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Rechercher : Tâchez de vous procurer cet écrit; il n'est pas orthodoxe, mais il est très bien raisonné

je crois qu'en toute affaire le moindre bruit que faire se peut est toujours le mieux

 ... Pour vivre heureux, vivons cachés ... des journalistes, de la police, des gendarmes, du fisc, de sa concierge, de Fesses de bouc !!

 Ne pas faire de vagues (comme disait Tabarly !)

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« A M. Élie BERTRAND.

Au Chêne, à Lausanne, 9 septembre [1757].

Mon cher théologien, mon cher philosophe, mon cher ami, vous avez donc voulu absolument qu'on répondit à la lettre 1 du Mercure de Neuf Châtel. M. Polier de Bottens, qui méditait de son côté une réponse, vient de m'apprendre qu'il y en a une qui paraît sous vos auspices 2. Il m'a dit qu'elle est très-sage et très-modérée cela seul me ferait croire qu'elle est votre ouvrage. Mais, soit que vous ayez fait une bonne action, soit que j'en aie l'obligation à un de nos amis, c'est toujours à vous que je dois mes remerciements. Je lirai un journal pour l'amour de vous, et je ne lirai que ceux où vous aurez part. Il n'y a plus qu'une chose qui m'embarrasse. Vous savez avec quelle indignation tous les honnêtes gens de la ville voisine des Délices avaient vu l'écrit auquel vous avez daigné faire répondre. Je leur avais promis non-seulement de ne jamais combattre cet adversaire, mais d'ignorer qu'il existât. Je vais perdre toute la gloire de mon silence et de mon indifférence. On verra paraître une réfutation, on m'en croira l'auteur, ou du moins on pensera que je l'ai recherchée. On dira que c'est là le motif de mon voyage à Lausanne; ajoutez, je vous en supplie, à votre bienfait celui de me permettre de dire que je ne l'ai point mendié. Que votre grâce soit gratuite comme celle de Dieu.
Puisque la lettre est remplie, dit-on, de la modération la plus sage, n'est-il pas juste qu'on en fasse honneur à l'auteur ? Boileau se vanta, en prose et en vers 3, d'avoir eu Arnauld pour apologiste. Ne pourrai-je pas prendre la même liberté avec vous ? Je pars demain pour ma petite retraite des Délices j'espère que j'y trouverai vos ordres. J'ai besoin de quelque preuve qui fasse voir que je n'ai point manqué à ma parole. Une chose à laquelle je manquerai encore moins, c'est à la reconnaissance que je vous dois.
Il paraît que M. de Paulmy n'a point perdu sa place 4, et que le colonel Janus 5 n'a point gagné de victoire. Les fausses nouvelles dont nous sommes inondés sont assurément le moindre mal de la guerre.
Comme j'allais cacheter ma lettre, je reçois la vôtre; vous me mettez au fait en partie. Il y a un petit fou 6 à Genève, mais aussi il y a des gens fort sages. J'aurais bien voulu que M. Bachy 7 eût été votre voisin c'est un homme fort aimable, philosophe, instruit; on en aurait été bien content.
Il faut que je présente une requête par vos mains à M. le banneret de Freudenreich, protecteur de mon ermitage du Chêne. M. le docteur Tronchin m'a défendu le vin blanc . M. le bailli de Lausanne a toujours la bonté de me permettre que je fasse venir mon vin de France. Mais à présent que je suis dans la ville, il me faudra un peu plus de vin, et je crains d'abuser de l'indulgence et des bons offices de monsieur le bailli. Quelques personnes m'ont dit qu'il fallait obtenir une patente de Berne; je crois qu'en toute affaire le moindre bruit que faire se peut est toujours le mieux. Je m'imagine que la permission de monsieur le bailli doit suffire; ne pourriez-vous pas consulter sur mon gosier M. le banneret de Freudenreich ? Je voudrais bien pouvoir avoir l'honneur d'humecter un jour, dans la petite retraite du Chêne, les gosiers de M. et de Mme de Freudenreich, et le vôtre. Je retourne demain aux Délices, voir mes prés, mes vignes et mes fruits, et mener ma vie pastorale c'est la plus douce et la meilleure. Je vous embrasse tendrement.

V. »

1Probablement la lettre de Jacob Vernet .

2 « Réponse à la lettre insérée dans le Journal helvétique de juin adressée à M. de Voltaire » Journal helvétique Neufchâtel aout 1757 ; il s'agissait toujours de l'affaire Calvin-Servet . Voir lettre du 4 septembre 1757 à Bertrand : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2012/12/16/n-etant-point-de-la-paroisse-je-ne-dois-pas-entrer-dans-les.html

4 Le marquis récemment nommé ministre est tombé en défaveur (car n'étant pas un courtisan assidu) mais ne quitter son poste qu'en février ou mars 1758 .

5 Attaqué par deux majors-généraux autrichiens, près de Landshut, le 14 auguste précédent, Janus, colonel au service de Frédéric II, les avait repoussés vivement. (Clogenson.) Voir lettre du 2 septembre à François Tronchin : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2010/09/01/si-quid-novisti-rectius-istis-candidus-imperti.html

6 Vernet .

7 Le comte François de Baschi Saint-Estève, ambassadeur de France à Lisbonne .http://gw1.geneanet.org/favrejhas?lang=fr;p=francois;n=de+baschi+saint+esteve

 

 

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16/12/2012 | Lien permanent

Mme Denis et moi, nous baisons plus que jamais

baiser cochon.jpg

Qui s'est laissé tenter par le titre de cette note ?? Lachez votre mulot et reconnaissez humblement votre curiosité , battez votre coulpe (et lachez cette pieuvre qui ne vous a rien fait, je n'ai pas dit "votre poulpe !")!

Oui, vous comme moi, nous sommes tentés par les titres bien avant tout . Poids des mots, choc des photos, vous connaissez la pub . D'où ce baiser cochon ci dessus !

Reconnaissez aussi qu'on peut faire battre des montagnes et abuser l'auditeur en extrayant une phrase ou un extrait de phrase de son contexte, tout en restant fidèle au dire ou écrit originel. Des journalistes et autres, politiciens mal embouchés et gens de mauvaise foi, sont passés rois dans l'art de l'extrait qui ment. Que la langue leur pèle !!!

 

Pour un peu ( ou plutot pour beaucoup, si j'étais tenté ) je proposerais mes services à un journal (-papier imprimé sensé apporter de l'information-) people (in french : pipole)! Vendre du vent est une activité qui "ne connait pas la crise" (comme chantait le regretté Bashung).Qui sème le vent récolte des pépètes : proverbe du XXIème siècle après celui-qui-est-qui-était-qui sera ..... déçu ....!

http://www.youtube.com/watch?v=jGqHgV5SOFA

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

« A Charles-Augustin Ferriol, comte d’Argental et à Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d’Argental

 

 

                            Divins anges,

 

                            Vraiment vous avez raison, j’aime mieux Que servirait de naître ? parce que cela nous regarde tous tant que nous sommes, et Qu’eût-il servit de naître ne regarde que Pandore. Le vivre au lieu de naître m’avait terriblement embarrassé. La main du charmant secrétaire s’était méprise, et ce ne sera jamais qu’à sa main qu’on pourra reprocher des erreurs.

 

                            J’ai reçu la Gazette littéraire, et j’en suis fort content : l’intérêt que je prenais à cet ouvrage, et la sagesse à laquelle il est condamné me faisaient trembler ; mais malgré sa sagesse il me plait beaucoup. Il me parait que les auteurs entendent toutes les langues ; ainsi ce ne sera pas la peine que je fisse venir des livres d’Angleterre [il en faisait des comptes-rendus]. Paris est plus près de Londres que Genève, mais Genève est plus près de l’Italie ; je pourrais donc avoir le département de l’Italie et de l’Espagne, si on voulait. J’entends l’espagnol beaucoup plus que l’allemand, et les caractères tudesques me font un mal horrible aux yeux qui ne sont que trop faibles .Je pense donc que pour l’économie et la célérité, il ne serait pas mal que j’eusse ces deux départements, et que je renonçasse à celui d’Angleterre. C’est à M. le duc de Praslin [patron de la « Gazette Littéraire de l’Europe » ]à décider. Je n’enverrai jamais que des matériaux qu’on mettra en ordre de la manière la plus convenable ; ce n’est pas à moi, qui ne suis pas sur les lieux, à savoir précisément dans quel point de vue on doit présenter les objets au public .Je ne veux que servir et être ignoré.

 

                            A l’égard des Roués, je n’ai pas encore dit mon dernier mot et je vois avec plaisir que j’aurai tout le temps de le dire

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                            Mme Denis et moi, nous baisons plus que jamais les ailes de nos anges. Nous remercions M. le duc de Praslin de tout notre cœur. Les dîmes [qu’il sera dispensé de payer au curé de Ferney] nous feront supporter nos neiges.

 

                            Je suis enchanté que l’idée des exemplaires royaux au profit de Pierre, neveu de Pierre, rie à mes anges. Je suis persuadé que M. de Laborde, un des bienfaiteurs, l’approuvera [ le roi avait acheté 200 exemplaires des Commentaires sur Corneille, V*suggère d’en donner 150 au père de Marie-Françoise Corneille ] .

 

                            Nous nous amusons toujours à marier des filles, nous allons marier avantageusement la belle-sœur de la nièce à Pierre [Marie-Jeanne Dupuits, sœur du mari de Marie –Françoise , qui épouse Pajot de Vaux ] .Tout le monde se marie chez nous, on y bâtit des maisons de tous côtés, on défriche des terres qui n’ont rien porté depuis le déluge, nous nous égayons, et nous engraissons un pays barbare, et si nous étions absolument les maîtres nous ferions bien mieux. Je déteste l’anarchie féodale, mais je suis convaincu par mon expérience, que si les pauvres seigneurs châtelains étaient moins dépendants de nosseigneurs les intendants, ils pourraient faire autant de bien à la France que nosseigneurs les intendants font quelquefois de mal, attendu qu’il est tout naturel que le seigneur châtelain regarde ses vassaux comme ses enfants.

 

                            Je demande pardon de ce bavardage ; mais quelquefois je raisonne comme Lubin [personnage d’opéra comique], je demande pourquoi il ne fait pas jour la nuit. Mes anges, je radote quelquefois ; il faut me pardonner, mais je ne radote point quand je vous adore

 

 

                            Voltaire

14 mars 1764. »

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Il faut, en vérité, aller dans un nouveau monde pour avoir du plaisir par le temps qui court

... Heureusement Voltaire ne nous envoie pas dans "l'autre" monde comme ont tendance à le faire trop souvent à mon goût, quotidiennement pour être vrai, les cinglés terroristes mahométans ou autres . Le "nouveau" monde offre en effet plus de plaisir, il n'est qu'à le demander aux participants du Dakar, ce fameux Paris-Dakar qui a dû s'exiler pour éviter les voleurs et assassins . Pourquoi faut-il que des minorités mettent le monde à feu et à sang ?

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« A Louise-Dorothée von Meiningen, duchesse de SAXE-GOTHA
Aux Délices, 15 janvier 1760, en réponse à la lettre

dont V. A. S. m'honore, du 3 janvier.
Madame, pourquoi n'y suis-je pas? Pourquoi ne suis-je pas le témoin des plaisirs et des talents de votre illustre famille? Votre Altesse sérénissime fait en tout temps mes regrets. Madame la princesse votre fille se fait donc Américaine 1 ? Le prince aîné est Zamore ! Il faut, en vérité, aller dans un nouveau monde pour avoir du plaisir par le temps qui court. Je vois la grande maîtresse des cœurs qui leur donne des leçons : car il me semble que je l'ai entendue très-bien réciter, et mieux sans doute que le maître de langue, quel qu'il soit. Nous n'avons ici, madame, dans la ville de Jean Calvin, aucun dessinateur capable de dessiner un habit de théâtre, pas même un surplis; mais je vais y suppléer. Une espèce d'habit à la romaine pour Zamore et ses suivants, le corselet orné d'un soleil, et des plumes pendantes aux lambrequins ; un petit casque garni de plumes, qui ne soit pas un casque ordinaire. Votre goût, madame, arrangera tout cet ajustement en peu d'heures. Si on peut avoir pour Alzire une jupe garnie de plumes par devant, une mante qui descende des épaules et qui traîne, la coiffure en cheveux, des poinçons de diamant dans les boucles, voilà la toilette finie. Pour Alvarès et son fils, le mieux serait l'ancien habit à l'espagnole, la veste courte et serrée, la golille 2, le manteau noir doublé de satin couleur de feu, les bas couleur de feu, le plumet de même. Montèze, vêtu comme les Américains. Voilà, madame, tout ce que votre tailleur peut dire ; mais, en qualité d'auteur, Votre Altesse sérénissime est bien convaincue que je voudrais être le maître de langue.
J'ignore quel est le bel homme qui s'est donné pour le médecin Tronchin 3 ; le véritable est encore à Genève, et peut-être n'en sortira pas. Pour Mlle Pertriset 4, j'ai eu l'honneur de lui écrire, madame, et de lui envoyer le compte qu'on m'a remis pour le banquier 5 que Votre Altesse sérénissime protège. Je me flatte qu'elle m'aura mis aux pieds de Votre Altesse sérénissime, et de toute votre auguste maison.
Freytag doit être bien étonné d'être trépassé d'une mort naturelle 6. Hier il vint chez moi un Prussien, fils du général Brédau. Je lui demandai des nouvelles de tous ceux que j'avais vus chez le roi ; madame, il n'y en a pas un en vie. Ô monde, que tu es néant !
Daignez, madame, agréer les profonds respects de V. »

Elle allait jouer Alzire . La duchesse écrivait à V* le 3 janvier 1760 : « Mes enfants se sont proposés de jouer Alzire que j'aime tant, et ils ignorent tout comme moi comment ils doivent s'habiller ? J'ose donc vous conjurer de nous mettre au fait [...] le plus simple serait si vous vouliez sur un petit bout de papier me faire dessiner l'habillement et y ajouter à côté l'explication […] Mes enfants n'ont jamais encore joué la tragédie mais plusieurs petites pièces de comédies […] D'ailleurs nous avons ici un maître de langue français qui déclame très joliment et qui se donne beaucoup de peine pour les instruire . Ma fille apprend le rôle d'Alzire et mon fils aîné celui de Zamore . » L'action d'Alzire se passe au Pérou : http://www.theatre-classique.fr/pages/programmes/edition.php?t=../documents/VOLTAIRE_ALZIRE.xml

2 Espèce de collet porté en Espagne (Littré)

3 « Selon toutes les apparences M. Tronchin a passé par ici incognito pour se rendre à Berlin . Nous apprîmes cette nouvelle par les gazettes et en même temps par des lettres particulières de Frankfurth » écrit la duchesse le 3 janvier 1760 . Voir aussi lettre du 7 janvier 1760 à Mme d'Epinay : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2015/01/15/antecedentem-scaelestum-persequitur-pede-poena-claudo-le-crime-a-beau-prend.html

5 II s'agit d'une réponse de Choiseul à Frédéric II.

6 « […] ce vilain Freytag a passé le pas par un coup d'apoplexie : je crois qu'il est mort à Hambourg », toujours lettre du 3 janvier 1760 à V*.

 

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19/01/2015 | Lien permanent

Le mot politique signifie, dans son origine primitive, citoyen, et aujourd’hui, grâce à notre perversité, il signifie tr

 

Le citoyen numéroté :  http://www.deezer.com/listen-314952

 

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http://www.deezer.com/listen-10302457  : Enquête sur un citoyen au-dessus de tout soupçon (vous n'avez que l'embarras du choix pour le nom !)


Dans les trois shémas, trouvez ce qui n'est qu'une vue de l'esprit, un leurre, un attrape-couillon , une promesse électorale jamais tenue, etc.

http://lewebpedagogique.com/allegre/2009/10/13/ec-fiches-8/

 

 

Voyez, et lisez la correspondance de Volti et Frédéric, entre autres, sur le splendide blog « monsieurdevoltaire » dont le lien est en tête de colonne droite .


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 Pour paraphraser Volti, je dis :  "C’est à nous à faire l’éloge de l’amitié, c’est à nous de détruire l’infâme politique qui érige le crime en vertu" .

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http://www.deezer.com/listen-5904879  : un bon citoyen ?

Citoyen par tous les moyens  ! Yes !!   http://www.deezer.com/listen-7083497

 

 

 

« A Frédéric, prince héritier de Prusse

A Cirey, le 25 d’avril[1739]

 Monseigneur, j’ai donc l’honneur d’envoyer à votre altesse royale la lie de mon vin. Voici les corrections d’un ouvrage qui ne sera jamais digne de la protection singulière dont vous l’honorez. J’ai fait au moins tout ce que j’ai pu ; votre auguste nom fera le reste. Permettez encore une fois, Monseigneur, que le nom du plus éclairé, du plus généreux, du plus aimable de tous les princes, répande sur cet ouvrage un éclat qui embellisse jusqu’aux défauts mêmes ; souffrez ce témoignage de mon tendre respect, il ne pourra point être soupçonné de flatterie. Voilà la seule espèce d’hommages que le public approuve. Je ne suis ici que l’interprète de tous ceux qui connaissent votre génie. Tous savent que j’en dirais autant de vous, si vous n’étiez pas l’héritier d’une monarchie.

J’ai dédié Zaïre à un simple négociant i ; je ne cherchais en lui que l’homme. Il était mon ami, et j’honorais sa vertu. J’ose dédier la Henriade à un esprit supérieur. Quoiqu’il soit prince, j’aime plus encore son génie que je ne révère son rang ii.

Enfin, Monseigneur, nous partons incessamment, et j’aurai l’honneur de demander les ordres de Votre Altesse Royale, dès que la chicane qui nous conduit nous aura laissé une habitation fixe. Madame du Châtelet va plaider pour de petites terres iii, tandis que probablement vous plaiderez pour de plus grandes, les armes à la main. Ces terres sont bien voisines du théâtre de la guerre que je crains :

  Mantua væ miseræ nimium vicina Cremonæ !iv

Je me flatte qu’une branche de vos lauriers, mise sur la porte du château de Beringhem v le sauvera de la destruction. Vos grands grenadiers ne me feront point de mal, quand je leur montrerai de vos lettres. Je leur dirai : Non hic in prœlia veni vi. Ils entendent Virgile, sans doute ; et s’ils voulaient piller, je leur crierais : Barbarus has segetes !vii Ils s’enfuiraient alors pour la première fois. Je voudrais bien voir qu’un régiment prussien m’arrêtât ! « Messieurs, dirais-je, savez-vous bien que votre prince fait graver LaHenriade viii, et que j’appartiens à Émilie ? » Le colonel me prierait à souper ; mais, par malheur, je ne soupe point.

Un jour je fus pris pour un espion par des soldats du régiment de Conti : le prince, leur colonel ix, vint à passer, et me pria à souper au lieu de me faire pendre. Mais actuellement, Monseigneur, j’ai toujours peur que les puissances ne me fassent pendre au lieu de boire avec moi. Autrefois le cardinal de Fleury m’aimait, quand je le voyais chez madame la maréchale de Villars ; altri tempi, altre cure x.Actuellement c’est la mode de me persécuter, et je ne conçois pas comment j’ai pu glisser quelques plaisanteries dans cette lettre, au milieu des vexations qui accablent mon âme, et des perpétuelles souffrances qui détruisent mon corps. Mais votre portrait, que je regarde, me dit toujours : Macte animo xi.

Durum, sed levius fit patientia

Quidquid corrigere est nefas.xii

J’ose exhorter toujours votre grand génie à honorer Virgile dans Nisus et dans Euryalus xiii, et à confondre Machiavel. C’est à vous à faire l’éloge de l’amitié, c’est à vous de détruire l’infâme politique qui érige le crime en vertu. Le mot politique signifie, dans son origine primitive, citoyen, et aujourd’hui, grâce à notre perversité, il signifie trompeur de citoyens. Rendez-lui, monseigneur, sa vraie signification. Faites connaître, faites aimer la vertu aux hommes.

Je travaille à finir un ouvrage xiv que j’aurai l’honneur d’envoyer à Votre Altesse Royale, dès que j’aurai reposé ma tête. Votre Altesse Royale ne manquera pas de mes frivoles productions, et tant qu’elles l’amuseront, je suis à ses ordres.

Madame la marquise du Châtelet joint toujours ses hommages aux miens.

Je suis avec le plus profond respect et la plus grande vénération, Monseigneur, etc. »

 

i Fawkener.

ii Il modifiera quelques vers de la dédicace quand Frédéric devenu roi envahira la Silésie en 1740 .

iii « une petite principauté située vers Liège et Juliers ... composée de Ham et Beringhem » héritage du marquis de Trichâteau pour lequel les du Châtelet font un procès à la maison de Hoensbroek.

iv Mantoue trop proche hélas de la malheureuse Crémone .

v A neuf lieues et demie de Maestricht. C’est un marquis de ce nom qui fut enlevé sur le pont de Sèvres à la place du dauphin, en 1708. Il semble que Voltaire se souvenait de cette méprise en écrivant ce qui va suivre.

vi Je ne suis pas venu ici pour me battre .

vii Un barbare aura ces moissons .

viii Frédéric lui avait fait part de cette intention le 3 février 1739 . Voir lettre 77 : http://www.monsieurdevoltaire.com/article-coorespondance-...

ix Louis-François de Bourbon, au camp de Philipsbourg où V* était allé voir le duc de Richelieu en 1734 .

x Autres temps , autres soucis .

xi Haut les cœurs .

xii Dure épreuve, mais la patience rend moins pénible tout ce que les dieux défendent de corriger .

xiii Allusion à la tragédie de Frédéric Nisus et Euryale , le sujet étant pris dans l'Enéïde et dont l'action devrait représenter l'amitié de Nisus et Euryale, ainsi que Frédéric le lui a écrit le 3 février .

xiv Peut-être Mahomet ou alors Voyage du baron de Gangan (ébauche de Micromégas- dont il parlera à Frédéric vers le 20 juin .

 

 

 

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25/04/2011 | Lien permanent

Vous rendrez du moins justice à mes intentions ; je voulais qu’aucune voix ne manquât

... lors du RIC que je vous propose" espère Emmanuel Macron en rencontrant les dirigeants politiques . C'est supposer que les Français savent encore/enfin compter et juger de ce qui est faisable : le rêve !

 Image associée

 Oui ! je vous le demande . L'enfer est pavé de bonnes intentions, dites-vous ? Et je vais prendre ces pavés sur le coin de la figure ? merci les gilets jaunes !

 

 

« A Jean-François Marmontel, de l'Académie française

chez madame de Geoffrin

à Paris

28è janvier 1764

Puisque les choses sont ainsi 1, mon cher ami, je n’ai qu’à gémir et à vous approuver. Vous rendrez du moins justice à mes intentions ; je voulais qu’aucune voix ne manquât à vos triomphes 2. Ce que vous m’apprenez me fait une vraie peine. Je me consolerai si la littérature jouit à Paris de la liberté sans laquelle elle ne peut exister ; si la philosophie n’est point persécutée ; si une secte affreuse de rigoristes ne succède pas aux jésuites ; si le petit lumignon de raison que vous contribuez à ranimer dans la nation ne vient pas bientôt à s’éteindre. On dit qu’un pédant de l’université écrit déjà contre l’Esprit des Lois 3. Le principal mérite de ce livre est d’établir le droit qu’ont les hommes de penser par eux-mêmes. Voilà les vraies libertés de l’Église gallicane qu’il faut que votre aimable coadjuteur de Strasbourg 4 soutienne. Il y aura toujours en France une espèce de sorciers vêtus de noir qui s’efforceront de changer les hommes en bêtes ; mais c’est à vous et à vos amis à changer les bêtes en hommes. On dit que ce Bougainville, à qui un homme de tant de mérite a succédé 5, n’était en effet qu’une très méchante bête, que c’était lui qui avait accusé Boindin d’athéisme, et qui l’avait persécuté même après sa mort. Si cela est, ce malheureux, connu seulement par une plate traduction d’un plat poème, méritait quelques restrictions aux éloges que vous lui avez donnés. Il se trouve que l’auteur et le traducteur étaient persécuteurs.

L’auteur de l’Anti-Lucrèce 6 sollicita l’exclusion de l’abbé de Saint-Pierre 7, et le translateur prosaïque de l’Anti-Lucrèce 8 priva Boindin de l’éloge funèbre qu’il lui devait 9. Cet Anti-Lucrèce m’avait paru un chef-d’œuvre quand j’en entendis les quarante premiers vers récités par la bouche mielleuse du cardinal ; l’impression lui a fait tort ; j’aime mieux un de vos contes moraux 10 que tout l’Anti-Lucrèce. Vous devriez bien nous faire des contes philosophiques, où vous rendriez ridicules certains sots et certaines sottises, certaines méchancetés et certains méchants ; le tout avec discrétion, en prenant bien votre temps, et en rognant les ongles de la bête quand vous la trouverez un peu endormie.

Faites mes compliments à tous nos frères qui composent le pusillum gregem 11. Que nos frères s’unissent pour rendre les hommes le moins déraisonnables qu’ils pourront ; qu’ils tâchent d’éclairer jusqu’aux hiboux, malgré leur haine pour la lumière . Vous serez bénis de Dieu et des sages.

Madame Denis et moi nous vous serons toujours bien attachés. »



2 Le duc de Pralin était contre l'élection de Marmontel .

3 Jean-Baptiste-Louis Crevier : Observations sur le livre de l'Esprit des lois .

4 Le prince Louis de Rohan .

5 « L'homme de mérite » est Marmontel

8 C'est Jean-Pierre de Bougainville qui a traduit du latin L'Anti-Lucrèce de Melchior de Polignac, 1749 . V* a aussi dans sa bibliothèque trois exemplaires de l'Anti-Lucretius . Voir : https://books.google.fr/books?id=fYCaQKnt2gUC&printsec=frontcover&hl=fr&source=gbs_ge_summary_r&cad=0#v=onepage&q&f=false

9 Boindin, athée notoire, ne reçut pas , quand il mourut le 30 novembre 1751 , de sépulture ecclésiastique . On lui refusa aussi l'éloge d'usage à l'Académie des inscriptions et belles lettres dont il était membre .

10 Les Contes moraux, 1763 qui créèrent une sorte de sous-genre du conte . Voir : https://journals.openedition.org/feeries/413?lang=fr

11 Timide troupeau .

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05/02/2019 | Lien permanent

Ô anges ! je n’ai jamais tant été au bout de vos ailes

... Si cet énergumène de Zemmour fait appel à St Michel archange* comme chef des troupes angéliques qui doivent nous défendre du démon -donc tous ceux qui ne sont pas de son avis-, sur quel camp diabolique le fait-il aller combattre du côté de l'Ukraine ? Ce truqueur patenté a le trouillomètre à zéro et faute d'avoir 500 signatures de maires il fait appel aux anges guerriers . Je ne doute pas que d'ici peu il se réclame des signatures de zombies, dont il a déjà la trombine .

* Pour info : https://www.universalis.fr/encyclopedie/michel/

AlainTruong on Twitter: "#dessin de @nawak_dessins #generaldegaulle  #general #degaulle #ericzemmour #zemmour #cartoon #caricature #illustration  #politique #humour Reposted from @grisetsissi https://t.co/ThH5OuJplF" /  Twitter

Il n'y a pas que les anges qui soient fâchés par l'énergumène

 

 

« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

et à

Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d'Argental

20 novembre 1766

Divins anges, vous vous y attendiez bien ; voici des corrections que je vous supplie de faire porter sur le manuscrit.

Maman Denis et un des acteurs 1 de notre petit théâtre de Ferney, fou du tripot, et difficile, disent qu’il n’y a plus rien à faire, que tout dépendra du jeu des comédiens ; qu’ils doivent jouer Les Scythes comme ils ont joué Le Philosophe sans le savoir 2, et que les Scythes doivent faire le plus grand effet, si les acteurs ne jouent ni froidement ni à contre-sens.

Maman Denis et mon vieux comédien de Ferney assurent qu’il n’y a pas un seul rôle dans la pièce qui ne puisse faire valoir son homme. Le contraste qui anime la pièce d’un bout à l’autre doit servir la déclamation, et prête beaucoup au jeu muet, aux attitudes théâtrales, à toutes les expressions d’un tableau vivant. Voyez, mes anges, ce que vous en pensez . C’est vous qui êtes les juges souverains.

Je tiens qu’il faut donner cette pièce sur-le-champ, et en voici la raison. Il n’y a point d’ouvrage nouveau sur des matières très délicates qu’on ne m’impute . Les livres de cette espèce pleuvent de tous cotés. Je serai infailliblement la victime de la calomnie si je ne prouve l’alibi. C’est un bon alibi qu’une tragédie. On dit : « Voyez ce pauvre vieillard ! peut-il faire à la fois cinq actes, et cela, et cela encore ? » Les honnêtes gens alors crient à l’imposture.

Je vous supplie, ô anges bienfaiteurs ! de montrer la lettre ci-jointe 3 à M. le duc de Praslin, ou de lui en dire la substance. Il sera très utile qu’il ordonne à un de ses secrétaires ou premiers commis d’encourager fortement M. du Clairon à découvrir quel est le polisson qui a envoyé de Paris aux empoisonneurs de Hollande son venin contre toute la cour, contre les ministres, et contre le roi même, et qui fait passer sa drogue sous mon nom 4.

Comme j'en étais là, je reçois votre lettre du 13 . je pense absolument comme M. le duc de Praslin, qu'il ne faut pas imprimer les lettres de Jean-Jacques tirées du dépôt 5 , avec l’authenticité d'une permission du ministère . Mais il faudra bien les imprimer et rectifier les dates, si Jean-Jacques ose nier son écriture, ce 6 qu'il fera sans doute en se prévalant de la méprise sur ces dates, on peut avoir eu ces lettres originales des héritiers de M. du Theil . Elles ne sont point censées devoir être dans le dépôt des Affaires étrangères, parce qu'elles ne regardent point les affaires d’État, et que ce n'est qu'une discussion entre un maître et un valet menacé de coups de bâton .

La lettre sous mon nom au docteur Pansophe est probablement de l'abbé Coyer . Si je l'avais écrite, je serais bien loin de la désavouer, elle est digne des Provinciales .

Mais prenez garde que je mentirais si ayant eu le bonheur d’écrire cette lettre charmante à Jean-Jacques je disais à M. Hume que je n'ai pas écrit à Jean-Jacques depuis 7 ans .

Cela est très vrai . Je ne mens point, ma lettre à M. Hume ne contient que des faits incontestables, et des faits qu'il m'était important d'éclaircir . Ce malheureux m'avait calomnié, et il a fallu me justifier 7 .

Voici la destination que je fais, selon vos ordres, des rôles pour l’académie royale du Théâtre-Français.

Ô anges ! je n’ai jamais tant été au bout de vos ailes.

V.

N. B. Il y a pourtant dans la Lettre au docteur Pansophe des longueurs et des répétitions. Elle est certainement de l’abbé Coyer.

N. B. Voulez-vous mettre mon gros neveu, l’abbé Mignot, du secret ? »

1 Voltaire lui-même.

4 Il s’agit toujours des lettres qui donnèrent lieu à l’Appel au public ; voir : https://fr.wikisource.org/wiki/Page:Voltaire_-_%C5%92uvres_compl%C3%A8tes_Garnier_tome25.djvu/589

5Elles sont publiées dans les Notes sur la lettre de M. de Voltaire à M. Hume (novembre 1766 ) : https://fr.wikisource.org/wiki/Notes_sur_la_lettre_%C3%A0_Hume

6 Ici se termine la quatrième page du manuscrit original ; la suite a été prise de la copie Beaumarchais-Kehl .

7 Les quatre paragraphes qui précèdent ont été biffés sur la copie Beaumarchais-Kehl et de ce fait manquant dans toutes les éditions . Cette suppression est caractéristique : les éditeurs de Kehl suppriment ce qui peut témoigner d'une hostilité trop violent à l'intérieur du groupe des « philosophes ».

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21/02/2022 | Lien permanent

la censure contre , dans le cul

... Pas mieux !

 

« A Jean-François Marmontel

28è novembre 1768

Point du tout, mon cher ami, le patriarche est toujours malingre : et, s’il est goguenard dans les intervalles de ses souffrances, il ne doit la vie qu’à ce régime de gaieté, qui est le meilleur de tous. Tout gai que je suis par accès, je suis au fond très affligé pour l’Espagne que l’université de Salamanque succède aux jésuites dans le ministère de la persécution. Je l’avais bien prévu avec frère Lembertad 1 ; et je dis, quand on chassa les renards : on nous laissera manger aux loups 2.

J’ai toujours votre XVè chapitre 3 dans le cœur et dans la tête, et la censure contre 4, dans le cul. Je ne crois pas qu’il y ait rien de si déshonorant pour notre siècle. Sans votre XVè chapitre, ce siècle était dans la boue.

Je n'ai pas manqué de vous envoyer celui de Louis XIV par les voitures publiques de Lyon . Il est vrai que ne sachant où vous prendre l'adresse est chez Mme de Genéfrin, car j'ai oublié votre nouvelle demeure .

Votre idée de l’histoire politique de l’Église est très belle, mais c’est l’histoire du monde entier. Il n’y a point de royaume en Europe que le pape n’ait donné ou cru donner . Il n’y en a point où il n’ait levé des impôts, où il n’ait excité des guerres . J’en ai dit quelques mots dans l’Essai sur l'histoire générale 5.

L’Examen dans lequel le président Hénault est si maltraité est un tour de maître Gonin que je n’ai pas encore éclairci. L’ouvrage est assurément d’un homme très profond dans l’histoire de France. Il y a des erreurs, mais il y a aussi des recherches savantes. Le style court après celui de Montesquieu ; il l’attrape quelquefois, mais avec des solécismes et des barbarismes dont Montesquieu avait aussi sa part. On a imprimé ce petit livre sous le nom d’un marquis de Bélestat. J’ai reçu moi-même de Montpellier deux lettres signées de ce nom ; et il se trouve à fin de compte qu’il n’y a point de marquis de Bélestat 6 . C’est l’aventure du faux Arnaud.

Je crois, après m’être bien tourmenté à deviner, que je dois finir par rire. Plût à Dieu qu’il n’y eut dans le monde que ces petites méchancetés ! Mais je reprends mon air grave et triste quand je songe à certaines choses qui se sont passées dans mon Siècle . Je ne les oublie point, je les garde pour les posthumes 7, et je veux que la postérité déteste les persécuteurs.

Mandez-moi votre demeure . Je vous embrasse bien tendrement, mon très cher confrère. »

1 D’Alembert.

2 On a déjà vu cent variations de V* sur ce thème depuis la lettre du 19 juin 1763 à Damilaville ( http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2018/06/12/l... ) jusqu'à celle du 3 août 1767 à d'Alembert ( http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2023/03/25/les-honnetes-gens-ne-peuvent-combattre-qu-en-se-cachant-derr-6434994.html ) , sans compter celles que l'on trouve dans les autres ouvrages, comme par exemple Le Pot pourri .

4 Censure de la faculté de théologie de Paris contre le livre qui a pour titre Bélisaire, 1767 : https://books.google.com/books?id=Av10LHMqtd8C&printsec=frontcover&hl=fr&source=gbs_ge_summary_r&cad=0#v=onepage&q&f=false

5 Et dans une foule d'autres écrits qu'on ne peut songer à énumérer .

7 Sans doute au sens de « ceux qui viendront après nous, la postérité » . Mais cet emploi de posthume n'est pas signalé par les dictionnaires .

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08/06/2024 | Lien permanent

il voulait de l’ordre et de l’économie ; on n’aime ni l’un ni l’autre

...  Il n'est qu'à voir les intentions de vote pour le mois de juin pour se persuader que ça se vérifie toujours en France . Faire confiance à ce point à un Bardella c'est se tirer une balle dans le pied, à un NUPES se bousiller le second et un LR se trancher la gorge .  Cette élection va être un carnage .

 

 

« A Jean-François-René Tabareau

[ Septembre – octobre 1768 ] 1

Il est étonnant, monsieur, que les Chinois sachent au juste le nombre de leurs concitoyens, et que nous, qui avons tant d’esprit et qui sommes si drôles, nous soyons encore dans l’incertitude ou plutôt dans l’ignorance sur un objet si important. Je ne garantis pas le calcul de M. de La Michodière 2 ; mais, s’il y a vingt millions d’hommes en France, chaque individu doit prétendre à quarante écus de rente ; et si nous n’avons que seize millions d’animaux à deux pieds et à deux mains, il nous revient à chacun 144 livres ou environ. Cela est fort honnête ; mais les hommes ne savent pas borner leurs désirs.

Il y a une chose qui me fâche davantage, c’est que quand vous avez la bonté de donner cours à mes paquets pour Paris, vos commis mettent Genève sur l’enveloppe : cela est cause qu’ils sont ouverts à Paris. Les tracasseries genevoises ont probablement été l’objet de cette recherche ; mais je ne suis point Genevois représentant. J’ai cru que ma correspondance, favorisée par vous, serait en sûreté. Je vous prie en grâce de me dire si les paquets pareils à ceux que je vous ai fait tenir pour vous-même ont été marqués, dans vos bureaux, de ce mot funeste Genève. Il serait possible que, dans la multiplicité de mes correspondances, j’eusse envoyé quelques-unes de ces brochures imprimées en Hollande, qu’on me demande quelquefois ; il serait bien cruel qu’elles fussent tombées dans des mains dangereuses.

Tout le monde paraît content du débusquement 3 de M. Del Averdi ; et on ne l’appelle plus que M. Laverdi 4. Cela semble prouver qu’il voulait de l’ordre et de l’économie ; on n’aime ni l’un ni l’autre à la cour, mais il en faut pour le pauvre peuple 5. Cependant ce ministre avait fait du bien ; on lui devait la liberté du commerce des grains, celle de l’exercice de toutes les professions, la noblesse donnée aux commerçants, la suppression des recherches sur le centième denier après deux années, les privilèges des corps de villes, l’établissement de la caisse d’amortissement. Le public est soupçonné quelquefois d’être injuste et ingrat.

Comme nous allons bientôt entrer dans l’Avent, votre bibliothécaire, monsieur, vous envoie un sermon 6. Il est vrai que ce sermon est d’un huguenot ; mais la morale est de toutes les religions. Je ne manquerai pas de vous faire parvenir tous les ouvrages de dévotion qui paraîtront dans ce saint temps.

Vous savez combien je vous suis attaché. »

1 Copie Beaumarchais-Kehl ; édition de Kehl . Cette lettre est très probablement l'amalgame de deux lettres, la première contemporaine de L'Homme aux quarante écus, l'autre de septembre ou octobre ; voir note 2 de la présente lettre .

3 Littré ne cite que l'exemple de ce passage pour débusquement, au sens « action de déposséder quelqu'un de l'emploi qu'il occupe ». Cet emploi est en revanche bien attesté pour le verbe débusquer .

4 Sur François de Laverdy , voir lettre du 19 décembre 1763 à d'Argental : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2018/12/25/e... . Dans cette lettre V* écrit son nom De La Verdi, d'où sans doute ce jeu de mots . Laverdy fut démis de ses fonctions de contrôleur général par Maupéou qui était devenu chancelier le 18 septembre .

Voir : https://fr.wikisource.org/wiki/Page:Voltaire_-_%C5%92uvres_compl%C3%A8tes_Garnier_tome43.djvu/208

et https://fr.wikisource.org/wiki/Page:Voltaire_-_%C5%92uvres_compl%C3%A8tes_Garnier_tome43.djvu/234

 

Lorsqu’il quitta le ministère, on fit ce couplet sur L’air de la Bourbonnaise :

Le roi, dimanche,
Dit à Laverdi, (bis)
Le roi, dimanche,
Dit à Laverdi :
Va-t’en lundi. »

5 La copie Beaumarchais-Kehl poursuit par : On dit que la livre de Paris vaut quatre sous et demi à Paris, et que les murmures sont grands. Cette phrase a été biffée et remplacée par le reste du paragraphe tel qu'il a été donné .

6 L'Homélie du pasteur Bourn, 1768.

C’est vers février 1768 que Voltaire avait publié son Sermon prêché à Bâle (voir : https://fr.wikisource.org/wiki/Page:Voltaire_-_%C5%92uvres_compl%C3%A8tes_Garnier_tome26.djvu/591). Je crois qu’il s’agit ici de l’Homélie du pasteur Bourn, qui parut en octobre (voir : https://fr.wikisource.org/wiki/Page:Voltaire_-_%C5%92uvre... ). (Beuchot.)

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15/04/2024 | Lien permanent

Les Français commencent à se former

... A l'école de la république . Brillantes pédagogies dont voici un bref résumé en image ...

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« A Gabriel Cramer

[vers le 30 décembre 1761]

Je souhaite la bonne année à monsieur Caro, à madame Cara, à madame la mère, et à monsieur Philibert .

Monsieur Caro saura que le 22è décembre notre frère Damilaville n'avait reçu aucune consolation, aucune instruction de monsieur Caro . Que monsieur Caro devait écrire à M. de Mazières fermier général . Que c'est la seule manière d'obtenir grâce pour son ballot . Que ce ballot est très hasardé, et qu'on n'a pris aucune des précautions nécessaires . Je ne doute pas que monsieur Caro n'ait déjà prévenu toutes les plaintes de notre très aimé et très zélé frère Damilaville .

On a imprimé, et on débite à Paris , un livre attribué à Saint-Evremond, intitulé Examen de la religion 1. C'est le livre le plus pulvérisant qu'on ait jamais écrit sur cette matière . Les Français commencent à se former . »

1 Examen de la religion dont on cherche l'éclaircissement de bonne foi . Attribué à M. de Saint-Evremond, traduit de l'anglais de Gilbert Burnet, 1761 .On avait toujours attribué cet ouvrage à La Serre, mais Gustave Lanson a réfuté cette attribution dans ses « Questions diverses sur l'histoire de l'esprit philosophique en France avant 1750 », 1912 . Sur un des exemplaires qu'il possédait, V* a écrit en face du nom de Saint-Evremond : « Il lui est très faussement attribué. Ce n'est point là son style, j'en ignore l'auteur .»

 

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30/12/2016 | Lien permanent

Je ne mérite pas la place que vous me donnez sur le Parnasse

... m'a déclaré Johnny dans sa dernière interview, dernière puisque posthume !

Ses héritiers et ses fans tiennent à le garder sur son piédestal . Qu'il en soit ainsi .

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Les coups ! oui ça fait mal !

 

 

« A François de Chennevières

Ferney du 28 octobre 1763

Vos vers sont bien agréables mon cher confrère . Je ne mérite pas la place que vous me donnez sur le Parnasse, mais j'en mérite assurément une dans votre cœur par les sentiments que je conserverai pour vous toute ma vie . Je me flatte que la perte que Mlle Fels a pu faire n'est point du tout considérable et que M. de La Bordes, qui a bien voulu prendre soin de sa fortune, l'aura empêchée de mettre tous ses œufs dans le panier de ce Fabus qui passait depuis longtemps pour un panier percé . Divertissez-vous à Fontainebleau, maman Denis qui n'écrit guère, vous fait ses tendres compliments . »

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20/10/2018 | Lien permanent

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