16/06/2022
Il ne m’a guère été possible de voir les choses d’un coup d’œil bien juste, dans les horreurs des agitations que j’ai éprouvées
... Conclusion et tentative désespérée d'un candidat au Bac pour arracher une note au moins passable . Il est vrai que certains ont une philosophie qui peut dérouter : https://www.sofoot.com/on-a-passe-l-epreuve-de-philo-du-b...
« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental
9è février 1767 1.
Avant de recevoir la lettre de la main de mon ange, du 2 février reçue le 8, je lui avais écrit par M. de Courteilles ; et je lui avais envoyé sous enveloppe de M. le duc de Praslin deux exemplaires des Scythes corrigés, et j'en avais donné avis à M. de Thibouville.
Voici d’abord ce que je réponds à la lettre du 2è février de mon cher ange. Je le donne en quatre, je le donne en dix, à une âme plus forte que la mienne, logée dans un corps très faible, âgée de soixante et treize ans, au milieu de cent montagnes de neige, ayant affaire à des pédants et à des prêtres, craignant les choses les plus funestes, assaillie de quatre ou cinq tristes événements à la fois, affublée d’une espèce de petite apoplexie, je dis que cette âme aurait été pour le moins aussi embarrassée que la mienne .
Cependant mon âme, encore tout ébouriffée, demande très tendrement pardon à la vôtre, et elle lui sera toujours soumise.
Vous jugez, mon cher ange, de notre pays par le nôtre 2; vous vous imaginez, parce que vous avez eu une débâcle, que le mont Jura et les Alpes prennent la loi de la butte Saint-Roch ; vous vous trompez cruellement.
Je ne dispute pas sur M. le duc de Virtemberg, mais je souhaite assurément que vous ayez raison ; je ne me suis pas encore aperçu de l’effet de ses beaux arrangements. Il est temps qu’il se corrige de sa manie d’imiter Louis XIV. Mais venons au plus vite aux Scythes.
Voici la dernière leçon. Il ne m’a guère été possible de voir les choses d’un coup d’œil bien juste, dans les horreurs des agitations que j’ai éprouvées. Je joins ici deux exemplaires de cette nouvelle correction, que vous pourrez aisément faire porter sur les anciennes éditions que vous avez, et surtout sur celles envoyées en dernier lieu par M. le duc de Praslin.
Cette scène du père et de la fille est de moitié plus courte qu’elle n’était ; ni Sozame, ni les Scythes, ne se doutent de la résolution d’Obéide, Les imprécations feront toujours un très grand effet, à moins qu’elles ne soient ridiculement jouées. Je conviens que ce cinquième acte était extrêmement difficile, mais enfin je crois être parvenu à faire à peu près tout ce que vous vouliez, et j’ose espérer que vous en viendrez à votre honneur. Ce sera à M. de Thibouville à arranger les rôles, les décorations, et les habits avec Lekain ; c’est de toutes les pièces celle qui exige le moins de frais.
Le rôle d’Obéide demande d’autant plus d’art qu’elle pense presque toujours le contraire de de qu’elle dit. Je ne sais pas comment j’ai pu faire un pareil rôle, qui est tout l’opposé de mon caractère. Je ne dis que trop ce que je pense ; mais je le dis avec tant de plaisir quand je m’étends sur les sentiments qui m’attachent à mes anges, que je ne me corrigerai jamais de ma naïveté.
J’ai oublié, dans mes dernières lettres, de vous dire qu’il était impossible qu’on pût penser à Lekain dans cette édition du Triumvirat. Vous savez qu’on ne fait pas ce qu’on veut des libraires ; et moi, je sais ce que c’est que d’être loin de Paris.
Quant aux affaires de Genève, elles s’arrangeront sans doute, car elles ne sont que ridicules ; elles ne méritent qu’un lutrin. J’en avais ébauché quelque chose 3 pour vous faire rire, et pour faire rire MM. les ducs de Choiseul et de Praslin ; mais, pendant tout le mois de janvier, je n’ai pas eu envie de rire.
Respect et tendresse.
N. B. – J'envoie à M. de Thibouville la copie des nouveaux changements ci-joints, en supposant que vous lui avez communiqué un des deux derniers exemplaires . »
1 L'édition de Kehl omet le premier et le dernier paragraphes qui manquaient dans la copie Beaumarchais .
2 Lapsus de V* ou du secrétaire, il faut comprendre « qui jugez de notre pays par le vôtre ».
3 Voir le poème de la Guerre civile de Genève : https://books.google.fr/books?id=A6wWAAAAQAAJ&printsec=frontcover&hl=fr&source=gbs_ge_summary_r&cad=0#v=onepage&q&f=false
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15/06/2022
Je n'ai pu vous remercier de votre almanach , ni le lire
... Aussi ne voterai-je pas pour vous ! Ni pour un.e autre d'ailleurs !
« A Jacques Lacombe
Libraire
Quai de Conti
à Paris
La cruelle saison que nous éprouvons dans nos climats, monsieur, m'a réduit à un état qui ne m'a pas permis de répondre aussitôt que je l'aurais voulu à vos judicieuses lettres . Je n'ai pu vous remercier de votre almanach 1, ni le lire . Les neiges dans lesquelles je suis enterré, ont attaqué mes yeux plus violemment que jamais ; on dit que c'était la maladie de Virgile ; je n'ai que cela de commun avec lui . Je n’ai ni son talent, ni la faveur d'Auguste , et je ne crois pas que je soupe jamais avec M. de Laverdy, comme Virgile avec Mécène .
Je vous enverrai, n'en doutez pas Les Scythes que je vous ai promis, et qui sont à vous . Je suis dans leur pays, et j'attends les dernières résolutions de quelques amis que j'ai encore à Babylone pour savoir si l'impression doit précéder la représentation .
J’ai quelque part, il est vrai, aux notes sur Le Triumvirat ; j'ai pu même prêter quelques vers à l'auteur, mais la pièce n'est point de moi ; le fond est d'un homme qui veut être inconnu, et qui vaut mieux que bien des gens qui cherchent à se faire connaître . Il vous aurait eu beaucoup d'obligation si vous aviez été aussi modeste que lui, et si vous n'aviez pas tiré douze cents exemplaires d'un ouvrage qui n'en demandait tout au plus que sept cents . Il n'y a certainement pas dans Paris mille deux cents personnes qui s’intéressent aux affaires de l'ancienne Rome . Cela était bon dans le temps du cardinal de Richelieu et du cardinal de Retz.
Vous me feriez plaisir, monsieur, de vouloir bien me faire avoir L'Histoire d'Italie et de la comtesse Mathilde par M. de Saint-Marc 2.
On ne peut vous être plus attaché, monsieur, que votre très humble et très dévoué serviteur
V.
7è février 1767. »
1 Jean-Louis Castilhon : Almanach philosophique en quatre parties (Goa [Bouillon] , 1767 ) . Voir : https://dictionnaire-journalistes.gazettes18e.fr/journaliste/146-jean-louis-castilhon
2 Charles-Hugues Le Febvre de Saint-Marc : Abrégé chronologique de l'histoire générale d'Italie, 1761-1770 . Voir : https://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb13177941z
et : https://dictionnaire-journalistes.gazettes18e.fr/journaliste/490-charles-lefebvre-de-saint-marc
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14/06/2022
C’est un pauvre diable de mes amis de Paris que je veux obliger. Je vous supplie de m’aider
... Ainsi font campagne, en tout lieux et par tous les temps , les supporters d'Emmanuel Macron et ceux qui veulent se faire élire sous la bannière Renaissance =LREM- MoDem- Horizons- Agir - Territoires de progrès- Parti radical ... N'en jetons plus, la coupe est pleine : et dire que personne n'a alors parlé d' "événement historique" comme certains immodestes célèbres .
J.-L. M. : premier ministre
« A Pierre-Michel Hennin
7è février 1767, à Ferney
Je ne sais comment faire, monsieur, pour faire parvenir franc de port à son adresse ; et on a volontiers recours à vous, quand on ne sait comment faire. C’est un pauvre diable de mes amis de Paris que je veux obliger. Je vous supplie de m’aider.
Vous connaissez sans doute le résident de Hambourg 1. Voulez-vous bien lui envoyer le paquet, le prier de l’affranchir de Hambourg à Pétersbourg, et me permettre de vous rembourser les frais ? Cela doit être sans cérémonie.
Je commence à détester ce climat-ci. Il n’y a que vous qui puissiez me le faire supporter. Il n’y a que la vue d’agréable dans le pays de Gex, et je perds les yeux.
Toute notre maison vous fait les plus tendres compliments.
V. »
1 Lagau, consul de France à Hambourg . Voir : https://www.siv.archives-nationales.culture.gouv.fr/siv/rechercheconsultation/consultation/ir/pdfIR.action?irId=FRAN_IR_027830
et : https://www.siv.archives-nationales.culture.gouv.fr/siv/r...
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13/06/2022
Mon cher président, tout ce que vous me mandez est incroyable, tout vrai qu’il est
... Avoir un gouvernement de cohabitation avec le "généreux" Mélenchon (formidable avec l'argent des autres ) ? Vous n'y pensez pas ! Si ? Il pourrait y avoir de l'émigration bientôt !
« A Germain-Gilles-Richard de Ruffey le Président, etc.
à Dijon
6è février 1767, à Ferney
Mon cher président, tout ce que vous me mandez est incroyable, tout vrai qu’il est. Il ne faut jamais faire des plaisanteries à des compagnies, et celle-ci est trop forte ; il est impossible qu’on la souffre. Il y a tant de choses à dire sur cette espièglerie que je ne dis mot ; mais je crois que M. Le Bault est un homme trop considérable pour souffrir une telle accolade.
Je vous dépêcherai les feuilles en question dès que les chemins seront un peu plus praticables. Nous sommes bloqués par les neiges et par la guerre : nous manquons de tout ; je suis malade dans mon lit ; voilà mon état.
Je vous embrasse et je vous aime tout comme si je me portais bien. On ne peut vous être plus tendrement dévoué que moi.
V. »
18:19 | Lien permanent | Commentaires (0)
Vous sentez, monsieur, combien je dois être flatté de l’honneur de vous avoir pour confrère . Mais entre nous (permettez moi de vous le dire sous le secret) nous avons un étrange associé
... Extrait de conversation surprise dès ce jour entre candidats députés et députés en place , entre postulants de toutes tendances , surtout (sauf erreur ! ) chez la gauche bâtarde et la droite extrême prêtes à toutes les compromissions .
https://www.linternaute.com/?gbmlus=07b4a7d1c939ab997cf79...
« A Antoine-Jean-Gabriel Le Bault
À Ferney, 6 février 1767
Vraiment, monsieur, quand vous voudrez, vous nous ferez grand plaisir de combattre nos abominables neiges avec quarante bouteilles d’excellent vin. Il n’y aurait qu’à les faire adresser par la veuve Rameau, à Nyon, où je les enverrais chercher. Je suis plus las de ma Sibérie que je ne le suis de la guerre de Genève, L’hiver y est pire qu’à Pétersbourg, de l’aveu de tous les Russes qui sont venus chez nous. C’est acheter trop cher quatre mois d’un été agréable. Le plaisir du plus bel aspect du monde n’est pour moi qu’une privation quand je perds la vue ; en un mot, je voudrais venir boire votre vin à Dijon.
Ne croyez pas au reste que notre guerre genevoise soit une pure plaisanterie. Nous n’avons plus de commerce ni avec la Savoie, ni avec Lyon, ni avec la Suisse : il faut tout faire venir avec des frais immenses. Plus notre maison est grosse, plus nous souffrons.
Vous sentez, monsieur, combien je dois être flatté de l’honneur de vous avoir pour confrère 1. Mais entre nous (permettez moi de vous le dire sous le secret) nous avons un étrange associé 2. C’est un tour sanglant qu’on a fait à l’Académie, je ne crois pas qu’elle doive le souffrir. Il est honteux surtout que la nomination d’un homme de votre considération soit l’époque d’une pareille insulte. Un geôlier honoraire n’est guère fait pour être académicien honoraire. Toutes les bienséances sont trop blessées 3.
Je prends la liberté de vous parler avec une confiance que m’inspire mon respectueux attachement pour vous. Vous ne me décèlerez pas.
Mme Denis vous présente ses obéissances ainsi qu’à Mme Le Bault.
J’ai l’honneur d’être avec bien du respect, monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur.
Voltaire. »
1 Le Bault a été élu à l'Académie de Dijon le 16 janvier 1767 .
2 Il sera de nouveau question de cet « étrange associé » dans la lettre suivante, sans que l'allusion puisse être éclaircie de façon sûre .
3 Il s’agit de l’Académie de Dijon. Voltaire en avait été reçu membre le 3 avril 1761. Nous n’aurons pas l’indiscrétion de rechercher à qui peut s’appliquer l’épithète de geôlier honoraire. (Note du premier éditeur. Mandat-Grancey) — La lettre du 6 février 1767 à de Ruffey a trait sans doute au même sujet : https://fr.wikisource.org/wiki/Correspondance_de_Voltaire...
10:55 | Lien permanent | Commentaires (0)
Nous sommes en guerre, je suis malade, et j’ai manqué un jour de bouillon
... dit le président .
La majorité présidentielle risque fort de boire ce bouillon dimanche prochain, véritable soupe à la grimace , sauce NUPES - bleu Marine dure à avaler . On va fort tchatcher ces jours-ci .
« A François de Chennevières
Ferney, 6 février 1767 1
Vraiment, mon cher ami, vous auriez bien raison de me venir voir . J’appartiens de droit à présent à vos hôpitaux militaires. Nous sommes en guerre, je suis malade, et j’ai manqué un jour de bouillon. J’ai été bloqué par le cordon de troupes qui entoure Genève ; mais M. le duc de Choiseul a eu pitié de moi. Je ne m’en porte pas mieux . Je suis au milieu de trente lieues de neiges, impotent et perdant les yeux . C’est mon revenu de tous les hivers. Je commence à me dégoûter fort de la retraite que j’ai choisie. Elle ne produit rien ; il n’y a de beau que le paysage, et cette beauté n’est pas pour les aveugles. Je ne sais comment les choses de ce monde sont arrangées, mais il me semble qu’on finit toujours tristement. »
1 Copie par Boissy d'Anglas (Clarke).
10:08 | Lien permanent | Commentaires (0)
12/06/2022
Je trouve que de tous les fléaux la crainte est encore le pire ; elle glace le sang
...
« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental
et à
Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d'Argental
6 février 1767
Votre créature l’a échappé belle, mes divins anges. Les conseillers d’État, les neiges et les maladies attachées à l’âge et à la rigueur du climat, me réduisaient à une pénible situation. Je trouve que de tous les fléaux la crainte est encore le pire ; elle glace le sang, elle n’a donné une espèce d’attaque d’apoplexie. Béni soit monsieur le vice-chancelier 1, qui a été mon premier médecin ! Mais jugez si j'ai pu, pendant un mois de transes continuelles, faire à ces pauvres Scythes ce que j’aurais fait si mon pauvre corps et mon âme avaient été moins tourmentés et moins affaiblis. Tels qu’ils sont, ils pourront ne pas déplaire, puisqu’ils ne nous déplaisent pas et que nous sommes difficiles. Nous en avons suspendu les répétitions, parce que la rigueur de la saison a augmenté dans notre Sibérie, et que nous sommes tous malades. Il n’y à plus moyen de tenir à mon âge dans ce climat, qui est aussi horrible pendant l’hiver qu’il est charmant pendant l’été. Vous, qui n’avez pour montagne que Montmartre et les Bonshommes 2, jouissez en paix de vos doux climats. Je me flatte que vous aurez un très beau temps le carême, et que les Scythes pourront faire quelque plaisir à mes chers compatriotes, qui sont quelquefois si difficiles et quelquefois si indulgents. Les affaires les plus désespérées peuvent réussir, et j’en ai une bonne preuve. On dit qu’il faut remercier deux ou trois maîtres des requêtes qui sont parents de l’abbé Mignot ; mais sans monsieur le vice-chancelier, il n’y avait rien de fait. Je n’avais l’honneur de le connaître que pour avoir joué aux échecs avec lui, il y a plus de cinquante ans ; il pouvait me faire échec et mat cette fois-ci d’un seul mot.
Je ne puis plus rien faire aux Scythes ; je suis dans un état trop triste pour penser à des vers, et même à de la prose ; je suis anéanti. Les deux derniers exemplaires, que je vous ai envoyés par M. le duc de Praslin, peuvent être regardés comme mon testament. Il sera aisé à Lekain de faire porter sur les autres exemplaires les corrections qui sont dans ces derniers. J’aurais voulu finir ma carrière par quelque chose de plus fort et de plus digne de vous ; mais il est aussi difficile d’atteindre le but qu’il est aisé de l’apercevoir. La critique est aisée, et l’art est difficile 3.
M. de Chauvelin n’a envoyé des idées ingénieuses pour le cinquième acte ; mais entre les choses ingénieuses et les théâtrales, il y a un espace immense. Une chose dont je répondrais, c’est que si on joue le cinquième acte comme Mme de La Harpe, il fera plaisir aux Parisiens. Enfin j’ai jeté mes filets en votre nom, et je ne dois plus qu’attendre paisiblement la fin du carnaval.
Respect et tendresse.
V.»
1 Maupéou .
2 Le terrain de l'ancien palais des Tournelles sur l’emplacement duquel a été bâti un monastère de minimes .
3 Les Glorieux, ac. II, sc. 5, vers 690 ,de Destouches : http://www.theatre-classique.fr/pages/pdf/NERICAULT_GLORIEUX.pdf
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