21/03/2014
Tâchez, mon prêtre aimable, de savoir et de me dire s'il n'y a pas au moins cinq cents familles françaises dans Genève
... Et je suis sans doute en dessous du chiffre réel en notre année 2014 . Certains revenus confortables permettent cette résidence au pays des banques, des Rolex (et non des Solex) et du petit café à 6 euros .
Par contre, le travailleur frontalier de base ....
http://international.lefigaro.fr/propagande-parti-populis...
« A Jacob VERNES
ministre bien marié
[février 1759] 1
Tâchez, mon prêtre aimable, de savoir et de me dire s'il n'y a pas au moins cinq cents familles françaises dans Genève. Pourquoi ce monstre de Caveyrac dit-il qu'il n'y en a pas cinquante 2?
Il faut confondre cet ouvrage du diable 3, qui veut justifier la Saint-Barthélemy et les cruautés exercées dans la révocation de l'édit de Nantes.
Qui sont les oisifs qui m'imputent je ne sais quel Candide 4, qui est une plaisanterie d'écolier, et qu'on m'envoie de Paris? J'ai vraiment bien autre chose à faire.
Bonjour, fortunate puer 5. V. »
1La lettre est datée en particulier en fonction du mariage de Vernes le 8 janvier 1759 .
2 Jean Novi de Caveirac : page 83 de Apologie de Louis XIV … , 1758 ; le nombre de familles françaises admises à la bourgeoisie de Genève de 1530 à 1685, date de la révocation de l’Édit de Nantes, avait été de 262 ; il y en eut 90 de 1685 à 1758 ; soit en tout 352 depuis la Réforme . Ces chiffres sont tirés de l'Armorial genevois, 1896 , de J.-B.-G. Galiffe, Adolphe Gautier et Aymon Galiffe . Deux points doivent être notés : beaucoup de familles vinrent à Genève et n'y restèrent pas ; parmi celles qui s'y installèrent, beaucoup ne purent acquérir le droit de bourgeoisie . L'ouvrage de Caveirac avait été demandé à Thiériot par V* le 24 décembre 1758 (voir lettre : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2014/01/09/nous-serons-plus-heureux-vous-et-moi-dans-notre-sphere-que-d-5267196.html) et envoyé par celui-ci le 25 janvier 1759 en même temps que les cartes destinées à un atlas : « Vous trouverez dans votre caisse outre vos cartes l'horrible et détestable livre de l'apologie de la révocation de l’Édit de Nantes et une aussi indigne dissertation sur la Saint Barthélémy ».
3 V* s'empressa de « confondre cet ouvrage du diable » en écrivant à cet effet une longue note qu'il annexa à l'Ode sur la mort de Son Altesse la margrave de Bareith. Voir : http://books.google.fr/books?id=ES0HAAAAQAAJ&printsec=frontcover&hl=fr&source=gbs_ge_summary_r&cad=0#v=onepage&q=caveirac&f=false
4 Première mention de Candide dans la correspondance .
5 Heureux enfant ; Vernes était né le 31 mai 1728 .
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20/03/2014
tâchez de nous honorer dimanche de votre présence réelle
... Telle est la prière aux électeurs de tous les candidats au poste de maire en cette France bringueballante, mais toujours en marche, reconnaissons-le .
Et en écho, les électeurs font la même prière pour que les maires -élus cumulards ne les laissent pas tomber , ni dimanche (ce qui ne serait pas trop gènant, au fond), ni plus tard (ce qui aurait de plus néfastes conséquences ).
Cette prière est multitâche, car elle peut très bien être prononcée aussi par un catholique en veine de miracle afin que Dieu vienne lui faire un petit coucou à la messe , et plus si affinité .
Dur , dur en ce monde du virtuel, Fesse -bouc & C°, d'avoir quelque chose de réel .
Compte à rebour
« A François Tronchin 1
conseiller d’État
[février 1759]
Un M. Tuilier m'a dit, mon cher ami, que vous venez dîner aujourd'hui mercredi aux Délices . Gardez-vous-en bien, mais tâchez de nous honorer dimanche de votre présence réelle . Les révérends pères Merégridi, Jeronimo, Emmanuel, Alexandre, Matos, etc.2 font leurs compliments à MM. Pignatel 3. Je voudrais que vous jugeassiez les uns et les autres .
V. »
1 Manuscrit olographe sur une carte à jouer .
2 Ce sont quelques uns des jésuites arrêtés à l'occasion de l'attentat contre le roi du Portugal . Le cas de Gabriel Malagrida est complexe . Quoiqu'il ne fût probablement pas mêlé au complot contre José Ier, il fut successivement banni, arrêté et déféré à l'Inquisition qui le condamna finalement à mort ; il fut exécuté le 21 septembre 1761 . on lui reprochait semble-t-il, des positions théologiques qui lors du tremblement de terre de Lisbonne, avaient fait obstacle aux vues du ministre-dictateur Pombal ; voir The Lisbon earthquake, 1956 de T.D. Kendrick qui fait le point sur cette question .
3 Ou Pignateli .V* assimile les jésuites à des criminels de droit commun ; voir lettre du 31 décembre 1758 à François Tronchin : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2014/01/19/j-apprends-que-m-tronchin-est-bien-empeche-avec-les-voleurs-5275932.html
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19/03/2014
Je prie M. Girard de ne me point faire de frais
Alors qu'on arrive très vite à la fin de la trêve hivernale pour les expulsions ...
« A Antoine-Benoit Girard de Propiac 1
[vers le 15 février 1759]
Mon secrétaire qui n'était pas instruit a mandé que je payerais le centième denier en temps et lieu du marché fait avec M. le président de Brosses si les ordonnances du roi l'exigent . Mais m'étant informé des ordonnances j'ai su que l'on ne doit pas le centième denier pour un bail à vie, encore moins pour une réparation de château . Je prie M. Girard de ne me point faire de frais, et de vouloir bien me faire tenir copie des ordres de Sa Majesté auxquels on doit se conformer 2. Je lui serai très obligé . J'ai l'honneur d'être son très humble et très obéissant serviteur
Voltaire
gentilhomme ordinaire du roi . »
1Écuyer, seigneur de Pichanges .
2Les « ordres de Sa Majesté » étaient -ils déjà explicitement parvenus ? Le 19, apparemment en réponse à une lettre du 12, le Conseil des finances informa Girard (directeur et receveur général des domaines du roi dans la généralité de Dijon de 1744 à 1771) qu'il avait reçu un mémoire de V* demandant à être exempté du paiement du centième denier et qu'il y répondrait dès qu'une décision aurait été prise . Le 27 février 1759, Girard devait écrire à V* : « Messieurs les fermiers généraux, monsieur, m'ont écrit que vous aviez fait donner un mémoire au Conseil au sujet du droit du centième denier qui leur est dû pour raison de la rente à vie que M. le président De Brosses vous a faite . J'écris au commis de ne pas poursuivre le paiement de ce droit jusqu'à la décision du Conseil . »
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le centième denier de l'utile, dans une terre délabrée, est justement la racine cubique de rien du tout
...
« AU CONSEIL ROYAL DES FINANCES
[vers le 15 février 1759]
A nosseigneurs, nosseigneurs du Conseil :
Supplie humblement François Arouet de Voltaire, gentilhomme ordinaire de la chambre,
Contre le sieur Girard, receveur du domaine 1: disant qu'il a fait un bail à vie avec le sieur de Brosses, président au parlement de Dijon, le 11 décembre 1758, pour la jouissance de la terre de Tournay entre Gex et Genève, terre de l'ancien dénombrement, terre conservée par le roi en son conseil dans tous ses anciens droits et privilèges, par sa déclaration du 12 février 1755 ; que ces privilèges consistent à ne payer aucuns droits ; qu'à ce mépris des déclarations du roi, Girard persiste à exiger le centième denier ; que d'ailleurs jamais bail à vie n'a été sujet à ce droit dans les terres privilégiées; que Girard exige le centième denier d'un bail dont le contractant peut ne jouir qu'une année ou qu'un seul jour; que non-seulement il veut ce centième denier du prix du bail, mais de 12,000 livres de réparations que le contractant ne doit faire que dans trois ans, et que jamais on n'exige aucun droit de réparations faites ou à faire; que ledit Girard persiste, et prétend qu'il lui faut de l'argent sur l'argent que ledit Voltaire n'emploiera peut-être jamais, étant fort âgé, et sa carcasse devant naturellement être enterrée avant de rhabiller la carcasse du château de Tournay; que Girard exige le centième denier de l'agréable, de l'utile et de l'honorable de la seigneurie ( ce sont ses termes); or ledit Voltaire proteste que le centième denier de tout cela est zéro, attendu que le centième denier de l'encens à la messe et des prééminences ne va pas à une obole; le centième denier de l'agréable entre les Alpes et le mont Jura est au-dessous de rien, et le centième denier de l'utile, dans une terre délabrée, est justement la racine cubique de rien du tout ; partant, il espère que nosseigneurs du Conseil daigneront tirer ledit Voltaire des griffes du sieur Girard, etc. »
1Cette lettre est fictive, au moins sous cette forme ; elle a été imprimée à partir d 'un manuscrit envoyé à de Brosses sans doute en même temps que la lettre du 15 février 1759 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2014/03/19/j-essuie-toutes-les-algarades-d-un-fermier-ivrogne-qui-a-tou-5326142.html
Le conseil royal des finances était une des hautes instances de la nation, et comprenait en effet, outre le roi qui le présidait effectivement, le dauphin, le chancelier (Guillaume de Lamoignon), le chef du conseil (le duc de Béthune), Feydeau de Brou, Trudaine, Boullongne et Berryer . Voir pourtant la lettre à Antoine-Benoit Girard de Propiac du même jour : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2014/03/20/je-prie-m-girard-de-ne-me-point-faire-de-frais-5327111.html
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18/03/2014
j'essuie toutes les algarades d'un fermier ivrogne qui a tout enlevé, bois, fumiers, graines, instruments, et qui trouble mes ouvriers
...Allons, Gégé, sois raisonnable, tu n'aurais pas dû faire ça avant de partir chez les Soviets !
Allez, je ne veux pas te rappeler de mauvais souvenirs, mais quand même ...
« A Charles de Brosses, baron de Montfalcon
Aux Délices [vers le 15 février 1759]
Je vous l'avais bien dit, monsieur, que vous vous étiez chargé d'un lourd fardeau . Vous auriez dû me vendre plus cher votre terre . Je n'aurais pas payé les importunités que je vous cause . Pardonnez à mon ignorance . Je ne savais pas que non seulement l'exaction du centième denier sur les douze mille livres employables en réparations dans quelques années est impertinente, mais encore que je ne dois rien sur le marché que j'ai fait avec vous qui n'est qu'un bail à vie .
M. Girod 1, qui est venu aux Délices, a passé par Tournay où il a vu cinquante ouvriers qui ajustent le château . Vous pouvez compter que ce sera un endroit délicieux .
Je me flatte, monsieur, que vous voudrez bien faire entendre raison au sieur Girard receveur ou directeur des domaines , qui exige ce qui ne lui est pas dû, avant même que je sois en possession .
Je vous réitère les mêmes prières que j'ai eu l'honneur de vous faire dans ma dernière lettre, et j'ajoute une autre requête, c'est de trouver bon que je prenne pour me chauffer quelques moules 2 de bois sec que le sieur Charlot Baudit ne vend point . Il est bien juste que je jouisse des choses nécessaires . Charlot Baudit est convenu, et on le sait assez, qu'il n'est que commissionnaire . Je vous ai payé en partie avant d'entrer en jouissance ; il m'en coûtera, croyez-moi, plus de vingt quatre mille livres pour améliorer la terre et pour embellir le château . Je suis peut-être le seul homme en France qui en eût usé ainsi . Je répare Tournay avant même d'être en possession . Je fais plus, j'essuie toutes les algarades d'un fermier ivrogne qui a tout enlevé, bois, fumiers, graines, instruments, et qui trouble mes ouvriers ; cela mérite en vérité que vous me laissiez jouir de quelque mesures de bois de chauffage .
Quand vous voudrez qu'on travaille aux réparations du chemin de Chambézi, je m'en chargerai .
Je suis à vos ordres pour toute ma vie .
V. »
1 Jean-Charles Girod, avocat à Gex , signataire du bail entre V* et de Brosses .
2 Littré : Ancienne mesure de bois à bruler, faite de deux traverses entre lesquelles on rangeait les buches . Voir : http://fr.wikipedia.org/wiki/Moule_%28bois%29
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17/03/2014
abusant d'autant plus de son emploi
... Ne semble pas , à première vue du moins , être le fait du ministre de la Justice, du ministre de l'Intérieur qui signent tout, apparemment d'une plume distraite, puisqu'ils sont les derniers informés dans le cas des écoutes téléphoniques du sieur Sarko and C° . Aurions-nous donc en France des fonctionnaires qui prennent des initiatives sans ouvrir le parapluie hiérarchique ? C'est à la fois rassurant et inquiétant .
« A Jacques-Bernard Chauvelin
15 février 1759 1
Le sieur de Voltaire, gentilhomme ordinaire du roi, étant mieux informé, représente que non seulement il ne doit pas le centième denier pour la promesse par lui faite au sieur président De Brosses d'employer douze mille livres à sa propre volonté et convenance, dans trois ans, en réparations au château de Tournay, mais qu'il ne doit pas non plus le centième denier pour le bail à vie fait avec ledit sieur président, attendu qu'un bail à vie n'est point une mutation et une translation de propriété ; qu'ainsi le sieur Girard, receveur ou directeur de la ferme du domaine à Dijon, n'est pas recevable dans l'évaluation qu'il fait ; ledit Girard abusant d'autant plus de son emploi qu'il demande ce paiement injuste avant même que le complaignant soit en possession de la terre dont il ne doit jouir que le 22 février. »
1 Voir lettre du 9 février 1759 à Chauvelin ; http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2014/03/02/il-n-y-a-rien-d-inoui-il-y-a-seulement-des-choses-un-peu-rar-5311842.html
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16/03/2014
Il est digne d'un homme de votre probité et de vos grands talents de refuser à un scélérat une protection qui honorerait des gens de bien
... Les scélérats ne manquant pas, où trouver un homme probe et de talent ?
« Au baron Albrecht von HALLER 1.
« Nous soussignés déclarons que le nommé François Grasset nous ayant volé pendant l'espace de dix-huit ans, ou à peu près, qu'il nous a servi en qualité de commis, le magnifique Conseil nous fit demander en l’année 1756 une déclaration de ce qui s'était passé ; que nous nous conformâmes à cet ordre, et la donnâmes à M. l'auditeur de Normandie ; en l'accompagnant des pièces qui pouvaient constater ses friponneries . Ensuite de quoi le magnifique Conseil le décréta de prise de corps .
Les Frères Cramer .
Genève le 11 février 1759 »
Voici, monsieur, un petit certificat qui peut servir à faire connaître ce Grasset pour lequel on réclame très-instamment votre protection. Ce malheureux a fait imprimer à Lausanne 2 un libelle abominable contre les mœurs, contre la religion, contre la paix des particuliers, contre le bon ordre. Il est digne d'un homme de votre probité et de vos grands talents de refuser à un scélérat une protection qui honorerait des gens de bien. J'ose compter sur vos bons offices, ainsi que sur votre équité. Pardonnez à ce chiffon de papier . Il n'est pas conforme aux usages allemands, mais il l'est à la franchise d'un Français qui vous révère plus qu'aucun Allemand.
Un nommé Verleche ou Lervèche, ci-devant précepteur de M. Constant, est auteur d'un libelle sur feu M. Saurin. Il est ministre d'un village, je ne sais où, près de Lausanne. Il m'a écrit deux ou trois lettres anonymes sous votre nom. Tous ces gens-là sont des misérables bien indignes qu'un homme de votre mérite soit sollicité en leur faveur 3.
Je saisis cette occasion de vous assurer de l'estime et du respect avec lesquels je serai toute ma vie,
monsieur
votre très humble et très obéissant serviteur
VOLTAIRE
gentilhomme ordinaire de la chambre
du roi, comte de Tournay
A Tournay au pays de Gex par Genève, 13 février [1759] »
1Le certificat de la main de Wagnière est signé par Gabriel Cramer ; on ne connait pas moins de seize autres copies manuscrites de cette lettre que V* dut faire largement circuler .
Le texte inexact des éditions modernes dérive de Kehl, qui place la lettre en 1755, et qui l'emprunte aux Lettres de 1766 comme le montre la coupure ; le texte, marqué pour l'omission, est restitué par Condorcet qui note : « Il s'agissait de ce manuscrit de La Pucelle que Grasset voulait faire acheter à M. de Voltaire en le menaçant de le publier . Si M. de Haller s'était rappelé combien la conduite de ce Grasset était infâme, combien la crainte de M. de Voltaire était fondée, il aurait sans doute , tout bon calviniste qu'il était, répondu d'un ton moins magistral .
Un étranger se présente chez M. de Voltaire, et lui raconte qu'il a vu à Berne M. de Haller . m. de Voltaire le félicite sur le bonheur qu'il a eu de voir un grand homme . Vous m'étonnez dit l'étranger, M. de Haller ne parle certainement pas de vous de la même manière . Eh bien, répliqua M. de Voltaire, il est possible que nous nous trompions tous deux. » Condorcet s'était, bien sûr, trompé en rapportant cette lettre à l'incident de La Pucelle en 1755 .
2 V* a ajouté de sa main Lausanne au dessus de la ligne .
3 Le 17 février 1759, Haller répondra en souhaitant à V* « la tranquillité qui fuit devant le génie, qui ne le vaut pas par rapport à la société, mais qui vaut bien davantage par rapport à nous-mêmes. »
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