21/08/2014
cela vaut cent mille livres de rente, et on est bien pis que comte, on est roi
...
« A Charles-Augustin Ferriol , comte d'Argental
et à
Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d'Argental
A Tournay par Genève 20 juillet 1759
Madame la Parmesane, il faut commencer par vous rendre mille actions de grâces. Quelle bonté vous avez d'entrer dans tous ces détails de vieux chevaliers ! et ce qui m'en plaît encore autant, c'est que vous avez une santé brillante : car rien ne pèserait tant à une malade que d'écrire tant de choses si réfléchies.
Je l'éprouve bien tristement ; il m'a pris un éblouissement, un je ne sais quoi qui accommode fort peu les idées. Tronchin est venu au secours de ma pie-mère et de ma dure-mère 1, et c'est à son insu que j'ai l'honneur de vous écrire. J'ai mis, mes divins anges, toutes vos remarques avec la pièce, et je ne reverrai ce procès que quand j'aurai la tête bien nette. En attendant, je vous envoie, pour vous amuser, le drame 2 de feu M. Thomson, traduit par mon ami M. Fatema.
Je ne veux, d'ici à quinze jours, penser ni aux chevaliers, ni à Pierre le Grand ; j'oublierai jusqu'à M. l'abbé d'Espagnac. Il n'en est pourtant pas des affaires comme d'une pièce de théâtre et d'une histoire ; ces ouvrages gagnent à se reposer, et les affaires perdent à n'être pas suivies. Mais, si je veux vivre, j'ai besoin d'un parfait repos pour quelque temps.
Ne vous fâchez pas contre moi d'être comtesse 3, c'est un usage reçu ; c'est un titre qu'on donne à beaucoup de ministres qui ne vous valent pas ; et, si vous étiez en pays étranger, il faudrait bien vous y accoutumer malgré vous. Tout mon malheur est que vous n'ayez pas l'ambassade de Suisse ; mais pourquoi non ? cela vaut cent mille livres de rente, et on est bien pis que comte, on est roi. Après le plaisir de voir couper ses blés et battre en grange, c'est le premier des emplois ; les douze mille fromages de Parmesan ne sont rien en comparaison. Vous auriez une bonne troupe de comédiens à Soleure, vous viendriez voir le petit château que je bâtis, vous seriez enchantée de mon château ; il est d'ordre dorique, il durera mille ans 4. Je mets sur la frise : Voltaire fecit. On me prendra, dans la postérité, pour un fameux architecte. Vous ne vous souciez point de tout cela, parce que vous êtes à Paris ; mais peut-on ne jamais sortir de Paris! J'aime mon czar qui, dans un clin d'œil, allait bâtir à Archangel, à Astracan, sur la mer Noire, sur la mer Baltique. Mon Dieu, que vous êtes casaniers !
Dites-moi donc comment se trouve M. le comte de Choiseul de son voyage ; ne sera-t-il pas bien excédé de l'étiquette de la cour de Vienne ? Vous n'auriez point d'étiquette en Suisse, vous régneriez comme vous voudriez. Si je n'avais pas acquis des terres qui me tournent la tête, je supplierais M. le duc de Choiseul de me donner un consulat au Grand-Caire ou en Grèce. J'enrage de mourir sans avoir vu les pyramides et les ruines du théâtre d'Eschyle.
A propos est-il vrai que Sainte-Foy 5 est secrétaire de M. le comte de Choiseul ? Je serai attrapé s'ils ne se brouillent dans trois mois . Et Gresset, quel fat ! Poincinet, une tragédie ! Cela a l'air d'un conte de fées . Je baise les ailes de mes anges .»
1 Cette synecdoque désigne le cerveau lui-même ; « l'apoplexie » de V* (voir lettre du même jour à Mme d'Epinay : page 143, http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6514333b/f155.texte
) doit être antérieure au départ de Tronchin le 16 juillet ; elle se confond peut-être avec la « fluxion sur les yeux » dont il parle dans sa lettre u 10 juillet 1759 à Schouvalov : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2014/08/18/j-espere-toujours-monsieur-que-non-seulement-vous-aurez-la-b-5430111.html
2 Socrate .
3 Le titre de comte porté par d'Argental était jusqu'à présent purement honorifique .
4 En fait il se contentera d'y faire graver ses armes et celles de Mme Denis sur l'architrave, réservant l'inscription prévue pour un autre propos , l'église . Petite fantaisie, V* qui est lui aussi comte (de Tournay) arbore une couronne de marquis au dessus de ses armoiries . De plus le véritable architecte du château est genevois, Jean-Michel Billon . Voir : http://blog.voltaire-a-ferney.org/?page_id=42
Clogenson fera cette observation qu'il est douteux que le château tienne mille ans : « La pierre dont Voltaire a fait construire le château de Ferney est d'une assez mauvaise qualité. » (molasse).
5 Claude-Pierre-Maximilien Radix de Sainte-Foy devait être chargé d'affaires à Vienne de mai à juillet 1761, ce qui implique en effet qu'il avait dû collaborer auparavant avec le comte de Choiseul . Voir : http://fr.wikipedia.org/wiki/Maximilien_Radix_de_Sainte-Foix
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20/08/2014
environ 400 livres au plus pour payer la chambre des comptes de Dijon à qui il faut que je donne de l'argent parce que M. de Boisy m'a vendu sa terre . Belle raison !
... La moutarde me monte au nez !
Mais nom de Zeus, aujourd'hui, comme hier , à quoi servent ces prélèvements de bandits, ces vols légaux lors d'achats immobiliers, d'héritages ?
Qu'ont ils fait pour mériter une part du bien d'autrui ?
On est loin des rapports gagnant/gagnant !
ô , naïf James, ne sais-tu pas qu'il y a quelques millions de fonctionnaires à nourrir, garder au chaud l'hiver, au frais l'été et avec la sécurité de l'emploi en tout temps ? Alors grattons jusqu'à l'os les contribuables avec l'aide d'huissiers et notaires et percepteurs , véritables Rapetouts .
« A Jean-Robert Tronchin
Délices 21 juillet [1759]
Comment va la joue de mon cher correspondant ? Comment monsieur de la perruque en devant 1 s'est-il trouvé de l'énorme chaleur qu’il a essuyée dans son voyage ? Et madame ?
On m'écrit que M. l'intendant de Lyon vient à Genève et part lundi, on ajoute qu'il peut arriver après portes fermées . Et comme il n'y a point de portes dans l'ermitage des Délices, il peut me faire l'honneur de venir débarquer dans ma guinguette avec son compagnon de voyage . Il ne sera pas reçu en intendant mais en philosophe . Je prie M. Tronchin la joue, ou M. Tronchin perruque de conseiller, ou M. Camp qui n'a point de perruque, de vouloir bien offrir notre jolie guinguette à M. de La Michaudière 2.
J'avertis mon correspondant qu'au moyen de la belle muraille dont la république et nous bordons le grand chemin de Lyon, nous restons tout ouverts, ouverts à droite parce que le mur ne va pas jusqu'à la clôture, ouverts à gauche parce qu'on nous prend du terrain, qu'on nous coupe nos haies, et qu'on ne fait point de mur de ce côté, ouverts à la porte, parce qu'on nous prend la place de notre porte pour faire chemin, ouverts le long de la muraille parce qu'elle n'a que sept pieds de haut et que M. Pictet de Varembé 3 l'enjambe aisément .
[ici V* dessine un petit plan des lieux]
Pour remédier à tant de maux, pour ne pas coucher sur le grand chemin de Lyon, pour faire à la fois un ouvrage nécessaire et agréable, il en coutera encore six cents livres, peut-être huit cents . C'est 3 ou 4 cents livres par tête pour le propriétaire et pour l'extraordinaire locataire . Je ménagerai certainement la bourse de l'un et de l'autre suivant les sages lois de l'académie de lésine . J'attends les ordres du propriétaire et je lui suis tendrement attaché ainsi qu'à toute sa famille et à son associé .
Le fermier des Délices V.
Je compte que messieurs Tronchin et Camp recevront une petite lettre de change de moi d'environ 400 livres au plus pour payer la chambre des comptes de Dijon à qui il faut que je donne de l'argent parce que M. de Boisy m'a vendu sa terre . Belle raison !
Le roi de Prusse a trouvé une grosse pucelle, une Jeanne d'Arc qui marche au nom de Dieu à la tête des troupes 4 . Nous verrons si les Russes la feront brûler .
Je reçois dans ce moment la lettre de M. Tronchin 5. J'enverrai dans quelques jours la lettre de change de vingt mille livres ou plutôt une de douze et une de huit . Elles seront payables si on veut à quinze jours, si on veut à une usance 6, si on veut à vue, ad libitum . »
1 Jallabert ; voir lettre du 21 décembre 1757 à Jean Jallabert : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2013/02/23/m...
2 Jean-Baptiste de La Michodière , intendant de lYon depuis 1757; les registres du Conseil mentionnent le fait qu'il dina chez V* le 25 juillet 1759 . Voir : http://fr.wikipedia.org/wiki/Jean-Baptiste_de_La_Michodi%...
et : http://www.cgb.fr/ile-de-france-villes-et-noblesse-jean-b...
3 François-Pierre Pictet (1728-1798) dit « le géant », à ne pas confondre avec le professeur Pierre Pictet (1703-1768).
Voir : http://www.archivesfamillepictet.ch/bibliographie/documen...
4 Dans une lettre du 2 juillet 1759, Frédéric II nomme Mme de Pompadour le « d'Amboise en fontange » du roi ; les « habits écourtés » valent les « talons rouges , les pelisses hongroises et les justaucorps verts de Oursomanes » ; et grâce à une « pucelle plus brave que Jeanne d''Arc », « divine fille née en pleine Westphalie », il vaincra « les trois catins »... Voir page 135 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6514333b/f147.image...
5 Elle ne nous est pas parvenue
6 L'usance est le terme fixé par la coutume pour le paiement des lettres de change, soit habituellement un mois .
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Je voudrais bien qu'il y eût une académie de la paix . Je sais à n'en pouvoir douter qu'on la désire et je crois qu'on ne la fera pas
... Voltaire précurseur de la Société des Nations, de l'ONU ? Why not ? (J'ai déjà dit des choses plus stupides )
Réaliste selon moi, pessimiste selon d'autres, quand il dit qu'elle ne se fera pas . Il suffira de détruire quelques millions d'humains pour que l'an de grâce 1919 voit naitre un organisme international d'union pour conserver la paix dans le monde ; las, sans carotte ni bâton, donc sans réel pouvoir de dissuasion ou de persuasion, il faudra encore quelques millions de victimes bipèdes avant de créer l'ONU, avec les aléas qu'on connait, mais c'est toujours mieux que rien . Maigre consolation .
« A Jean-Robert Tronchin
et
Ami Camp
à Lyon
A Ferney 16 juillet [1759]
Je vous félicite, vous et monsieur votre frère, mon cher correspondant, d'être l'un avec l'autre 1. Je vous prie de vouloir bien me mander si vous pourrez me négocier avec avantage ou sans désavantage 2 une lettre de change de vingt mille livres sur M. de Montmartel . En ce cas, j' aurais l'honneur de vous l’envoyer payable au temps qu'on voudra . Les 20 mille livres seront en plusieurs billets si on l’exige . L'académie de lésine a beau faire, on se ruine à bâtir . Je voudrais bien qu'il y eût une académie de la paix . Je sais à n'en pouvoir douter qu'on la désire et je crois qu'on ne la fera pas .
Quand j'aurai reçu de vous ma condamnation en crédit et débit, je verrai si j'aurai ou non des acrotères 3 à mon château . En attendant j'ai peu de blé, et point d'avoine ; mais en récompense, j'ai quatre-vingt personnes et dix-huit chevaux à nourrir . J'espère toujours dans la miséricorde de Dieu .
Aux Délices 17 juillet à M. Camp
En arrivant aux Délices, j'apprends, monsieur que notre ami est affligé d'une fluxion sur la joue . Qu'il me l’envoie . Mes joues ont besoin d'embonpoint . Voici ma quittance palatine . Le ministre palatin me mande que MM. Tourton et Baure me paieront dorénavant . D'accord . Je vous enverrai mes quittances pour ces messieurs si vous le trouvez bon . Mme Tourton n'est-elle pas très jolie ? elle m'a paru telle . Je l'ai vue aux Délices . Mais vous autres grands garçons vous êtes meilleurs juges que moi .
Votre très humble obéissant serviteur
V.
4N. B.- Mes 6500 livres palatines viennent de chez nous . Cela durer-t-il encore longtemps ? »
1 François Tronchin dût être absent de Genève du 16 juillet au 18 septembre, car pendant cette période sa signature n'apparait plus sur les registres du Conseil ; on peut présumer qu'il était alors à Lyon .
2 Ou sans désavantage est ajouté au-dessus de la ligne .
3 Acrotères est un mot d'architecture qui désigne notamment des piedestals posés placés dans des endroits remarquables pour recevoir des statues ; on ne trouve rien de tel à Ferney, ni à Tournay et il est probable que V* n'emploie le terme que par plaisanterie . Émile Lambert, sculpteur et propriétaire du château de Ferney à la fin du XIXè siècle ornera son parc de statues toujours en place actuellement .
4 V* a d'abord commencé à écrire j'ai laissé mon mod puis rayé .
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N'est-il pas vrai qu'il est honteux de faire une muraille le long d'un grand chemin
... Suivez mon regard, vers le sud-est ...
Oui, vous y êtes : Palestine-Israël . Stop !
Dites-moi si ce mur arrête les missiles et les roquettes ?
Si non, à quoi sert-il si ce n'est à borner l'esprit plus encore que le territoire qu'on déclare sien les armes à la main faute de bon droit . Un peu de béton pour exacerber les haines qui n'en demandaient pas tant . L'histoire montre que toujours, toujours ces murs tombent, ou qu'on passe à côté, ou dessous, ou par-dessus, toujours , le mur d'Hadrien, la muraille de Chine, le mur de Berlin ... J'ai hâte de voir tomber cette imbécillité de fanatiques .
http://chroniquesetudiantes.com/dossier-sur-israel-3eme-partie/
« A François Tronchin
conseiller d’État
[vers le 12 juillet 1759]1
Mon cher ami, vous avez du goût, et vous aimez besogne bien faite . N'est-il pas vrai qu'il est honteux de faire une muraille le long d'un grand chemin qui ne va pas au bout de ce chemin ? Sept toises de haies la terminent, et desinit in piscem mulier formosa superne 2.
N'êtes vous pas d'avis que monsieur votre frère et moi réparions la honte de la république, de Murani, des Délices et du grand chemin de Lyon ? Ne voulez-vous pas que nous achevions la grande muraille ? Il eût fallu mettre cette condition au marché .
Mais l'argent de monsieur votre frère et le mien suppléeront à tout .
Votre très humble obéissant serviteur
V. »
1 Pour la date, on observe que Tronchin a répondu à cette lettre le 23 juillet 1759 ; mais V* a dû lui écrire avant son départ pour Lyon (voir lettre du 16 juillet 1759 à Jean-Robert Tronchin et Ami Camp :http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2014/08/20/je-voudrais-bien-qu-il-y-eut-une-academie-de-la-paix-je-sais-5431424.html et lettre du 21 juillet à Jean-Robert Tronchin : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2014/08/20/environ-400-livres-au-plus-pour-payer-la-chambre-des-comptes-5431431.html)
2 Une femme au beau voile se termine en queue de poisson ; ce membre de vers de L'Art poétique d'Horace, constituait à l'origine l'épigraphe de La Pucelle dans l'édition de Genève , 1757.
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19/08/2014
A l'égard des pucelles, il est trop vieux pour s'en mêler
...
Et je laisse le paradis promis par Mohammed à Mohammed !
Au fait y a-t-il un paradis pour les femmes musulmanes avec de beaux puceaux?
« A Pierre ROUSSEAU
directeur
du « Journal Encyclopédique »
à Bouillon
11 juillet 1759. 1
M. Desmal,2 monsieur, a reçu votre lettre 3; il vous est très- obligé de votre souvenir, et quoique son frère ait été fâché contre je ne sais quel monsieur de V. qui lui a ravi insolemment l'honneur d'avoir mangé du jésuite et d'avoir voyagé avec M. Martin, votre journal est le seul qu'il lise avec plaisir. Il pense absolument comme vous sur l'ex-jésuite dont vous lui parlez, à cela près qu'il ne le lit jamais : il voudrait fort avoir quelque pièce à vous communiquer, mais votre journal n'en a certainement pas besoin, et d'ailleurs ce M. Desmal est si gâté par ses voyages, et pense quelquefois d'une manière si hardie, que son frère le capitaine, tout lustig qu'il est du régiment, n'oserait pas faire imprimer ses rêveries à Zastrou 4. Il craint si terriblement de déplaire à la Sorbonne qu'il s'est fait maçon, laboureur et jardinier ; il gouverne ses terres et n'écrit point sur l'agriculture, comme font tant de gens qui n'ont jamais vu que les Tuileries [et qui]5 enseignent hardiment la multiplication du blé. A l'égard des pucelles, il est trop vieux pour s'en mêler, et il serait bien fâché de se brouiller avec saint Denis 6, pour la tête duquel il a toujours eu un respect vivement sincère.
Il vous fait ses très-humbles compliments, dans le goût d'un homme qui a voyagé avec Martin. »
1 La troisième page qui portait une note de quatre lignes a été déchirée .
2 V* oublie-t-il le nom de Démad qu'il a donné dans sa lettre 1er avril 1759 au Journal Encyclopédique ? On notera en tout cas qu'il ne fait pas allusion au fait que cette lettre n'a pas encore paru .Voir lettre du 1er avril 1759 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2014/08/19/tous-les-peres-sans-en-excepter-un-seul-ont-fonde-la-religion-chretienne-su.html
3 Cette lettre ne nous est pas parvenue . Cependant on connait une lettre de Pierre Rousseau à Marc-Michel Rey du 30 mars 1759 où il annonce qu'il a sous presse Candide qui a « une vogue étonnante » ; l'ouvrage sera pr^t « dans cinq jours » ; il en annonce la publication le 7 avril 1759 et ajoute : « Je crois m'en défaire avantgeusement parce que j'en envoie aux armées . »
4 Zastrow , village de Poméranie : http://fr.wikipedia.org/wiki/Ch%C3%A2teau_de_Klein_Zastrow
5 Wagnière a rayé « et qui » mais a oublié de remplacer ces mots ou encore de rayer « font » qui précède .
6 St Denis doit représenter le roi d France , voir lettre du 1er août 1759 à Frédéric II : page 149 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6514333b/f161.image.r=roi%20de%20prusse
« Le vrai Denis, le héros de nos jours, Je le connais, et je sais quel est l'âne ; »
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tous les pères [de l'Eglise] sans en excepter un seul, ont fondé la religion chrétienne sur cette malédiction prononcée par Dieu même ... nous sommes des coupables tourmentés, qui devons avouer nos fautes et notre punition
... Poisson d'avril décalé, avec une déclaration sérieuse .
Dois-je préciser que je me fiche du prétendu péché originel comme de ma première séance de catéchisme ? Au demeurant j'aime bien les pommes, n'en ait pas davantage la science infuse, et pour moi l'histoire d'Eve et du serpent n'est qu'une métaphore dont ce cher docteur Freud donnerait une explication sexuelle sans contredit .
Fichues religions !
« A monsieur Pierre Rousseau
à Liège
directeur du Journal Encyclopédique 1
Messieurs, vous dites dans votre journal du mois de mars qu'une espèce de roman intitulé De l'Optimisme ou Candide, est attribué à un nommé M. de V. 2. Je ne sais de quel M. de V. vous voulez parler ; mais je vous déclare que ce petit livre est de mon frère M. Démad, actuellement capitaine dans le régiment de Brunsvik, et à l'égard de la prétendue royauté des jésuites dans le Paraguay que vous appelez une misérable fable, je vous déclare à la face de l'Europe que rien n'est plus certain ; que j'ai servi sur un des vaisseaux espagnols envoyés à Buenos-Aires en 1756 pour mettre à la raison la colonie voisine du Saint-Sacrement , que j'ai passé trois mois à l'Assomption, que les jésuites ont de ma connaissance vingt-neuf provinces qu'ils appellent réductions, et qu’ils y sont les maitres absolus au moyen de huit réales par tête qu'ils payent au gouverneur de Buenos-Aires pour chaque père de famille, et encore ne payent-ils que le tiers de leurs cantons . Ils ne souffrent pas qu'aucun Espagnol reste plus de trois jours dans leurs réductions . Ils n'ont jamais 3 voulu que leurs sujets apprissent la langue castillane, ce sont eux seuls qui font faire l'exercice des armes aux Paraguains, ce sont eux seuls qui les conduisent . Le jésuite Thomas Verle, natif de Bavière, fut tué à l'attaque de la ville du Saint Sacrement, en montant à l'assaut, à la tête des Paraguains en 1737, et non pas en 1755 comme l'a dit le jésuite Charlevoix,4 auteur aussi insipide que mal instruit . On sait comment ils soutinrent la guerre contre Don Antequerra ; on sait ce qu'ils ont tramé en dernier lieu contre la couronne de Portugal et comme ils ont bravé les ordres du Conseil de Madrid .
Ils sont si puissant qu'ils obtinrent de Philippe V, en 1743, une confirmation de leur puissance, qu'on ne pouvait leur ôter . Je sais bien, messieurs, qu'ils n'ont pas de titre de roi, et par là on peut excuser ce que vous dîtes de la misérable fable de la royauté du Paraguay 5. Mais le dey d’Alger n'est pas roi, et n'en est pas moins maître . Je ne conseillerais pas à mon frère le capitaine de faire le voyage du Paraguay sans être le plus fort .
Au reste, messieurs, j'ai l'honneur de vous informer que mon frère le capitaine qui est le loustik 6 du régiment est un très bon chrétien, qui en s'amusant à composer le roman de Candide dans son quartier d'hiver, a eu principalement en vue de convertir les sociniens . Ces hérétiques ne se contentent pas de nier hautement la Trinité et les peines éternelles, ils disent que Dieu a nécessairement fait de notre monde le meilleur des mondes possibles, et que tout est bien . Cette idée est manifestement contraire à la doctrine du péché originel . Ces novateurs oublient que le serpent qui était le plus subtil des animaux, séduisit la femme tirée de la côte d’Adam, qu'Adam mangea de la pomme défendue , que Dieu maudit la terre qu'il avait bénite : maledicta terra in opere tuo ; in laboribus comedes 7.
Ignorent-ils que tous les pères sans en excepter un seul, ont fondé la religion chrétienne sur cette malédiction prononcée par Dieu même, dont nous ressentons continuellement les effets ? Les sociniens affectent d'exalter la providence, et ils ne voient pas que nous sommes des coupables tourmentés, qui devons avouer nos fautes et notre punition . Que ces hérétiques se gardent de paraître devant mon frère le capitaine , il leur ferait voir si tout est bien .
Je suis, messieurs, votre très humble et très obéissant serviteur .
Démad
A Zastrou 1er avril 1759
P.-S. - Mon frère le capitaine est l'intime ami de M. Ralph, professeur assez connu dans l'académie de Francfort-sur-l'Oder, qui l'a beaucoup aidé à faire ce profond ouvrage de philosophie, et mon frère a eu la modestie de ne l'intituler que traduction de M. Ralph, modestie bien rare chez les auteurs . »
1 Original de la main de Wagnière . Le manuscrit qu'on possède est celui qui a servi pour l'édition, où le texte est précédé de cette note de l'éditeur (qui figure aussi, d'une autre main que celle de Wagnière, sur le manuscrit) : « N.B.- Cette lettre a été égarée pendant longtemps , et lorsqu'elle nous est parvenue, nous avons fait des recherches inutiles pour découvrir l'existence de M. Démad, capitaine dans le régiment de Brunswic . » On peut dater cette lettre , et ce qui le prouve, c'est par exemple la mention que V* en fait dans une lettre à Choiseul qui ne peut avoir été écrite que vers avril 1759 (lettre du 1er avril 1759 à César-Gabriel Choiseul, comte de Choiseul : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2014/05/24/ce-qu-il-desirait-le-plus-dans-le-plus-sot-des-mondes-possib-5376348.html)
2 De fait le Journal encyclopédique du 15 mars 1759 , qui dit : « Ce roman, dont nous ne croyons nullement que l'original allemand existe, est attribué à M. de V... »
3 Jamais, correction interlinéaire qui remplace pas, biffé .
4 Pierre-François-Xavier de Charlevoix, Histoire du Paraguay, 1756 , qui donne le nom de ce jésuite sous la forme de Thomas Werle .Voir : http://fr.wikipedia.org/wiki/Pierre-Fran%C3%A7ois-Xavier_de_Charlevoix
5 Le Journal encyclopédique parle des « folies qu'on a débitées au sujet de la royauté qu'on prétend que les jésuites possèdent au Paraguay » ; voir aussi lettre du 14 novembre 1755 à Jean-Robert Tronchin : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2012/04/19/aidez-moi-mon-cher-ange-et-je-vous-promets-encore-une-traged.html
6 Le manuscrit (même main que le nota bene) et le Journal encyclopédique du 15 juillet 1762 donnent la note suivante : « Mot allemand signifiant joyeux » Les dictionnaires étymologiques assignent la date de 1762 comme première attestation de ce mot , dans la présente lettre . A proprement parler, dans les régiments suisses allemands, le loustic était le bouffon de la troupe .
7 La terre est maudite à cause de toi, tu gagneras ton pain à la sueur de ton front .
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18/08/2014
J'espère toujours, monsieur, que, non-seulement vous aurez la bonté de me faire parvenir la suite de ce journal, mais que je recevrai de vous des lumières sur tout ce qui peut rendre ces événements plus intéressants pour le public, et plus glorieux pour
... le monarque", fut-on en république sous la direction/l'errance d'un président élu !
Quelques actualités difficiles à rendre intéressantes, en encore plus à glorifier notre gouvernement .
Voltaire fit ses choux gras des nouvelles de Russie, et nous, nous faisons maigres affaires avec leur embargo, mais rassurons-nous, quelques millions par-ci par-là sont encore disponibles .
Plus directement intéressant (?) pour notre emploi : http://www.lemonde.fr/economie/article/2014/08/18/pierre-gattaz-hesite-a-mettre-a-nouveau-la-pression-sur-le-gouvernement_4472747_3234.html
Et sans transition, une mise en parallèle qui me semble d'une importance stratosphérique, le manque d'eau pour se doucher à Gaza d'une part, et les douches glacées de quelques uns des plus riches humains qui font le buzz (comme dit mon ami Willy le bourdon )
http://www.lemonde.fr/proche-orient/video/2014/08/18/la-douche-moment-rare-a-gaza_4472815_3218.html
Vous restez de glace ? ça ne m'étonne pas ! Que retiendra l'histoire ?
« A Ivan Ivanovitch SCHOUVALOW,
à Pétersbourg.
Au château de Tournay par Genève
10 juillet 1759.
Monsieur, une grande fluxion sur les yeux me prive de l'honneur de vous écrire de ma main, et du plaisir de continuer, aussi rapidement que je le voudrais, l'Histoire de Pierre le Grand. Je l'ai poussée jusqu'à la bataille de Pultava. Le journal que Votre Excellence a eu la bonté de m'envoyer me sert à constater les dates, et à rapporter les événements avec exactitude. J'espère toujours, monsieur, que, non-seulement vous aurez la bonté de me faire parvenir la suite de ce journal, mais que je recevrai de vous des lumières sur tout ce qui peut rendre ces événements plus intéressants pour le public, et plus glorieux pour le monarque.
Je vois bien, dans les mémoires qu'on m'a confiés, quel jour on a pris une ville; je vois le nombre des morts, des prisonniers, dans une bataille ; mais je ne vois rien qui caractérise Pierre le Grand. Le lecteur désirera sans doute de savoir comment il traita les principaux officiers suédois prisonniers, après la bataille de Pultava ; comment la plupart des capitaines et des soldats furent transportés en Sibérie: comment ils y vécurent; avec quelle générosité l'empereur renvoya le prince de Wurtemberg ; pourquoi le comte Piper 1 fut détenu dans une prison rigoureuse; comment on traita les généraux Renschild 2 et Lewenhaupt, et les autres; quel fut l'appareil du triomphe à Moscou. Un billet de lui, une réponse, un mot, deviennent, dans de telles circonstances, des choses importantes pour la postérité .
Ses négociations, surtout, doivent être un des plus grands objets de son histoire. Mais, monsieur, tous les princes ont négocié, tous ont assiégé des villes et donné des batailles, nul autre que Pierre le Grand n'a été le réformateur des mœurs, le créateur des arts, de la marine et du commerce. C'est par là surtout que la postérité l'envisagera avec admiration. Elle voudra être instruite en détail de tout ce qu'il a créé ; elle demandera compte du moindre chemin public, des canaux pour la jonction des rivières, des règlements de police et de commerce, de la réforme mise dans le clergé ; en un mot, de tous les objets sur lesquels il a étendu ses soins. Il est même nécessaire que toutes ses grandes entreprises, depuis la Finlande jusqu'au fond de la Sibérie, soient présentées au public dans un jour si lumineux, et d'une manière si imposante, que les lecteurs ne puissent pas regretter ces anecdotes désagréables dont tant de livres sont remplis, et que la gloire du héros empêche de s'informer des faiblesses de l'homme.
J'ignore, monsieur, si c'est votre intention que l'Histoire de Pierre le Grand soit suivie d'un chapitre dans lequel je ferai voir, en raccourci, comment on a suivi en tout les vues de ce législateur ; avec quelle splendeur on a achevé ce qu'il avait commencé, et tout ce que votre nation a fait de grand, jusqu'au temps heureux de l'impératrice régnante. Je fais mille vœux pour la durée et le bonheur de son empire; j'en fais d'aussi ardents pour votre personne. Le protecteur des arts doit m'être bien cher ; l'ouvrage dont vous m'avez chargé m'inspire de la reconnaissance ; toutes vos bontés me sont précieuses.
J'ai l'honneur d'être avec les sentiments les plus respectueux
monsieur
de Votre Excellence
le très humble et très obéissant serviteur
Voltaire »
1 Voir page 63 : http://books.google.fr/books?id=1hbi7sP9JzMC&pg=PA63&lpg=PA63&dq=comte+Piper+prisonnier&source=bl&ots=FDBEInxicY&sig=Au870LO6lyFXNpSYLe3o_TdMSZs&hl=fr&sa=X&ei=LP_xU7zzCqa60QWF94CQDw&ved=0CCUQ6AEwAQ#v=onepage&q=comte%20Piper%20prisonnier&f=false
et page 177 de l''Histoire de Charles XII :https://archive.org/stream/histoiredecharle00voltuoft#page/176/mode/2up
2 Le général Carl Gustav Rehnskjöld .Voir : http://www.battle.poltava.ua/english/rehnskold.htm
et : http://de.wikipedia.org/wiki/Carl_Gustaf_Rehnski%C3%B6ld
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