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22/08/2012

je suis un bavard qui dit ce qu'il aurait dû faire, et qui n'a rien fait qui vaille

... Mais comment mon cher Volti pouvez-vous me décrire si bien , enfin presque . Je ne pense absolument pas que cette phrase puisse s'appliquer à votre attitude . It's a joke !

 Comme dit R2D2 : Réfléchir avant d'agir

 

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« A M. d'ALEMBERT.

Aux Délices, 9 octobre [1756].

Nous avons été sur le point, mon cher philosophe universel, de savoir, Mme de Fontaine et moi, ce que devient l'âme quand son confrère est passé. Nous espérons rester encore quelque temps dans notre ignorance. Toutes nos petites Délices vous font les plus tendres compliments. Les ridicules de Con flans et l'aventure de Pirna 1 feront une assez bonne figure un jour dans l'histoire mais ce n'est pas là mon affaire, Dieu m'en préserve ! Je suis assez embarrassé du passé sans me mêler encore du présent. Si vous avez quelques articles de l'Encyclopédie à me donner, ayez la bonté de vous y prendre un peu à l'avance. Un malade n'est pas toujours le maître de ses moments. Je tâcherai de vous servir mieux que je n'ai fait. Je suis bien mécontent de l'article Histoire 2. J'avais envie de faire voir quel est le style convenable à une histoire générale, celui que demande une histoire particulière, celui que des mémoires exigent. J'aurais voulu faire voir combien Thoiras l'emporte sur Daniel, et Clarendon sur le cardinal de Retz. Il eût été utile de montrer qu'il n'est pas permis à un compilateur des mémoires des autres de s'exprimer comme un contemporain , que celui qui ne donne les faits que de la seconde main n'a pas le droit de s'exprimer comme celui qui rapporte ce qu'il a vu et ce qu'il a fait; que c'est un ridicule, et non une beauté, de vouloir peindre avec toutes leurs nuances les portraits des gens qu'on n'a point connus; enfin il y avait cent choses utiles à dire, qu'on n'a point dites encore; mais j'étais pressé et j'étais malade, j'étais accablé de cette maudite
Histoire générale que vous connaissez. Je vous demande pardon de vous avoir si mal servi. S'il était temps, je pourrais vous donner quelque chose de mieux; mais, ne pouvant répondre d'un jour de santé, je ne peux répondre d'un jour de travail. Je ne connais point le Dictionnaire 3; je n'ai point souscrit. Je courais le monde quand vous avez commencé je l'achèterai quand il sera fini. Mais je fais réflexion qu'alors je serai mort ainsi je vous prie de proposer à Briasson 4 de m'envoyer les volumes imprimés je lui donnerai une lettre de change sur mon notaire.
Ce qu'on m'a dit des articles de la théologie et de la métaphysique me serre le cœur. Il est bien cruel d'imprimer le contraire de ce qu'on pense.
Je suis encore fâché qu'on fasse des dissertations, qu'on donne des opinions particulières pour des vérités reconnues 5. Je voudrais partout la définition et l'origine du mot, avec des exemples.
Pardon, je suis un bavard qui dit ce qu'il aurait dû faire, et qui n'a rien fait qui vaille. Si on met votre nom dans un dictionnaire, il faudra vous définir le plus aimable des hommes. C'est ainsi que pense le Suisse V. »

1 Pirna, ville longtemps bloquée par les Prussiens, se rendit à discrétion à la fin de la campagne de 1756.

 2 Qu'il a pourtant déjà plusieurs fois remanié .

 3 C'est aussi le point de départ d'une collaboration accrue à l'écriture d'articles , six tomes sont déjà édités .

 5 Allusion aux Mémoires compilés par La Beaumelle.

 

21/08/2012

Si je ne me mourais pas d'un vilain rhumatisme, madame, je crois que je mourrais de joie des nouvelles que vous avez eu la bonté de m'envoyer

... Vite, composons le 15, le SAMU est nécessaire du côté des Délices !

Pour un vilain rhumatisme, ce doit être un vilain rhumatisme ! J'ai cependant ouï dire, -paroles de sagesse (sic) populaire, autant dire paroles d'évangile -  que c'est une maladie qui fait des centenaires . Qui croire ? 

Aux dernières nouvelles, mon propre rhumatisme ne m'empêche pas de jouer du clavier . Pourvou què ça doure !

 

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Mourir de joie, drôle de programme ? programme de drôle ? programme drôle ? Fin.

 

 

 

 

« A Madame de Klinglin, comtesse de Lutzelbourg.

Aux Délices, 6 octobre [1756].

Si je ne me mourais pas d'un vilain rhumatisme, madame, je crois que je mourrais de joie des nouvelles que vous avez eu la bonté de m'envoyer. Mais sont-elles bien vraies? Si vous en avez la confirmation, achevez mes plaisirs.

Vous avez bien raison de détester le style d'un polisson 1 qui veut faire le plaisant, et parler en homme de cour des princes et des femmes dont il n'a jamais vu l'antichambre. Il y a encore une raison de mépriser son livre: c'est que, d'un bout à l'autre, il contient un tissu de mensonges ou de contes traînés dans les rues. Il est très-bien à la Bastille, pour quelques impostures punissables, notre chère Marie-Thérèse y est pour quelque chose 2. Si Marie-Thérèse est victorieuse, comme je l'espère, et si je suis en vie, ce que je n'espère guère, vous pourriez bien encore revoir à l'île Jard votre ancien courtisan qui vous sera attaché jusqu'au dernier soupir de sa vie. Mille respects à votre digne amie 3. »

 

1 La Beaumelle.

2 Dans ses Mémoires de Mme de Maintenon (livre XIII, chap. Ier), La Beaumelle dit que la cour de Vienne était soupçonnée de réparer par ses empoisonneurs les fautes de ses ministres. (Beuchot.)

3 Mme Zuckmantel de Brumath, sœur de l’envoyé de Prusse à Mannheim.

 

20/08/2012

Les riens prennent quelquefois plus de temps que des assauts

 ... N'oublions pas que "rien c'est déjà quelque chose" , comme  disait cet autre homme d'esprit  Raymond Devos .

http://www.youtube.com/watch?v=NuzWnsR6eGk

 Rien en ce petit matin d'hiver

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« A M. le maréchal duc de RICHELIEU.

Aux Délices, 6 octobre [1756].

Je ne vous écris pas si souvent, monseigneur, que quand vous preniez Minorque. J'imagine toujours qu'on a encore plus d'affaires à la cour qu'à l'armée. Les riens prennent quelquefois plus de temps que des assauts et d'ailleurs il ne faut pas vexer d'ennui les héros qu'on aime 1.
Un Anglais me mande qu'on veut dresser dans Londres une statue à Blakeney 2. J'ai répondu qu'apparemment on mettrait cette statue dans votre temple.
Vous avez vu sans doute le dernier manifeste du Salomon du Nord 3. Ce Salomon est prolixe; mais on peut se donner carrière à la tête de cent mille hommes.4
La reine de Saba 5 ne répond point, mais elle agit. Je voudrais que vous commandassiez une armée dans ces circonstances, et que Salomon apprit par vous à connaître une nation qu'il ne connaît point du tout.
Voici les nouvelles que je reçus hier; si elles sont vraies, mon Salomon sera un peu embarrassé. Il m'a proposé, il y a quatre mois, de le venir voir; il m'a offert biens et dignités; je sais qu'elles sont transitoires; je les ai refusées. Le roi 6 ne s'en soucie guère; mais je voudrais qu'il pût en être informé. Le Suisse Voltaire et la Suissesse Denis sont toujours pénétrés pour vous d'amour et de respect. »


1 Redite du dernier vers de la lettre du 24 juillet 1756 à Desmahis : « … je conçois qu'il ne faut pas
/Ennuyer les héros qu'on aime. » :
http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2012/07/22/etre-sage-c-est-un-mal-qui-prend-a-mon-age-quand-le-ressort.html

2 Voir : « … je ne ressemble pas au général Blakeney » : lettre du 4 août 1756 à Richelieu : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2012/07/27/on-se-tait-et-on-admire.html

3 Frédéric II de Prusse .

4 L'électrice reine de Saxe eut toutes sortes de mauvais traitements à essuyer de la part du roi de Prusse, qui se rendit maître de Dresde, le 10 septembre 1756.

Bataille à Lowositz, village de Bohême, près de Leitmeritz, livrée le 1er octobre 1756, entre le roi de Prusse et le maréchal comte de Brown, général des Autrichiens ; les deux partis s'attribuent la victoire.
L'armée saxonne, qui avait quitté le camp de Pirna, n'ayant pu entrer en Bohême pour se joindre au maréchal de Brown , est obligée, le 15 octobre, de capituler, et de se rendre au roi de Prusse. Le roi Auguste se retire en Pologne.

5 Marie-Thérèse d'Autriche .

6 Louis XV.

 

Il n'y a pas d'apparence, mon cher et respectable ami, que les rancuniers perdent leur rancune.

... Ce qui laisse présager une belle rigolade/empoignade pour élire le nouveau chef de l'UMP . Chic ! Le bal des hypocrites est ouvert .

 Du côté gauche de la gauche, on trouve aussi un bel enfoiré, rancunier de première grandeur

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« A M. le comte d'ARGENTAL.

Aux Délices, 1er octobre [1756].

Mon très-aimable ange, tout mon temps se partage entre les douleurs de Mme de Fontaine et les miennes. Je n'en ai pas pour rendre notre Africaine 1 digne de vos bontés. Songez que, pour ce changement
Vous ne donnez qu'un jour, qu'une heure, qu'un moment 2

Il me faut une année. Vous briseriez le roseau fêlé, si vous donniez actuellement un ouvrage si imparfait. Le succès des magots de la Chine 3 est encore une raison pour ne rien hasarder de médiocre. Promettez à Mlle Clairon pour l'année prochaine, et soyez sûr, mon cher ange, que je tiendrai votre parole. Je ne sais si je me trompe, mais je crois que le vainqueur de Mahon gouvernera les comédiens en 1757 4; alors vous aurez beau jeu. Attendez, je vous en conjure, ce temps favorable. J'espère que notre Zulime paraîtra alors avec tous ses appas, et n'en parlera point. Il y a des choses essentielles à faire. C'est une maison dans laquelle il n'y a encore qu'un assez bel appartement. J'avoue que Mlle Clairon serait honnêtement logée, mais le reste serait au galetas. Laissez- moi, je vous en supplie, travailler à rendre la maison supportable. Je serai bientôt débarrassé de cette Histoire générale à laquelle je ne peux suffire. Un fardeau de plus me tuerait, dans le triste état où je suis. Enfin je vous conjure, par l'amitié que tous avez pour moi, et qui fait la consolation de ma vie, de ne rien précipiter. Je vous aurai autant d'obligation de cette précaution nécessaire que je vous en ai de vos démarches auprès de mon héros. Je reconnais bien la bonté de votre cœur à tout ce que vous faites mais vous pouvez compter beaucoup plus sur Zulime que je ne dois me flatter sur les choses 5 dont vous me parlez à la fin de votre lettre. Il n'y a pas d'apparence, mon cher et respectable ami, que les rancuniers perdent leur rancune. Je ne prévois pas d'ailleurs que je puisse, à mon âge, quitter une retraite dont je ne peux me défaire, et qui est devenue nécessaire à ma situation et à ma santé; mais je ne veux avoir d'autre idée que celle de pouvoir encore vous embrasser, avant de finir ma vie douloureuse.
Mme de Fontaine est mieux aujourd'hui. Les deux sœurs et l'oncle se disputent à qui vous aimera davantage mais il faut qu'on me cède.
Il court un nouveau manifeste du Salomon du Nord ; il est fort long; vous en jugerez. Il parait qu'on ne peut guère se conduire plus hardiment dans des circonstances plus délicates.
On me mande que votre archevêque 6 fait un tour dans le pays d'Astrée et de Céladon il en reviendra avec les mœurs douces du grand druide Adamas 7.
Adieu on ne peut être plus pénétré que je le suis de la constance généreuse de votre amitié. Vous sentez qu'il est nécessaire à mon être de vous revoir encore; mais je le souhaite bien plus que je ne l'espère. »

 

1 Zulime .

2 RACINE, Andromaque, acte IV, scène iii, Oreste

3 L'Orphelin de la Chine .

4 Richelieu, premier gentilhomme de la chambre, fut effectivement d'année en 1757 .

5 D'Argental et Richelieu songeaient alors, mais bien inutilement, à faire revenir l'auteur de la Henriade à Paris.

6 Christophe de Beaumont, d'abord exilé à Conflans, sa maison de plaisance, fut ensuite relégué momentanément au château de la Roque et à la Trappe. (CL.)

7 On lit Atamas dans les éditions de Kehl l'édition de M. Renouard porte Adamas, vrai nom d'un prince des Druides dans l'Astrée. La Fontaine a dit dans son Cas de conscience: « Le grand druide Adamas. » Voir ; http://www.lafontaine.net/lesContes/afficheConte.php?id=50

 

19/08/2012

ce pauvre citoyen [JJ Rousseau] est le cynique des philosophes

... Ce qui est dit en toute objectivité , à mon sentiment .  

 Par définition : "Le sage cynique choisit donc de vivre dans l'abstinence, la frugalité. Il ne recherche aucune richesse, ni honneur, ni célébrité, ni privilège, il n'a pas de maison, il se contente des nourritures les plus simples et refuse tout ce qui ne lui semble pas absolument nécessaire." En est-il plus estimable pour autant ? Je ne crois pas, je dirais même que c'est le portrait d'un assisté, pour ne pas dire d'un emmerdeur, passez-moi l'expression . Volti résume en un mot juste l'attitude de JJ R . Ce dernier devenant franchement désagréable et imbuvable par la suite .

Vous saurez aisément qui est la fleur et qui l'escargot ratatiné dans sa coquille .

 

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« A M. Pierre PICTET,

Professeur.
[septembre 1756 ?]
J'ai lu ce morceau du jésuite Castel 1, descendant de Garasse 2 en droite ligne disant des injures d'un ton assez comique. Il est le cynique des jésuites, comme ce pauvre citoyen est le cynique des philosophes. Mais Rousseau n'a jamais dit d'injures à personne, et il écrit beaucoup mieux que Castel: voilà deux grands avantages. »

 

1 Castel (Louis-Bertrand), que Voltaire a traité de Zoïle après l'avoir appelé Euclide, né à Montpellier en 1688, est mort le 11 janvier 1757. Il avait publié, au commencement de 1756, L’Homme moral opposé d l'homme physique de M. R*** (Rousseau), Lettres philosophiques où l'on réfute le déisme du jour. Si, comme je le présume, c'est de cet ouvrage que parle Voltaire, sa lettre peut être antérieure à septembre. (Beuchot.)

Voir : http://www.musicologie.org/Biographies/c/castel.html

Zoïle (Castel ayant critiqué Newton): http://fr.wikipedia.org/wiki/Zo%C3%AFle

 

18/08/2012

ami, tout le monde fait des sottises

... Par pensées, par paroles et par actions dit-on lorsque l'on va se confesser de ce genre de sottises que le clergé catholique nomme péchés .

Il y a belle lurette que mes genoux n'ont pas repris contact avec les marches d'un confessionnal et que j'ai mis au panier de linge sale les sept péchés capitaux et la kyrielle de péchés véniels y attenant . Point de lessive de mon âme par un sous -fifre à col romain, je fais confiance à celui qui est censé m'avoir permis de commettre des "sottises"

. 

Elle est pas vachement belle la vie ?

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« A M. THIERIOT

Aux Délices, 17 septembre [1756]

Mon ancien ami, tout le monde fait des sottises. Les frères Cramer en ont fait une très-ridicule; je leur ai lavé leur tête genevoise 1. Ce sont gens de mérite; mais ils ne connaissent point Paris.
J'apprends que Mme de La Popelinière est guérie radicalement par M. Castera 2. Cela est-il vrai ? Je la prie de croire que je m'y intéresse véritablement.
Mme de Fontaine est très-mal, M. Tronchin aura bien de la peine à la tirer d'affaire. Je serais inconsolable de la perdre. Quid novi de Salomon3 et de la reine de Saba 4?
Mes respects à Mme de Graffigny; mes compliments de ce qu'elle donne une sœur à Cénie 5. Je suis bien loin de rimer pour un théâtre que je ne verrai plus. »

 

1 Il écrira à d'Anville (géographe du roi) en parlant de l'Essai sur l'Histoire générale que les Cramer éditent trop tôt: «  Mrs Cramer qui sont tout deux tres aimables, et des premieres familles de Geneve et fort au dessus de la profession de libraire m’ont arraché cet ouvrage tres informe qui demanderait le travail assidu de plusieurs gens de lettres, la bibliothèque (sic) du Roy et beaucoup de goût pour être moins indigne du public : il y a dans ce livre bien des fautes de l’imprimeur, et encore plus de l’auteur »

2 Pierre Castera, qualifié de médecin de l'armée de Bohème .

3 Frédéric II

4 Marie-Thérèse d'Autriche

5 La Fille d'Aristide . Voir lettre du 13 septembre à d'Argental : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2012/08/17/la-paix-vaut-encore-mieux-que-la-vengeance.html

 

17/08/2012

Quelque chose qui arrive, il est probable que nous autres, bons Suisses, nous serons toujours tranquilles

... Je confirme .

Avec une logique imparable, ce petit peuple protège les fonds de toutes provenances et entretient un fond belliqueux , est encore capable d'avoir des citoyens-soldats et dépense des milliards en armement . Mais pour ne pas être perdants sur tous les fronts, ce sont aussi d'excellents vendeurs d'armes , qu'ils ont/avaient l'astuce, à mes yeux un peu grosse, de faire transiter comme matériel agricole (je le sais de source sure) ; le labourage au canon et les semis à la bombe à fragmentation, ça dépote, c'est sûr . N'étant pas Suisse, je peux me permettre de ne pas être neutre sur ce sujet qui me déplait souverainement .

Cette même logique leur permet de se vouer à St Fric et faire tout un plat pour honorer un J-J Rousseau gagne-petit renfrogné .

http://www.tranquille.ch/

 

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« A madame la duchesse de SAXE-GOTHA
Aux Délices, 14 septembre[1756]

Madame, voilà une de ces occasions où il aurait fallu, à la tête de l'électorat de Saxe, quelque héros de la branche aînée, qui eût la grandeur de vos sentiments et la sagesse de votre esprit. Je me flatte, au moins, que si la guerre s'allume, l'heureuse tranquillité dont jouissent les États de Votre Altesse sérénissime ne sera point troublée. Qui sait à présent, madame, sur quelle tête cet orage crèvera? Je suis comme les Russes qui, lorsqu'on leur demande si leur autocratrice ira à la promenade, répondent « Il n'y a que Dieu et saint Nicolas qui le sachent. » On a déjà donné les ordres, en France, pour assembler environ vingt mille hommes auprès de Metz. Mais c'est une démarche prudente, qui n'annonce pas encore l'effusion du sang humain.
Quelque chose qui arrive, il est probable que nous autres, bons Suisses, nous serons toujours tranquilles. Tout indifférents que nous paraissons, nous sommes curieux, et nous attendons le dénoûment avec impatience. Mais, parmi tant d'agitations, mes vœux les plus ardents sont pour la prospérité de Votre Altesse sérénissime et de son auguste famille. Je me flatte qu'elle jouit d'une santé parfaite je la souhaite à la grande maîtresse des cœurs, et je me mets à vos pieds, madame, avec le plus profond respect et l'attachement le plus inviolable. »