27/11/2009
je n’ai demandé les oreilles de personne,
"Toute cette vie ne doit être qu'un amusement"
Moi aussi, comme le pape je fais mes compliments à Volti qui faute d'être sûr d'une vie éternelle, tient à la qualité de la vie terrestre.
Lu et approuvé !
Il est des rencontres que l'on fait et qui ne donnent pas des liens selon son coeur, par peur de s'engager, par timidité, par sottise . Et ça laisse des regrets d'occasions manquées.
Les cyniques disent qu'il vaut mieux avoir des remords que des regrets , je n'ai jamais voulu basculer dans ce camp, les remords ne me valent rien .
Ma rencontre avec Volti, je pense qu'elle devait couver depuis des années avant de me mettre devant cette évidence : Voltaire , je t'aime ! (en tout bien tout honneur ). Et plus je fais sa connaissance , plus je l'aime !
Comme on peut le faire d'une personne de chair qui vous bouscule, charme, enchante, bouleverse, ravit . Et celle-ci existe, je l'ai rencontrée ...
« Au cardinal François-Joachim de Pierre de Bernis
A Ferney 25è ou 27è novembre 1771.
On me mande, Monseigneur, qu’un Anglais, très anglais, qui s’appelle M. Muller [John Miller de Ballicassy] , homme d’esprit, pensant et parlant librement, a répandu dans Rome qu’à son retour il m’apporterait les oreilles du Grand Inquisiteur dans un papier de musique ; et que le pape en lui donnant audience lui a dit : Faites mes compliments à M. de Voltaire, et annoncez-lui que sa commission n’est pas faisable, le Grand Inquisiteur à présent n’a plus ni yeux ni oreilles .
J’ai bien quelque idée d’avoir vu cet Anglais chez moi [qui aurait pris au sérieux la demande de V* et l’aurait effectivement transmise à Rome], mais je puis assurer Votre Eminence que je n’ai demandé les oreilles de personne, pas même celles de Fréron et de La Beaumelle.
Supposé que ce Muller ait tenu ce discours dans Rome, et que le pape lui ait fait cette réponse, voici ma réplique ci-jointe. Je voudrais qu’elle pût vous amuser, car après tout cette vie ne doit être qu’un amusement. Je vous amuse très rarement par mes lettres, car je suis bien vieux, bien malade et bien faible. Mes sentiments pour vous ne tiennent point de cette faiblesse, ils ne ressemblent point à mes vers. Agréez mon tendre respect, et conservez vos bontés pour le vieillard de Ferney.
Le Grand Inquisiteur selon vous, très Saint Père,
N’a plus ni d’oreilles ni d’yeux.
Vous entendez très bien ; vous voyez encor mieux,
Et vous savez surtout bien parler et vous taire.
Je n’ai point ces talents ; mais je leur applaudis.
Vivez longtemps heureux dans la paix de l’Eglise,
Allez très tard en paradis :
Je ne suis point pressé qu’on vous canonise.
Aux honneurs de là-haut rarement on atteint.
Vous êtes juste et bon, que faut-il davantage ?
C’est bien assez, je crois qu’on dise : il fut un sage.
Dira qui veut : il fut un saint.
18:07 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : voltaire, bernis, muller, ballicassy, pape, rome, yeux, oreilles, saint, eglise
19/08/2009
mêle les plaisanteries aux pensées sérieuses !
Lors de son sejour à Soleure, Volti a -peut-être- eu l'immense joie d'entendre le son du cor des Alpes ? Intrument proche par ses dimensions du fameux Gaffophone et au son tout aussi mélodieux, comme vous pourrez en juger : http://www.swissinfo.ch/fre/swissinfo.html?sid=7149114&am...
Ecoutez, ré-écoutez si vous osez ! Si, je vous jure qu'en espace montagneux ça vous donne des frissons .(qui a dit "frissons de trouille"? encore un esprit fort qui craint sans doute les avalanches ! Petit mental d'homme des plaines ! )
Je vous laisse maîtres de votre choix, et je vous prie de ne pas me jeter de pierres, j'en ai déjà assez autour de chez moi !...
« A François Joachim de Pierre, comte de Bernis
Le vieux Suisse, Monseigneur, apprend dans ses tournées que cette tête qualifiée carrée par M. de Chavigny est ornée d’un bonnet qui lui sied très bien [Bernis recevra le 2 octobre le chapeau de cardinal. Chevigny est ambassadeur de France en Suisse, résidant alors à Soleure]. Votre Éminence doit être excédée des compliments qu’on lui a faits sur la couleur cde son habit que j’ai vue autrefois sur ses joues rebondies, et qui, je crois, y doit être encore.
Mes trente-huit confrères ont pu vous ennuyer et c’est un devoir à quoi, moi 39è, je ne dois pas manquer. Je dois prendre plus de part qu’un autre à cette nouvelle agréable, puisque vous avez daigné honorer mon métier avant d’être de celui du cardinal de Richelieu. Je me souviendrai toujours et je m’enorgueillirai que notre Mécène ait été Tibulle. Gentil Bernard doit en être bien fier aussi.
J’imagine que Votre Éminence n’a eu ni le temps ni la volonté peut-être de répondre à la proposition qu’on lui a faite sur l’Angleterre [réponse de Bernis datée du 6 aout qui le « remercie de la correspondance qu’il [lui] offre en Angleterre », mais « si nos armées se conduisent bien, nos négociations ne seront pas difficiles »] : si vous ne vous en souciez pas, je vous jure que je ne m’en soucie guère ; et que tous mes vœux se bornent à vos succès. Je n’imagine pas comment quelques personnes ont pu soupçonner que mon cœur avait la faiblesse de pencher un peu pour qui vous savez, pour mon ancien ingrat [Frédéric II] ; on ne laisse pas d’avoir de la politesse, mais on a de la mémoire et on est attaché aussi vivement qu’inutilement à la bonne cause qu’il n’appartient qu’à vous de défendre. Je ne suis pas en vérité comme les trois quarts des Allemands. J’ai vu partout des éventails où l’on a peint l’aigle de Prusse mangeant une fleur de Lys, le cheval de Hanovre donnant un coup de pied au cul à M. de Richelieu, un courrier portant une bouteille d’eau de la reine de Hongrie de la part de l’impératrice à Mme de Pompadour. Mes nièces n’auront pas assurément de tels éventails à mes petites Délices où je retourne. On est Prussien à Genève comme ailleurs et plus qu’ailleurs. Mais quand vous aurez gagné quelque bonne bataille ou l’équivalent, tout le monde sera Français ou François [voir article intitulé « François ou Français » dans l’Encyclopédie de 1757 tome VII].
Je ne sais pas si je me trompe, mais je suis convaincu qu’à la longue votre ministère sera heureux et grand [en fait Bernis sera renvoyé en octobre], car vous avez deux choses qui avaient auparavant passé de mode, génie et constance. Pardonnez au vieux Suisse ses bavarderies. Si elles ne l’amusent pas que Votre Éminence lui conserve les bontés dont le belle Babet l’honorait. Misce concilis jocos [« mêle les plaisanteries aux pensées sérieuses »]. Agréez le profond et tendre respect d’un Suisse qui aime la France et qui attend la gloire de la France de vous.
Voltaire
A Soleure, du 19 août 1758. »
Le Net a ceci d'agréable d'être parfois source d'enseignements divers et renseignements très surprenants comme ceci : http://images.google.fr/imgres?imgurl=http://www.autremen...
trouvé en cherchant des images sur le cardinal de Bernis . Oh! joie, oh! demi-surprise, ce pourpré fut un abbé libertin auteur de "L'Amour papillon", oeuvre érotique que je vous laisserai le soin de chercher vous-mêmes, bande de coquins patentés !
A ne pas confondre avec l'Effet papillon de Bénabar : quoique, quoi que ... : http://www.youtube.com/watch?v=bAs8gN0j2Z8
19:32 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : voltaire, bernis, richelieu, frédéric, france, suisse
25/02/2009
Les miennes sont fanées, mes divins anges !
« A Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d’Argental
J’ai acquitté votre lettre de change, Madame, le lendemain de sa réception, mais je crains de ne vous avoir payée qu’en mauvaise monnaie [vers demandés en l’honneur de Maurice de Saxe]. L’envie même de vous obéir ne m’a pu donner de génie. J’ai mon excuse dans le chagrin de savoir que votre santé va mal. Comptez que cela est bien capable de me glacer. Vous ne savez peut-être pas, M. d’Argental et vous, avec quelle passion je prends la liberté de vous aimer tous deux. Si j’avais été à Paris, vous auriez arrangé de vos mains la petite guirlande que vous m’avez ordonnée pour le héros de Flandre et des filles, et vous auriez donné à l’ouvrage la grâce convenable. Mais aussi pourquoi moi ? quand vous avez la grosse et brillante Babet [le futur cardinal de Bernis surnommé Babet la bouquetière] dont les fleurs sont si fraiches ? Les miennes sont fanées, mes divins anges ; et je deviens pour mon malheur plus raisonneur et plus historiographe que jamais. Mais enfin il y a remède à tout et Babet est là pour mettre quelques roses à la place de mes vieux pavots .Vous n’avez qu’à l’ordonner.
Mon prétendu exil [la reine se serait fâchée suite à un compliment adressé à Mme de Pompadour, et non comme il le prétend pour une lettre adressée à la dauphine ] serait bien doux ici si je n’étais pas trop loin de mes anges. En vérité ce séjour-ci est délicieux. C’est un château enchanté dont le maître fait les honneurs. Mme du Châtelet a trouvé le secret d’y jouer Issé [« Pastorale héroïque en musique » de Houdar de La Motte] trois fois sur un très beau théâtre et Issé a fort réussi. La troupe du roi m’a donné Mérope ; croiriez- vous, Madame, qu’on y a pleuré tout comme à Paris ? et moi qui vous parle je me suis oublié au point d’y pleurer comme un autre. On va tous les jours d’un palais dans un kiosque, ou d’un palais dans une cabane, et partout des fêtes, et de la liberté.
Mme du Châtelet qui joue aujourd’hui Issé en diamants vous fait mille compliments. Je ne sais pas si elle ne passera pas ici sa vie. Mais moi qui préfère la vie unie et les charmes de l’amitié à toutes les fêtes j’ai grande envie de revenir dans votre cour.
Si M. d’Argental voit Marmontel, il me fera le plus sensible plaisir de lui dire combien je suis touché de l’honneur qu’il me fait [dédicace de Denys le Tyran]. J’ai écrit à mon ami Marmontel il y a plus de dix jours pour le remercier. J’ai accepté tout franchement sans aucune modestie un honneur qui m’est très précieux, et qui à mon sens rejaillit sur les belles lettres. Je trouve cent fois plus convenable et plus beau de dédier son ouvrage à son ami et à son confrère qu’à un prince. Il y a longtemps que j’aurais dédié une tragédie à Crébillon, s’il avait été un homme comme un autre. C’est un monument élevé aux lettres et à l’amitié. Je compte que M. d’Argental approuvera cette démarche de Marmontel, et que même il l’y encouragera.
Adieu vous deux qui êtes pour moi si respectables et qui faites le charme de la société. Ne m’oubliez pas, je vous en conjure, auprès de monsieur votre frère ni auprès de M. de Choiseul et de vos amis. J’attends avec impatience le temps de vous faire ma cour.
Voltaire
A Lunéville ce 25 février 1748. »
10:57 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : voltaire, argental, bernis, pompadour
13/02/2009
Le trou du cul est quelque chose !
Je ne résiste pas au plaisir de vous faire connaître cette lettre, vous trouverez sans doute de vous-même le passage qui m’a motivé.
« A Jean Le Rond d’Alembert
Si j’ai lu la belle jurisprudence de l’Inquisition ! [envoyé par d’Alembert : Manuel des inquisiteurs à l’usage des inquisitions d’Espagne et du Portugal, ou Abrégé de l’ouvrage intitulé : Directorium inquisitorum…1762]! Eh ! oui, mordieu, je l’ai lue ; et elle a fait sur moi la même impression que fit le corps sanglant de César sur les Romains. Les hommes ne méritent pas de vivre puisqu’il y a encore du bois et du feu et qu’on ne s’en sert pas pour brûler ces monstres dans leurs infâmes repaires. Mon cher frère, embrassez en mon nom le digne frère qui a fait cet excellent ouvrage [l’abbé Morellet]. Puisse-t-il être traduit en portugais et en castillan !
Plus nous sommes attachés à la sainte religion de notre sauveur Jésus-Christ, plus nous devons abhorrer l’abominable usage qu’on fait tous les jours de sa divine loi.
Il est bien à souhaiter que vos frères et vous donniez tous les mois quelque ouvrage édifiant qui achève d’établir le royaume de Christ, et de détruire les abus. Le trou du cul est quelque chose [l’abbé Morellet pour l’article « Figures » de l’Encyclopédie dit que St Ambroise ou St Augustin a comparé «les dimensions de l’Arche à celles du corps de l’homme, et la petite porte de l’Arche au trou du derrière »]. Je voudrais qu’on mît en sentinelle un jésuite à cette porte de l’arche.
On a imprimé en Hollande le Testament de Jean Meslier [Extraits des sentiments de Jean Meslier, adressés à ses paroissiens sur une partie des abus et des erreurs en général et en particulier , ed. Genève 1762]. Ce n’est qu’un très petit extrait du testament de ce curé [Voltaire demandait dès 1735 à Thiriot de lui fournir le manuscrit original ]. J’ai frémi d’horreur à la lecture [ « Cet homme discute et prouve . Il parle au moment de la mort, au moment où les menteurs disent vrai… Jean Meslier doit convertir la terre . »V* 12 juillet 1762 ]. Le témoignage d’un curé qui en mourant demande pardon à Dieu d’avoir enseigné le christianisme peut mettre un grand poids dans la balance des libertins .Je vous enverrai un exemplaire de ce testament de l’antéchrist puisque vous voulez le réfuter. Vous n’avez qu’à me demander par quelle voie vous voudrez qu’il vous parvienne. Il est écrit avec une simplicité grossière qui par malheur ressemble à la candeur.
Vraiment il s’agit bien de Zulime, et du Droit du seigneur ou de l’Écueil du sage, que le philosophe Crébillon [ censeur ] a mutilé et estropié en croyant qu’il égorgeait un de mes enfants ! Jurez bien que cette petite bagatelle est d’un académicien de Dijon [ ce qui au fond est vrai, car V* est aussi académicien de Dijon ]; soyez sûr que vous direz la vérité. Mais ces misères ne doivent pas vous occuper. Il faut venir au secours de la sainte vérité qu’on attaque de toutes parts. Engagez vos frères à prêter continuellement leur plume et leur voix à la défense du dépôt sacré.
Vous m’avez envoyé un beau livre de musique à moi qui sait à peine solfier [ Elements de musique théorique et pratique sur les principes de M. Rameau éclaircis, développés et simplifiés ]. Je l’ai vite mis ès mains de notre nièce virtuose. Je suis le coq qui trouva une perle dans son fumier et qui la porta au lapidaire. Mlle Corneille a une jolie voix, mais elle ne peut comprendre ce que c’est qu’un dièse.
Pour son oncle [Pierre Corneille, sur lequel V* écrit un livre critique ], le rabâcheur et le déclamateur, le cardinal de Bernis dit que je suis trop bon, et que je l’épargne trop.
J’ai fait très sérieusement une très grande perte dans l’impératrice de toutes les Russies [Elisabeth, le 29 décembre 1762 ]. On a assassiné Luc, et on l’a manqué [fin 1761 : tentative d’enlèvement à Strhlen]. On prétend qu’on sera plus adroit une autre fois. C’est un maître fou que ce Luc .Un dangereux fou .Il fera une mauvaise fin, je vous l’ai toujours dit. Interim vale ; te saluto in christo salvatore nostro.
Voltaire
10 février 1762. »
PS : comme je le craignais, - il est 12h45 -, TNT ne m'a pas fait sauter de joie . Je pense qu'ils ont mis une mèche lente...
12:45 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : voltaire, bernis, cul, alembert, corneille, meslier