13/08/2022
personne assurément ne vous enviera
... ni demain , ni jamais, vous qui vivez avec la menace de mort lancée par un vieil iman fanatique en 1989 : https://www.lemonde.fr/international/article/2022/08/12/l-auteur-britannique-salman-rushdie-attaque-sur-scene-lors-d-une-conference-dans-l-etat-de-new-york_6137893_3210.html
L'écrivain Salman Rushdie, auteur des «Versets sataniques», poignardé sur scène
« A Jean-Baptiste-Jacques Élie de Beaumont
Avocat, etc.
4è mars 1767
Mes yeux ne me permettent pas d’écrire, mon cher Cicéron ; je n’ai pas actuellement auprès de moi celui 1 qui vous fait d’ordinaire mes remerciements ; mais vous n’en verrez pas moins que j’ai reçu votre mémoire 2. Nous l’avons lu, nous avons pleuré. Ou les hommes seront de bronze, ou les Sirven seront justifiés comme les Calas. La consultation est de la plus grande habileté, et d’une bienséance qui fera beaucoup d’honneur à celui qui l’a rédigée. La victoire me paraît sûre. Les protestants et les catholiques vous béniront également, et personne assurément ne vous enviera la terre de Canon 3. On dira qu’il est bien permis au défenseur de l’humanité de se défendre lui-même, et de réclamer le bien des ancêtres de sa femme. Je vous prie de vouloir bien me faire envoyer un second exemplaire par M. Damilaville. Le premier sera pour messieurs du conseil de Berne ; le second sera signé par Sirven et ses filles. Messieurs de Berne doivent en avoir un parce qu’ils ont promis de continuer aux Sirven la petite pension qu’ils veulent bien leur faire pendant qu’ils poursuivront leur procès à Paris, et qu’ils ont mis pour condition qu’ils verraient le mémoire par lequel ils seraient appelés à venir auprès de vous.
Je vous enverrai Sirven et une de ses filles aussitôt que vous l’ordonnerez ; il y en a une qui est incapable de faire le voyage ; je ne puis trop vous réitérer mes tendres remerciements. Je vous embrasse cent fois, sage et éloquent vengeur de l’innocence.
V.»
1La date est cependant de la main de Wagnière .
2Mémoire à consulter, et consultation pour Pierre-Paul Sirven : : commissaire à Terrier dans le diocèse de Castres, présentement a Genève, accusé d'avoir fait mourir sa seconde fille pour l'empêcher de se faire catholique : https://books.google.fr/books?id=0HZXAAAAcAAJ&pg=PA78&lpg=PA78&dq=elie+de+beaumont+M%C3%A9moire+%C3%A0+consulter,+et+consultation+pour+Pierre-Paul+Sirven+%5B%E2%80%A6%5D+accus%C3%A9+d%27avoir+fait+mourir+sa+seconde+fille+pour+l%27emp%C3%AAcher+de+se+faire+catholique&source=bl&ots=MEGAXeFs2p&sig=ACfU3U0pA0jv9if2btcabrkcb8bw6KtSWg&hl=fr&sa=X&ved=2ahUKEwiFobe33MH5AhVJgRoKHTpOAAUQ6AF6BAgPEAM#v=onepage&q=elie%20de%20beaumont%20M%C3%A9moire%20%C3%A0%20consulter%2C%20et%20consultation%20pour%20Pierre-Paul%20Sirven%20%5B%E2%80%A6%5D%20accus%C3%A9%20d'avoir%20fait%20mourir%20sa%20seconde%20fille%20pour%20l'emp%C3%AAcher%20de%20se%20faire%20catholique&f=false
3 Voir lettre du 1er octobre 1766 à Damilaville : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2022/01/05/n-importe-il-faut-aller-en-avant-je-n-ai-d-autre-ressource-que-dans-la-veri.html
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12/08/2022
Toutes ces sottises couvertes par d’autres sottises tombent dans un éternel oubli au bout de vingt-quatre heures
... Un exemple entre autres : https://fr.style.yahoo.com/stephane-plaza-seducteur-clien...
à multiplier par centaines de milliers en notre monde d'absurdie .
« A Claude-Joseph Dorat 1
4 mars [1767] 2
Je ne sais, monsieur, si mon amour-propre corrompt mon jugement ; mais vos derniers vers 3 me paraissent valoir mieux que les premiers . Ils sont, à mon gré, plus remplis de grâces. Votre muse fait ce qu’elle veut ; je la remercie d’avoir voulu quelque chose en ma faveur, quoiqu’il y ait encore un coup de patte. Je vous jure, sur mon honneur, que je n’ai aucune connaissance des vers qu’on a faits contre vous 4. Personne ne m’en a écrit un mot ; il n’y a que vous qui m’en parliez. Toutes ces sottises couvertes par d’autres sottises tombent dans un éternel oubli au bout de vingt-quatre heures. Je suis uniquement occupé de l’affaire de Sirven, dont vous avez peut-être entendu parler. Ce nouveau procès de parricide va être jugé au conseil du roi ; il m’intéresse beaucoup plus que les Scythes, dont je ne fais nul cas. Je n’avais destiné cet ouvrage qu’à mon petit théâtre ; mais on imprime tout : on a imprimé ce petit amusement de campagne. Les comédiens se repentiront probablement d’avoir voulu le jouer. J’ai donné un rôle à Mlle Durancy, à qui j’en avais promis un depuis très longtemps. Je ne connaissais point Mlle Dubois ; je vis ignoré dans ma retraite, et j’ignore tout. Si j’avais été informé plus tôt de son mérite et de ses droits, j’aurais assurément prévenu ses plaintes ; mais je vous prie de lui dire qu’elle n’a rien a regretter : le rôle qu’elle semble désirer est indigne d’elle. C’est une espèce de paysanne pendant trois actes entiers ; c’est une fille d’un petit canton suisse qui épouse un Suisse ; et un petit-maître français tue son mari. Je ne connais point de pièce plus hasardée ; c’est une espèce de gageure, et je gage avec qui voudra contre le succès. Mais on peut faire une mauvaise pièce de théâtre, et ambitionner votre amitié . C’est là ma consolation et ma ressource.
Je vous supplie, monsieur, de compter sur les sentiments très sincères de votre très humble, etc. »
1 Voir : https://data.bnf.fr/fr/documents-by-rdt/11900414/te/page1
et : https://fr.wikipedia.org/wiki/Claude-Joseph_Dorat
et : https://www.dicocitations.com/auteur/1416/Claude_Joseph_Dorat.php
2 L'original est passé à la vente Lucas de Montigny, 30 avril 1860 ; l'édition C.-J. Dorat , Mes nouveaux torts, 1775, ne donne que des fragments de la lettre ; ici, édition de Kehl .
3 Le poème A ma muse : https://books.google.fr/books?id=Q7eJlqTlDCIC&printsec=frontcover&source=gbs_ge_summary_r&cad=0#v=onepage&q=muse&f=false
4 Il s'agit des vers commençant comme suit :
Bon Dieu, que cet auteur est triste en sa gaieté !
Bon Dieu, qu'il est pesant dans sa légèreté […]
et se terminant par :
Il est, si je l'en crois, un heureux petit-maître ;
Mais si j'en crois ses vers, ah ! Qu'il est triste d'être
Ou sa maîtresse ou son lecteur !
cités dans la Correspondance littéraire . Effectivement ils émanent de Ferney, mais ils sont l’œuvre de La Harpe ; voir : https://www.france-pittoresque.com/spip.php?article7698
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11/08/2022
Dira-t-elle bien non de la manière dont on dit oui ?
... Fermement et sans hésitation, le "NON à Poutine et sa guerre contre l'Ukraine" a mené la journaliste russe Marina Ovsiannikova en prison , ce qui prouve , s'il en était besoin , qu'un ex-petit agent du KGB reste un tordu ennemi de la liberté : https://www.francetvinfo.fr/monde/russie/vladimir-poutine...
Vlad' souviens toi de ce qui est arrivé au dernier tsar de toutes les Russies !
« A Henri-Louis Lekain
4 mars 1767
Je me flatte, mon cher ami, que vous aurez rétabli votre santé quand cette lettre vous parviendra. Je pense que, pour prévenir les éditions dont on me menace de tous côtés, vous devez au moins vous assurer de quatre ou cinq représentations avant Pâques . Mon libraire de Paris tiendrait alors la pièce toute prête pour la rentrée, supposé que cette pièce méritât d’être reprise ; sinon vous vous contenteriez de ces quatre ou cinq représentations, et il n’en serait plus parlé.
On dit que le public n’aime pas Dauberval, et que Grandval conviendrait mieux 1: c’est à vous à décider, et à faire ce que vous trouverez à propos. Sans vous rien ne se peut ni ne se doit faire. Prendrez-vous la peine, mon cher ami, d’adoucir la voix de Mlle Durancy, surtout dans les premiers actes ? Baissera-t-elle les yeux quand il le faut ? Dira-t-elle d’une manière attendrissante :
Si la Perse a pour toi des charmes si puissants,
Je ne te contrains pas, quitte-moi, j’y consens ;
J’en gémirai, Sulma : dans mon palais nourrie,
Tu fus en tous les temps le soutien de ma vie ;
Mais je serais barbare en t’osant proposer
De supporter un joug qui commence à peser, etc. 2.
Pleurera-t-elle, et quelquefois soupirera-t-elle, sans parler ? passera-t-elle de l’attendrissement à la fermeté, dans les derniers vers du troisième acte ? Dira-t-elle bien non de la manière dont on dit oui ? Si elle fait tout cela, ce sera vous qu’il faudra remercier. La pièce est difficile à jouer . Elle a surtout besoin de deux vieillards qui soient naturels et attendrissants. Les succès dépendent entièrement des acteurs . S’il y en avait trois ou quatre comme vous, vos parts seraient au moins de vingt mille livres.
M. de Thibouville a la bonté de se charger de bien des détails. Portez-vous bien ; je vous embrasse de tout mon cœur.
V. »
1 L'édition Lekain atténue : On dit que Grandval conviendrait mieux que d'Auberval [...]
2 Voir Les Scythes, Ac. II, sc. 1 : https://fr.wikisource.org/wiki/Page:Voltaire_-_%C5%92uvres_compl%C3%A8tes_Garnier_tome6.djvu/342
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10/08/2022
Il est certain que si les animaux raisonnaient avec les hommes, ils auraient toujours raison, car ils suivent la nature, et nous l’avons corrompue
... Qu'en dit le béluga égaré en Seine et qu'il aurait fréquentée sans trop de gène si celle-ci n'était pas aussi polluée ? Il ne mange pas, et cela inquiète, il vaudrait mieux se demander quelles saletés il a déjà avalées et dont il ne veut plus . https://www.francetvinfo.fr/animaux/bien-etre-animal/belu...
« A Frédéric II, roi de Prusse
Du 3è mars 1767
Sire,
J’entends très bien l’aventure des deux chiens 1, et je l’entends d’autant mieux que je suis un peu mordu. Mes petites possessions touchent aux portes de Genève. Tout commerce est interrompu par cette ridicule guerre ; elle n’ensanglante pas encore la terre, mais elle la ruine. Vos chiens répondent très pertinemment à nos héros français et bernois. Il est certain que si les animaux raisonnaient avec les hommes, ils auraient toujours raison, car ils suivent la nature, et nous l’avons corrompue.
À l’égard du violon 2, je crains de n’entendre pas le mot de l’énigme 3. Est-ce le roi de Pologne, qui, ne pouvant pas lui-même venir à bout de ses évêques, s’est voulu secrètement appuyer de Votre Majesté, de la Russie, de l’Angleterre, et du Dannemark, et qui n’est actuellement appuyé que de la Russie ? Est-ce l’impératrice de Russie, qui soutient seule à présent le fardeau qu’elle avait voulu partager avec trois puissances ?
Il me paraît que je tourne autour du mot de l’énigme ; mais je peux me tromper ; vous savez que je ne suis pas grand politique.
Votre alliée l’impératrice a eu la bonté de m’envoyer son mémoire justificatif 4, qui m’a semblé bien fait. C’est une chose assez plaisante, et qui a l’air de la contradiction, de soutenir l’indulgence et la tolérance les armes à la main ; mais aussi l’intolérance est si odieuse qu’elle mérite qu’on lui donne sur les oreilles. Si la superstition a fait si longtemps la guerre, pourquoi ne la ferait-on pas à la superstition ? Hercule allait combattre les brigands, et Bellérophon les Chimères ; je ne serais pas fâché de voir des Hercules et des Bellérophons délivrer la terre des brigands et des Chimères catholiques.
Quoi qu’il en soit, vos deux contes sont bien plaisants ; votre génie est toujours le même, votre raison supérieure est toujours ingénieuse et gaie. J’espère que Votre Majesté daignera m’envoyer quelque nouveau conte sur la folie de ne vouloir pas qu’un prince afferme son bien 5, lorsqu’il est permis au dernier paysan d’affermer le sien . Cela ne me paraît pas juste, et mérite assurément un troisième conte.
J’ai eu l’honneur de vous parler, dans ma dernière lettre 6, du nommé Morival, cadet dans un de vos régiments à Vesel ; c’est un jeune homme très bien né, et dont on rend de fort bons témoignages. Est-il convenable qu’il ait été condamné à être brûlé vif chez des Picards, pour n’avoir pas salué une procession de capucins, et pour avoir chanté deux chansons ? L’Inquisition elle-même ne commettrait pas de pareilles horreurs. Pour peu qu’on jette les yeux sur la scène de ce monde, on passe la moitié de sa vie à rire, et l’autre moitié à frémir.
Conservez-moi sire, vos bontés, pour le peu de temps que j’ai encore a végéter et à ramper sur ce malheureux et ridicule tas de boue. »
1 Pour comprendre la lettre de V*, voir la lettre de Frédéric II du 10 février 1767 : https://fr.wikisource.org/wiki/Correspondance_de_Voltaire/1767/Lettre_6736
Voir, dans les Œuvres posthumes de Frédéric, la fable intitulée Les Deux Chiens et l’Homme : http://friedrich.uni-trier.de/fr/oeuvres/12/235/text/?h=les|deux|chiens|et|l%27homme
Voir aussi : https://lepetitjournal.com/berlin/correspondance-chien-frederic-ii-prusse-331278
2 Voir dans les Œuvres posthumes de Frédéric, le Conte du Violon : http://friedrich.uni-trier.de/fr/oeuvres/12/233/text/?h=le|conte|du|violon
3 Frédéric donnera lui-même à V* le mot de l'énigme dans une lettre du 24 mars 1767 : http://friedrich.uni-trier.de/fr/oeuvres/23/145-o2/text/?...|mars|1767
4 Manifeste sur les dissensions de Pologne intitulé Exposition des droits des dissidents joints à ceux des puissances intéressées de les maintenir, que Frédéric II a reçu le 11 février 1767 ; voir Politische Correspondenz, XXVI, 51 , et : https://books.google.fr/books?id=gZ1dAAAAcAAJ&printsec=frontcover&hl=fr&source=gbs_ge_summary_r&cad=0#v=onepage&q&f=false
et page 19 et suiv . : http://friedrich.uni-trier.de/fr/oeuvres/6/19/text/
5 Allusion à un passage de la lettre du 24 octobre 1766 : https://fr.wikisource.org/wiki/Correspondance_de_Voltaire/1766/Lettre_6544
dans laquelle , en réponse à des demandes concernant l'établissement de la « colonie philosophique » à Clèves, Frédéric a écrit : « Les fermes que j'ai en ce pays-là s’amodient, et je ne saurais passer un contrat avec un autre fermier qu'après [que] l’échéance du bail est terminée . »
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09/08/2022
Il est mort en brave homme .
... Daniel Levi , qui s'est bien battu : https://www.youtube.com/watch?v=mCog_OTKjjE
« A David-Louis Constant de Rebecque, seigneur d'Hermenches
3è mars 1767 à Ferney
Je ne pouvais croire, mon cher colonel, que vous eussiez fait ces vers 1 pour ne les point dire ; mais puisque ce n’est qu'un amusement que vous avez voulu vous donner je suis bien loin de le trouver mauvais . Je suis bien aise au contraire qu’on s'amuse de ses talents en tout genre .
Au reste, je vous prie instamment de considérer qu'Athamare ne doit guère faire de compliments sans l'état où il est au quatrième acte . C'est bien assez qu'il dise à Hermodan :
Il m'en coûte
D'affliger la vieillesse et de percer ton cœur
Ton fils eût mérité de servir ma valeur etc.
Il est mort en brave homme .
Il est essentiel qu'il parle un peu durement à Sozame dont il est très mécontent, sans quoi Sozame paraîtrait trop cruel de ne pas s'opposer au sacrifice au cinquième acte en présence des Scythes . Enfin il me paraît qu'Athamare ne doit parler qu'en maître à Sozame au milieu du tumulte du quatrième acte .
J'ai changé quelque chose à Sozame dans le cinquième, mais je ne vous l'envoie point afin de ne point fatiguer la mémoire des acteurs .
Je vous prie surtout de considérer que si Athamare disait : Peins mon désespoir à Hermodan, les Scythes paraîtraient beaucoup trop barbares en le condamnant à mort . Vous conviendrez bien encore que quand un homme est présent on ne dit point à un autre, peins-lui mon désespoir ; on s'adresse à lui-même . Enfin, vous jugerez qu'il ne doit point être désespéré d'avoir tué un rival qui lui a parlé très insolemment .
Vous savez sans doute que retard ne se dit point dans la poésie noble 2, et qu'il n'y en a aucun exemple .
On ne peut être plus sensible que je le suis à toute la bonté que vous avez . Deux de nos acteurs de Ferney ont été obligés d'aller à Lyon, ainsi nous ne jouerons pas la pièce aussitôt que nous l’espérions . Une maladie de Lekain est cause aussi d'un retardement ou d'un retard à Paris . S'il arrivait quelque inconvénient pareil à Lausanne, je vous prie de m'en avertir . Je compte toujours que la pièce restera fidèlement entre vos mains . Et quelque chose qu'il arrive je n'ai que des grâces à vous rendre . »
1 Voir lettre du 24 février 1767 à Constant de Rebecque : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2022/07/25/tu-peux-pretendre-a-tout-en-marchant-sous-ma-loi-6393583.html
2 Curieuse remarque sur retard . Effectivement c'est le mot ancien retardement que l'on retrouve ordinairement à sa place jusqu'au XVIIIè siècle .
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08/08/2022
Je vous l'ai déclaré, Je respecte un usage en ces lieux consacré
... Parler librement .
« A Henri Rieu
2 mars 1767
Mon cher corsaire, puisque vous voulez qu'on joue Les Scythes,il faut tâcher, non seulement qu'ils soient bien joués, mais qu'ils soient dignes de l'être . C'est à la première scène du cinquième acte :
Sozame a-t-il appris à sa fille qui m’aime,
Les rites consacrés de cette loi suprême ?
Obéide
Je n'en apprends que trop .
Sozame
Je vous l'ai déclaré,
Je respecte un usage en ces lieux consacré ;
Mais des sévères lois par vos aïeux dictées
Les têtes de nos rois pourraient être exceptées .
Le Scythe
Plus les princes sont grands et plus nos autels , etc.
Si j'ai un peu de loisir, je viendrai quelque jour faire une répétition chez M. Hennin ou chez vous . Mais je n'ai ni loisir ni santé . En attendant que j'aie l'un et l'autre que je n'aurai peut-être point, je vous prie de vous faire représenter le rôle d'Obéide et celui de Sozame et de faire coller avec des petits pains le changement que je vous envoie .
Tout Ferney embrasse notre cher corsaire . Mille tendres respects à toute la famille .
V. »
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07/08/2022
ses sentiments se déploient sur le pont aux ânes des imprécations, pont aux ânes que l’on passe toujours avec succès
... Mélenchon en est un parfait exemple, montrant par là, soit une grande lâcheté face à la puissance chinoise, soit un puant irrespect de la démocratie , et finalement les deux à la fois : https://www.ouest-france.fr/politique/jean-luc-melenchon/...
« A Henri-Louis Lekain
2è mars 1767
Mon cher ami, vous êtes bien sûr que je m’intéresse plus à votre santé qu’à tous les Scythes du monde. Ménagez-vous, je vous en prie ; il faut se bien porter pour être héros : tous ceux de l’antiquité avaient une santé de fer. Il importe fort peu qu’on joue les Scythes devant ou après Pâques ; mais, si vous en pouvez donner quatre ou cinq représentations avant la fin du carême, je vous conseille de ne pas perdre ces quatre ou cinq bonnes chambrées, parce qu’il est presque impossible que dans la quinzaine de Pâques l’édition de Cramer ne devienne publique.
Je n’avais point eu dessein d’abord de faire jouer cette pièce, et la préface l’indique assez ; mais, puisqu’on la joue à Genève, à Lausanne et chez moi, et qu’on la jouera à Lyon et à Bordeaux, il est bien juste que vous en donniez quelques représentations. Comptez que j’aurai soin de vos intérêts dans l’édition qu’on en fera à Paris, quoiqu’il soit difficile d’obtenir des libraires des conditions aussi favorables pour une pièce déjà imprimée que pour une qui serait toute neuve.
Je vous prie de vous amuser, pendant votre convalescence, à faire collationner sur les rôles tous les changements que je vous ai envoyés. En voici un que je vous recommande : c’est à la première scène du cinquième acte. Il m’a paru, à la représentation, que c’était à Sozame à parler avant sa fille, et qu’Obéide devait être trop consternée pour répondre à la proposition qu’on lui fait d’immoler Athamare. Voici ce petit changement :
Obéide
Je n’en apprends que trop.
Sozame
Je vous l’ai déclaré 1:
Je respecte un usage en ces lieux consacré ;
Mais des sévères lois par vos aïeux dictées,
Les têtes de nos rois pourraient être exceptées.
Le Scythe
Plus les princes sont grands, etc.
Au reste, je ne compte sur le rôle d’Obéide qu’autant que vous voudrez bien conduire l’actrice. Vous avez reçu sans doute l’imprimé en marge duquel j’ai écrit mes petites indications. Ce personnage exige une douleur presque toujours étouffée, des repos, des soupirs, un jeu muet, une grande intelligence du théâtre. Ce n’est guère qu’au cinquième acte que ses sentiments se déploient sur le pont aux ânes des imprécations, pont aux ânes que l’on passe toujours avec succès.
Mme Denis vous fait mille compliments ; elle ne joue plus la comédie, ni moi non plus ; mais M. de La Harpe est un excellent acteur. Je vous embrasse de toute mon âme. »
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