02/06/2009
ce sont des fous, mais il ne faut pas les brûler.
J'ai eu quelques émotions hier quand j'ai appris la nouvelle de l'avion disparu ; un ami archer revenait de son séjour brésilien (il y a créé un club à Bananeiras) ce même jour . Puis à la réflexion j'ai réalisé qu'il n'arrivait pas à Paris mais à Genève, donc ne pouvait être dans le vol fatidique... J'ai eu le plaisir de le voir ce matin, un peu perturbé par le décalage horaire, sans plus .
Autres réflexions du grincheux que je suis : "Mister Sarko, qu'allez-vous faire dans cet aéroport ?
Vous manque-t-elle à ce point la bonne odeur de kérosène ?
Votre présence va-t-elle donner l'espoir de retrouver des survivants ?
Auriez-vous le pouvoir de guérir les écrouelles et ranimer les morts ?
Ou plus simplement le pouvoir d'ajouter du désordre (grâce aux forces de l'ordre de votre escorte ) pour permettre votre sainte apparition ?"
Sans oublier un évêque ou archevêque, bien intentionné au demeurant, (-si, si, je crois qu'il n'a parlé que pour le bien des familles !!...et non pour monter en épingle la valeur des traditions catholiques apostoliques et romaines -), qui nous invite à prier pour les victimes et leurs proches. Je dis : "D'abord, je ne prie pas sur commande, secundo, si les catholiques ont besoin qu'on leur dise quand et pour quoi prier, que Dieu aie pitié d'eux." Doux agneaux, bêlez, votre berger vous l'a dit. Gare à la tonte et au méchoui !...C'est irrémédiable , diable !!!
Pauvre Rousseau, tu as eu un adversaire redoutable, mais reconnais que tu l'a bien cherché ...Sans rancune !
« A Etienne-Noël Damilaville
En réponse à votre lettre du 23 mai, mon cher frère, il me manque, pour compléter mon Lally [ce dossier demeurera incomplet], la réponse qu’il avait faite aux objections par lesquelles on réfuta son premier mémoire. On dit que cette pièce est très rare. Vous me feriez un grand plaisir de me la faire chercher, et de me l’envoyer.
Je suis charmé que vous soyez content du petit buste [en ivoire, sans doute de Rosset, envoyé le 14 mai]. L’original est bien languissant. Il y a trois mois qu’il n’a pu s’habiller.
Je ne sais ce que c’est que la lettre sur Jean-Jacques. [Lettre …au docteur Jean-Jacques Pansophe, avril 1766, commence par : « Quoique vous en disiez, docteur Pansophe, je ne suis certainement pas la cause de vos malheurs. »]. Je soupçonne qu’il s’agit d’une lettre que j’écrivis, il y a quelques mois, au Conseil de Genève, par laquelle je lui signifiais qu’il aurait dû confondre la calomnie ridicule qui lui imputait d’avoir comploté avec moi la perte de Rousseau. Je disais au Conseil que je n’étais point l’ami de cet homme, mais que je haïssais et méprisais trop les persécuteurs pour souffrir tranquillement qu’on m’accusât d’avoir servi à persécuter un homme de lettres. Je tâcherai de retrouver une copie de cette verte romancine, et de vous l’envoyer. Je pense sur Rousseau comme sur les Juifs ; ce sont des fous, mais il ne faut pas les brûler.
Je recommande toujours à vos bontés les exemplaires [recueil de ses œuvres complètes] pour M. Thomas, pour M. le chevalier de Neuville à Angers, et pour Lacombe. On me fait espérer un Fréret [Examen critique des apologistes de la religion chrétienne ; V* écrit : « Je ne crois pas que ce livre soit de M. Fréret, il est très dangereux pour la foi. »] de Hollande ; mais les livres viennent si tard de ce pays là, que j’ai recours à vous. La diligence de Lyon à Meyrin est très expéditive.
Les jésuites sont enfin chassés de Lorraine [suite au rattachement de la Lorraine à la France à la mort de Stanislas en février]. Je me flatte que les capucins, leurs anciens valets, seront bientôt rendus à la bêche et à la charrue [le 30 mai, V* : « …nous manquons de manœuvres. Nous attellerions d’un côté six bœufs et de l’autre six moines, et nous verrions qui labourerait le mieux. »], qu’ils avaient quittées très mal à propos.
Ils n’étaient connus que comme de vils débauchés ; mais puisque l’ordre séraphique se mêle d’assassiner, [V*, 30 mai : « est-il vrai que les capucins ont assassiné leur gardien à Paris ? » ; il sera déçu d’apprendre que le supérieur s’est simplement suicidé] il est bon d’en purger la terre. Amen.
Voltaire
2 juin 1766. »
Pour la bonne bouche : *** : http://www.monsieurdevoltaire.com/ , avec au piano love Voltaire . Encore, encore !...
16:59 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : voltaire, rousseau, damilaville, capucin, jésuite, juif, fou
01/06/2009
malgré ma faiblesse,...secouer le joug
Actualité du château : ça bouge, ça remue, il se passe toujours quelque chose au domaine de Volti !! Qu'on se le dise (HautetFort, bien sûr ! )....
Comme évidemment, il faut parler des évènements importants de ce monde, je ne peux passer sous silence "l'effondrement de Nadal", vous m'en auriez voulu ! Non ? Ah bon ! Je respire...
C'est vrai que quand on pense à la super prime qui lui passe sous le nez, il a de quoi avoir les boules !
Pour le commun des mortels qui ne gagne pas des millions d'euros (même en toute une vie de travail), il reste le RSA ... qui va concerner à peu près 3 millions de foyers français . Sept millions de personnes qui disposeront de 454,63 Euros (pour une personne seule sans enfant) ou un complément de salaire pour ceux qui n'atteignent pas la barre de salaire de 880 euros mensuels.
Je vous recommande d'utiliser une raquette à grand tamis et à très petites mailles, sinon les pièces de 1 centime passent au travers ! Déjà qu'elles sont rares, n'en perdont point ...
Monsieur Nadal, laissez-moi encore pleurer sur vous et vos semblables sportifs qui ont le grand malheu-eu-eur de perdre un match, ou une course, dont le succès envisagé, outre la renommée apporte une somme ridiculement, insolemment, outrageusement élevée, un pactole !
Sponsors de tout poil, que ne faites vous votre publicité en vendant vos produits à des prix plus raisonnables, plutôt qu'en gavant quelques divas de la raquette ou de la baballe !
Fédérations de sports, arrêtez d'engraisser quelques dirigeants poussifs et que les millions libérés permettent l'accès du plus grand nombre aux sports qui ne sont accessibles actuellement qu'aux mieux lotis .
En parlant de "lotis", n'oublions pas que les beaux jours qui ne le sont pas pour tous, font refleurir les papiers bleus d'huissiers qui vous annoncent votre expulsion. Véritable temps de guerre en temps de paix, exode qui n'a pas de nom !
Madame la Ministre, qu'est devenue votre louable intention de ne déloger quelqu'un, mettre dehors une famille, expulser et briser des vies, que si on offre dans le même temps un nouvel abri digne de ce nom ? Hâtez-vous, il y a urgence !
Tous les jours voient leurs lots de pauvres jetés à la rue par des propriétaires forts de leur "bon droit" ! J'ai terriblement envie de leur faire connaître aussi ma "bonne droite" au foie ou au menton (je n'ai pas d'a priori, je peux fournir les deux, question de goût !)...
Revenons au calme... Marcher, souffler ...
Mais c'est vrai qu'il est bon de s'exprimer : "Il y a longtemps que j’ai envie de combattre ce géant" , dit Volti, et il l'a fait.
« A Jean-Baptiste-Nicolas Formont
Rempli de goût, libre d’affaire,
Formont, vous savez sagement
Suivre en paix le sentier charmant
De Chapelle et de Sablière ;
Car vous m’envoyez galamment
Des vers écrits facilement,
Dont le plaisir seul est le père,
Et quoiqu’ils soient faits doctement,
C’est pour vous un amusement.
Vous rimez pour vous satisfaire,
Tandis que le pauvre Voltaire,
Esclave maudit du parterre,
Fait sa besogne tristement.
Il barbote dans l’élément
Du vieux Danchet et de La Serre.
[censeurs royaux et auteurs]
Il rimaille éternellement,
Corrige, efface assidûment,
Et le tout, Messieurs, pour vous plaire.
Je vous soupçonne de philosopher à Canteleu avec mon cher, aimable et tendre Cideville. Vous savez combien j’ai toujours souhaité d’apporter mes folies dans le séjour de votre sagesse.
Atque utinam ex vobis unus, vestrique fuissem
Aut custos gregis, aut maturae vinitor uvae !
Hic gelidi fonts, hic mollia prata, Lycori,
Hic nemus, hic ipso tecum consumerer aevo.
[Ah si j’avais été l’un de vous, ou gardien de votre troupeau, ou vendangeur de votre raisin mûr ! Ici il y a des sources fraiches, ici il y a de moelleuses prairies, Lycoris, ici il y a un bois, ici avec toi c’est l’âge même qui me consumerait.]
Mais je suis entre Adélaïde du Guesclin, le seigneur Osiris [personnage de son opéra Tanis et Zélide] et Newton. Je viens de relire ces Lettres anglaises moitié frivoles, moitié scientifiques. En vérité, ce qu’il y a de plus passable dans ce petit ouvrage, est ce qui regarde la philosophie ; et c’est, je crois ce qui sera le moins lu. On a beau dire : le siècle est philosophe. On n’a pourtant pas vendu deux cents exemplaires du petit livre de M. de Maupertuis, où il est question de l’attraction,[Discours sur les différentes figures des astres … avec une exposition abrégée des systèmes de M. Descartes et de M. Newton, 1732] et si on montre si peu d’empressement pour un ouvrage écrit de main de maître, qu’arrivera-t-il aux faibles essais d’un écolier comme moi ? Heureusement j’ai tâché d’égayer la sécheresse de ces matières et de les assaisonner au goût de la nation. Me conseilleriez-vous d’y ajouter quelques petites réflexions détachées des Pensées de Pascal ?[25ème Lettre philosophique] Il y a longtemps que j’ai envie de combattre ce géant. Il n’y a guerrier si bien armé qu’on ne puisse percer au défaut de la cuirasse ; et je vous avoue que si malgré ma faiblesse, je pouvais porter quelques coups à ce vainqueur de tant d’esprits, et secouer le joug dont il les a affublés, j’oserais presque dire avec Lucrèce :
Quare supersticio pedibus subjecta vicissim
Obteritur, nos exaequat victoria coelo.
[Par là, la superstition est à son tour renversée et foulée aux pieds, et nous la victoire nous élève jusqu’au ciel.]
Au reste, je m’y prendrai avec précaution, et je ne critiquerai que les endroits qui ne seront point tellement liés avec notre sainte religion qu’on ne puisse déchirer la peau de Pascal sans faire saigner le christianisme. Adieu. Mandez moi ce que vous pensez des lettres imprimées et du projet sur Pascal. En attendant je retourne à Osiris. J’oubliais de vous dire que le paresseux Linant échafaude son Sabinus.[il entreprit Sabinus, « Ramessès » et fera représenter Alzaïde en décembre 1745]
Voltaire
1er juin 1733. »
16:11 | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : voltaire, formont, pascal, linant, philosophie
30/05/2009
il faut défendre les vivants et les morts contre les gens d’Église
31 mai (joli anagramme : mai, ami) 1778 ,11h du soir : mort de Voltaire.
François-Marie va rejoindre des prédécesseurs illustres, de fieffés imbéciles , des génies, des malfaisants et des bienfaiteurs, etc...
Avant moi, il a la réponse à la question qui angoisse tant certains qu'ils se mettent entre les mains de charlatans, de gourous, de meneurs d'âmes à la petite semaine qui ne prêchent que pour leur intérêt et celui de leurs séides.
Volti est resté un homme libre de penser qu'il y a un dieu,(assurément pour lui ;-peut-être-; le peut-être me concerne ) et que ce dieu n'est ni vengeur ni bienfaiteur absolu. Cet homme a assumé son état et s'est délié de toute croyance religieuse dont il a montré les exagérations et les sources de malheur.
Voltaire, en ce jour un peu particulier, je te dis encore merci....
J'ai aussi une raison très personnelle de le remercier ; ce jeudi il m' a permis de faire la connaissance d'une charmante dame et de vivre une aventure peu commune . Je ne vous préciserai ceci que lorsque les évènements le permettront : les pronostics sont ouverts !... Oubliez vos pensées canailles, je suis prêt à parier ma paye (qui est fort maigre au demeurant !, avis au gouvernement ...) que vous ne trouverez pas avant que je vous l'indique ... A suivre.
De toute façon, Voltaire est toujours vivant, peu écouté certes ( la recherche de la vérité et sa défense fachent trop de gens), mais terriblement vivant .
Les visiteurs du château qu'il a fait bâtir à Ferney, où il a vécu 18 ans, viennent du monde entier . Rois du Top 50, qui se souviendra de vous dans 231 ans, et même sans aller jusque là, dans 30 ans ?
« A Etienne-Noël Damilaville et à Nicolas-Claude Thiriot
Mes philosophes me donnent grande envie de voir cet ouvrage de M. Dardelle [La Conversation de M. l’intendant des menus en exercice avec M. l’abbé Grizel, 20 mai 1761, est signée de Georges Avenger Dardelle, écrite par V* pour répondre au discours de Le Dains du 15 mai]. Je ne connais que l’eau d’ardelle, et je ne sais si elle est bonne pour la brûlure [allusion au fait qu’on pourrait brûler cette brochure comme celle de Huerne qui a été condamnée]. Au reste c’est à M. Dardelle à répondre de tout.
Pourrait-on déterrer dans Paris quelque pauvre diable d’avocat, non pas dans le goût de Le Dains, mais un de ces gens qui étant gradués et mourant de faim, pourraient être juges de village ? Si je pouvais rencontrer un animal de cette espèce, je le ferais juge de mes petites terres de Tournay et Ferney. Il serait chauffé, rasé, alimenté, porté, payé. [rappel de Le Joueur, de Regnard]
J’ai un besoin pressant du malheureux Droit ecclésiastique [ La pratique de la juridiction ecclésiastique, volontaire, gracieuse, et contentieuse, fondée sur le droit commun et sur le droit particulier du royaume, de François Ducasse, édition 1718 qui se trouvera dans la bibliothèque de V*] qui ne devrait pas être un droit. J’ai un procès pour un cimetière [des os sont mis à jour lors du début de la démolition de l’ancienne église de Ferney que V* veut rebâtir : « des côtelettes de mouton » selon V* ; arrêt des travaux sur ordre de l’évêque d’Annecy] : il faut défendre les vivants et les morts contre les gens d’Église. Mille pardons de mes inopportunités, mes chers philosophes.
Mes compliments de condoléances à frère Berthier et à frère Lavalette [le père jésuite Lavalette, procureur général de l’Ordre de la Martinique, fondateur d’un établissement de commerce, fait faillite en 1760, suite à la prise de plusieurs navires par les Anglais ; les commerçants marseillais lésés portent plainte contre la Compagnie de Jésus qui exclut Lavalette et refuse de payer ; la Compagnie perdit son procès en 1761 ] , mille louanges à maître Le Dains qui traite Corneille d’infâme ; mais il ne faut montrer la Conversation de l’abbé Grizel et de l’intendant des menus qu’au petit nombre des élus dont la conversation vaut mieux que celle de maître Le Dains . On supplie les philosophes de ne montrer le cher Grizel qu’aux gens dignes d’eux, c’est-à-dire peu de personnes.
Je souhaite que M. Lemierre soit bien damné, bien excommunié, et que sa pièce réussisse beaucoup, car on dit que c’est un homme de mérite, et qui est du bon parti. Je prie les frères de vouloir bien m’envoyer des nouvelles de Terée.[tragédie de Le Mierre, jouée le 25 mai 1761]
Courez tous sus à l’infâme habilement : ce qui m’intéresse c’est la propagation de la foi, de la vérité, le progrès de la philosophie et l’avilissement de l’Inf.
Je vous donne ma bénédiction du fond de mon cabinet et de mon cœur.
Voltaire
31 mai 1761. »
19:46 | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : voltaire, damilaville, thiriot, droit, avocat, diable, corneille, le dains, grizel
26/05/2009
Je hais les conquérants,....Je songe à l’humanité, Sire, avant de songer à vous-même
La lettre du jour me plait car on y trouve le Volti toujours aussi peu avare de compliments, lesquels compliments n'excluent pas l'expression du fond de la pensée de l'auteur. Plutôt que des lois répressives comme il en fleurit tous les jours (par la grâce de parlementaires et de ministres qui veulent justifier leur passage au pouvoir sans songer au réel bien du menu peuple ! SVP, oubliez ce mouvement d'aigreur matinal !!), Volti nous amène à réfléchir sur notre conduite, apprécie ce qui est correct et nous place face à l'insupportable que nous devons éviter . Il le dit et l'écrit, bien sot celui qui ne saurait pas en tirer les conséquences...
« A Fréderic II, roi de Prusse
Le Salomon du Nord en est donc l’Alexandre ?
Et l’amour de la terre en est aussi l’effroi ?
L’Autrichien vaincu fuyant devant mon roi [bataille de Chotusitz (=Czaslau) 17 mai]
Au monde à jamais doit apprendre
Qu’il faut que les guerriers prennent de vous la loi,
Comme on vit les savants la prendre.
J’aime peu les héros, ils font trop de fracas ;
Je hais les conquérants, fiers ennemis d’eux-mêmes,
Qui dans les horreurs des combats
Ont placé le bonheur suprême ;
Cherchant partout la mort, et la faisant souffrir
A cent mille hommes leurs semblables ;
Plus leur gloire a d’éclat, plus ils sont haïssables.
O ciel que je dois vous haïr !
Je vous aime pourtant, malgré tout ce carnage
Dont vous avez souillé les champs de nos Germains,
Malgré tous ces guerriers que vos vaillantes mains
Font passer au sombre rivage.
Vous êtes un héros ; mais vous êtes un sage.
Votre raison maudit les exploits inhumains
Où vous força votre courage,
Au milieu des canons, sur des morts entassés,
Affrontant le trépas, et fixant la victoire,
Du sang des malheureux cimentant votre gloire,
Je vous pardonne tout, si vous gémissez.
Je songe à l’humanité, Sire, avant de songer à vous-même ; mais après avoir en abbé de Saint Pierre [ abbé Charles-Irénée Castel de Saint-Pierre, auteur d’un Projet de paix perpétuelle -1713, : Frederic dira : « il ne manque pour faire réussir ce projet que le consentement de l’Europe et quelque autre bagatelle semblable… » ; de Réflexions sur l’Anti-Machiavel de 1740 -1741 ] pleuré sur le genre humain dont vous devenez la terreur, je me livre à toute la joie que me donne votre gloire. Cette gloire sera complète si Votre Majesté force la reine d'Hongrie à recevoir la paix, et les Allemands à être heureux .Vous voilà le héros de l’Allemagne, et l’arbitre de l’Europe. Vous en serez le pacificateur, et nos prologues d’opéra [Quinault y célébrait les victoires de Louis XIV] ne seront plus que pour vous.
La fortune qui se joue des hommes, mais qui vous semble asservie, arrange plaisamment les évènements de ce monde. Je savais bien que vous feriez de grandes actions ; j’étais sûr du beau siècle que vous alliez faire naître ; mais je ne me doutais pas, quand le comte du Four [Frederic avait fait un voyage sous le nom de comte du Four en 1740, avec son frère et Algarotti, à Strasboug] allait voir le maréchal de Broglio, et qu’il n’en était pas trop content, qu’un jour ce comte du Four aurait la bonté de marcher avec une armée triomphante au secours du maréchal, et le délivrerait par une victoire. Votre Majesté n’a pas daigné jusqu’à présent instruire le monde des détails de cette journée. Elle a eu, je crois, autre chose à faire que des relations,[Friedrich von Borck apporta la nouvelle à Paris le 23 mai] mais votre modestie est trahie par quelques témoins oculaires, qui disent tous qu’on ne doit le gain de la bataille qu’à l’excès de courage et de prudence que vous avez montré. Ils ajoutent que mon héros est toujours sensible, et que ce même homme qui fait tuer tant de monde est au chevet du lit de M. de Rotembourg. Voilà ce que vous ne mandez point, et que vous pourrirez pourtant avouer comme des choses qui vous sont toutes naturelles. Continuez, Sire, mais faites autant d’heureux au moins dans ce monde que vous en avez ôté ; que mon Alexandre redevienne Salomon le plus tôt qu’il pourra, et qu’il daigne se souvenir quelquefois de son ancien admirateur, de celui qui par le cœur est à jamais son sujet, de celui qui voudrait passer sa vie à vos pieds, si l’amitié plus forte que les rois et que les héros, ne le retenait, et qui sera attaché à jamais à Votre Majesté avec le plus profond respect et la plus tendre vénération.
de Voltaire
A Paris ce 26 mai 1742. »
09:29 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : voltaire, frederic, héros, conquérant
25/05/2009
Je vous renvoie la queue de Socrate
Faute d'apprendre à éteindre un incendie dans un coeur (ça y-est, je me crois un sex-symbol qui déchaine les coups de foudre ; oublions...), j'ai appris à manier l'extincteur. Pourvu que je n'en aie jamais besoin !!!
Pour rappel, à tous ceux que ça pourrait intéresser, la poudre s'utilise à 3 metres et même au delà, l'eau pulvérisée à 2 m et le CO2 à 1m-1,5m. Un début de feu, un départ de feu, selon le terme précis (à ne pas confondre avec l'incendie qui lui nécessite au moins une caserne de pompiers) est quelque chose qui se jugule en quelques secondes si on a le geste correct avec le matériel correct. Comme je l'ai déjà dit, on apprend tous les jours, peu ou prou.En plus, c'est facile . La preuve, j'ai su le faire ...
Que ceux qui ont eu des idées coquines avec le titre de cette note me rejoignent : vous êtes les bienvenus !
« A Gabriel Cramer
Cher Gabriel, n’auriez-vous rien sur les cosaques ? Pourriez-vous me trouver les voyages de Corneille Lebruin ? [Voyages de Corneille Le Brun par la Moscovie, en Perse et aux Indes orientales, 1718, de Cornelis de Bruin] Ces deux petits secours me sont absolument nécessaires .
Je vous renvoie la queue de Socrate [la pièce imprimée, envoyée aux d’Argental le 20 juillet est prétendue de « feu M. Thomson traduite par M. de Faitema]. Puisse cet ouvrage faire trembler les fanatiques . Envoyez-moi, je vous prie, au plus tôt un exemplaire .
Voltaire
Mai 1759. »
Et pour ce gourmand de Volti, amateur de chocolat, toujours de Cornelis de Bruin
14:25 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : voltaire, socrate, de bruin, cramer
24/05/2009
Que peut la calomnie contre l’innocence ? La faire brûler quelquefois
J'ai choisi un titre (extrait de la lettre suivante) qui ne sera pas sans évoquer une actualité parfois révoltante . Il n'y a malheureusement que l'embarras du choix pour trouver des motifs légitimes d' "élever la voix".
Je persiste et signe : "Volti je t'approuve".
Je termine à peine d'écrire ces mots que je me rends compte que je suis bien niais et en train ce prendre la grosse tête : approuver Volti, comme on pouvait trouver des arguments contre les siens dans le domaine de la recherche de la justice... Je me sens un peu ridicule. Passons...
Dimanche...
Bonne et belle journée, animée par des visiteurs agréables.
Cette modeste page, commencée ce matin, n' a pu être achevée que maintenant que le château a rerouvé le calme et moi un peu ma voix.
Pour la première fois de la saison, j'ai apprécié la fraicheur des salles, je ne suis pas encore entrainé (et ma gentille collègue non plus) aux chaleurs estivales.
« A Jean Le Rond d’Alembert
Il y a longtemps que le vieux solitaire n’a écrit à son grand et très cher philosophe. On lui a mandé que vous vous chargiez d’embellir une nouvelle édition de l’Encyclopédie [chez Panckoucke] : voilà un travail de trois ou quatre ans. Carpent ea poma nepotes [ce sont les petits enfants qui cueilleront les fruits].
Il est bon, mon aimable sage, que vous sachiez qu’un M. de la Bastide, l’un des enfants perdus de la philosophie, a fait à Genève le petit livre ci-joint [les Réflexions philosophiques sur la marche de nos idées], dans lequel il y a une lettre à vous adressée [Lettre d’un avocat genevois à M. d’Alembert , de Paul-Henri Mallet], lettre qui n’est pas peut-être un chef-d’œuvre d’éloquence, mais qui est un monument de liberté. On débite hardiment ce livre dans Genève, et les prêtres de Baal n’osent parler. Il n’en est pas ainsi des prêtres savoyards. Le petit fils de mon maçon, devenu évêque d’Annecy [Jean-Pierre Biord], n’a pas, comme vous savez, le mortier liant : c’est un drôle qui joint aux fureurs du fanatisme une friponnerie consommée, avec l’imbécillité d’un théologien né pour faire des cheminées ou pour les ramoner. Il a été porte-Dieu à Paris, décrété de prise de corps , ensuite vicaire, puis évêque. Ce scélérat a mis dans sa tête de faire de moi un martyr. Vous savez qu’il écrivit contre moi au roi, l’année passée [à propos du sermon fait par V* dans l’église de Ferney à Pâques 1768] ; mais ce que vous ne savez pas, c’est qu’il écrivit au Pantalon-Rezzonico [Pape Clément XIII ],
et qu’il employa en même temps la plume d’un ex-jésuite nommé Nonnotte [Nonnotte l’avait accusé auprès du pape d’avoir menti en soutenant que Charlemagne n’avait jamais donné Ravenne à la Papauté ]. Il y eu un bref du pape dans lequel je suis très clairement désigné [V* y est désigné et déclaré porteur de plus d’une maladie incurable et menacé de mort subite], de sorte que je fus à la fois exposé à une lettre de cachet et à une excommunication majeure ; mais que peut la calomnie contre l’innocence ? La faire brûler quelquefois, me direz-vous ; oui, il y en a des exemples dans notre sainte et raisonnable religion ; mais n’ayant pas la vocation de martyre, j’ai pris le parti de m’en tenir au rôle de confesseur, après avoir été singulièrement confessé.
Or, voyez, je vous en prie, ce que c’est que les fraudes pieuses. Je reçois dans mon lit le saint viatique que m’apporte mon curé devant tous les coqs de ma paroisse ; je déclare, ayant Dieu dans ma bouche, que l’évêque d’Annecy est un calomniateur, et j’en passe acte par devant notaire : voilà mon maçon d’Annecy furieux, désespéré comme un damné, menaçant mon bon curé, mon pieux confesseur et mon notaire. Que font-ils ? Ils s’assemblent secrètement au bout de quinze jours, et ils dressent un acte dans lequel ils assurent par serment qu’ils m’ont entendu faire une profession de foi, non pas celle du vicaire savoyard, mais celle de tous les curés de Savoie (elle est en effet du style d’un ramoneur). Ils envoient cet acte au maçon sans m’en rien dire, et viennent ensuite me conjurer de ne les point désavouer. Ils conviennent qu’ils ont fait un faux serment pour tirer leur épingle du jeu. Je leur remontre qu’ils se damnent, je leur donne pour boire, et ils sont contents.
Cependant ce polisson d’évêque, à qui je n’ai pas donné pour boire, jure toujours comme un diable qu’il me fera brûler dans ce monde –ci et dans l’autre. Je mets tout cela aux pieds de mon crucifix ; et pour n’être point brûlé, je fais provision d’eau bénite. Il prétend m’accuser juridiquement d’avoir écrit deux livres brûlables, l’un qui est publiquement reconnu en Angleterre pour être de milord Bolingbroke [l’Examen important de milord Bolingbroke, publié par V* en 1767]; l’autre la Théologie portative [du baron d’Holbach] que vous connaissez, ouvrage à mon gré très plaisant, auquel je n’ai assurément nulle part , ouvrage que je serais très fâché d’avoir fait, et que je voudrais bien avoir été capable de faire .
Quoique cet énergumène soit Savoyard et moi Français, cependant il peut me nuire beaucoup, et je ne puis que le rendre odieux et ridicule : ce n’est pas jouer à un jeu égal. Toutefois je ne perdrai pas la partie ; car heureusement nous sommes au XVIIIème siècle et le maroufle croit encore être au XIVème. Vous avez encore à Paris des gens de ce temps là ; c’est sur quoi nous gémissons. Il est dur d’être borné aux gémissements ; mais il faut au moins qu’ils se fassent entendre, et que les bœufs-tigres [comme Pasquier qui obtient des condamnations au parlement] frémissent. On ne peut élever trop haut sa voix en faveur de l’innocence opprimée.
On dit que nous aurons bientôt des choses très curieuses qui pourront faire beaucoup de bien, et auxquelles il faudra que les gens de lettres s’intéressent ; j’entends les gens de lettres qui méritent ce nom. Vous qui êtes à leur tête, mon cher ami, priez Dieu que le diable soit écrasé, et mettez, autant que la prudence le permet, votre main à ce très puissant saint œuvre.
Je vous embrasse bien tendrement et ne me console point de finir ma vie sans vous revoir.
Voltaire
24 de mai 1769. »
PS.-
Un petit salut très personnel à celle qui a eu la faiblesse gentillesse de prendre l'adresse de mon blog ! J'espère qu'il ne vous lassera point .... (à la ligne !).
Sinon dites-le moi . J'ose penser que tout n'est pas perdu et que je peux encore m'améliorer.
19:54 | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : voltaire, biord, alembert, xviiième, charlemagne
23/05/2009
Avoir soin de fermer la grille d’entrée de ma maison les dimanches
4h du mat et pas de frisson, 40ème symphonie de WAM sur mon phone-réveil, puis j'enchaine par un sublime concerto pour violon de Ludwig van . Pour couronner le tout et finir de m'ouvrir l'esprit, The intertainer de Scot Joplin : http://www.youtube.com/watch?v=7cFkae0j_Ns
Il y a pire comme décolleur de tympans!
La journée s'annonce belle et chaude comme l'amour . Heureux visiteurs du château de Volti, venez nombreux, vous ne le regretterez pas . Vous aurez en prime de la visite une exposition "Voltaire en tête(s)" qui vous montrera les représentations de ce sacré gaillard sur trois siècles ... Vaut le détour !...
Je blogue, je blogue, mais le travail m'attend . Il le peut car je suis en avance et comme disait Coluche , à moins que ça ne soit de moi, "il n'y a rien de plus patient que le travail, si ce n'est toi qui t'en occupe"....
« A Cosimo Alessandro Collini
Chez Monsieur de Voltaire aux Délices à Genève.
Il faut que Loup fasse venir de gros gravier ; qu’on en répande et qu’on l’affermisse depuis le pavé de la cour jusqu’à la grille qui mène aux allées des vignes. Ce gravier ne doit être répandu que dans un espace de la largeur de la grille. Les jardiniers devraient avoir déjà fait deux boulingrins carrés, à droite et à gauche de cette allée de sable, en laissant trois pieds à sabler aux deux extrémités de ces gazons, comme je l’avais ordonné.
Je prie monsieur Collini de recommander cet ouvrage qui est aisé à faire. Je recommande à Loup d’avoir soin de fermer la grille d’entrée de ma maison les dimanches. Les jardiniers enfermeront le jardin de palissades, comme ils le faisaient auparavant. Ils condamneront la petite porte jaune qui va de la cour au jardin sous la chambre au pilier ; et ils empêcheront le petit peuple d’entrer dans le jardin et de le détruire, comme on l’a déjà fait. Les allées de gazon qu’on a semées dans le jardin seraient absolument gâtées, et c’est une raison honnête à opposer à l’indiscrétion des inconnus qui veulent entrer malgré les domestiques.
Je pris Monsieur Collini de renvoyer les maçons, au reçu de ma lettre, ils n’ont plus rien à faire .Mais je voudrais que les charpentiers pussent se mettre tout de suite après le berceau du côté de la Brandie.
Il faut que les domestiques aient grand soin de secouer les marronniers, de faire tomber les hannetons, de les donner à manger aux poules.
Voilà à peu près, mon cher Collini, toutes mes grandes affaires. J’ai fort à cœur qu’on rétablisse le talus derrière le berceau proposé vis-à-vis la Brandie, et qu’on soutienne ce talus par quelques piquets en y laissant deux petites rigoles pour l’écoulement des eaux.
Ne m’envoyez point mes lettres à Berne mais à Montriond. Je vous embrasse.
Voltaire
A Berne 23 mai 1756. »
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