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28/03/2020

Je me suis tenu à Ferney pendant tous ces troubles 

...Et je m'y tiendrais jusqu'à ordre contraire, si j'avais le plaisir d'y vivre !

Et puis : https://www.youtube.com/watch?v=M0ny6S7ndFA

Patrimoine - Mairie de Ferney-Voltaire

 

 

 

« A Etienne-Noël Damilaville

15è janvier 1765

Mon cher frère, Jean-Jacques est en horreur dans sa patrie, chez tous les honnêtes gens ; et ce qu’il y a de pis, c’est que son livre est ennuyeux. Je croyais vous avoir mandé que la petite brochure est d’un nommé Vernes 1 qui en a déjà fait trois ou quatre aussi mauvaises les unes que les autres . J’ai été bien aise de détromper madame la maréchale de Luxembourg, à qui Jean-Jacques avait fait accroire que je le persécutais, parce qu’il m’avait offensé ridiculement. Je lui avais offert, malgré ses sottises, un sort aussi heureux que celui de mademoiselle Corneille ; et si, au lieu d’un quintal d’orgueil, il avait eu un grain de bon sens, il aurait accepté ce parti. Il s’est cru outragé par l’offre de mes bienfaits. Il n’est pas Diogène, mais le chien de Diogène, qui mord la main de celui qui lui offre du pain.

Tout ce que vous me dites dans votre lettre du 10 de janvier est la raison même. Je me suis tenu à Ferney pendant tous ces troubles ; je ne me suis mêlé de rien. Quand les abeilles se battent dans une ruche, il ne faut pas en approcher. Tout s’arrangera, et ce malheureux Rousseau restera l’exécration des bons citoyens.

Il est fort difficile d’avoir des Évangiles 2 ; il sera peut-être plus aisé d’avoir des Portatifs. Je me servirai de la voie que vous m’avez indiquée . Ma santé est fort mauvaise ; j’ai été malade soixante et onze ans, et je ne cesserai de souffrir qu’en cessant de vivre ; mais, en mourant, je vous dirai : ô vous que j’aime ! persévérez malgré les transfuges et les traîtres, et écr. l’inf.

Voici un petit mot pour Archimède Protagoras, la destruction va son train . »

1 Sentiment des citoyens, opuscule de V* ; voir : https://fr.wikisource.org/wiki/Sentiment_des_citoyens/%C3%89dition_Garnier

2 Évangile de la raison, recueil ; voir : https://books.google.fr/books?id=0X6K-d8474EC&hl=fr

On peut écrire plus mal que lui, mais on ne peut se conduire plus mal

... Mon cher Voltaire , vous êtes dans le vrai , mais comment avez vous fait pour décrire si bien Donald Trump ?

Trump speaks about coronavirus amid outbreak: cartoons

Quand on a un coffre-fort à la place du cerveau !

 

 

« A Jean Le Rond d'Alembert

15 de janvier 1765 1

Mon cher philosophe, j’ai vu aujourd’hui le commencement de la Destruction en gros caractère, comme vous le souhaitez. C’est une charmante édification que cette Destruction ; on n’y changera pas une virgule ; on n’omettra pas un iota de la loi, jusqu’à ce que toutes choses soient accomplies 2. J’aurai plus de soin de cette besogne que des Commentaires de Pierre, qui m’ennuyaient prodigieusement. Frère Cramer, afin que vous le sachiez, est très actif pour son plaisir et très paresseux pour son métier. Tel était Philibert Cramer son frère, qui a renoncé à la typographie. Gabriel et Philibert peuvent mettre au rang de leurs négligences de n’avoir pas fait présenter à l’Académie un exemplaire de mes fatras sur les fatras de Pierre Corneille. Gabriel dit pour excuse que la Brunet, votre imprimeuse, était chargée de cette cérémonie et qu’elle ne s’en est pas acquittée. J’ai grondé Gabriel. Gabriel a grondé la Brunet, et vous m’avez grondé, moi qui ne me mêle de rien, et qui suis tout ébaubi.

Gabriel dit qu’il a écrit à l’enchanteur Merlin 3, et que ce Merlin doit présenter un fatras cornélien à monsieur le secrétaire  perpétuel. Si cela n’est pas fait, je vous supplie de m’en instruire, parce que sur-le-champ je ferai partir par la diligence de Lyon le seul exemplaire que j’aie, lequel je supplierai l’Académie de mettre dans ses archives.

Ce malheureux Jean-Jacques a fait un tort effroyable à la bonne cause. C’est le premier fou qui ait été malhonnête homme ; d’ordinaire les fous sont bonnes gens. Il a trouvé en dernier lieu dans son livre le secret d’être ennuyeux et méchant. On peut écrire plus mal que lui, mais on ne peut se conduire plus mal. N’importe, Peregrinus 4 est content, pourvu qu’on parle de Peregrinus. Jean-Jacques sera charmé d’être pendu, pourvu qu’on mette son nom dans la sentence 5. J’espère cependant que la bonne cause pourra bien se soutenir sans lui. Jean-Jacques a beau être misérable, cela n’empêche pas qu’Ézéchiel ne soit un homme à mettre aux Petites-Maisons, ainsi que tous ses confrères. Il faut avouer, quoi qu’on en dise, que la raison a fait de terribles progrès depuis environ trente ans. Elle en fera tous les jours ; il se trouvera toujours quelque bonne âme qui dira son mot en passant, et qui écr l’inf ; ce que je vous souhaite au nom du père et du fils. »

1 Renouard supplée les passages omis dans l'édition de Kehl .

2 Évangile selon Matthieu, V, 18 : https://saintebible.com/matthew/5-18.htm

3 Libraire à Paris .

4 Peregrinus , philosophe du second siècle, fut appelé Protée en raison de l’aisance avec laquelle il changeait d'opinion . Son goût pour la notoriété le conduisit finalement à s'immoler lui-même sur un bûcher . Voir : https://fr.wikipedia.org/wiki/P%C3%A9r%C3%A9grinos_Prot%C3%A9e

5 Cette phrase manque dans l'édition de Kehl .

27/03/2020

Je vous demande une compagnie de cavalerie ou de dragons. Vous me direz peut-être que cette compagnie n’est point faite pour un quinze-vingts de soixante et onze ans

... Et pourtant ça pourrait rappeler des souvenirs à cette tranche d'âge qui a connu et pratiqué le service militaire, occasion de réviser quelques chants guerriers tel "les 80 chasseurs" ou "tiens voilà du boudin", gentilles bluettes en godillots .

 

 

« A Béatrice de Choiseul-Stainville, duchesse de Gramont

14 janvier 1765, au château de Ferney

par Genève

Madame, vous êtes ma protectrice : je vous supplie de me donner mes étrennes. Je ne peux vous demander un regard de vos yeux, attendu que je suis aveugle. Je vous demande une compagnie de cavalerie ou de dragons. Vous me direz peut-être que cette compagnie n’est point faite pour un quinze-vingts de soixante et onze ans ; aussi n’est-ce pas pour moi, madame, que je la demande, c’est pour un jeune gentilhomme de vingt-quatre ans et demi, qui fait des enfants à mademoiselle Corneille votre protégée. Ce jeune homme était cornette dans la colonelle-générale ; il a commencé par être mousquetaire, et actuellement il a neuf ans de service. Son colonel, M. le duc de Chevreuse, a rendu de lui les meilleurs témoignages ; il a été compris dans la réforme, et il est très digne de servir : actif, sage, appliqué, brave, et doux, voilà son caractère. Son nom est Dupuits ; il demeure chez moi, et sa femme et moi nous le verrons partir avec regret pour aller escadronner 1.

Monseigneur le duc votre frère, quand je pris la liberté de lui représenter la rage que ce jeune homme avait de continuer le service, daigna m’écrire 2: Adressez-vous à ma sœur, c’est à elle que je remets tout ce qui regarde votre petit Dupuits.

C’est donc vous, madame, dont je réclame la protection, en vous assurant sur ma pauvre vie qu’on ne sera jamais mécontent de Pierre Dupuits, mari de Françoise Corneille. Je vous demande cette grâce au nom du Cid et de Cinna. Pierre Corneille eut deux fils tués au service du roi ; Pierre Dupuits demande le même honneur en qualité de gendre.

Je suis avec un profond respect, madame, votre très humble et très obéissant serviteur. 

Voltaire . »

1 Ce n'est pas un néologisme , cela signifie « faire les manœuvres et exercices propres à la cavalerie. »

2 On ne connait pas cette lettre où il s'exprimerait ainsi, sinon textuellement, du moins en substance .

Je ne me consolerai jamais qu'un philosophe ait été un malhonnête homme

... Mais par contre , je suis tout à fait rassuré voir confirmée la malhonnêteté morale d'un Donald Trump , conforme à ses magouilles révélées , et tout à fait inquiet de savoir en quoi consiste l' "initiative importante" qui se trame avec notre président . Je crains un marché de dupes .

En 100 jours, Trump a prononcé plus de 400 mensonges

Un vrai tordu !

 

 

« A Etienne-Noël Damilaville

14è janvier 1765 1

Mon cher frère est prié de vouloir bien faire rendre cette lettre à M. Élie de Beaumont 2. Je me flatte qu'il lui aura fait lire les doutes sur cet impertinent [testament] tant loué, et si peu lu . Je suis bien curieux de savoir ce que pense mon frère du délateur Jean-Jacques . Je ne me consolerai jamais qu'un philosophe ait été un malhonnête homme.

Écr l'inf. »

1 L'édition Correspondance littéraire n'identifie pas le destinataire .

Le même jour Cramer écrit à Grimm : « M. de Voltaire se dégoûte tout à fait des Délices ; je crois qu'il les vendra pour se livrer tout entier à son amitié pour Ferney ; il ne tiendra pas à moi qu'il ne réponde point aux injures de M. Rousseau ; il n'est point d'humeur à plaisanter, et il n'y aurait pourtant que ce ton-là à prendre . »

elle avait esprit, talents et belle âme . Cela n'est pas excessivement commun

... Voltaire dépeint fort bien Mam'zelle Wagnière qui nous laisse sans nouvelles depuis trop longtemps . Help !

 

 

« A Philibert-Charles-Marie Varenne de Fénille 1

à l'hôtel de La Marck rue d'Aguesseau

à Paris 2

13è janvier 1765 à Ferney

Il y a assurément, monsieur, dans vos jolis vers de quoi faire chanter un aveugle, et je vous aurais répondu sur le même ton si je n'étais affligé que des yeux ; mais ma vieille maison étant tout aussi mauvaise que mes fenêtres il n'y a pas moyen de faire des vers dans l'état où je suis . On dit que les cygnes chantent en mourant, mais je n'ai pas l'honneur d'être cygne, je ne suis qu'un vieux hibou retiré dans une chaumière au milieu des montagnes . Je vous prie de mettre ce hibou aux pieds de Mme la comtesse de La Mark, puisqu'elle a la bonté de se souvenir de moi . Je lui ai connu deux beaux yeux à qui je souhaite qu'il n'arrive jamais ce qui arrive aux miens ; elle avait esprit, talents et belle âme . Cela n'est pas excessivement commun . Adieu, monsieur,on ne peut être plus sensible que je le suis à votre souvenir .

V. »

2 L'édresse a été rectifiée : « M. Billard, rue des Deux-Ecus, à l'hôtel des Deux Ecus ».

26/03/2020

Le commerce des pensées est un peu interrompu en France . On dit même qu'il n'est pas permis d'envoyer des idées de Lyon à Paris

... Bon , d'accord ! Je fais ici un peu de provoc , mais parfois, quand je vois ce dont nous gavent les médias, je me sens encore trop indulgent . J'en ai marre de voir qu'on sélectionne et glorifie d'abord des minus habens qui polluent le net de  leurs vidéos minables, juste pour se faire voir . Stupides vantards nombrilistes !

 

 

« A Jean-Baptiste-Jacques Élie de Beaumont, Avocat

au parlement

à Paris

13è janvier 1765 à Ferney

Vous jouez un beau rôle, monsieur, vous êtes toujours le protecteur de l'innocence opprimée . Vous avez dû être aussi bien reçu en Angleterre qu’un juge des Calas le serait mal . Une nation ennemie des préjugés et de la persécution était faite pour vous . Je n'ose me flatter que vous fassiez aux Alpes et au mont Jura le même honneur que vous avez fait à la Tamise , mais je crois que j'oublierais ma vieillesse et mes maux, si vous faisiez ce pèlerinage . Je cherche actuellement les moyens de vous faire parvenir quelques livres assez curieux qu'on m'a envoyés de Hollande . Le commerce des pensées est un peu interrompu en France . On dit même qu'il n'est pas permis d'envoyer des idées de Lyon à Paris . On saisit les manufactures de l'esprit humain comme des étoffes défendues . C'est une plaisante politique de vouloir que les hommes soient des sots et de ne faire consister la gloire de la France que dans l'opéra-comique . Les Anglais en sont-ils moins heureux, moins riches, moins victorieux pour avoir cultivé la philosophie ? Ils sont aussi hardis en écrivant qu'en combattant, et bien leur en a pris . Nous dansons mieux qu'eux, je l'avoue, c'est un grand mérite, mais cela ne suffit pas . Loke et Neuton valent bien Dupré et Lally 1.

Mille respects à votre aimable femme qui pense . Conservez-moi vos bontés .

V. »

1 On a laissé subsister cette forme qui pose un problème . On peut lire Lally, et se rappeler que le gouverneur de Pondichéry s'appelait Dupré . Mais le sens ne convient guère, puisque l'antithèse se fait dans l'esprit de V* entre philosophes et danseurs . Or la Dupré est une ballerine célèbre, ce qui convient fort bien ; mais on ne connait pas de danseur nommé Lally ou quelque chose d'approchant . Faudrait-il corriger Lally en Lully, comme c'est fait dans les éditions suivant la copie Beaumarchais-Kehl ? Il reste que Lully n'était pas un danseur, et comme musicien n'est pas d'actualité en 1765 . V* a-t-il voulu trouver un contemporain de Locke ?

25/03/2020

Grata superveniet quae non sperabitur hora / On l'accueillera avec joie, l'heure qu'on n'aura pas espérée

... Dédicace aux malades guéris .

Italienne, 95 ans, poids plume, gagne par KO contre Covid-19

https://www.ouest-france.fr/sante/virus/coronavirus/coron...

 

 

« A François de Chennevières, Premier

Commis des bureaux de la guerre, Inspecteur

général des hopitaux militaires

à Versailles

13è janvier 1765 au château de Ferney 1

Je suis tout émerveillé, mon cher ami, d'avoir vu arriver l'année 1765 . Je ne m'y suis jamais attendu.

Grata superveniet quae non sperabitur hora 2.

Je ne sais pourtant si j'en dois remercier la nature . La vieillesse cacochyme d'un quinze-vingt n'est pas un état bien réjouissant, mais je suis résigné à vivre ; il eût été plus doux de vivre avec vous et avec la sœur du pot . Ce sont les sentiments de Mme Denis et les miens . Je vous embrasse tendrement .

V. »

1 Le manuscrit est passé en dernier à la vente Rauch à Genève le 29 avril 1957 .

2 On l'accueillera avec joie, l'heure qu'on n'aura pas espérée ; Horace, Épîtres, I, iv, 14 ; Wagnière a écrit par erreur superabitur pour sperabitur .Voir page 19 : http://www.andrewilbaux.be/wp-content/uploads/2011/09/III-E-2-b-Horace-%C3%A9p%C3%AEtres.pdf