20/07/2013
c'est le repos qui est aujourd'hui mon point fixe . Je le goûte avec volupté et je ne veux le perdre pour aucun roi du monde
... Ce qui pourrait être, avec un tantinet de franchise, le préambule ou la conclusion du discours que tiendra ce noble-père indigne-roi des Belges, Albert, demain ex-roi, mais toujours amant dégonflé .
Après la surprise offerte par Philippe à son royal paternel ce soir, je serais ravi qu'il soit capable d'en offrir une seconde en tant que roi demain, et mon choix de républicain serait qu'il présente officiellement sa (demi)-soeur, Delphine, soeur dite illégitime mais honorable . Mais bon, ce monde aristocratique est bien trop hypocrite, pour tout dire faux-cul, pour que ce genre d'évènement survienne . Dommage . Les histoires belges ne sont plus ce qu'elles étaient .
Repos-Point fixe [modèle de ]

« A Nicolas-Claude Thieriot
Aux Délices 22 mars [1758]
Votre lettre du 14 mars, mon cher et ancien ami m'a fait un grand plaisir ,mais il y a un article qui me fait bien de la peine . Je vois avec douleur que le marquis d'Adhémar fait courir les lettres qu'on lui écrit 1. Je suis en peine de celle dont vous me parlez . Je ne sais pas ce que c'est . J'écris d'abondance de cœur et de plume, et quand on écrit à un ami on ne croit point parler au public . D'ailleurs d'Adhémar est grand maître de la maison de Mme la margrave de Bareith . Je peux avoir écrit des choses flatteuses pour le roi son frère qui seront mal reçues en France . Envoyez-moi je vous prie copie de cette lettre qui court et mettez moi en repos , car c'est le repos qui est aujourd'hui mon point fixe . Je le goûte avec volupté et je ne veux le perdre pour aucun roi du monde . Bonsoir . Je vous embrasse . Qu'est-ce que c'est que l'abbé Aubert 2? Qu'est devenu le procès de ce Corneille 3 qui est parent de Pertharite et non pas de Cinna ? »
1 Au moins celle de février 1758 , voir : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2013/06/13/je-regarde-avec-pitie-les-traites-frauduleux-la-sourde-inimi1.html
Thieriot répond le 30 mars : « Voici une copie griffonnée de cette épître à M. Adhémar . Calmez votre inquiétude . Elle ne dit rien de plus du roi de Prusse que ce qu'on en dit lorsqu'on lui rend justice sur ses grands talents . »
2 Cette phrase est rayée sur le manuscrit, d'une autre main et tardivement . Pour l'abbé Aubert, voir lettre du 22 mars 1758 à Aubert (voir : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2013/07/18/j... ), et la réponse de Thiériot : « Le fabuliste Aubert est un abbé étayé d'un petit bénéfice de simple tonsure, philosophe obscur et modéré, sans autre ambition que de se maintenir dans sa médiocrité pour cultiver en paix les belles lettres qu’il connait très bien . Il est fils d'Aubert , musicien agréable attaché à Mme de Prie et à M. le duc de Bourbon-Condé . … Il m'est venu voir plein de reconnaissance de ce que vous lui avez écrit d'obligeant ...»
3 Réponse de Thieriot : « Les Corneille que vous voulez connaître et qui ont voulu faire casser le testament de M. de Fontenelle sont l'un mercier à Paris, l'autre fourrier aux Andelys . M. de Fontenelle m'en avait parlé de lui-même en me disant qu'ils étaient ses parents descendants du grand Corneille et qu'il ne les connaissait point . Leur fortune était pitoyable et ridicule ... » . Fontenelle neveu du grand Corneille, avait légué ses biens à quatre légataires dont deux étaient les petites filles de Thomas Corneille ; sur quoi Jean-François Corneille et ses sœurs, petits enfant de Pierre Corneille, cousin du poète, tentèrent sans succès de faire annuler le testament . Ce Jean-François était le père de Marie-Françoise que V* adoptera quelques années plus tard .
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19/07/2013
Si tous ceux à qui il fait peur avaient la cuisse enflée, il faudrait élargir bien des chausses
... Peur de qui, peur de quoi , aujourd'hui ?
Je suppose que si l'on veut donner le maximum de travail aux couturiers et cousettes, le sujet de peur qui offre le meilleur marché est celui de l'intégrisme religieux et du terrorisme qui s'en réclame .

Selon le dicton "plus le pantalon est large, plus l'homme est fort !", d'accord, mais je dois ici rappeler que Volti parle seulement de "cuisse enflée" . En tout état de cause, comme bien souvent, c'est l'épouse qui tient les cordons de la bourse !
« A Françoise-Paule d'Issembourg d'Happoncourt Huguet de Graffigny
Aux Délices, le 22 mars [1758]
Dieu conserve votre santé madame ! Je vous tiens ce propos parce que je suis revenu malade à ma retraite des Délices et je sens que sans la santé on n'a ni plaisir ni philosophie ni idées .
Si j'étais capable de regretter Paris , je regretterais surtout de ne me pas trouver à la naissance de La Fille d'Aristide 1 et de ne pas faire ma cour à madame sa mère . Melpomène et Thalie sont donc logées dans la même maison ! Vous dites que M. de La Touche 2 connait les livres et très peu le monde, mais c'est le connaître très bien que de vivre avec vous . Vous lui apprendrez comme le monde est fait et il verra en vous ce que le monde a de meilleur . Vous le peindrez tous deux : vous , madame, avec le pinceau de Ménandre 3, et lui avec ceux d'Euripide, car vous voilà tous deux grecs .
Vous avez voulu mettre un homme juste sur le théâtre, il a fallu chercher dans l'ancienne Grèce . Nous n'avons eu que Louis XIII qui ait eu ce beau surnom . Dieu sait comme il le méritait . Ce titre de juste fut la définition d'Aristide, et le sobriquet de Louis XIII .
Quant au très estimable et très brillant petit-neveu du ministre plus grand que juste de Louis le juste 4, je vous félicite tous deux de ce qu'il vient oublier avec vous les tracasseries de la cour et de l'armée . Je ne puis pas me vanter à vous de recevoir de ses lettres comme vous vous vantez de jouir des charmes de sa conversation . Il m'a abandonné : c'est depuis qu'il est allé guerroyer chez les Cimbres. Il m’avait donné rendez-vous à Strasbourg, mais précisément dans ce temps là une des cuisses de ma nièce s'avisa de devenir aussi grosse que son corps 5. Elle avait déjà été à la mort de cette maladie ; c'était une suite de la belle peur que le roi de Prusse lui avait faite à Francfort . Si tous ceux à qui il fait peur avaient la cuisse enflée, il faudrait élargir bien des chausses . Je ne sais pas si M. le maréchal de Richelieu m'a trouvé un oncle trop tendre de ne lui pas sacrifier une cuisse pour le voyage de Strasbourg, mais depuis ce temps-là il a eu la barbarie de ne me plus écrire .
Je me suis dépiqué avec le roi de Prusse qui est beaucoup plus régulier que lui . Mais je sens cependant que je ferais plus volontiers un voyage pour revoir mon héros français que mon héros prussien .
Je voudrais bien, madame, me trouver entre vous deux ; ma destinée ne le veut pas, elle m'a fait Suisse et jardinier . Je m’accommode très bien de ces deux qualités . Heureux qui sait vivre dans la retraite ! Cela n'est pas aisé aux grands de ce monde mais cela est très facile pour les petits .
Je me trouve fort bien et je suis toujours, madame, votre très fidèle Suisse .
Voltaire. »
1 Cette comédie en cinq actes, en prose, de Mme de Graffigny, fut jouée la première fois le 29 avril 1758 .Voir : http://fr.wikipedia.org/wiki/Fran%C3%A7oise_de_Graffigny
et : http://books.google.fr/books?id=hFhbAAAAQAAJ&printsec...
2 Auteur d'Iphigénie en Tauride ; voir lettre du 5 janvier 1758 à Thieriot : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2013/03/13/ils-me-donnent-quelquefois-des-articles-peu-interessants-a-f.html
5 Voir lettre du 7 mars 1758 à d'ArgentaI: http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2013/07/04/je-persiste-mon-cher-ange-a-conseiller-aux-encyclopedistes-d.html
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18/07/2013
Je ne sais quel contretemps a pu retarder un présent si flatteur pour moi
... Serait-ce un passé déplorable ?
Mes vingt premières années ? ou les suivantes ?
http://www.dailymotion.com/video/xveyuw_jean-louis-aubert-vingt-ans-clip-officiel_music#.UehexW1cXpc
Alone ?
Think pink !

« A Jean-Louis AUBERT
abbé
Je n'ai reçu, monsieur, que depuis très peu de jours dans ma campagne où je suis de retour, la lettre 2 pleine d'esprit et de grâces dont vous m'avez honoré, accompagnée de votre livre qui me rend encore votre lettre plus précieuse . Je ne sais quel contretemps a pu retarder un présent si flatteur pour moi . J'ai lu vos fables avec tout le plaisir qu'on doit sentir quand on voit la raison ornée des charmes de l'esprit . Il y en a qui respirent la philosophie la plus digne de l'homme . Celles du merle, du patriarche, des fourmis sont de ce nombre . De telles fables sont du sublime écrit avec naïveté . Vous avez le mérite du style, celui de l'invention, dans un genre où tout paraissait avoir été dit . Je vous remercie et je vous félicite . Je donnerais ici plus d'étendue à tous les sentiments que vous m'inspirez si le mauvais état de ma santé me permettait les longues lettres . Je peux à peine dicter mais je ne suis pas moins sensible à votre mérite et à votre présent .
J'ai l'honneur d'être, avec toute l'estime que je vous dois . »
1 Jean-Louis Aubert ; http://fr.wikipedia.org/wiki/Abb%C3%A9_Aubert
Aubert répondra par les vers que voici :
Ma muse n'est pas assez vaine
Pour espérer, par ses essais,
Égaler les brillants succès
De l'ingénieux La Fontaine:
Elle connaît tout le danger
Du goût décidé qui l'entraîne
Mais tu daignas l'encourager,
2 Cette lettre est du 10 février 1758, (Besterman) : Voir page 357 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k411355v/f360.image . L'abbé Aubert y demande à V* « que l'auteur de la Henriade sacrifie quelques moments à la lecture d'une cinquantaine de fables et qu'il daigne écrire ce qu'il en pense ». Ces Fables nouvelles, avec un discours sur la manière de lire les fables, ou de les réciter avaient été publiées à Amsterdam en 1756, sous le nom de M***. Voir ; http://books.google.fr/books?id=U7MWAAAAQAAJ&printsec=frontcover&hl=fr&source=gbs_ge_summary_r&cad=0#v=onepage&q&f=false
23:24 | Lien permanent | Commentaires (0)
17/07/2013
les laisser passer sans exiger des droits qui me paraissent très injustes
... Vient de me dire un descendant de Lao Tseu à propos de la foule de ses produits dont il inonde le monde , et donc la France . Je lui demande donc d'essayer de devenir un modèle de justice avant de se plaindre , et alors nous en reparlerons .

No comment !
« A Ami Camp
négociant à Lyon
[vers le 20 mars 1758]
Il ne s'agit donc, mon cher monsieur, pour me faire venir mes quatre flambeaux d'argent, que de parler à M. Adine 1, directeur des fermes qui a l'ordre de les laisser passer sans exiger des droits qui me paraissent très injustes . Je vous serai très obligé de vouloir bien faire dépêcher ce petit ballot par la messagerie . Je me flatte que notre ami 2 est arrivé en bonne santé . Il a les yeux bons et il verra aisément ce qu'il conviendra de faire des annuités et des billets de loterie .
Permettez que je vous prie de donner cours à l'incluse .
Votre très humble et très obéissant serviteur .
V. »
1 Thomas-Charles-Jean Adine : voir : http://www.sglb.org/spip/spip.php?page=liste_BP&reche...
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16/07/2013
Loin d'épuiser une matière, Il n'en faut prendre que la fleur
... Ou garder une poire pour la soif , si on est gourmand .

« A Nicolas-Claude Thieriot
Je crois mon ancien ami que je vous ai dit des injures dans ma dernière lettre 1. J'avais grand tort . Vous aviez envoyé le grand Sala heddin 2 chez le bienfaisant Bouret et le bienfaisant Bouret me l'avait dépêché . J'ai trouvé mon Kurde aux Délices . Je le lis avec plaisir quand j'ai arrangé mon potager et j'écrirai à l'auteur quand j'aurai achevé ma lecture . Qui est donc ce M. Marin ? Il me semble qu'on se remet un peu à l'érudition orientale , mais cela ne durera pas . Malheur à ceux qui voudront entrer dans les détails de ces Mille et une nuits historiques ! C'est là qu'il faut se souvenir du précepte de La Fontaine :
Loin d'épuiser une matière,
Il n'en faut prendre que la fleur .
Je vous embrasse .
18 mars [1758] aux Délices »
1 « Liron, loir, paresseux ... » : voir lettre du 7 mars 1758 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2013/07/06/liron-loir-paresseux-negligent-qui-ne-songez-a-rien.html
2 Histoire de Saladin , par François-Louis-Claude Marin : http://books.google.fr/books?id=jcAEtmRM0V8C&printsec=frontcover&hl=fr&source=gbs_ge_summary_r&cad=0#v=onepage&q&f=false
Voir : http://fr.wikipedia.org/wiki/Fran%C3%A7ois-Louis_Claude_M...
et : http://dictionnaire-journalistes.gazettes18e.fr/journalis...
08:00 | Lien permanent | Commentaires (0)
15/07/2013
je vous avertis pourtant qu'il y a de très jolies femmes à convertir dans Lausanne
... Chat alors !
Excuse me ! I must go !!

« A Claude-Henri de Fuzée de Voisenon 1
[mars 1758]
Mon cher évêque 2, j'ai été enchanté de votre souvenir et de votre beau mandement israélite 3; on ne peut pas mieux demander à boire ; c'est dommage que Moïse n'ait donné à boire que de l'eau à ces pauvres gens ; mais je me flatte que vous ferez pour Pâques prochain au moins une noce de Cana ; ce miracle est bien au-dessus de l'autre , et rien ne vous manquera plus quand vous aurez apaisé la soif des buveurs de l'ancien et du nouveau testament . Franchement votre petit ouvrage est très bien fait et très lyrique . Mondonville 4 doit vous avoir beaucoup d'obligation, et j'ai plus de soif de vous revoir que vous n'en avez de venir à mes petites Délices . Mais ce n'est pas aux Délices qu'il fallait venir, c'est à Lausanne ; Mme Denis y a la même réputation que Mlle Clairon a dans votre pays . Vous seriez assez étonné de voir des pièces nouvelles en Suisse, et mieux jouées en général qu'elles ne le seraient à Paris ; c'est à quoi nous avons passé notre hiver pour nous dépiquer du malheur de nos armées . Nous vous aurions très bien logé; nous vous aurions fait manger force gélinottes et de grosses truites : nous vous aurions crevé, et M. Tronchin vous aurait guéri . Mais vous n'êtes pas un prêtre à faire une mission chez nous autres hérétiques ; jamais votre zèle ne sera assez grand pour venir sur notre beau lac de Genève ; je vous avertis pourtant qu'il y a de très jolies femmes à convertir dans Lausanne . Mme Denis se souvient toujours de vous avec bien de l'amitié et n'en compte pas sur vous davantage ; vous nous écrivez une fois en cinq ans ; nous reconnaissons là les mœurs de Paris ; encore est-ce beaucoup que dans vos dissipations vous vous soyez ressouvenu une fois de vos amis qui ne vous oublient jamais, et qui savent autant que vos Parisiennes combien vous êtes aimable . Nous ne regrettons pas beaucoup de choses, mais nous regrettons toujours le très aimable et très volage évêque de Montrouge . »
1Voir : http://fr.wikipedia.org/wiki/Claude-Henri_de_Fus%C3%A9e_de_Voisenon
Cette lettre est faite en réponse à l'abbé de Voisenon qui lui avait envoyé son motet français Les Israélites sur la montagne d'Horeb . Voisenon écrit plusieurs livrets d’oratorios en français : Casanova aurait inspiré le thème du premier, Les Israelites à la montagne d’Horeb, joué pour la première fois en 1758 . Voir : http://books.google.fr/books?id=Pe4FAAAAQAAJ&pg=PA217&lpg=PA217&dq=Les+Isra%C3%A9lites+sur+la+montagne+d%27Horeb+voisenon&source=bl&ots=dEsqmAmCLX&sig=-mx8anmdz0CfLiq9cdDqhC24lus&hl=fr&sa=X&ei=UB_jUanbNomThQf51oHwBg&ved=0CDQQ6AEwAQ#v=onepage&q=Les%20Isra%C3%A9lites%20sur%20la%20montagne%20d%27Horeb%20voisenon&f=false
2 « L'abbé de Voisenon avait signé sa lettre L'évêque de Montrouge, maison charmante située aux environs de Paris, appartenant au duc de Lavallière, et qu'on peut appeler le diocèse des muses lorsqu'il y a un tel évêque. » : note de l'édition .
4 Jean-Joseph Cassanéa de Mondonville, compositeur et violoniste (1711-1772) devait composer sur le texte de Voisenon le « motet français » Les Israélites sur le mont Horeb créé cette même année .Voir : http://fr.wikipedia.org/wiki/Jean-Joseph_Cassan%C3%A9a_de_Mondonville
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14/07/2013
Les hommes qui n'ont pas changé le destin des États n'ont aujourd'hui qu'une place bien médiocre dans les niches du temple de la gloire où l'on trouve une foule prodigieuse de guerriers
... Si au moins on pouvait avoir cette phrase en tête de tous les discours de ce jour !
Mais je suis sans doute trop Bisounours pour croire qu'il reste un sou de raison dans le monde politique .
Allez, chantez, dansez et faites sauter les bouchons !
« A Béat-Fidèle-Antoine-Jean-Dominique de La Tour-Chatillon, baron de ZURLAUBEN 1
capitaine aux gardes suisses
maréchal de camp
à Paris
A Lausanne 14 mars 1758
Monsieur, il y a longtemps que je respectais votre nom ; et votre Histoire militaire des Suisses en France 2 m'a inspiré pour votre personne l'estime qu'on ne peut lui refuser . Je conviens avec vous que Benjamin de Rohan 3 était un grand et digne chef de parti . Il prenait de l'argent des Espagnols superstitieux catholiques pour faire révolter les calvinistes fougueux de France . Il en prenait ensuite du roi de France pour faire la paix . Il faisait toujours étaler une grande bible sur une table dans tous les cabarets où il couchait ; d'ailleurs, entendant mieux que personne la manière dont on faisait la guerre en ces temps-là . J'ai fait mention de lui dans une Histoire générale au chapitre du ministère du cardinal de Richelieu . Mais je n'en ai parlé dans ce tableau des malheurs de l'univers qu'autant qu'on le peut d'un ambitieux subalterne qui n'a troublé qu'une petite province dans un coin du monde, et qui n'a pas réussi ; il aurait fait de plus grandes choses sur un plus grand théâtre, surtout s'il eût employé contre les ennemis de l’État le génie qu'il employa contre sa patrie . Les hommes qui n'ont pas changé le destin des États n'ont aujourd'hui qu'une place bien médiocre dans les niches du temple de la gloire où l'on trouve une foule prodigieuse de guerriers . On a tant célébré de grands hommes qu'il n'y a presque plus de grands hommes . Cependant, monsieur, si un homme de votre mérite gratifie le public d'une partie des mémoires du duc de Rohan sur la guerre de la Valteline 4 je me ferai un plaisir et un honneur d'obéir à vos ordres, supposé que je trouve par hasard quelque idée qui ne soit pas tout à fait indigne de vos peines et du service que vous rendez aux amateurs de l'histoire 5.
J'ai l'honneur d'être avec l'estime la plus respectueuse,
monsieur,
votre très humble et très obéissant serviteur
Voltaire
gentilhomme ordinaire du roi . »
1 Zurlauben était né à Zug d'une famille alémanique mais il passa sa vie à servir en France et écrivit en Français, c’est pourquoi son nom est donné sous sa forme française . Voir :http://fr.wikipedia.org/wiki/B%C3%A9at_Fid%C3%A8le_Antoine_Jean_Dominique_de_la_Tour-Ch%C3%A2tillon_de_Zurlauben
2 Voir lettre du 4 avril 1754 à Mme Denis où il est fait mention de Zurlauben qui venait de terminer son livre sur l'Histoire des Suisses ; V* le nomme « Monsieur sur l'Aube ». http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2009/04/08/ce-n-est-pas-une-impiete-que-dire-la-verite.html
4 Henri, duc de Rohan , Mémoires et lettres … sur la guerre de la Valteline, publiés par Zurlauben à Genève en 1758 . Voir : http://books.google.fr/books?id=GoVBAAAAcAAJ&printsec=frontcover&hl=fr&source=gbs_ge_summary_r&cad=0#v=onepage&q&f=false
et : http://books.google.fr/books?id=LYVBAAAAcAAJ&printsec...
et : http://books.google.fr/books?id=0BxOAAAAcAAJ&printsec...
5 Zurlauben avait sans doute demandé un frontispice à V* qui le lui enverra ; voir lettre au même de mars/avril 1758 ; parlant de Rohan « Sur un plus grand théâtre il aurait dû paraître ./Il agit en héros, en sage il écrivit ./Il fut même un grand homme en combattant son maître/ Et plus grand encore lorsqu'il le servit . »
08:35 | Lien permanent | Commentaires (0)

