23/04/2016
Nous nous flattons d'apprendre aux prêtres, qu'ils ne sont pas les maîtres du royaume
... au Siècle des Lumières, pas plus que de la république française aujourd'hui .
Par prêtres, comprenons tous les bourreurs de crânes, religieux de toutes les obédiences possibles et imaginables, -- ce qui n'est pas peu,-- la trouille de l'au-delà faisant se mettre sous la coupe du premier "représentant de Dieu ou du prophète", comme si deux sous de réflexion ne suffisaient pas pour bien se conduire en ce monde pour gagner un paradis de Bisounours.
Il y a vraiment des coups de pied au cul (occultes ? ) qui se perdent .
Voir : http://www.bd-best.com/news.php?page=11&limit=10&...
et : https://chezmo.wordpress.com/2016/02/10/alvin-diptyque-ha...
« A Louis-Gaspard Fabry, maire et
subdélégué etc.
à Gex
Il est bien doux, mon cher monsieur, d'être servi si à point nommé, par un ami aussi bienfaisant et aussi éclairé que vous l'êtes . Vos bons offices sont plus chers à Mme Denis et à moi que le procédé d'un promoteur très ignorant n'est odieux . Il s'est conduit d'une manière qui mérite d'être réprimée par le parlement . Il a osé défendre au nom de l'évêque aux habitants de Ferney de s’assembler et de délibérer selon l'usage, au sujet de leur église .
Tous les habitants sont venus aujourd'hui nous trouver d'un commun accord . La convocation s'est faite en règle . Ils ont dressé par devant notaire , un acte par lequel ils ratifient la convention de leur syndic et du curé avec Mme Denis et moi . Ils désavouent tout ce qui s'est pu faire et dire contre le dessein le plus noble et le plus généreux ; ils approuvent tout, et nous remercient de vos bontés .
Ils ont déposé de l'insolence du promoteur qui a pris sur lui de leur défendre de s'assembler .
Le curé s'est joint à nous par un acte particulier .
Mallet de Genève, qui est un très méchant homme, est l'unique cause de cette levée de boucliers . C'est lui qui a excité deux ou trois séditieux du village à s'aller plaindre au promoteur, et à se soulever contre leur syndic, contre leur curé, et contre nous . Ces séditieux pour couvrir leur délit, ont signé aujourd’hui l'acte d'approbation comme les autres ; nous envoyons toutes ces pièces au parlement, et nous nous mettons, le curé, la communauté, et le seigneur et la dame de Ferney sous la protection de la cour, contre les entreprises du promoteur d'un évêque savoyard, qui n'est pas roi de France . Nous requerrons dépens, dommages et intérêts, contre ceux qui nous ont troublé dans la fabrique de notre église, ou plutôt dans la réparation d'icelle, et qui nous coûtent plus de mille écus .
Nous nous flattons d'apprendre aux prêtres, qu'ils ne sont pas les maîtres du royaume .
Je rends compte à M. le duc de Choiseul de cet attentat des officiers d'un évêque étranger .
Nous vous réitérons, monsieur, ma nièce et moi nos très humbles et très tendres remerciements ; nous comptons sur votre amitié, comme sur votre zèle pour les droits des citoyens, et nous nous souviendrons toute notre vie du service que vous voulez bien nous rendre .
J'ai l'honneur d'être, monsieur, avec l'attachement le plus inviolable, votre très humble et très obéissant serviteur
Voltaire
Ferney 22è mai 1761.1 »
1 Voir aussi à propos de cette affaire la lettre du 20 mai 1761 à Cideville : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2016/04/20/une-petite-reponse-faite-a-la-hate-pour-votre-aimable-dame-j-5791013.html
00:15 | Lien permanent | Commentaires (0)
22/04/2016
Ce qu'il y a de pis c'est que cet abominable procès me fait perdre mon temps, trésor plus précieux que l'argent qu'il me coûte
... C'est ce qu'on peut nommer un nouvel exemple de la loi de la relativité .
'Marre d'être pris pour un pigeon !
« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental
Envoyé de Parme
rue de la Sourdière
à Paris
21 mai [1761]
Mes anges mon noble courroux contre maître Le Dains 1 et consorts commence à s'apaiser un peu puisque maître Loyola a eu sur les doigts, mais cette noble colère renait contre tout prêtre à l'occasion d'un beau procès qu'on me fait pour des murs de cimetière . Je bâtissais une jolie église dans un désert . Je n'essuie que des chicanes affreuses pour prix de mes bienfaits . Ce qu'il y a de pis c'est que cet abominable procès me fait perdre mon temps, trésor plus précieux que l'argent qu'il me coûte . Adieu le czar, adieu l'Histoire générale, et tragédie et comédie et amusements de la campagne , et défrichements . Il faut combattre ; et je suis très malade . Voilà mon état .
Je vous enverrai pourtant mes divins anges ce Droit du seigneur, ou L’Écueil du sage . Mais voici ce qui m'est arrivé . J'en avais deux copies , on a fait partir deux seconds actes au lieu du premier et du second, dans le paquet destiné à celui qui doit faire présenter cet anonyme ; dès que la méprise sera réparée et qu'un de mes seconds actes sera revenu vous aurez les cinq . Mais hélas à présent je ne suis ni plaisant ni touchant ; je ne suis que M. Chicanneau 2. Voilà une triste fin . Il valait mieux mourir d'une tragédie que d'un procès .
Priez Dieu, mes anges gardiens, pour que j'aie assez de tête pour soutenir tout cela . Il me semble qu'il faut de la santé pour avoir l'esprit courageux . Mon cœur ne se ressent point de mon état ; il est plus à vous que jamais . »
1Etienne-Adrien Dains, bâtonnier de l'Ordre des avocats de Paris, avait requis contre Huerne de La Mothe, François-Charles, avocat ; voir lettre du 22 avril 1761 à Thieriot : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2016/04/01/m-damilaville-me-mande-qu-il-y-a-quelque-breche-a-votre-roto-5782839.html
2 Personnage des Plaideurs de Racine : https://fr.wikipedia.org/wiki/Les_Plaideurs
00:05 | Lien permanent | Commentaires (0)
21/04/2016
ceux qui sont à la tête de la police savent assez combien les spectacles sont utiles
... Nom de Zeus , j'en suis béat d'admiration ! mais est-ce bien toujours vrai ? Où commence l'utile, où finit-il dans quelque spectacle que ce soit ? Un numéro de cirque est-il plus ou moins utile qu'un "seul en scène" de Jamel Debbouze ou La 7è Compagnie au clair de lune ? That's the question !
Je mets hors catégorie , une foultitude de platitudes télévisées allant de Cyril Hanouna à la séance de l'Assemblée nationale ( qui a tout du Grand Guignol, le talent en moins ) , en passant par les Ch'tis et le Bachelor , pour n'en citer que la minorité, qui ne sont pas faites pour autre chose que nous abêtir .
A chacun selon son goût, il n'y a que l'embarras du choix .
ça va commencer ...
« A Imbert 1
Le 20 mai [1761]
Il y a longtemps, monsieur, que j'aurais dû vous remercier de votre lettre et de vos offres également obligeantes ; pardonnez à un malade, à un maçon, à un agriculteur accablé de petits maux et de petits détails, si je n'ai pas eu l'honneur de vous répondre plus tôt . La bienveillance que vous témoignez pour les talents et pour le mérite de l’excellent acteur 2 que je regarde comme mon ami, exige ma reconnaissance . Je doute fort que vos occupations 3 vous laissent le temps d'aller aux spectacles ; c'est pourtant un délassement fort honnête, quoi qu'en dise le bâtonnier des avocats de Paris ; et ceux qui sont à la tête de la police savent assez combien les spectacles sont utiles . Je suis fâché que dans un siècle aussi éclairé que le nôtre, il se trouve encore des personnes qui veulent flétrir un art qui fait honneur à la France . Il me paraît , par votre lettre, qu'il a encore de zélés partisans .
J'ai l'honneur d'être etc . »
1 Le correspondant de V* serait-il Barthélémy Imbert, poète cité par Longchamps- Wagnière, ou plutôt le premier secrétaire de la police, à qui V* écrivit plus tard ? Voir : https://fr.wikipedia.org/wiki/Barth%C3%A9lemy_Imbert
et : http://dictionnaire-journalistes.gazettes18e.fr/journaliste/406-barthelemy-imbert
2 Lekain .
3 Cayrol dit qu'Imbert était receveur général des domaines ; l'Almanach royal ne le mentionne pas à ce titre .
00:16 | Lien permanent | Commentaires (0)
20/04/2016
Je suis fâché de n'avoir point encore de procès
... Stop ! hit the brakes !! je n'en suis pas pas encore à réclamer quelque procès, si petit fut-il , mes moyens ne me le permettent pas et je ne suis pas chicanier . Nourrir un avocat , plus celui de la partie adverse, que Thémis m'en garde .
Qui aura le coeur de jouer à colin-maillard avec une femme en nuisette armée d'un glaive ?
« A Claude-Philippe Fyot de La Marche
A Ferney en Bourgogne 20 mai 1761
En qualité de bon Bourguignon monsieur et presque de Franc-Comtois, je dois joindre mon petit tribut de joie, et d'acclamations et de compliments qui ne sont pas du bout de la plume, mais du cœur, à tous ceux qui sont adressés de toutes parts à votre aimable et respectable famille . Vous voilà trois premiers présidents 1. Je suis fâché de n'avoir point encore de procès . Je n'en ai qu'avec l'air qui est toujours troublé du vent du nord, avec la terre qui ne répond pas à mes travaux, avec l'eau que la sécheresse a tarie ; et pour compléter les quatre éléments, je n'ai plus de feu dans les veines .
J'ai imaginé pour me réchauffer d'imprimer les œuvres du grand Corneille avec des notes pour l'instruction des amateurs, des auteurs et des étrangers . L'Académie française a envie de donner à l'Europe des auteurs classiques . Je commence par celui qui a commencé à rendre notre langue respectable . J'ai proposé que le profit de l'édition fût pour l'héritier de ce grand homme qui est dans la misère ; l'idée a été reçue avec acclamation par l'Académie et par tout Paris . L'édition aura l'honneur d'être faite dans votre ressort . Je me flatte que cette entreprise aura votre approbation , et celle de M. de Ruffey . Je serais trop flatté de mettre la première pierre à cet édifice en votre présence et sous vos auspices . M. de Ruffey m'a fait entrevoir monsieur un bonheur que je désire plus que je l'espère ; il disait qu'au mois d'août je pourrais répéter après Virgile, amat bonus otia Daphnis – ipsi laetitia voces sider tollunt – intonsi montes 2. Ma chaumière n'est pas digne de vous recevoir, mais mon cœur est digne de vous rendre ses hommages . Je vous les renouvelle de trop loin avec les plus tendres respects .
Voltaire .
Permettez-moi de présenter mes respects à monsieur votre fils . »
1 Outre le destinataire et son fils, le troisième premier président est , frère de l'ami de classe de V*, qui venait d'être nommé premier président au parlement de Besançon, mais qui déclina la charge .
Voir : https://fr.wikipedia.org/wiki/Claude-Philippe_Fyot_de_La_Marche
et : http://gw.geneanet.org/darbois?lang=fr&p=jacques+philippe&n=fyot+de+la+marche
2 Virgile, Bucoliques, V, 61-63 ; Le bon Daphnis aime la paix . Les monts chevelus eux-mêmes élèvent vers les astres des cris d'allégresse .
19:21 | Lien permanent | Commentaires (0)
une petite réponse faite à la hâte pour votre aimable dame . Je la fais courte
... Oui ! oui ! monsieur Macron, pourquoi avez-vous réagi à votre parution en couple people dans Match comme un fautif de cour de récréation qui dit "c'est pas moi M'sieur, c'est l'autre qu'a commencé !" ? Vous aimez votre femme, sans doute, sinon que seriez vous allé faire dans cette galère , et réciproquement , alors assumez . Point .
Rions un peu avec François Morel :
http://www.dailymotion.com/video/x44m6ll
et avec Charline :
http://www.dailymotion.com/video/x44lj33_j-ai-fait-une-be...
Prochain objectif après "En marche" : "Alors on danse !"
« A Pierre-Robert Le Cornier de Cideville, ancien conseiller
au Parlement de Rouen
En sa terre de Launay
près de Rouen [biffé et remplacé par:] à Paris
De présent chez monsieur le marquis
de La Vieville rue saint-Pierre proche la
Place des Victoires à Paris
Aux Délices 20 mai 1761
Mon cher et ancien ami, nos ermitages entendent souvent prononcer votre nom, nous disons plus d'une fois que n'est-il ici, il ferait des vers galants pour la nièce du grand Corneille, nous parlerions ensemble de Cinna, et nous conviendrions qu'Athalie qui est le chef-d’œuvre de la belle poésie n'en est pas moins le chef-d’œuvre du fanatisme 1. Il me semble que Grégoire VII et Innocent IV ressemblent à Joad comme Ravaillac ressemble à Damiens . Il me souvient d'un poème intitulé La Pucelle, que par parenthèse personne ne connait ; il y a dans ce poème une petite liste des assassins sacrés, pas si petite pourtant .
Elle finit ainsi :
Et Mérobad , assassin d'Itobad,
Et Bénédad, et la reine Athalie,
Si méchamment mise à mort par Joad .2
Vous voyez mon cher ami que vous vous êtes rencontré avec cet auteur .
Je pardonne à tous ceux dont je me suis moqué, et notamment à l'archidiacre Trublet 3 et même à frère Berthier à condition que les jésuites que j'ai dépossédés d'un bien qu'ils avaient usurpé à ma porte, paieront leur contingent de la somme à quoi tous les frères sont condamnés solidairement .
J'ai un beau procès contre un promoteur 4, ainsi je finis mon ancien ami en vous envoyant une petite réponse 5 faite à la hâte pour votre aimable dame . Je la fais courte pour ne pas enfler le paquet . C'est la troisième d’aujourd’hui dans ce goût 6, et le czar m'appelle . Vale .
V. »
1 Cideville écrivait le 13 mai 1761 : « On dit à propos de Corneille que vus méditez de nous en donner une belle édition avec des notes instructives ; le milieu de ses ouvrages est admirable, le commencement est d'un homme qui lutte contre le mauvais goût de son siècle, et la fin d'un vieillard faible qui perd sa lumière […] Je vis ces jours passssés Athalie sur ce théâtre moins barbare, réformé enfin sur vos conseils, e tplus digne de faire sentir tout l'effet des pièces ; je vais dire un blasphème, mais je n'aime point ce drame, non que je ne sente le mérite qu'il y a de faire une pièce sasn amour et sans intrigue, mais je n'aime pas qu'un Racine se trouve enveloppé dasn les filets des prêtres malfaisants […]. »
2 Seul ce troisième vers vient de La Pucelle , XVI, 143, les précédents y ont été modifiés . Ce vers conservé est adapté d'une épigramme de Racine sur la Judith de l'abbé Boyer, v. 10 : voir : http://bibdramatique.paris-sorbonne.fr/boyer_judith/front-2
3 « L'archidiacre Trublet a donc obtenu sa grâce ? Vous disiez plaisamment que vous pardonniez volontiers à ceux dont vous vous êtes moqué . Il a baillé à la lecture de La Henriade et pur se réveiller vous l'avez pincé . » : Cideville, 13 mai 1761 .
4 Dans un mémorandum relatif à la reconstruction de l'église de Ferney, V* précise qu'il s'agit du curé d'Ornex .
5 Épître à Mme Élie de Beaumont, que Cideville transcrivit et inséra dans les feuilles de la présente lettre ; elle est signée et datée « à Ferney 19 mi 1761 ».Voir : https://books.google.fr/books?id=E8JIAQAAMAAJ&pg=PA221&lpg=PA221&dq=%C3%89p%C3%AEtre+%C3%A0+Mme+%C3%89lie+de+Beaumont+voltaire&source=bl&ots=Zxx88sw1FM&sig=mJjQhy2H4gRjPGS32iVWmWln-a4&hl=fr&sa=X&ved=0ahUKEwjYy5fsw5zMAhXHwBQKHQLtAHkQ6AEIHzAA#v=onepage&q=%C3%89p%C3%AEtre%20%C3%A0%20Mme%20%C3%89lie%20de%20Beaumont%20voltaire&f=false
6 La seule autre épître remontant à cette date est adressée à La Vallière ; auparavant, V* avait écrit l’Épître à Mme Denis sur l'agriculture . L'expression « aujourd'hui » doit être prise en un sens large .
08:34 | Lien permanent | Commentaires (0)
19/04/2016
Heureux qui vit chez soi et qui a du foin
... https://www.youtube.com/watch?v=lDuHFVUjvKY
« A Jean-Robert Tronchin
16 mai [1761] 1
Il y a longtemps que notre correspondance languit mon cher monsieur . Voici un petit billet de vingt-quatre mille tournois pour la réveiller . Vous noterez que je la dois à peu près à mes marchands et à mes entrepreneurs ; il n'est pas possible d'être sage quand on a acheté des masures dont on veut faire un lieu de plaisance .
Vous vouliez rire apparemment quand vous me mandiez qu'il n'était pas possible qu'on eût indiqué un congrès sans être convenu des préliminaires . Vous voyez que les préliminaires sont le siège de Belle-Ile 2. Heureux qui vit chez soi et qui a du foin . Oncle et nièce vous embrassent tendrement . »
1 Année portée deux fois sur manuscrit . Un mot de Jean-Louis Wagnière est joint à cette lettre : « J'ai été si honteux d'avoir osé vous adresser mon paquet des lettres de monsieur de Ximenes, que je n'ai point encore osé vous témoigner combien j'ai été sensible à la lettre obligeante que vous avez daigné m'écrire […] faites-moi le plaisir de jeter le paquet au feu, et de me faire dire comment je puis vous en rembourser le port […] » ; sur cette affaire, voir lettre du 9 mars 1761 à JR Tronchin : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2016/02/28/mon-instinct-me-disait-que-les-effets-royaux-ne-valaient-rie-5766376.html
et lettre du 22 avril 1761 au même : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2016/04/01/les-canons-et-les-baionnettes-seront-les-vrais-negociateurs-5783017.html
2 Voir lettre du 9 mai 1761 à Damilaville : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2016/04/16/je-le-ferai-mettre-dans-un-tonneau-avec-la-moitie-d-un-mante-5789568.html
01:20 | Lien permanent | Commentaires (0)
18/04/2016
Plût à Dieu que vous y goûtassiez les douceurs les plus nécessaires d'une entière indépendance, et que vous pussiez vous livrer à ce noble amour de la vérité sans craindre ses indignes ennemis
... "pussiez" et "noble amour" m'ont fait rire car instinctivement j'ai eu à l'esprit "pucier" qui n'est pas le lieu d'amours toujours nobles, mais plutôt majoritairement des amours roturières . Voltaire ne m'en voudra pas , mon goût pour Frédéric Dard et San Antonio est tout à fait compatible , argot et français du XVIIIè vivent en parfaite harmonie dans une langue vivante .
« A Claude-Adrien Helvétius
Par Paris 11 mai 1761 1
Je suppose mon cher philosophe que vous jouissez à présent des douceurs de la retraite à la campagne . Plût à Dieu que vous y goûtassiez les douceurs les plus nécessaires d'une entière indépendance, et que vous pussiez vous livrer à ce noble amour de la vérité sans craindre ses indignes ennemis . Elle est donc plus persécutée que jamais . Voilà un pauvre bavard 2 rayé du tableau des bavards , et la consultation de Mlle Clairon incendiée . Une pauvre fille demande à être chrétienne, et on ne veut pas qu'elle le soit . Eh messieurs les inquisiteurs accordez-vous donc . Vous condamnez ceux que vous soupçonnez de n'être pas chrétiens, vous brûlez les requêtes des filles qui veulent communier . On ne sait plus comment faire avec vous . Les jansénistes, les convulsionnaires gouvernent donc Paris ! C'est bien pis que le règne des jésuites . Il y avait des accommodements avec le ciel du temps qu'ils avaient du crédit , mais les jansénistes sont impitoyables . Est-ce que la proposition honnête et modeste d’étrangler le dernier jésuite avec les boyaux du dernier janséniste ne pourrait amener les choses à quelque conciliation ?
Je suis bien consolé de voir Saurin de l'Académie . Si Lefranc de Pompignan avait eu dans notre troupe l'autorité qu'il y prétendait j'aurais prié qu'on me rayât du tableau comme on a exclu Huerne de la matricule des avocats .
Je trouve que notre philosophe Saurin a parlé bien ferme . Il y a même un trait qui semble vous regarder et désigner vos persécuteurs 3. Cela est d'une âme vigoureuse, Saurin a du courage dans l'amitié ; et Omer ne le fait pas trembler ; il me revient que cet Omer est fort méprisé de tous les gens qui pensent . Le nombre est petit je l'avoue, mais il sera toujours respectable . C'est ce petit nombre qui fait le public . Le reste est vulgaire . Travaillez donc pour ce petit public sans vous exposer à la démence du grand nombre .
On n'a point su quel est l'auteur de l'Oracle des fidèles 4; il n’y a a point de réponse à ce livre . Je tiens toujours qu'il doit avoir fait un grand effet sur ceux qui l'ont lu avec attention . Il manque à cet ouvrage de l'agrément et de l'éloquence . Ce sont là vos armes , daignez vous en servir . Le Nil, disait-on, cachait sa tête, et répandait ses eaux bienfaisantes ; faites-en autant . Vous jouirez en paix et en secret de votre triomphe . Hélas vous seriez de notre Académie avec M. Saurin sans le malheureux conseil qu'on vous donna de demander un privilège 5. Je ne m'en consolerai jamais . Enfin mon cher philosophe, si vous n'êtes pas mon confrère dans une compagnie qui avait besoin de vous soyez mon confrère dans le petit nombre des élus qui marchent sur le serpent et sur le basilic . Je vous recommande l’infâme . Adieu, l'amitié est la consolation de ceux qui se trouvent accablés par les sots et par les méchants . »
1 V* répond à une lettre de mars-avril, répondant elle-même à celle de mars 1761, disant notamment : « Je vais mettre vos leçons en pratique ; j'envoie paître les ragots de Paris, et je pars pour la campagne, où je mènerai paître des moutons qui sont à moi . C'est à Lumigny, une terre que j'ai près de Rosay-en-Brie, où je me retire cette année [...] »
2 Voir lettre du 22 avril 1761 à Thieriot : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2016/04/01/m-damilaville-me-mande-qu-il-y-a-quelque-breche-a-votre-roto-5782839.html . L'auteur de cet ouvrage , on le verra plus loin, est l'avocat Huerne ; voir page I : https://books.google.fr/books?id=skRgAAAAcAAJ&pg=PR50&lpg=PR50&dq=avocat+huerne+1761&source=bl&ots=HHXGfJs2ol&sig=k-kLL3VD8ih_NH63-wczFxS5yVY&hl=fr&sa=X&ved=0ahUKEwi0ivfZ-pXMAhWCDCwKHe2FCtAQ6AEIIDAB#v=onepage&q=avocat%20huerne%201761&f=false
3 Discours prononcés à l'Académie française, le lundi 13 avril MDCCLXI à la réception de M. Saurin, 1761 ; dans son discours de réception Saurin défendait la littérature contre ceux qui lui reprochaient de contribuer à la corruption des mœurs . Voir : http://www.academie-francaise.fr/discours-de-reception-de-bernard-joseph-saurin
4 Voir lettre du 8 décembre 1760 à Thieriot : « Votre ouvrage théologico-judéico-rabinico-philosophique est peut-être fort bon mais j'aimerais autant qu'on n'eût pas mis le titre de Berne, et à M. l'oracle des philosophes pour faire croire que c'est moi qui suis le rabin . Heureusement on ne m'y reconnaitra pas . »
et voir lettre du 7 ou 8 mai 1761 à d’Alembert : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2016/04/15/ce-n-est-pas-assez-de-montrer-qu-on-a-plus-d-esprit-que-les-5788704.html
5 Pour De l'esprit .
00:20 | Lien permanent | Commentaires (0)