08/03/2010
Je voulais hasarder de faire voir une femme mourant de douleur
http://www.youtube.com/watch?v=Q1cKPn-xBbw&feature=re...
Journée de la femme ! centième anniversaire !
Allez ! je mets un titre provocateur en hommage (sic) à Coline Serrault .
Pour dire le vrai, très franchement, je l'ai trouvée gonflante . Et me trouvant gonflé, je me permets d'accoucher sur le papier cette pensée .
Cette féministe convaincue m'a fait découvrir à la radio ce matin, un terme assez peu usité : "anthropoculture", entendez par là, tout simplement le fait que les femmes "cultivent" les enfants en leur sein, ou encore plus prosaïquement font des enfants .
Il y a une trentaine d'années, une psychologue, ex-enseignante, mère de famille avait déclaré lors d'un congrès de parents d'élèves, qu'elle faisait mettre sur son passeport , à la rubrique "métier" : ingénieur domestique, ce qui correspondait tout à fait fonctionnellement exactement, à "mère au foyer". Cette trouvaille avait été déclarée géniale, et j'approuvais et approuve encore, mais combien de femmes ont osé suivre ce modèle ? Je serais curieux de la savoir, n'hésitez pas à me le dire
http://www.youtube.com/watch?v=36qzWxBBXX8&feature=re...
« A Charles-Augustin Ferriol, comte d’Argental
et à
Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d’Argental
Ferney 8 mars [1762]
Paire d’anges,
Madame Scaliger [surnom donné par V* à la comtesse] est plus que Scaliger [Philologue italien du XVIème, auteur d’une Poétique qui pose les fondements du classicisme], elle a du génie. Je suis plein de reconnaissance et de vénération. C’est encore peu que du génie, elle est bon génie. Assez de dames disent leurs dégoûts, assez disent en tournant la tête : ah !l’horreur ! et puis vont jouer et souper. Mais trouver le mal et le remède cela n’est pas du train ordinaire. Je ne peux encore prendre un parti sur ce qu’elle propose. J’avais fait ce Cassandre ou cette Olympie [changement de titre pour satisfaire Mlle Clairon qui doit jouer le rôle l’Olympie] uniquement pour le cinquième acte. Je voulais hasarder de faire voir une femme mourant de douleur. Je me disais : le président Hénault dans son petit livre [Le Nouvel abrégé chronologique de l’histoire de France] fait mourir vingt ministres de chagrin, pourquoi Statira n’en mourrait-elle pas ? En la peignant surtout dès le second acte accablée de ses douleurs, et languissante, et invoquant la mort, et n’attendant que ce moment, cela n’était-il pas cent fois plus naturel que de faire expirer de douleur en un seul vers, et d’une seule bouchée une sotte princesse dans Suréna ? Ah ! que cela est beau ! disaient les cornéliens que j’ai vus dans ma jeunesse : Non, je n’expire point, Madame ; mais je meurs [citation inexacte de Suréna]. Et moi je dis : que cela est froid ! que cela est pauvre ! Ah ! ce que je commente ne me plait guère [Commentaires sur Corneille].
Enfin pourquoi un bûcher ne vaudrait-il pas le pont aux ânes du coup de poignard ?
Pourquoi avant-hier un acteur qui lisait la pièce aux autres acteurs qui vont la jouer chez moi dans huit jours, nous fit-il tous fondre en larmes ? Attendons ces huit jours, laissez moi jouer la pièce telle que je l’ai achevée, laissez-moi reprendre mes esprits. Je n’en peux plus, je sors du bal, ma tête n’est point à moi. Un bal, vieux fou ? un bal dans tes montagnes ? et à qui l’as-tu donné ? aux blaireaux ? Non, s’il vous plait : à très bonne compagnie, car voici le fait. Nous jouâmes hier Le Droit du seigneur, et cela sur un théâtre[f1] qui est plus joli, plus brillant que le vôtre assurément. Notre théâtre est favorable aux cinquièmes actes. La fin du quatre fut reçue très froidement comme elle mérite de l’être. Mais à ces vers : Je vais partir, je ne partirai plus, Avouez donc la gageure perdue. J’aime, eh bien donc régnez, à ces vers si vrais, si naturels, si indignement retranchés, il partait des applaudissements des mains et du cœur. J’avoue que la pièce est bien arrondie, mais enfin c’est notre cinquième acte qui a plu. A des Allobroges, direz-vous. Non, à des gens d’un goût très sûr, et dont l’esprit n’est ni frelaté, ni jaloux, qui ne cherchent que leur plaisir, qui ne connaissent pas celui de critiquer à tort et à travers, comme il arrive toujours à Paris à une première représentation, comme il arriva à L’Enfant prodigue, à Nanine, à Sémiramis, à Mahomet, à Zaïre, oui, à Zaïre . On est assez lâche pour céder quelquefois à d’impertinentes critiques, on sacrifie des traits noblement hasardés, auxquels le public s’accoutumerait en quatre jours. Il y a un beau milieu à tenir entre l’obstination contre les critiques des sages, et l’esclavage de la critique des fous. Vous êtes mes sages, mais soyez fermes. Oui Le Droit du seigneur a enchanté trois cents personnes, de tout état et de tout âge, seigneurs et fermiers, dévotes et galantes. On y est venu de Lyon, de Dijon, de Turin. Croiriez-vous que Mlle Corneille a enlevé tous les suffrages ? Comme elle était naturelle ! vive ! gaie ! comme elle était maîtresse du théâtre, tapant du pied quand on la soufflait mal à propos ! Il y a un endroit où le public l’a forcée de répéter. J’ai fait le bailli ; et ne vous en déplaise, à faire pouffer de rire. Mais que faire de trois cents personnes au milieu des neiges, à minuit quand le spectacle a fini ? Il a fallu leur donner à souper à toutes, ensuite il a fallu les faire danser. C’était une fête assez bien troussée [ref. à Monsieur de Pourceaugnac, de Molière]. Je ne comptais que sur cinquante personnes. Mais passons, c’est trop me vanter.
Nous jouons Cassandre dans huit ou dix jours. Je vous dirai l’effet. Comptez que nous sommes très bons juges, parce que nous sommes la nature pure et éclairée. Fiez-vous à nous.
Je reviens de Cassandre à mon impératrice. Je savais bien qu’Ivan Chouvalow, mon favori et celui d’Elisabeth, avait raccommodé la princesse impériale avec la mourante, mais on me dit que dans le fond il est fort mal avec l’empereur germanico-russe aujourd’hui buvant et régnant [Pierre III, ami de Frédéric II]. C’est son cousin de l’artillerie [Pietr Petrovitch Shouvalov , grand maître de l’artillerie, mort le 16 janvier 1762] qui était en grâce. Il n’y est plus ; il vient de mourir.
Cet empire russe deviendra l’arbitre du Nord. Je vous en avertis, messieurs les Français.
Faut-il que les Anglais se moquent partout de vous ? Il y a là un Keat [Robert Keith, ambassadeur d’Angleterre à St Petersbourg de 1758 à 1762] qui sait boire, qui a captivé l’empereur, et votre Breteuil [fils du frère de Mme du Châtelet, ambassadeur de France à St Petersbourg de 1760 à 1763] n’a captivé personne. Ah ! pauvres Français avec vos vaisseaux de province ![chaque province devait fournir un vaisseau] Vous êtes dans le temps de la décadence, et vous y serez longtemps. Faites votre provision de café et de sucre, vous le payerez cher avant qu’il soit peu.
Mes anges, neige-t-il à Paris ?
Mille tendres respects.
V. La Créature »
[f1]Il est « mieux entendu, mieux orné, mieux éclairé que celui de Paris » : à Mme de Fontaine le 19 mars.
Au duc de Villars, le 25 mars : détails sur la mise en scène de Cassandre-Olympie jouée la veille (et où Gabriel Cramer a joué le Baron) : « notre salle est sur le modèle de celle de Lyon ; le même peintre a fait nos décorations ; la perspective en est étonnante, on n’imagine pas d’abord qu’on puisse entendre les acteurs qui sont au milieu du théâtre, ils paraissent éloignés de cinq cent toises. Ce milieu était occupé par un autel. Un péristyle régnait jusqu’aux portes du temple. La scène s’est toujours passée dans ce péristyle, mais quand les portes de l’intérieur étaient ouvertes, alors les personnages paraissaient être dans le temple, qui par son ordre d’architecture se confondait avec le vestibule ; de sorte que sans aucun embarras cette différence essentielle de position a toujours été très bien marquée. »
Au deuxième acte, « deux fermes sur lesquelles on avait peint des charbons ardents, des flammes véritables qui s’élançaient à travers les découpements de la première ferme percée de plusieurs trous, cette première ferme s’ouvrant pour recevoir Olympie, et se refermant en un clin d’œil, tout cet artifice a été si bien ménagé que la pitié et la terreur étaient au comble. »
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C’est un éphémère fait pour naitre et mourir en un jour
Pour plomber un peu ce jour ensoleillé, et neigeux pour certains, une musique d'un compositeur chevronné qui me plait toujours : Jacques Loussier :
http://www.youtube.com/watch?v=1bnzJipzF78
« A Gabriel Cramer
[vers 8 mars 1760]
La Lettre civile et honnête [réponse de V* à une anonyme Critique de l’Histoire universelle de M. de Voltaire au sujet de Mahomet et du mahométisme ] est en bien gros caractères. Mais la chose est faite.
Je vous aurai beaucoup d’obligation, mon cher Gabriel, si vous voulez bien presser l’impression de ce rogaton. Cela n’a qu’un temps. C’est un éphémère fait pour naitre et mourir en un jour.
Allègre-gros !? May be !
And now : Allegro : http://www.youtube.com/watch?v=RfXscggZmtg&feature=related
10:31 | Lien permanent | Commentaires (0)
lapsus calami ! pour jour heureux ? ou calamiteux ?
Grâces soient rendues au journaliste qui prend ainsi soin de SA femme un jour par an .
Avec ça, il ne lui reste plus qu'à lui offrir des fleurs , un bijou, son coeur, son corps (là je m'engage peut-être un peu trop pour lui ! en tout cas , c'est personnellement ce que je ferais ;-) ) !
09:33 | Lien permanent | Commentaires (0)
05/03/2010
Toutes les affaires sont longues, surtout quand il s’agit de rendre.
Cassandra, de Woody Allen ...
http://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=18749333&a...
http://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=18749337&a...
http://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=18749342&a...
http://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=18749344&a...
Je vous laisse libres du choix des séquences, mais celle qui me plait le plus est la quatrième . Mesdames et mesdamoiselles, je vous salue très respectueusement !...
http://www.insecula.com/oeuvre/photo_ME0000012381.html
Je ne veux pas jouer les Cassandre en mettant ce titre qui est terriblement d'actualité : Mesdames les compagnies d'assurance, je vous prie de faire mentir cet en-tête !!
« A Jean Le Rond d’Alembert
5 mars [1774]
Oui, vraiment, monsieur Bertrand, ce que vous dites là m’amuserait fort[f1] . Mais croyez-vous que j’aie encore des pattes ? pensez-vous que ces marrons puissent se tirer gaiement[f2] ? Si on n’amuse pas les Welches, on ne tient rien. Voyez ce Beaumarchais. Il a fait rire dans une affaire sérieuse, et il a eu tout le monde pour lui. Je suis d’ailleurs pieusement occupé d’un ouvrage plus universel[f3] . Vous ne me proposez que de battre un parti de houzards, quand il faut combattre des armées entières. N’importe. Il n’y a rien que le pauvre Raton ne fasse pour son cher Bertrand. Je m’arrête, je songe ; et après avoir rêvé je crois que ce n’est pas ici le domaine du comique et du ridicule ; tout welches que sont les Welches, il y a parmi eux des gens raisonnables, et c’est à eux qu’il faut parler sans plaisanterie, et sans humeur. Je vais voir quelle tournure on peut donner à cette affaire, et je vous en rendrai compte. Il faudra s’il vous plait que vous m’aidiez un peu, nihil sine Theseo.
Vous n’aurez qu’à envoyer vos instructions chez M. Bacon, substitut de M. le procureur général, place Royale. Elles me parviendront sûrement. Il serait plus convenable que nous nous vissions, mais il est plus plaisant que Jean-Jacques soit chez moi, et que je sois chez lui[f4] .
Je me sers aujourd’hui de mon ancienne adresse. Ayez la bonté de me dire si vous avez reçu le fatras de L’Inde[f5] que j’envoie par le même canal avec cette lettre.
On me mande de Rome que M. Tanucci[f6] n’a point encore rendu Bénévent à st Pierre, et je n’entends point dire qu’il soit en possession d’Avignon. Toutes les affaires sont longues, surtout quand il s’agit de rendre.
Catau n’est point du tout embarrassée du nouveau mari qui se présente dans la province d’Orembour. Elle m’a écrit une lettre assez plaisante sur cette apparition[f7] . Elle passe sa vie avec Diderot, elle en est enchantée. Je crois pourtant qu’il va revenir[f8] , et que vous avez très bien fait de ne point passer dix ans dans un climat si dur, avec votre santé délicate[f9] . Je vous aime mieux à Paris que partout ailleurs. Adieu mon très cher maître, ne m’oubliez pas auprès de votre ami M. de Condorcet.
Encore un mot. Je ne suis point surpris de ce que vous me mandez d’un archevêque qui a fait mourir de chagrin ce pauvre abbé Audra[f10] .
Encore un autre mot. Voici l’esquisse de la Lettre[f11] que vous me demandez. Tâchez de me la renvoyer contresignée et voyez si on peut en faire quelque chose.
Et puis un autre mot. Vous n’aurez pont L’Inde[f12] cet ordinaire.
Pour dernier mot écrivez-moi par M. Bacon.
[f1]Le 26 janvier, d’Alembert a signalé qu’il y avait « un projet de rétablir (les jésuites) en France sous un autre nom » et conclut « Voilà … un sujet bien intéressant, et qui mériterait bien autant d’exercer votre plume que les Morangiès et les La Beaumelle. Vous allez dire que je fais encore le Bertrand, et que j’ai toujours recours à Raton ; mais songez donc que Bertrand a les ongles coupés. Ce que je désire et que j’attends de vous serait l’ouvrage d’un bon citoyen, et d’un bon Français, attaché au roi et à l’Etat. Vous pouvez répandre à pleines mains sur ce projet l’odieux et le ridicule dont vous savez si bien faire usage. Vous pouvez faire voir qu’il est dangereux pour l’Etat, pour l’Eglise, pour le pape et pour le roi, que les jésuites regarderont toujours comme leurs ennemis, et traiteront comme tels, s’ils le peuvent… »
[f6]Premier ministre de Naples. Le roi de Naples s’était emparé de Bénévent et le roi de France d’Avignon en 1768, en représailles de l’excommunication prononcée contre le duc de Parme, un Bourbon comme eux.
[f7]Le 19/:30 janvier, elle écrivit : « Je m’attends à y voir (à Silistrie) les oisifs fort occupés d’un voleur de grand chemin qui pille le gouvernement d’Orembourg, et qui tantôt pour effrayer les paysans prend le nom de Pierre III et tantôt celui de son employé. » (Pougatchev)
[f8]Elle écrit le 7 /18 janvier : « … Diderot dont la santé est encore chancelante restera avec nous jusqu’au mois de février qu’il retournera dans sa patrie. »
[f10]D’Alembert écrivait : « … j’ai appris avec douleur que kl’archvêque de Toulouse, qui, comme je le lui ai cent fois entendu dire à lui-même, n’aime ni n’estime ces marauds, … est à la tête de ce beau projet (de rétablissement des jésuites), parce qu’il en espère apparemment ou le cordon bleu, ou le chapeau, ou la feuille des bénéfices, ou l’archevêché de Paris. » Audra utilisait l’Histoire de V* dans son enseignement et en avait fait un manuel . V* le 23 novembre 1770 avait déjà dit :de l’archevêque : «… Il a fait un mandement cruel contre lui, et a sollicité sa destitution de sa place de professeur en histoire… Cette aventure a donné la fièvre et le transport au pauvre abbé, et il est mort au bout de quatre jours . »
[f11]La Lettre d’un ecclésiastique sur le prétendu rétablissement des jésuites dans Paris, datée du 20 mars 1774.
[f12]La deuxième partie de ses Fragments sur l’Inde
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03/03/2010
Je sais que ce spectacle est aujourd’hui le favori de la nation ; mais je sais aussi à quel point la nation s’est dégradée
Mon cher Volti, que dirais-tu en voyant les "spectacles" télévisés du XXième siècle !
Très élégamment, tu parles "d'excréments du grand siècle", Jean-pierre Coffe, dans un autre registre sait très bien dire "c'est de la merde", ce qui malheureusement ne fait plus seulement allusion à la mauvaise bouffe ! Opéra-bouffe ? Ô père rat ! bouffe !
« A Anne-Madeleine-Louise-Charlotte-Auguste de La Tour du Pin de Saint Julien
A Ferney ce 3 mars 1769
Minerve papillon, le hibou à qui vous avez fait l’honneur d’écrire a été enchanté de votre souvenir. Il en a secoué ses vieilles ailes de joie, il est tout fier de vous avoir si bien devinée : car dès le premier jour qu’il vous vît, il vous jugea solide plus que légère, et aussi bonne que vous êtes aimable.
Soyez bien sûre, Madame, que mon cœur est pénétré de tout ce que vous me dites ; mais il faut laisser les aigles, les rossignols et les fauvettes dans Paris, et que les hiboux restent dans leurs masures. J’ai soixante et quinze ans ; ma faible machine s’en va en détail ; le peu de jours que j’ai à respirer sur ce tas de boue doit être consacré à la plus profonde retraite. Les enfants [les Dupuits] qui sont revenus sont chez eux, et je reste chez moi ; ma maison n’est plus faite pour les amuser. Je l’ai fermée à tout le monde, bien heureux de pouvoir vivre avec moi-même dans le triste état où je suis. Regardez-moi, Madame, comme un homme enterré, et ma lettre comme un De profundis.
Il est vrai que mes De profundis sont quelquefois fort gais, et que je les change souvent en Alléluia. J’aime à danser autour de mon tombeau, mais je danse seul comme l’amant de Ma mie Babichon qui dansait tout seul dans sa grange [à Thiriot, il avait déjà écrit le 29 août 1760 : « Il est comme l’amant de ma mie Babichon qui aimait tant à rire, que souvent tout seul il riait dans sa grange. ».
J’estime trop l’homme principal [Choiseul qui défendait La Bletterie face aux grief puis épigrammes de Voltaire contre La Bletterie et son Tibère ou les six prmiers livres des Annales de Tacite traduits… ] dont vous me faites l’honneur de me parler, pour penser qu’il ait pris sérieusement l’ordre que m’a donné l’abbé de La Bletterie de me faire enterrer au plus vite, et les petites gaietés avec lesquelles je lui ai répondu. Il faudrait que la tête lui ait tourné pour voir gravement des bagatelles. S’il veut faire quelque attention sérieuse à moi, il ne doit considérer que ma passion pour son bonheur et pour sa gloire. Il serait très ingrat s’il faisait la moindre fêlure à la trompette qui s’est embouchée pour lui.
Si quelque autre personne, fort en-dessous, en tout sens, du caractère de grandeur et du génie de votre ami, veut déplumer le hibou, il ira tout doucement mourir ailleurs. Je suis un être assez singulier, Madame ; né presque sans bien, j’ai trouvé le moyen d’être utile à ma famille et de mettre cinq cent mille francs à peupler un désert[Ferney]. Si la moindre persécution y venait effrayer mon indépendance, il y a partout des sépulcres, rien ne se trouve plus aisément.
J’ai lu la petite esquisse que vous avez eu la bonté de m’envoyer [sans doute de la musique de Grétry pour Le Baron d’Otrante]. Je pense donc qu’on en pourrait faire quelque chose de fort noble et de fort gai pour les noces de monseigneur le Dauphin. Ce serait même une très bonne leçon pour un jeune prince, et les personnes de votre espèce pourraient voir avec plaisir qu’elles sont faites pour rendre quelquefois de plus grands services que les hommes d’Etat. Ce ne serait point aux bateleurs de l’opéra-comique qu’il faudrait abandonner cet ouvrage. L’opéra-comique n’est autre chose que la foire renforcée. Je sais que ce spectacle est aujourd’hui le favori de la nation ; mais je sais aussi à quel point la nation s’est dégradée. Le siècle présent n’est presque composé que des excréments du grand siècle de Louis XIV. Cette turpitude est notre lot presque dans tous les genres ; et si le grand homme dont vous me parlez a des lubies, je donne le siècle à tous les diables sans exception, en vous exceptant pourtant vous, Madame Minerve papillon, pour qui j’ai un vrai respect, et que je prends même la liberté d’aimer.
V. »
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02/03/2010
il est d’une nécessité indispensable que vous parliez
« A Etienne-Noël Damilaville
2 mars 1768
Mon cher ami, vraiment ne doutez pas de ma discrétion sur l’affaire de La Harpe ni même de mon indulgence ; mais il est d’une nécessité indispensable que vous parliez à M. d’Alembert avant que La Harpe ait embouché cet Antoine [cf. lettre du 1er mars 1768]. Il est nécessaire que vous vouliez bien vous joindre à moi pour engager M. d’Alembert à faire à ce jeune homme une exhortation paternelle ; car en vérité La Harpe a de furieux torts, et il a cruellement blessé mon amitié. Encore une fois je lui pardonne tout, mais je souhaite qu’il se repente, et qu’il se corrige. Parlez à M. d’Alembert, je vous prie.
Qu’est-ce qu’une Lettre de l’archevêque de Cantorberi à votre archevêque [La Lettre de l’archevêque de Cantorbery à M. l’archevêque de Paris, est de V*]? Qu’est-ce qu’un mandement d’un évêque suffragant de Strasbourg pour manger gras le carême ? On parle aussi d’une Relation de l’expulsion des jésuites de la Chine [Relation du bannissement des jésuites de la Chine, de V*, évidemment ]. La presse hollandaise fournit tous les huit jours de ces plaisanteries. Cela amuse les gens oisifs.
Voici, mon ami, ma réponse à M. de Bret. Les gazettes disent qu’il n’y aura plus de directeurs particuliers des vingtièmes : que deviendrez-vous ?[Damilaville, premier commis au vingtième, pouvait briguer le poste de directeur devenu vacant] Parlez donc de vous à votre ami. Erc[asez] l’Inf[âme].
A propos vous ai-je dit qu’il n’y a pas un mot de vrai dans l’aventure prétendue de L’Honnête criminel[f1] et qu’il me l’a écrit lui-même ? On ne peut jouer [La copie de cette lettre à la Bibliothèque historique de Paris porte « jouir », ce qui est certainement fautif] de Gabriel Cramer.
[f1]L’Honnëte criminel (1767), mélodrame de Charles-Georges Fenouillot de Falbaire de Quingey. Fenouillot de Falbaire enverra une copie d’une lettre de V* à l’auteur, -du 11 avril 1768,- aux éditeurs de Kehl , où V* le félicitait d’avoir « ajouté à l’histoire du jeune Fabre tout ce qui peut la rendre plus touchante » . Fenouillot ajoute une note : « M. de Voltaire avait été mal informé … L’histoire du héros … est exactement telle qu’elle fut imprimée à la tête de le seconde édition que M ; de Falbaire donna de cette pièce en mars 1768 … ; M. le maréchal-prince de Beauvau … a entre les mains le certificat du sergent qui permit l’échange et reçut le fils à la place du père … Cette jeune victime de l’amour filial et de l’intolérance religieuse ayant passé sept ans aux galères … en était sortie en 1762… ; il lui était , selon l’usage, défendu d’approcher de plus de six lieues » « de Paris et de tous lieux où le roi fait son séjour … ».
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01/03/2010
Il y a une destinée sans doute, et souvent elle est bien cruelle
- Partir à la cloche de bois, quelle inélégance Mme Denis !!
- Oh ! c'est bien vrai ça !!
- Bon ! faute avouée est à demi-pardonnée (seulement à demi ) .
« A Marie-Louise Denis
A Ferney mardi 1er mars
à 2 heures après midi [1768]
Il y a une destinée sans doute, et souvent elle est bien cruelle. Je suis venu trois fois à votre porte, vous avez frappé à la mienne. J’ai voulu promener ma douleur dans le jardin. Il était 10 heures, je mettais l’aiguille sur 10 heures au globe solaire, j’attendais que vous fussiez éveillée. J’ai rencontré M. Mallet. Il m’a dit qu’il était affligé de votre départ. J’ai jugé qu’il sortait de votre appartement. J’ai cru que vous dîneriez au château comme vous l’aviez dit. Aucun domestique ne m’a averti de rien, ils croyaient tous que j’étais instruit. J’ai fait venir Christin[f1] et père Adam. Nous nous sommes entretenus jusqu’à midi. Enfin je retourne chez vous. Je demande où vous êtes. Wagnière me dit : « Eh quoi ! Vous ne savez pas qu’elle est partie à 10 heures : » Je me retourne plus mort que vif vers père Adam. Il me répond comme Wagnière : « J’ai cru que vous le saviez ! » Sur le champ j’envoie chercher un cheval dans l’écurie. Il n’y avait personne. Ainsi dans la même maison avec vingt domestiques nous nous sommes cherchés sans nous voir. Je suis au désespoir, et cette obstination de mon malheur m’annonce un avenir bien sinistre. Je sais que le moment de la séparation aurait été affreux ; mais il est plus affreux encore que vous soyez partie sans me voir, tandis que nous nous cherchions l’un l’autre. J’ai envoyé vite chez Madame Racle pour pleurer avec elle. Elle dîne avec Christin, Adam et son mari[f2] ; et moi je suis très loin de dîner. Je me dévore et je vous écris. J’espère que ma lettre et les paquets pour M. de Choiseul et pour Marmontel vous seront rendus vendredi matin par M. Tabareau. Je les tenais tout prêts. J’avais encore d’autres papiers à vous communiquer quand vous êtes partie !
Voici bien une autre preuve des persécutions de ma destinée. La Harpe est cause de mon malheur[f3] . Qui m’aurait dit que La Harpe me ferait mourir à cent lieues de vous n’aurait pas été cru. Enfin tout est avéré. Damilaville est allé chez cet Antoine qui demeure rue Hautefeuille. Cet Antoine que La Harpe disait lui avoir donné la copie de cette misère en question, cet Antoine qui ne lui avait donné qu’une copie infidèle sur laquelle il rectifia celles que lui La Harpe fit courir (parce que apparemment La Harpe en avait une copie fidèle). Remarquez bien tout cela ; Antoine a répondu que La Harpe en avait menti ; et n’a pas ajouté à son nom des épithètes bien honorables. La Harpe ne s’en est guère mieux conduit dans sa tracasserie avec Dorat[f4] . Enfin voilà l’origine de mon malheur. Voilà ce qui ouvre à Ferney le tombeau que j’y ai fait bâtir. Je ne me plaindrai point de La Harpe ; je n’accuserai que cette destinée qui fait tout, et je pardonne entièrement à La Harpe.
Vous verrez MM. de Choiseul, de Richelieu, d’Argental. Vous adoucirez mes malheurs ; c’est encore là votre destinée. Vous réussirez à Paris dans vos affaires et dans les miennes[f5] , vous reverrez votre frère et votre neveu. Si je meurs je meurs tout entier à vous, si je vis ma vie est à vous. J’embrasse tendrement M. et Mme Dupuits[f6] . Je les aime, je les regrette, j’ai le cœur percé.
[f1]Avocat de Saint-Claude
[f2]Architecte à Ferney entre autre des ailes nord et sud du château de V*.
[f3]µ lui reproche d’avoir volé et repandu dans Paris pendant son voyage de l’automne 1767 le deuxième chant de La Guerre civile de Genève que Théodore Tronchin en particulier n’apprécia pas. Et Mme Denis a soutenu La Harpe.
[f4]La Harpe avait composé une épigramme sur Dorat se treminant par : « Il est , si je l’en crois, un heureux petit-maître ; / Mais si j’en crois ses vers, ah ! qu’il est triste d’être / Ou sa maîtresse ou son lecteur ! » 1er novembre 1767. On attribua ces vers à V* ; il écrit à Damilaville le 18 février 1768 que La Harpe les a « mis sur son compte », et le 22, qu’il les a « faits ou laissés courir sous (s)on nom. Il protesta auprès de Dorat le 1er mars.
[f5]Elle sera chargée en particulier de récupérer l’argent dû par le duc de Richelieu, par feu son beau-père le duc de Guise, et par le marquis de Lézeau.
[f6]Marie-Françoise Corneille et son mari partis avec Mme Denis.
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