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03/09/2012

de quel prix peuvent être à vos yeux les sentiments d'un ermite inutile ?

... Il aurait pû en être un -ermite inutile ! Il se borne à être inutile .

Qui donc ? Sarko qui envisageait une retraite monacale en cas de défaite . Mais en ce domaine comme en tant d'autres, ce faux jeton ne tiens pas parole . Et ses sentiments sont ceux d'un nanti qui se moque du monde . Ses sentiments sont sans intérêt, ses placements boursiers , si .   

 

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« A madame la duchesse de SAXE-GOTHA

Aux Délices, près de Genève, 14 novembre [1756].

Madame, j'eus hier l'honneur d'écrire à Votre Altesse sérénissime, par un Anglais nommé M. Keat 1, qui se propose de voir, en Allemagne, ce qu'il y a de plus digne d'un être pensant, et par conséquent de vous faire sa cour. Mais ne sachant pas trop quand il partira, je ne veux pas laisser arriver l'année 1757 sans renouveler à Votre Altesse sérénissime, à monseigneur le duc et à toute votre auguste maison, les respectueux sentiments qui m'attachent pour jamais à elle. Je me flatte que les princes vos enfants vous donneront toujours de plus en plus, madame, des sujets de consolation et de joie. Puisse la grande maîtresse des cœurs jouir d'une santé qui tienne de l'égalité de son âme . La vôtre, madame, aura peut-être de quoi s'exercer au milieu des orages qui semblent prêts à fondre de tous côtés dans le voisinage de ses États. Je me flatte qu'elle n'aura à faire usage que de son humanité et de sa compassion pour ses voisins, et que ses propres États seront à l'abri. C'est tout ce que peut dire un solitaire qui voit de loin toutes ces tempêtes. La Saxe paraît bien malheureuse, mais aussi la patrie que Votre Altesse sérénissime gouverne parait jusqu'à présent bien fortunée; c'est à quoi je
m'intéresse le plus. Mais de quel prix peuvent être à vos yeux les sentiments d'un ermite inutile ? Il n'y a que votre bonté qui puisse leur en donner. Conservez cette bonté, madame, à un serviteur attaché à Votre Altesse sérénissime avec le plus profond respect. »

1 George Keate, poète anglais avec qui V* correspondait ; il écrira « j'ai chez moi un Anglais qui sait boire » .Voir : http://fr.wikipedia.org/wiki/George_Keate

 

joignez-y ce qu'il vous plaira de curieux

 ... Chat alors !

 

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« A M. THIERIOT.

Aux Délices, 10 novembre [1756].

La vie est un songe, mon ancien ami; Mme de La Popelinière vient donc de finir le sien 1; je rêve encore un peu, mais je suis bientôt à bout. Notre grand Tronchin aurait guéri votre amie; il a rendu la santé à Mme de Fontaine, mais il n'en a pas fait autant à son oncle; je suis perclus, pour le présent, de la moitié du corps. J'ai engagé M. le duc de Villars à venir se faire guérir ici d'un petit rhumatisme nous l'avons crevé de truites et de gelinottes. Il s'en est retourné dans sa province avec la santé d'un athlète. Il n'en est pas de même de votre ancien ami: Je ne suis plus qu'une ombre paralytique. Il est triste de s'en aller pour jamais chacun de son côté, sans se revoir.
Si l'envie vous prend de faire un pèlerinage pour votre santé et de venir prendre des lettres de vie signées Tronchin, je vous hébergerai dans mon château de Gaillardin 2, aux Délices, ou à Monrion; je vous voiturerai, je vous crèverai. Qu'allez-vous devenir à présent? Logerez-vous chez la fille 3 du comte de Rochester, ou chez M. de La Popelinière, ou chez les moines de Saint-Victor ?
Envoyez-moi toujours Philippe V 4 et le bonhomme Derham; joignez-y ce qu'il vous plaira de curieux. Je ne sais actuellement quels livres vous demander. Je suis si malade que je ne peux plus guère lire, et je fais plus de cas d'une prise de rhubarbe que de l'Enéïde. Je ne crois pas même avoir la force de lire les excommunications de votre archevêque, ni les solécismes de la Sorbonne; on dit qu'elle a mis supplicaturi, pour supplicaturos; mais qu'ils soient ridiculi ou ridiculos, cela ne m'importe guère.
Mandez-moi quels beaux legs Mme de La Popelinière vous a laissés, et quelle belle nouvelle action son mari a faite. Si vous m'envoyez une cargaison de livres, adressez-la par la diligence à M. Robert Tronchin, banquier à Lyon. Adieu, bonsoir, je n'en peux plus. En vérité, il faudrait revoir ses vieux amis. N'avez-vous pas par hasard soixante ans, et moi soixante-deux ?
Allons, allons. »

1 Elle mourut vers le commencement de novembre 1756.

3 La comtesse de Sandwich.

 

31/08/2012

On prétend que les Russes marchent. Vos États auront donc, au printemps prochain, trois ou quatre cent mille meurtriers dans leur voisinage

... Je reconnais bien là la haute estime de Volti envers la soldatesque !

 

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Ces Russes qui marchent, sur les trottoirs parisiens, sont de pacifiques acheteurs de produits de luxe qui dépensent les roubles/dollars/euros acquis grâce à la sueur des moujiks des heureux temps post-communistes . Et s'il est "difficile encore de répliquer à cent cinquante mille hommes" en temps de guerre armée, il est aussi difficile, en temps de guerre économique, de donner des leçons de démocratie aux dirigeants de millions/milliards de clients potentiels .

Dans un tout autre domaine, l'actualité permet des angles de vue où le tragique est parfois étouffé par l'ironie du sort . C'est le cas pour cette nouvelle donnée à la télé : "la centrale thermique d'Ajaccio est menacée par les incendies du maquis " . Je suis rouge de confusion d'avoir ri en pensant que ce "fourneau" pourrait être détruit par le feu, situation paradoxale comme celle de noyer le poisson . Pourtant, je n'irai pas jeter de l'huile (même frelatée venant de divers pays de la communauté européenne ) sur ce coin d'île que Louis XV a achetée plus que conquise et où l'on sait faire voter les morts et parler la poudre .

 

 

 

 

« A Madame la duchesse de SAXE-GOTHA

Aux Délices, près de Genève, 9 novembre [1756].

Madame, madame, madame, la pièce que Votre Altesse sérénissime m'envoie est terrible Il est difficile d'y répliquer; il est plus difficile encore de répliquer à cent cinquante mille hommes. Le jugement de ce grand procès est entre les mains du Dieu des armées. Qui sait si un jour la branche ainée.? Je me tais, madame, je me borne toujours à faire des vœux pour votre auguste personne. Je ne sais point où est le roi de Pologne j'ignore ce qu'est devenu le comte de Brühll avec ses trois cents paires de bottes et ses trois cents perruques. On prétend que les Russes marchent. Vos États auront donc, au printemps prochain, trois ou quatre cent mille meurtriers dans leur voisinage. Puissent Gotha et Altembourg être comme la toison de Gédéon, qui était sèche quand il pleuvait autour d'elle!
Cette guerre n'a pas la mine de finir sitôt. Aurait-on jamais pensé que l'Autriche, la France et la Russie, marcheraient contre un prince de l'Empire? Dieu seul sait ce qui arrivera. Le comte
d'Estrées et l'intendant de l'armée de France doivent déjà être à Vienne. Ah! sans ma nièce, je serais à Gotha, je serais à vos pieds, et, de ce beau rivage, je contemplerais les tempêtes j'apprendrais de la bouche de Votre Altesse sérénissime ce qu'on doit penser de ces grands événements. On dit que M. de Broglie et M. de Valori retournent à Paris, et qu'on enverra à leur place quatre-vingt mille ambassadeurs. Et c'est une querelle de Canada qui ébranle ainsi l'Europe! Ah! que ce meilleur des mondes possibles est aussi le plus fou! Mais il faut aimer un monde dont Votre Altesse sérénissime est l'ornement.
Daignez, madame, agréer mon profond respect. »

 

Pourquoi donc les Francs, les Gaulois, ne marchent-ils pas?

... Eh ! oui, que diable !

Pourquoi ne pas marcher dès maintenant, s'y habituer en attendant la mirifique baisse des tarifs des carburants, annoncée, attendue, espérée, mais qui est comme la ligne d'horizon qui recule au fur et à mesure de notre avance !

 

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Faute de marcher en ce jour pluvieux, je furète sur le net, et j'évite les nouvelles trop sérieuses .

Euréka ! Ah ! qu'il est jouissif de suivre les aventures extraordinaires-ment médiocres des Amis de Sarko ! Ont-ils la prétention de tenir encore cinq ans en soutenant un petit gros (je ne sais pas pourquoi, mais je sens qu'il va devenir gros, un peu à la Maradonna quand il a arrêté le foot ) qui pense essentiellement à faire du fric, vite , vite et en abondance .  Voyez vous-même :  http://www.rue89.com/rue89-politique/2012/08/25/amis-de-nicolas-sarkozy-ce-que-vous-navez-pas-vu-la-tele-234834

 

 

« A Madame de Klinglin,comtesse de Lützelbourg.
Aux Délices, 9 novembre [1756].

Eh bien madame, est-il vrai que ces Russes, ces Tartares marchent ? Pourquoi donc les Francs, les Gaulois, ne marchent-ils pas? Est-il vrai que le primat de Pologne a dit à la diète que son roi était empêché, et que la diète s'est séparée sur-le-champ? Il faut avoir la tête tournée pour vouloir régner sur ces gens-là. On bafoue leur roi, on pille sa maison, on le fait prisonnier, on lui donne à manger par une chatière, et les Polonais vont boire chacun chez soi. M. le comte d'Estrées vous a-t-il donné quelques espérances de redresser tant de torts? Mon Dieu! que je m'intéresse à cette bagarre . Votre cœur et le mien ont pris parti. Je suis fâché d'être si loin du théàtre où cette grande tragédie se joue. On sèche en attendant des nouvelles. M. de Broglie 1 et M. de Valori 2 reviennent-ils? Le roi de Pologne est-il en sûreté? a-t-il un lit? est-il à Kœnigstein? est-il à Varsovie? Le comte de Brühl s'est-il sauvé? M. de Brown a-t-il livré un nouveau combat ? Tachez donc, madame, d'avoir des nouvelles d'Allemagne. Daignez m'en faire part. Il me paraît que Salomon-MANDRIN 3 est le maître en Saxe comme à Berlin. L'Angleterre fera des efforts pour lui. Le nord de l'Allemagne lui fournira des soldats. Il y aura deux cent mille hommes de part et d'autre. Cette belle affaire n'est pas prête à finir.
Que dites-vous de Salomon, qui, étant à Dresde, dans le palais du roi de Pologne, se montrait à la fenêtre, ayant à ses côtés deux gros ministres luthériens ? Le peuple criait Vivat! Ah ! le saint roi ! On m'a promis une singulière pièce 4; mais oserais-je vous l'envoyer ? On craint son ombre en pareil cas.
Il fait un vent du nord qui me tue. Calfeutrons-nous bien, madame; point de vent coulis. Mille tendres respects à vous, madame, et à votre amie. »

 

2 Le marquis de Valori, auquel fut adressée la lettre du 1er mai 1745, page 353 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k411352q/f356.image.r=1717

3 Allusion aux chansons qui coururent les rues de Versailles et de Paris à cette époque, et dans lesquelles Frédéric était appelé Mandrin.

4 C'est la pièce de vers qui commence ainsi
0 Salomon du Nord, etc.

Voir tome X., page 557 , poésie 12 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k4113266/f559.image.r=o+salomon+du+nord

 

30/08/2012

Les Anglais enchériront le sucre il sera cher à Leipsick mais les bottes y seront à bon marché

 ... Boots are made for walking !

http://www.youtube.com/watch?v=SbyAZQ45uww

Je ne sais si le sucre , par la faute des Anglais, enchérira, mais mes passages à la pompe à essence m'évoquent des dépenses somptuaires . Travailler plus pour pouvoir payer le carburant indispensable au gagne-pain quotidien . Plus dans le réservoir, moins dans l'estomac, drôle d'application des vases communicants .

 

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« A M. Jean-Robert TRONCHIN, de Lyon

Délices, 6 novembre [1756].

Les Anglais enchériront le sucre il sera cher à Leipsick mais les bottes y seront à bon marché, si on vend la garde-robe du comte de Brühl 1. On dit que les Russes avancent mais je n'ai ni foi, ni espérance en eux. Ils n'ont point d'intérêt à la question, et on n'a pas de quoi les payer. Interim Salomon rit, attendons.

P. S. N'avez-vous pas ri des réponses du roi de Prusse aux articles de la capitulation des fourches caudines?2 Il se moque de l'univers, et s'en moquera. Il fera sa paix dans un mois, et ira faire jouer dans Berlin un opéra de sa façon.
On dit le pape mourant 3 c'est dommage. Si tous ses prédécesseurs lui eussent ressemblé, il n'y eût point eu de guerres de religion dans le monde.
Qui aurait dit qu'un marquis de Brandebourg aurait renvoyé d'un seul coup un roi de Pologne sur la Vistule, et fait douze mille mendiants sur le Rhône 4? »

1 Le comte de Brühl, premier ministre et favori d'Auguste III, électeur de Saxe, était célèbre dans toute l'Europe par son extravagante somptuosité. Frédéric disait de lui « C'est l'homme de ce siècle qui a le plus d'habits, de montres, de dentelles, de perruques, de bottes, de souliers et de pantoufles. » Tout cela fut la proie du vainqueur de Pirna. (A. F.)

Voir : http://fr.wikipedia.org/wiki/Heinrich_Graf_von_Br%C3%BChl

et : http://www.archives-aube.com/arkotheque/fonds_de_saxe/html-ead/FRAD010_JC/c00001.html

2 Auguste III écrit dans son journal de campagne en parlant de Frédéric II et ses exigences  : « 

S. M. ne craint point de dire que l'on regarderait avec raison comme un tyran un maître qui en agirait aussi despotiquement avec son vassal. Elle laisse à l'univers entier à décider sous quel titre on doit considérer un souverain qui ose traiter ainsi un souverain son égal... »

3 Benoît XIV , à qui V* avait dédié Mahomet en 1745,ne mourra pas avant 1758 : http://fr.wikipedia.org/wiki/Beno%C3%AEt_XIV

4 La guerre de Saxe nuisait beaucoup à la fabrique de Lyon.

 

 

29/08/2012

Très-souvent une guerre continue, par cela seul qu'elle a été commencée. Il faut s'attendre à tout

 ... Bien que le pire ne soit jamais sûr !

La tâche est d'effacer la tache . Try again !

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 Comme Volti, je me permets de souhaiter du bien à ceux que j'aime , sans restriction .

 

 

« A Madame la duchesse de SAXE-GOTHA
Aux Délices, près de Genève, 2 novembre [1756].

Madame, Votre Altesse sérénissime daigne m'envoyer le détail des malheurs qui environnent vos frontières. Ils ne pénètrent point jusqu'à vos États, et c'est une grande consolation. Qui sait même si la fortune, qui change si souvent la face de la terre, ne pourrait pas amener les choses au point que la branche aînée 1 reprit les droits dont Charles-Quint l'a dépouillée autrefois 2? Je ne souhaite de mal à personne; mais il m'est permis de souhaiter du bien à l'héroïne à laquelle je suis si attaché. Mais, probablement, tout se bornera à du sang répandu dans les gorges de la Bohême, et à de l'argent pris dans la Saxe. On dit que les Saxons payent au soldat prussien sept groschen par jour et un richdaller 3 à chaque officier. Il faut fournir encore toutes les provisions, qui sont immenses et, quelque ordre que le roi de Prusse mette il parait bien difficile que l'impératrice-reine soit longtemps en état de soutenir la guerre contre la Prusse, l'Angleterre, la Hesse, etc. Sur quel prétexte, d'ailleurs, la ferait-elle après le traité du roi de Prusse avec la Saxe? Elle n'aura plus l'électeur de Saxe à secourir, elle ne pourra manifester le dessein secret de reprendre la Silésie; elle n'est pas assez riche pour soudoyer une armée de Russes. Il se peut donc faire qu'on ait la paix cet hiver, et c'est assurément ce qu'on doit désirer. Mais il se peut aussi que l'opiniâtreté fasse durer les malheurs du genre humain. Très-souvent une guerre continue, par cela seul qu'elle a été commencée. Il faut s'attendre à tout; mais je ne serai point surpris si le roi de Prusse fait et donne un opéra au mois de janvier dans Berlin, après avoir donné une bataille en Bohême au mois de septembre.
Que je voudrais être dans votre cour, madame! que je voudrais être aux pieds de Votre Altesse sérénissime Mais il y a une nièce qui gouverne ma vieillesse, et qui ne veut plus passer par Francfort.
Je suis bien inquiet sur la santé de la grande maîtresse des cœurs, le ciel conserve la vôtre, madame, et celle de votre auguste famille! Agréez mon profond respect et ma reconnaissance. »

1 De Saxe.

 

Heureusement nous avons du temps devant nous

... Pour lire et accompagner Voltaire, avec Mam'zelle Wagnière .

 "0 pauvre nature humaine ! à quoi tiennent nos cervelles, notre vie, notre bonheur"

Bon , moi chat va bien !

 J'attends mon maître .

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« A M. le comte d'ARGENTAL.

Aux Délices, 10 novembre [1756].

Mon très-cher ange, il y a longtemps que je ne vous ai parlé du tripot 1. M. le duc de Villars est venu de Provence dans mon ermitage, et il a insisté sur Zulime comme vous-même. Je l'avais engagé à venir se faire guérir, par le grand Tronchin, d'un petit rhumatisme que le soleil de Marseille et d'Aix n'avait pu fondre. A peine est-il arrivé que j'ai été pris d'un rhumatisme général sur tout mon pauvre corps, et notre Tronchin n'y peut rien. Il me reste une main pour vous écrire mais il n'y a pas chez moi une goutte de sang poétique qui ne soit figée. Heureusement nous avons du temps devant nous. Vous savez comment s'est terminée la pièce de Pirna 2, par des sifflets. Il a rendu enfin le livre de Poésie 3 le voilà libre, sans armée et sans argent. On est désespéré à Vienne. Le diable de Salomon l'emporte et l'emportera. S'il est toujours heureux et plein de gloire, je serai justifié de mon ancien goût pour lui s'il est battu, je serai vengé.
J'espère que vous verrez bientôt Mme de Fontaine, qui a été sur le point de mourir aux Délices pour avoir abusé de la santé que Tronchin lui avait rendue, et pour avoir été gourmande. M. le maréchal de Richelieu me mande que ce qui paraît faisable à votre amitié et à la bonté de votre cœur ne l'est guère à la prévention. Je m'en suis toujours douté, et je crois connaître le terrain. Il faut que votre archevêque reste à Conflans, et moi aux Délices chacun doit remplir sa vocation. La mienne sera de vous aimer, et de vous regretter jusqu'à mon dernier moment. On me mande qu'il y a une édition infâme de la Pucelle 4, que cet honnête homme de La Beaumelle avait fait imprimer, et qu'on débite dans Paris; mais heureusement les mandements font plus de bruit que les Pucelles.
Vous ne m'avez jamais parlé de l'état de M. de La Marche 5. Je voulais qu'il vînt se mettre entre les mains de Tronchin, mais on dit qu'il est dans un état à ne se mettre entre les mains de personne. 0 pauvre nature humaine ! à quoi tiennent nos cervelles, notre vie, notre bonheur . Portez-vous bien, vous, Mme d'Argental, et tous les anges; et conservez-moi une amitié qui embellit mes Délices, qui me console de tout, et qui seule peut me rendre quelque génie. »

 

1 Voltaire désignait ainsi la Comédie française en particulier, et quelquefois aussi ce qui concernait le théâtre en général.

3 Voltaire, parlant des revers du roi de Prusse, dit qu'il a rendu enfin le livre de poésie, par allusion aux mauvais traitements que Freytag avait fait essuyer à Voltaire sous prétexte de ravoir l'œuvre de poésie. Pour les épisodes de la Guerre de Sept ans voir : http://fr.wikipedia.org/wiki/Guerre_de_Sept_Ans

4 II est douteux que La Beaumelle ait été l'éditeur de cette édition de la Pucelle. (Beuchot.)

5 Claude-Philippe Fyot de la marche, ami du collège Louis le Grand .