03/02/2023
Je suis forcé de le renvoyer
... pourrait dire Emmanuel Macron contre Laurent Berger : https://www.ladepeche.fr/2023/03/11/reforme-des-retraites...
« A Pierre-Michel Hennin
Voici un pauvre garçon bien malheureux . Voyez, monsieur, ce que votre compassion peut faire pour lui . Il a eu le malheur d'être capucin . Je l'avais recueilli chez moi ; il lui est échappé quelques paroles indiscrètes dans un cabaret . Le curé a soulevé les habitants contre lui . On veut lui faire un procès criminel . Je suis forcé de le renvoyer . Il est fidèle, discret, et sait copier . Si vous pouvez le placer, je ne crois pas que vous en ayez des reproches . S'il peut vous être utile, il vous coûtera peu . Adieu monsieur, je vous vois toujours trop peu . Vous connaissez mes tendres et respectueux sentiments pour vous .
V.
Mardi [14 juillet 1767 ?]1»
1 Manuscrit olographe . Édition Correspondance inédite, 1825, qui place cette lettre fin 1767 .
Le capucin défroqué dont il s'agit ici est Bastian, que V* a recueilli à l'automne 1765 ; voir lettre du 7 octobre 1765 à Fabry : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2021/02/04/j-ose-vous-demander-votre-protection-monsieur-pour-ce-pauvre-6295456.html
et du 13 novembre 1765 à d'Argental : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2021/03/07/o-welches-vous-n-avez-pas-le-sens-d-une-oie-6301969.html ; V* le renvoya vers le milieu de juillet 1767 et Bastian partit pour Lyon en volant l'écrivain ( voir lettre du 27 juillet 1767 à Tabareau : http://www.monsieurdevoltaire.com/2015/06/correspondance-annee-1767-partie-42.html ) . Ce détail fait penser que le « procès criminel' qu'on voulait lui faire était fondé sur autre chose que « quelque paroles indiscrètes ».
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02/02/2023
vous m'avez comblé à Paris de vos bons offices, comme si je les avais mérités
... Je ne puis, hélas , en dire autant pour moi ; ce qui au reste n'intéresse personne, il est vrai .
« A François-Gabriel Le Fournier, chevalier de Wargemont
A Ferney, 13 juillet.
Je suis pénétré, monsieur, des attentions et des bontés dont vous m'honorez. Il est bien rare qu'on se souvienne à Paris des solitaires qu'on a vus en passant dans des retraites ignorées. A peine ma vieillesse et mes maladies m'ont-elles permis de vous faire ma cour, lorsque vous êtes venu dans nos cabanes, et cependant vous m'avez comblé à Paris de vos bons offices, comme si je les avais mérités. Vous avez fait bien plus , je vous dois la protection de Mme de Beauharnais 1 dont l'esprit et la beauté sont connus même dans notre pays sauvage.
Si je puis trouver à Genève ou à Bâle quelques nouveautés dignes de votre curiosité, je ne manquerai pas de vous les envoyer à l'adresse que vous avez bien voulu me donner.
Je vous supplie, monsieur, d'agréer la très respectueuse reconnaissance de votre très humble et très obéissant serviteur
Voltaire .
13è juillet 1767 à Ferney. »
1 Marie-Anne-Françoise Mouchard, comtesse de Beauharnais (Fanny de Beauharnais ) : https://fr.wikipedia.org/wiki/Fanny_de_Beauharnais
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01/02/2023
Faites-vous un ami propre à vous censurer
... Il semble bien que le président et ses partisans y ont parfaitement réussi , quoique "ami" est, pour ceux-ci, bien exagéré .
« A Charles Bordes
Acte Vè, scène première après de vers :
Le cœur du criminel qui ravit son bonheur
Obéide
Moi vous venger ? Sur qui ? De quel sang ? Ah ! Mon père
Hermodan
Le ciel t'a réservé ce sanglant ministère .
Un Scythe
C'est ta gloire et la nôtre .
Sozame
Il me faut révérer
Les lois que vos aïeux ont voulu consacrer,
Mais le danger les suit : les Persans sont à craindre ,
Vous allumez la guerre et ne pourrez l'éteindre.
Le Scythe
Ces Persans que du moins nous croyons égaler
Par ce terrible exemple apprendront à trembler.
Hermodan
Ma fille, il n'est plus temps de garder le silence ;
Le sang d'un époux crie et ton délai l'offense .
Obéide
Je dois donc vous parler . Peuple, écoutez ma voix.
Je pourrais alléguer sans offenser vos lois
Que je naquis en Perse, et que ces lois sévères,
etc., comme dans la copie envoyée à l'imprimeur .
N.B. -- Après ce vers du Scythe : Tremble de rejeter un droit si légitime, mettez :
Obéide ( après quelques pas et un long silence )
Je l'accepte.
Scène IIde
Obéide
Eh bien que ferez-vous ? Corrigez : Eh bien qu'ordonnez-vous ?
Même scène IIde:
Obéide
Vivez, ayez -en le courage.
Les Persans croyez- moi vengeront leur outrage .
Mettez :
Les Persans disiez-vous vengeront leur outrage .
N. B. -- Tous les éditeurs ont mis dans l'avis au lecteur, page 77, ligne 2de : Ennemis des lois et de la sienne ; il faut : Ennemis des lois et de la science .
Je trouve mon cher confrère vos critiques très justes .
Faites-vous un ami propre à vous censurer .1
Je vous remercie autant que je vous aime . Que dites-vous de La Beaumelle ? Est-ce ainsi bon Dieu que sont faits les gens de lettres ? Voila mes ennemis depuis l'abbé Desfont 2.
Vous y consentez tous me paraît nécessaire et a été très bien reçu ainsi que tout le cinquième acte.
Continuez-moi vos bontés .
V.
13 juillet [1767] 3»
1 D'après Boileau, L'Art poétique, I, 186 : http://wattandedison.com/Nicolas_Boileau1.pdf
2 Desfontaine .
3Original autographe à parti de Je trouve mon cher confrère : l »édition Cayrol ne donne que la partie autographe .
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31/01/2023
On est toujours maladroit en feignant les sentiments qu'on n'a pas
...
« A Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand
[vers le 12 juillet 1767]1
[Ne mentionne pas Catherine II . Plaint Mme Du Deffand d'être aveugle .]
1 Cette lettre n'est pas connue, seulement mentionnée par Mme Du Deffand dans une lettre du 17 juillet à la duchesse de Choiseul : « J'ai reçu une lettre de Voltaire dont vous seriez bien mécontente . Cependant il ne me parle plus de la czarine . Mais il ne cesse de s'attendrir sur les malheurs de mon état, et il ne tient pas à lui d'en augmenter l'horreur par l'excès de sa compassion . On est toujours maladroit en feignant les sentiments qu'on n'a pas [...] » Du Deffand, I, 130.
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30/01/2023
C'est du moins une consolation pour moi d'avoir à défendre la mémoire de Louis XIV et l'honneur de la famille royale
... Stéphane Bern sort de ce corps : https://www.dailymotion.com/video/x37m78c
« A Etienne-Noël Damilaville
11 juillet 1767
Il est trop certain, mon cher ami, que les protestants de Guyenne sont accusés d'avoir voulu assassiner plusieurs curés 1, et qu'il y a près de deux cents personnes en prison à Bordeaux pour cette fatale aventure, qui a retardé l'arrivée de M. le maréchal de Richelieu à Paris. C'est dans ces circonstances odieuses que l'infâme La Beaumelle m'a fait écrire des lettres anonymes. J'ai été forcé d'envoyer aux ministres le mémoire ci-joint 2. C'est du moins une consolation pour moi d'avoir à défendre la mémoire de Louis XIV et l'honneur de la famille royale, en prenant la juste défense de moi-même contre un scélérat audacieux, aussi ignorant qu'insensé. J'ai toujours été persuadé qu'il faut mépriser les critiques, mais que c'est un devoir de réfuter la calomnie. Au reste, j'ai mauvaise opinion de l'affaire des Sirven. Je doute toujours qu'on fasse un passe-droit au parlement de Toulouse en faveur des protestants, tandis qu'ils se rendent si coupables, ou du moins si suspects. Tout cela est fort triste ; les philosophes ont besoin de constance.
On dit qu'il n'y a point de M. Mercier, que c'est un nom supposé 3 . Cela est-il vrai ? »
1 A Sainte-Foy, sur les frontières du Périgord ; voir lettre du 26 juin 1767 et autres.
2 Voir lettre du 8 juillet 1767 à Saint-Florentin : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2023/03/08/vous-daignerez-lire-avec-les-yeux-d-un-sage-et-d-un-ministre-6432007.html
3 Allusion probable à L'Homme sauvage : https://books.google.fr/books?id=T3tef4OdXroC&printsec=frontcover&hl=fr&source=gbs_ge_summary_r&cad=0#v=onepage&q&f=false
Tout le paragraphe est du reste supprimé dans la copie Darmstadt et dans les éditions et remplacé par : Adieu, mon cher ami ; je n'ai pas un moment à moi ; je fais la guerre en mourant .
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29/01/2023
On doit mépriser les critiques, mais il faut confondre les calomniateurs
... En tout temps et en tout lieu .
« A Charles Bordes
10 juillet [1767]
Mon cher confrère en académie, et mon frère en philosophie, mille grâces vous soient rendues de toutes les peines que vous daignez prendre . Je n'aime pas les h aspirés, cela fait mal à la poitrine je suis pour l'euphonie. On disait autrefois je hésite, et à présent on dit j'hésite; on est fou d'Henri IV, et non plus de Henri IV. On achète du linge d'Hollande, et non plus de Hollande 1. Ce qu'on n'adoucira jamais, c'est la canaille de la littérature. Vous en voyez une belle preuve dans ce maraud de La Beaumelle, qui m'a adressé la plupart de ses lettres anonymes par Lyon où il faut qu'il ait quelque correspondant. La dernière était datée de Beaujeu, auprès de Lyon. Je crois que ni les ministres, ni monsieur le chancelier, ni la maison de Noailles, ni même la maison royale, ne seront contents de ce La Beaumelle. En vérité, ceci est plutôt un procès criminel qu'une querelle littéraire. Ce n'est pas le cas de garder le silence. On doit mépriser les critiques, mais il faut confondre les calomniateurs. On doit encore plus vous aimer.
Voici une petite brochure 2 en réponse à une grosse brochure. S'il y a quelque chose de plaisant, amusez-vous-en passez ce qui vous ennuiera. Faites-moi votre bibliothécaire, je vous enverrai tout ce que je pourrai faire venir des pays étrangers. Bientôt nous ne pourrons plus avoir de France que des almanachs, ou des fréronades, ou du journal chrétien. Si je suis votre bibliothécaire, soyez, je vous prie, mon Aristarque.
Je recommande la Scythie à vos bontés. »
1 Dans le cas d'hésiter c'était une simple question d'orthographe, on n'a jamais dit je / hésite . Dans le cas d'Henri et de Hollande, le h d'origine germanique s'est prononcé et en conséquence l'e est resté non élidé devant ces mots . Pourtant au XVIIè siècle on disant d'Hollande et non de Hollande et l'évolution a été à l'inverse de ce que dit V*.
2 La Défense de mon oncle : voir tome XXVI, page 367 : https://fr.wikisource.org/wiki/La_D%C3%A9fense_de_mon_oncle/%C3%89dition_Garnier
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28/01/2023
on m'a même pris quatre-vingts arpents de terre pour ces nouvelles routes; mais je sais sacrifier mon intérêt particulier au bien public
... Un certain nombre de nantis devraient bien en prendre de la graine .
« A François Achard Joumard Tison, marquis
d'Argence, etc.
à Angoulême
10 juillet.
Votre vieux philosophe est bien fâché de n'avoir pu voir apparaître encore dans son ermitage le philosophe militaire de Dirac. Comptez, monsieur, que je sens toute ma perte. Je ne sais si la nouvelle que vous m'avez apprise d'une émeute des calvinistes, auprès de Sainte-Foy, a eu des suites. On m'a mandé qu'on avait démoli un temple auprès de la Rochelle, et qu'il y avait eu du monde tué mais je me défie de tous ces bruits, et je me flatte encore qu'il n'y a pas eu de sang répandu. Il ne faut croire le mal que quand on ne peut plus faire autrement. Notre petit pays est plus tranquille, malgré la prétendue guerre de Genève. Nous sommes entourés des troupes les plus honnêtes et les plus paisibles . Il n'y a rien eu de tragique que sur le théâtre de Ferney, où nous leur avons donné les Scythes et Sémiramis . De grands soupers ont été tous nos exploits militaires.
Le ministère a daigné jeter les yeux sur notre pays de Gex. On y fait de très beaux chemins on m'a même pris quatre-vingts arpents 1 de terre pour ces nouvelles routes; mais je sais sacrifier mon intérêt particulier au bien public.
On a des copies très imparfaites de la petite plaisanterie de la Guerre de Genève on a mis Tissot'2, au lieu d'un médecin nommé Bonnet, qui aimait un peu à boire . Le mal est médiocre. Aimez toujours un peu le vieux solitaire.
V.
J'apprends, dans ce moment, qu'il y a beaucoup de monde décrété à Bordeaux, que le curé n'est pas mort, et qu'on est fort déchaîné contre les calvinistes.
V. »
2 Le nom de Tissot n'est dans aucune des éditions que j'ai vues; dans toutes on lit Bonnet. (Beuchot ). Voir le chant III de la Guerre civile de Genève : page 34 et suiv. : https://books.google.fr/books?id=Gy8HAAAAQAAJ&printse...
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