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01/03/2015

s'il n'y fallait pas demander permission de penser

... Il serait peut-être quelques partis politiques, quelques pays , quelques religions où le port des oeillères et de la bride et du mors serait banni à jamais , mais je crois bien que je rêve, que je m'illusionne , hélas .

Pour actualiser mes opinions, Roger Karoutchi, UMP, vient de me donner un bel exemple de pensée fuyante ; lors de l'émission ONPC, j'ai vu un admirable/détestable exemple de lâcheté d'un nanti sénateur qui est pour moi le type même du parasite , et dire qu'il n'est pas seul de son avis, ça donne des envies de révolution de la constitution . Gras à double menton, sapé comme un milord/mac ( trop poli pour être honnête  comme on dit ); pouah !! pas étonnant qu'il soit du bord  Sarkozy .

permission de penser.jpg

 Mon Dieu ! que penser ?

 

« A Pierre-Michel HENNIN. 1
Par Genève , aux Délices, 27 février 1760 .
Monsieur, vous êtes bien bon de vous ressouvenir de moi lorsque, après avoir vu le Pausilippe, vous allez revoir les salines de Pologne 2. J'aimerais comme vous l'Italie, s'il n'y fallait pas demander permission de penser à un jacobin 3; mais je n'aimerais pas la Pologne, quand même on y penserait sans demander permission à personne. Je vous souhaite beaucoup de plaisir, et à M. le marquis de Paulmy, avec les palatins et les palatines. Tâchez surtout de conserver votre santé dans vos voyages. Autrefois on envoyait chez les Suisses et chez les Polonais des hommes vigoureux qui tenaient tête, à table, aux deux républiques ; aujourd'hui on n'y envoie que des gens d'esprit. Leur seule instruction était : bibat aut moriatur 4; mais il paraît qu'aujourd'hui leur instruction est de plaire.
Vous avez, monsieur, à la tête des affaires étrangères, un homme 5 d'un rare mérite, bien fait pour connaître le vôtre. Je lui suis passionnément attaché par inclination et par reconnaissance.
Il donnera sûrement à son ministère plus de force et de noblesse qu'il n'en a eu jusqu'ici. Je souhaite qu'il soit aussi aisé d'avoir de l'argent qu'il lui est naturel d'avoir de grands sentiments.
Vous m'étonnez beaucoup, monsieur, de dire que vous repasserez par Berlin 6. Je me flatte au moins que vous ne verrez pas le roi de Prusse à Dresde. Jamais prince n'a donné plus de batailles et fait plus de vers. Plût à Dieu que, pour le bien de l'Europe, vous le trouvassiez à Sans-Souci faisant un opéra ! Vous trouverez le roi de Pologne moins poète et moins guerrier; mais vous ferez la Saint-Hubert avec lui, et c'est une grande consolation. Vous aurez le plaisir de voir en passant l'armée russe couchée sur la neige, et vous l'exhorterez à aller coucher à Leipsick.
Au reste, monsieur, je conçois que cette sorte de vie doit vous être agréable : ce sont toujours des objets nouveaux ; vous avez le plaisir de vous instruire, et de servir le roi : cela vaut bien les soupers de Paris, où, de mon temps, tout le monde parlait à la fois sans s'entendre. Je ne crois pas qu'aujourd'hui notre capitale ait lieu de penser qu'on n'est bien que chez elle. Je suis bien sûr que vous ne la regretterez pas plus dans vos voyages que moi dans ma retraite. Il faudrait être bien bon pour croire qu'on ne peut être heureux que dans la paroisse de Saint-Sulpice ou de Saint- Eustache.
Vous verrez probablement de grands événements : c'est le Nord qui est le grand théâtre ; mais c'est l'Angleterre qui joue le plus beau rôle. Le nôtre n'est pas aujourd'hui si brillant ; mais M. de Paulmy et vous, vous serez comme Baron et la Champmêlé, qui faisaient valoir les pièces de Pradon.
Je vous demande pardon de ne pas vous écrire de ma main, étant un peu malingre. Les sentiments de mon cœur pour vous n'en sont pas moins vifs ; je me vante d'avoir senti tout d'un coup tout ce que vous valez. Je vous prie de me conserver un peu d'amitié; je suis entièrement à vos ordres, et c'est avec tous les sentiments que vous méritez que j'ai l'honneur d'être passionnément,

monsieur,

votre très humble et très obéissant serviteur

Voltaire.

Si vous et M. de Paulmy étiez d'honnêtes gens, vous passeriez par chez nous. »

2 Hennin a écrit à V*, février 1760 : « J'ai parcouru l'Italie avec cette avide curiosité qu'il est si naturel d'avoir à mon âge […] J''espérais , monsieur, pouvoir à mon retour vous entretenir des merveilles qui se sont offertes à mes yeux pendant le peu de mois que j'ai passés dans ce beau pays . J'avais même à vous faire part de quelques anecdotes particulières qui vous intéressent et dont je comptais rire avec vous . Mais on s'est souvenu de moi […] on m'envoie en Pologne avec un traitement honnête et beaucoup de promesses […] Vous connaissez […] le nouvel ambassadeur et […] on ne peut pas être exilé en meilleure compagnie . Je dis exilé pour me conformer aux idées de ce pays-ci, car je serai plus injuste qu'un autre si j'essayais d'accréditer le préjugé badaud qu'on ne vit qu’à Paris . »

3 C'est-à-dire l'inquisition , voir la lettre du 21 mars 1760 à la duchesse de Saxe-Gotha où il développe l'allusion .

4 Qu'il boive ou qu'il crève .

5 Le duc de Choiseul.

6 « Je compte ne pas rentrer en France sans avoir revu Berlin […] il me sera doux d'entendre votre bruyant disciple dire quand j’étais un héros […] . »

 

28/02/2015

ne connaissant rien que je puisse préférer, ni même comparer à la liberté

... La liberté d'opinion se paye au prix le plus fort sur notre globe, l'assassinat est la réponse des faibles d'esprit pour les opposants .

Précisément, il n'est pas bon de s'opposer au clan Poutine, Boris Nemtsov (que j'avoue ne pas connaitre, et j'en ai appris assez peu sur Wiki qui a pourtant réagi en temps réel : http://fr.wikipedia.org/wiki/Boris_Nemtsov) n'en a désormais plus le loisir .

http://www.lesechos.fr/monde/europe/0204190674421-lopposant-russe-boris-nemtsov-abattu-a-moscou-1097531.php

Ces tueurs finiront bien par s'entretuer dès que le moindre profit sera en jeu, et ça ne sera que logique ; qu'ils commencent tout de suite ne me dérangerait pas plus que ça !

 

 Il est aussi Charlie !

boris nemtsov.jpg

 http://nemtsov.ru/

 

 

« A Louis-Gaspard Fabry

Monsieur,

Messieurs les fermiers généraux me mandent que l'affaire pour l'affranchissement du pays de Gex, est portée au conseil du roi . C'est apparemment M. l'intendant de Bourgogne qui l'y a portée ; en ce cas, l'affaire trainera longtemps , le conseil n'y ayant aucun intérêt, et les fermiers généraux persistant dans leur idée qu'il leur faut un dédommagement considérable ; peut-être si on offrait au roi, dans le pressant besoin où il est d'argent, une somme de cent mille écus , on forcerait les fermiers généraux à recevoir la loi que vous imposeriez ; cette loi deviendrait irrévocable, et le pays serait délivré pour jamais de la vexation insupportable sous laquelle il gémit et vous seriez regardé comme son bienfaiteur .

À l'égard de l'affaire très désagréable de mes blés, messieurs les fermiers généraux m'ont mandé qu'ils ont cassé le directeur et le contrôleur dont je me plaignais . Mais ils m'ont tous deux demandé pardon ; ils ont fait voir évidemment que toute la mauvaise manœuvre venait du brigadier , nommé Crêpet ; cet homme est en effet le plus coupable ; c'est lui qui a dressé le faux procès-verbal, et qui l'a fait signer au directeur . C'est lui, assurément qui doit être le plus puni ; il a pris quatre fois plus de bois dans mes forêts que je ne lui en avais accordé ; et il n'a arrêté illégalement les voitures de mes domestiques que pour se venger du frein que j'avais mis à ses déprédations . Mes gardes affirmeront par serment ce que j'ai l'honneur de vous dire .

Il est d'ailleurs public qu'il fait de la contrebande continuellement . Je serais bien étonné que M. l'intendant de Bourgogne en crût le procès-verbal d'un tel misérable, procès-verbal démontré faux, dressé le 25 et daté du 24, procès-verbal dans lequel il dit contre toute vérité que mes chevaux avaient passé de quatre pas le bureau, ce qui est démenti depuis par tous les témoins . J’étais certainement en règle, puisque le bureau n'a jamais été passé, c'est la loi établie par le conseil, il n'y en a pas d'autre .

On ne peut donc juger ce procès qu'en interrogeant les témoins prêts à déposer que mes domestiques n'ont point passé le bureau . Il faut donc absolument commettre des juges à Gex qui interrogent ces témoins . Tout cela me parait plus clair que le jour ; et il ne me paraît pas moins clair que ces employés sont la ruine de la province .

Je m'en rapporte entièrement à vous, monsieur, sur ces deux objets . Si je n'ai pas une justice complète des employés cela ne m'invite pas à acheter la terre de Tournay ; j'affermerai plutôt celle de Ferney , et je resterai dans la retraite que j'ai choisie, ne connaissant rien que je puisse préférer, ni même comparer à la liberté .

Je me flatte que votre amitié contribuera à me faire jouir de mes terres avec les agréments que j'en espère .

J'ai l'honneur d'être avec bien de l'attachement et de la reconnaissance

monsieur

votre très humble et très obéissant serviteur

Voltaire

27è février 1760 aux Délices »

 

 

 

27/02/2015

il paraît qu'il perd sa peine et son huile avec le parlement de Paris ; franchement, je ne sais pas à quoi tout ceci aboutira

... Je plains Manuel Valls et ces quelques ministres qui veulent faire évoluer les lois logiquement, sans se retrancher derrière des arguments qui semblent être le propre de certains rétrogrades du PS - les frondeurs- que je nomme plutôt effondreurs et que Macron ne craint pas de nommer justement des "fainéants" .

Je crois qu'il existe bien des manières de tenter de se faire remarquer sans nuire à son pays , mais c'est trop demander sans doute à ces gugusses, politicards préhistoriques, lumignons qui se prennent pour des phares (tout juste bons à allumer des pet's !).

 http://www.leparisien.fr/politique/macron-fustige-les-jeux-d-appareil-et-la-politique-des-faineants-26-02-2015-4561109.php

 

RoisFaineants.gif

 Vue de l'intérieur d'un crâne de frondeur PS

 

« A Ami Camp

à Lyon

27è février 1760 aux Délices

Je vous remercie, monsieur, de vos tonneaux de vin qui sont enfin venus à bon port ; mais je ne peux remercier les voituriers qui m'en ont bu cinquante bouteilles . Heureusement ces coquins-là ne boivent point d'huile ; aussi j'espère que mon huile arrivera entière . Pour M. Bertin 1 il paraît qu'il perd sa peine et son huile avec le parlement de Paris ; franchement, je ne sais pas à quoi tout ceci aboutira ; on dit que les effets publics tombent journellement de la chute la plus grave . Cela fait tomber de chagrin les gens qui bâtissent, et qui ont soixante personnes à nourrir ; s'il y a quelque arrangement nouveau vous me ferez un extrême plaisir de m'en instruire .

Quand croyez-vous que notre ami revienne 2? Faites-lui , je vous en prie, mes compliments ; je ne veux pas le fatiguer par mes inutiles lettres ; il doit avoir trop d'occupations ; je compte bien sur lui en cas qu'il trouve un débouché pour ces pauvres annuités et pour ces billets de loterie .

De tout mon cœur votre très humble obéissant serviteur

Voltaire »

2 Jean-Robert Tronchin qui est allé à Paris .

 

26/02/2015

Je digère mal, mais il est constipé, il ne rend rien

...

 

« A François Tronchin

Mon cher confrère, vous faites des tragédies comme moi, et vous entendez les affaires mieux que moi . Je vous fais juge . Voici ma lettre à notre ami Labat 1. Je vous demande en grâce de la lire, et de la lui donner . Il faut que le docteur le purge . Je digère mal, mais il est constipé, il ne rend rien .

En un mot jugez-nous, je n'appellerai point votre arrêt .

Je vous embrasse . Mme Denis en fait autant . Quand aurons-nous l'honneur de dîner avec vous ?

V.

25 [février 1760] au soir »

 

il est vrai que je digère mal . Il n'est pas moins vrai que je n'ai pu digérer votre refus de me donner une quittance générale après que je vous en ai donné une

... Est-ce une phrase issue du procès de l'affaire Bettencourt- Banier - de Maistre - Cassina Vejarano - Pascal Wilhelm - Woerth - Sarkozy par ricochet - etc. Affaire où le mensonge est roi, c'est du grand n'importe quoi, qu'on sorte vite l'insecticide le plus puissant pour éliminer les vermines parasites .

 http://www.lemonde.fr/societe/article/2015/02/25/ce-qu-il-faut-retenir-du-proces-bettencourt_4583063_3224.html

produits-insecticides-anti-cafards.jpg

 

 

« A Jean-Louis Labat, baron de Grandcour

Aux Délices, 25 février 1760 1

Monsieur, il est vrai que je digère mal . Il n'est pas moins vrai que je n'ai pu digérer votre refus de me donner une quittance générale après que je vous en ai donné une 2.

Vous croyez que j'ai un papier de vous du mois d'avril, un double d'un ancien compte . Je me souviens qu'en effet vous me promîtes ce double, mais je ne me souviens pas que vous me l'ayez donné . J'ai toujours eu en vous assez de confiance pour n’exiger aucune sureté . Je vous ai rendu tous les papiers que j'ai retrouvés concernant la seule affaire que j'aie jamais eue avec vous 3, et vous ne m'avez rendu aucun des miens . J'ai cherché pendant trois jours ce double et je ne l'ai point trouvé . Il vous est d'ailleurs entièrement inutile, puisqu'il est annulé par une quittance générale .

Vous sentez bien , monsieur, que ma situation est précisément le contraire de la vôtre . Je vous ai rendu des papiers qui ne vous chargent pas, et vous retenez ceux qui me chargent . Je vous ai donné une quittance générale et vous ne m'en avez point donné .

J'ai daté les lettres par lesquelles je vous ai assuré que je ne vous demandais rien, et vous n'avez point daté celles d'hier et d'avant-hier par lesquelles vous convenez que vous n'avez rien à me demander ; ou du moins par lesquelles on peut l'inférer . Vous avez eu mon argent entre vos mains et je n'ai jamais eu le vôtre .

A mesure que vous m'avez rendu mon argent vous m'avez fait signer des reçus, et il y en a de votre main portent que je vous tiendrai compte . J'ai signé ces reçus par la confiance que j'ai toujours eue en vous . Mais malheureusement, il se trouve que ces reçus portant que je vous tiendrai compte sont des billets exigibles . Il paraît par la nature de ces billets que je vous suis redevable quoique je ne le sois pas . Je me vois exposé, moi ou mes héritiers, à payer en cas de malheur un argent que je ne dois point .

Je vous ai supplié de mettre tout en règle, de me rendre mes reçus qui paraissent être des promesses, de me donner votre quittance générale, comme je vous ai donné la mienne . Vous me refusez cette quittance, vous m'écrivez que vous ne me rendrez mes reçus , ni ne me donnerez quittance, que quand vous aurez reçu ce double prétendu du mois d'avril sur lequel vous insistez .

Mais , monsieur, si je n'ai pas ce double, qui vous est inutile, faut-il que vous me reteniez des reçus qui me sont nécessaires ? faut-il que vous me mettiez en péril, quand vous n'y êtes pas ! Votre famille ne peut jamais redemander un écrit double à la mienne ; mais elle peut demander le paiement des billets mal conçus, que vous m'avez fait signer, portant que je tiendrai compte, au lieu d'y mettre j'ai reçu à compte . Un héritier mal instruit peut se prévaloir de cette méprise, et me demander avec bonne foi ce que mes héritiers ne devraient point . Il faut donc que vous me mettiez à l'abri quand vous y êtes .

J'ai annulé, j'annule tous billets, tout écrit à votre charge, faites en autant à mon égard . C'est une justice qu'on n'a jamais refusée , et que sans doute vous ne refuserez pas . J'ai l'honneur d'être

monsieur

votre très humble et très obéissant serviteur

Voltaire . »

1 Manuscrit olographe daté du 26, peut-être parce que V* comptait la faire porter le lendemain avec celle à François Tronchin . V* envoya une copie à François Tronchin .

3 Le prêt au duché de Saxe-Gotha en 1758, voir entre autres, la lettre du 24 juin 1758 à la duchesse de Saxe-Gotha : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2013/09/03/temp-9b757ce11d92a7049bca1e9674b3b4be-5154712.html

 

25/02/2015

On parle d'arrangements de finances qui dérangeront furieusement les particuliers

... Ah ! ce cher Voltaire ! mais comment fait-il pour nous décrire avec 350 ans d'avance ce qui attend la Grèce et ses fils d'evzones ?

http://www.capital.fr/a-la-une/politique-economique/les-concessions-de-la-grece-pour-obtenir-l-aide-des-europeens-1015357

"Lutter contre la fraude, l'évasion fiscale, la contrebande" ! mais de quoi vont-ils vivre désormais ; quels autres métiers connaissent-ils ? comment rééduquer un peuple pour qui la fraude est estimable ? un sevrage avec huile et pain sec ?

Le régime crétois ayant fait fondre la graisse des gros touristes , ne saurait-il pas engraisser les maigres grecs aux maigres revenus, victimes des potentats de la triche ?  

Zorba and C° , vous chantiez (et Mélanchon riait de se voir si beau en votre miroir), j'en suis fort aise , eh  bien ,  dansez maintenant , et sans faux pas s'il vous plait .

 JAMAIS LE DIMANCHE - French Poster.jpeg

 

 

« A Nicolas-Claude THIERIOT.
Aux Délices, 22 février [1760].
On reconnaît ses amis au besoin : il faut que vous me disiez absolument ce que c'était que cette lettre de change du révérend père de Sacy 1, de la compagnie de Jésus et de Judas. Il faut aussi
que vous ayez la bonté de me faire avoir, par le moyen de M. Bouret, les Œuvres du poëte-roi. Je n'entends pas par là les Psaumes de David, mais bien la prose et les vers de Sa Majesté prussienne.
Il n'est plus guère Majesté prussienne, attendu que les Russes lui ont raflé la Prusse ; il est encore électeur de Brandebourg, mais peut-être ne le sera-t-il pas longtemps. Je serai fort flatté d'avoir
mis la main à ses ouvrages, s'ils durent un peu plus que son royaume.
A-t-on joué Spartacus 2, et M. Lefranc de Pompignan a-t-il fait un bel éloge de Maupertuis ?3 A-t-il bien prôné la religion de cet athée? A-t-il fait de belles invectives contre les déistes de nos jours ?
Je vous prie, mon cher ami, de me mettre un peu au fait.
J'ai beau exalter mon âme pour lire dans l'avenir, comme feu Moreau-Maupertuis, je ne peux deviner ce que deviendront nos fortunes. On parle d'arrangements de finances qui dérangeront furieusement les particuliers. Si, avec cela, on peut avoir des flottes contre les Anglais, et des grenadiers contre le prince Ferdinand, il ne faudra pas regretter son argent.
Je n'ai point été surpris de voir qu'il n'y ait que quinze conseillers au parlement qui aient porté leur vaisselle; mais je suis fâché que sur plus de vingt mille hommes qui en ont à Paris, il ne se soit trouvé que quinze cents citoyens qui aient imité Mlle Hus et le roi 4.
On dit que le parlement fera brûler les Œuvres du roi de Prusse : c'est une plaisanterie digne de notre siècle; il vaudrait mieux brûler Magdebourg; mais malheureusement on y rôtirait l'abbé de Prades, qui est dans un cachot de la citadelle, et je n'aime point qu'on brûle les bons chrétiens.
Je vous embrasse de tout mon cœur. »

2 Le Spartacus de Saurin a été joué le 20 février avec succès ; voir aussi lettre du 24 octobre 1759 à d'Argental : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2010/10/24/on-paye-cher-les-malheurs-de-nos-generaux.html

3 Jean-Jacques Lefranc de Pompignan , premier président de la cour des aides à Montauban avait été élu au fauteuil de Maupertuis à l'Académie française . Il prononça l'éloge de ce dernier le 10 mars 1760 ; son discours constituait une attaque courageuse contre les philosophes, qui devait déclencher la longue « campagne des monosyllabes »de V* contre lui . Voir lettre du 25 mars 1760 à Gabriel Cramer : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2010/03/27/la-lettre-a-laquelle-je-reponds-est-d-un-cuistre-de-ministre.html

 

24/02/2015

Je remercie à deux genoux la philosophe qui met son doigt sur son menton, et qui a un petit air penché

... Quand elle lit Voltaire , c'est Mam'zelle Wagnière .

 

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« A Jean de LINANT. 1
Aux Délices, 22 février 1760
Je remercie à deux genoux la philosophe 2 qui met son doigt sur son menton, et qui a un petit air penché que lui a fait Liotard 3 ; son âme est aussi belle que ses yeux. Elle a donc la bonté de s'intéresser à notre malheureuse petite province de Gex ; elle réussira si elle l'a entrepris ; puisse-t-elle revenir avec M. Linant et le Prophète de Bohême !
J'écris, monsieur, à M. d'Argental, en faveur de Mlle Martin,4 ou Lemoine, ou tout ce qu'il lui plaira ; quelque nom qu'elle ait, je m'intéresse à elle. J'ai entendu parler de deux nouveaux volumes du roi de Prusse, imprimés depuis peu à Paris; il fait autant de vers qu'il a de soldats. La police a défendu ses vers, on dit même qu'on les brûlera : cela paraît plus aisé que de le battre.
Je suis médiocrement curieux de l'éloquente Oraison 5 de M. Poncet de La Rivière 6, mais je voudrais avoir le Spartacus de M. Saurin 7 ; c'est un homme de beaucoup d'esprit, et qui n'est pas à son aise. Je souhaite passionnément qu'il réussisse.
Vous me parlez de terribles impôts ; puissent-ils servir à battre les Anglais et les Prussiens ! Mais j'ai peur que nous n'en soyons pour notre argent.

Je présente mes obéissances très-humbles à toute la famille.
Si Mme d'Épinay veut m'écrire un petit mot, elle comblera de joie un solitaire malade dans son lit. Ce malade a demandé au grand Tronchin s'il fallait s'enduire de poix-résine, comme l'ordonne Maupertuis ; il a répondu qu'il fallait attendre des nouvelles de l'Académie française. »

1 Gouverneur du jeune d'Epinay ; il en est question dans les Mémoires de Mme d'Epinay : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k205323h

2 Mme d'Épinay .

4 Voir lettre du 18 juillet 1760 à Linant : page 467 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6514333b/f483.image.r=linan

5 L’Oraison funèbre de très haute et très puissante princesse, madame Louise-Élisabeth de France, [...] duchesse de Parme […] prononcée dans l'église de Paris, le 12 février 1760 , de Mathias Poncet de La Rivière.

7 Le Spartacus de Saurin a été joué le 20 février avec succès. Voir : http://fr.wikipedia.org/wiki/Bernard-Joseph_Saurin