai la certitude que personne n'a plus de vénération pour vos bons philosophes, pour la foule de vos bons auteurs. Voici trente ans que je suis votre disciple dans la manière de penser. Votre nation est à la fois un peuple de guerriers et de philosophes. Vous êtes maintenant au faite de la gloire, quant aux affaires publiques. Mais je ne sais si vous avez gardé la réputation dont votre ile jouissait, sous le rapport de la littérature, lorsque Addison, Congrève, Pope, Swift, étaient vivants. En tout cas vous ne pouvez être aussi bas que nous. Pauvre France! aujourd'hui elle n'a plus ni marine, ni monnaie, ni vaisselle d'argent, ni renommée, ni esprit. Nous sommes au déclin de tout.
J'ai lu la
Vie de Mme de Pompadour, imprimée à Londres. En vérité, monsieur, c'est un livre bouffon. Je vous certifie qu'il ne s'y trouve pas une page de vérité.
Je vous prie, si quelque bon ouvrage parait parmi vous, de m'en informer. »

 

22/01/2015

être tympanisé par un faquin comme Fréron, c'est être condamné aux bêtes

...

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Voir un petit texte de Balzac : http://fr.wikisource.org/wiki/Sc%C3%A8nes_de_la_vie_priv%...

 On peu y lire , sans fatwah : " Mahomet a été bien grand quand il a vu quelqu’un pour soutenir à tort et à travers qu’il était prophète."

 

 

« A François de Chennevières

premier commis de la guerre

etc.

à Versailles

16 janvier [1760]

Puisque Marmontel 1 est à la Bastille , vous voyez mon cher monsieur que ce n'est plus à lui que s'adresse le petit avertissement qui doit être dans le Mercure 2. Je vous supplie de le faire parvenir au bureau de ce journal quelque soit l'auteur qui en soit chargé . Je vous avoue que je serais bien aise que cet avertissement fût un peu connu . Il est très désagréable à mon âge d'être tympanisé 3 par un faquin comme Fréron, c'est être condamné aux bêtes . Je vous serai obligé d'envoyer les lettres à leur destination . Nous vous faisons tous les plus tendres compliments .

V. »

1 Le 27 avril 1758, Mme de Pompadour le fit nommer auteur du Mercure de France avec pour auxiliaires Coste et Suard. Pour avoir mécontenté le duc d'Aumont, il fit un bref séjour à la Bastille, du 28 décembre 1759 au 7 janvier 1760 (lettre de M. à Diderot, Corr., t. I, n 50 ; Mercure de France, mars 1758, p. 480 et suiv.).

2 Le texte envoyé par V* est celui de la lettre du 5 janvier 1760 au Journal encyclopédique : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2015/01/12/il-est-des-circonstances-ou-un-homme-qui-a-eu-le-malheur-d-ecrire-doit-au-m.html

et qui parut dans Le Mercure peu après l'édition du Journal encyclopédique de Pierre Rousseau .

3 Tympaniser signifie « signaler bruyamment » ; http://fr.wiktionary.org/wiki/tympaniser

 

 

demain matin vous aurez le terrible salmigondis qui la suit et qui fera dresser les cheveux sur la tête

... Je n'ai pas besoin de vous préciser qu'il s'agit là, du "salmigondis" des déclarations de l'inénarrable blonde-couleurs-et-pointes Marine Le Pen , jamais en peine pour ratisser large et tenter de rallier tout ce qui peut rapporter voix, fric, pouvoir .

Continue ton cirque Marine, tu n'amuses que ton vieux crouton de père qui pédale de plus en plus dans la semoule, je ne te dis pas le couscous qu'il nous prépare, immangeable, comme toi tu es imbuvable !

A ce propos voir sans attendre le numéro 218 de Vigousse , et en particulier ici, Caro : http://www.vigousse.ch/dessins.php

 

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 A vue de nez c'est la Marine Nazionale

 

« A Gabriel Cramer

[janvier 1760 ?]

[…] demain matin vous aurez le terrible salmigondis qui la suit et qui fera dresser les cheveux sur la tête . Le tout ensemble fera mourir une douzaine de jésuites subitement . Quant à vos prêtres je tirerai dessus à balle des créneaux de Tournay. »1

1 Manuscrit olographe qui ne consiste que dans une feuille dont le haut est déchiré . Ce billet pourrait se rapporter à la Relation du voyage de frère Garassise, neveu de Frère Garasse, successeur de frère Berthier, que V* appelait la Berthiade-Garassise . Elle fut d'abord publiée dans l'édition de 1760 de La Relation […] du jésuite Berthier .

 

21/01/2015

prescrire une méthode générale que je tâcherais de proportionner aux différents tempéraments, en donnant, par exemple, des doses plus fortes aux tempéraments plus robustes ?

... Voltaire nous fait une démonstration de médecine holistique avant l'heure , avec de pauvres moyens, mais le coeur y est .

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 Et pour qui est le remède de cheval ?

 

 

« A Monsieur le docteur Théodore Tronchin

à Genève

[janvier 1760]

Mémoire

Les maladies continuent dans les campagnes, ce sont des fièvres doubles tierces , ou continues avec redoublement . Plusieurs malades sont attaqués d'un flux de sang, sont fort agités, et ont beaucoup d'inquiétude dans les jambes . Le domestique qui m'est mort aux Délices, et qui avait éprouvé ces symptômes commença, dès qu'il se sentit attaqué, par aller se faire saigner à Genève, sans consulter personne ; prit beaucoup de quinquina et augmenta beaucoup son mal . Un de ses frères, fermier dans le pays, lui amena un médecin fort fameux du village de Chêne . Cet illustre médecin qui je crois ne sait pas lire, a fait languir le malade tout le moins qu'il a pu .

J'ai traité le jeune garçon dont je prends soin en suivant de point en point les ordres de monsieur Tronchin . Il est dans la convalescence ; je traiterai de même les fièvres qui ne sont point accompagnées de flux de sang, mais pour ces dernières qui courent aussi dans Genève, et dont monsieur Tronchin a connu le caractère, pourrait-il avoir la bonté de me prescrire une méthode générale que je tâcherais de proportionner aux différents tempéraments, en donnant, par exemple, des doses plus fortes aux tempéraments plus robustes ?

Notre pays de Gex n'est pas assez peuplé pour y tuer nos laboureurs et nos vignerons .

Mon cher docteur, quand je vins ici je ne m'attendais pas que je serai en vie en 1760, et que j'aurais soin de la vie des autres . Vous avez raison de dire que la vie qui reste aux Français est bien malheureuse . On les a traités comme le médecin de Chêne a traité mon domestique . N'êtes-vous pas dans le cas de souffrir beaucoup des remèdes de nos ministres ? n'avez-vous pas une suppression d'annuités et de billets ? J'ai peur que le mal ne soit incurable .

A dimanche .

V. »

 

faut-il plutôt laisser faire la nature ?

...

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 Après l'épilation, soins anti-rides et une petite liposuccion ?

 

 

« A Théodore Tronchin

professeur

[janvier 1760]

Dieu d'Epidaure, quelle est donc cette maladie qui attaque tant de monde ? J'ai neuf malades à Ferney, tous ayant la même fièvre .

Quelle est la méthode générale qu'il faut suivre dans ce mal endémique ?

Il m’est mort aux Délices un garçon de trente ans très vigoureux et de plus excellent sujet que je regrette .

L'enfant dont je vous ai importuné m'inquiète . Fièvre continue avec redoublements, ventre tendu comme un tambour, deux fois l'émétique, répugnance invincible au petit lait . Faudra-t-il une troisième dose de deux grains dans deux pintes ou chopines 1 d'eau de chicorée, faut-il plutôt de la manne 2, faut-il plutôt laisser faire la nature ? Que signifie ce ventre tendu comme un tambour de basque ?

Vous ne me parlez point de mademoiselle votre fille . Parlez-moi du moins de nos flottes . Vale et ama nos .3

V. »

1 Ou chopines est ajouté au dessus de la ligne .

2 Laxatif , fraximus ornus

3 Porte-toi bien et aime nous .

 

 

20/01/2015

il est désagréable qu'on m'impute continuellement des sottises que je n'ai pas seulement lues, et que je méprise autant que la plupart des brochures de Paris

... Voila ce qu'aurait pu dire le monde musulman s'il avait été un tant soit peu civilisé et  tolérant .

On a vu  plutôt  des bas-de-plafond faire parler les balles et les machettes . C'est trop leur demander que d'épargner des vies , ce sont des impuissants qui croient dominer le monde par la terreur ; je leur dit : "vos jours sont comptés", et tout comme il est écrit :

Dn 5,24. C'est pourquoi Il a envoyé l'extrémité de cette main, qui a écrit ce qui est marqué sur la muraille.

Dn 5,25. Or voici l'écriture qui a été tracée: Mané, Thécel, Pharès.

Dn 5,26. Et voici l'interprétation de ces mots. Mané: Dieu a compté ton règne et y a mis fin.

Dn 5,27. Thécel: tu as été pesé dans la balance, et tu as été trouvé trop léger.

Dn 5,28. Pharès: ton royaume a été divisé, et donné aux Mèdes et aux Perses.

Et j'ajouterai que ce n'est pas LE prophète barbu qui est prétexte à guerre prétendue sainte , qui pourra y changer quoi que ce soit : vous périrez, vous pourrirez .

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« A Michel Lambert 1

Libraire

proche la Comédie française

à Paris

[vers le 15 janvier 1760]2

Je suis obligé , monsieur, de me plaindre à vous, de ce que vous avez imprimé sous mon nom une comédie intitulée La Femme qui a raison, sans me consulter . Elle n'est certainement pas de moi dans l'état pitoyable où je l'ai vue ; et je n'ai pas mérité que vous me fissiez cet outrage , qui choque également les bienséances et les lois ; il n'est certainement pas permis de se servir du nom de qui que ce soit sans son aveu . On me mande aussi de Paris que vous imprimez souvent des injures contre moi dans un ouvrage périodique, intitulé l'Année littéraire . Comme je ne me suis attiré, monsieur, ni aucun de ces procédés, ni aucun de ces outrages, je crois que vous devez vous les reprocher . Je suis très loin d'y faire une attention sérieuse, mais il est désagréable qu'on m'impute continuellement des sottises que je n'ai pas seulement lues, et que je méprise autant que la plupart des brochures de Paris sont méprisables, vous pouvez gagner de l'argent par des voies plus dignes de vous et de votre profession.

Voltaire

gentilhomme ordinaire du roi

l'un des 40 de l'Académie »

2 Pour la suite des relations avec Michel Lambert, citons un extrait d'une lettre de Gabriel Cramer à Grimm, du 4 février 1760 : « Si M. Lambert nous eût fait il y a trois ou quatre ans, l'ouverture qu'il nous fait aujourd'hui par votre canal , il aurait et nous aussi beaucoup d'argent qui a passé en d’assez mauvaises mains ; car à vous en parler vrai , nos relations avec Robin ne m'ont jamais plu ; je ne sais comment diable tout cela s'est enfilé, car je n'ai jamais compris la nécessité de faire à mes dépens, la fortune d'un homme à qui elle ne va pas du tout . Si donc M. Lambert est de bonne foi dans l'intention de se lier avec nous, et de ne rien contrefaire de ce que je lui enverrai, je consens de tout mon cœur à rompre avec Robin, avec lequel je puis terminer dans quinze jours . Nous pourrions commencer M. Lambert et moi sous des auspices assez passables : le czar, l'infâme ,,,[La Pucelle] , et des petits chapitres . Le czar (je parle du premier volume) est en magasin depuis plusieurs mois ; les cartes de M. Danville sont arrivées ici, l'exemplaire envoyé à Pétersbourg n'est point parvenu, on en renvoiera un autre, et l'on n'attend qu'une approbation du grand chambellan pour achever l'ouvrage ; lequel sera mis sous presse sur-le-champ, puis expédié à Paris en tel nombre que l'on jugera convenable . Il y aura une édition en 8° et une édition 12° . la chère infâme est toute prête à paraître au grand jour, sa parure est la plus élégante du monde ; nous attendons des gravures délicieuses (quoiqu'honnêtes) que nous avons fait faire pour rendre la chose plus touchante . Quant au volume de mélanges je compte qu'au premier jour je le mettrai sous presse ; mais il me semble que pour celui-là je serais embarrassé à refuser à Robin un nombre d'exemplaires pour compléter ce qui peut lui rester des œuvres . L'analyse de l'Esprit est partie depuis quinze jours ; j'ai donné ordre à Robin de vous remettre tous les exemplaires que vous aurez la bonté de lui demander . […] vous ne connaissez pas encore le Voyage de frère Garassise à Lisbonne ; il est sous presse à la suite de la Bertiade ; si nous nous arrangeons avec M. Lambert, ce sera la dernière chose que recevra Robin . »

Le 27 avril 1760, dans sa lettre à d'Argental, V* écrit : «  Faudra-t-il qu'un libraire, tel que Michel Lambert, qui a l'insolence d'imprimer toutes les pauvretés que Fréron débite contre moi, gagne cent louis d'or à imprimer malgré moi mon ouvrage? Cela est-il juste ? »