Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

06/05/2021

En vérité, je fais trop de bien pour qu’on me fasse du mal

...  Ô optimiste que tu es ! La malice humaine prouve incessamment  le contraire .

Me revient à l'esprit, à ce sujet, l'exemple de l'assassinat du père Charles de Foucauld, en 1916, ermite à Tamanrasset qui s'était mis au service de ses frères humains touaregs, sans zèle de conversion, simplement prêcher par l'exemple . Le Vatican  le déclare saint après enquête, des guérisons miraculeuses lui étant attribués . Personnellement , j'estime que le seul miracle valable serait que la malveillance disparaisse . Les bas-de-plafond ont bien sûr mis en avant la "coupable conquête coloniale" française, comme l'estime l’universitaire Ladji Ouattara . Devinez où il a fait ses études ? Il fut doctorant en histoire à l’Institut d’études européennes et en Master de Sciences politiques à l’Ecole des sciences politiques et sociales de l’Université Catholique de Louvain (Belgique) ; s'il est des gens de mauvaise foi qui le surpassent, mandez le moi .

Je pense aussi aux moines de Tiberine et tous les humanitaires qui se font enlever, torturer, tuer, au nom de quoi , de qui ? Et tant d'autres ...

Etre bon n'est pas un talisman .

Père de Foucauld ,1915, moitié abbé Pierre, moitié mère Térésa, moitié soeur Emmanuelle !

 

 

«  A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

et à

Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d'Argental

17è janvier 1766

Je vous envoie, mes divins anges, le consentement plein de respect et de reconnaissance que les citoyens de Genève, au nombre de mille, ont donné à la réquisition que le Petit conseil a faite de la médiation. Je leur ai conseillé cette démarche, qui m’a paru sage et honnête, et vous verrez que je les ai engagés encore à faire sentir qu’ils sont prêts à écouter les tempéraments que le Conseil pourrait leur proposer ; mais j’aurais voulu qu’ils eussent proposé eux-mêmes des voies de conciliation. Quoi qu’il en soit, on a bien trompé la cour quand on lui à dit que tout était en feu dans Genève. Je vous répète encore qu’il n’y a jamais eu de division plus tranquille. C’est moins même une division qu’une différence paisible de sentiments dans l’explication des lois. Quoique j’aie remis à M. Hennin la consultation de vos avocats, quoiqu’il ne m’appartienne en aucune manière de vouloir entrer le moins du monde dans les fonctions de son ministère, cependant, comme depuis plus de trois mois je me suis appliqué à jouer un rôle tout contraire à celui de Jean-Jacques, j’ai continué à donner mes avis à ceux qui sont venus me les demander. Ces avis ont toujours eu pour but la concorde. Je n’ai caché au Conseil aucune de mes démarches, et le conseil même m’en remercia par la bouche d’un conseiller du nom de Tronchin, la veille de l’arrivée de M. Hennin.

En un mot, tout est et sera tranquille, je vous en réponds. Je vous prie de l’assurer à M. le duc de Praslin. La médiation ne servira qu’à expliquer les lois.

Je redouble mes vœux de jour en jour pour que vous soyez le médiateur ; M. Hennin le désire comme moi, et vous n’en doutez pas. Je sais que M. le comte d’Harcourt est sur les lieux, je sais qu’il a un mérite digne de sa naissance ; mais M. le duc de Praslin sait aussi que ce n’est pas le mérite qu’il faut pour concilier des lois qui semblent se contredire, pour en changer d’autres qui paraissent peu convenables, et pour assurer la liberté des citoyens sans offenser en rien l’autorité des magistrats.

Je ne cesserai de vous dire que ce doit être là votre ouvrage, et je me livre dans cette espérance à des idées si flatteuses que je ne sais pas comment je pourrais supporter le refus. Venez, mes chers anges, je vous en conjure.

Il faut vous dire encore un petit mot de ces lettres 1 qui ont amusé tous les honnêtes gens, et jusqu’à des prêtres . Elles ne sont ni ne seront jamais de moi, elles n’en peuvent être. Je vous renvoie à la lettre 2 que je vous ai écrite sous l’enveloppe de M. le duc de Praslin. Je ne puis pas répondre que la fréronnaille 3 ne me calomnie quelquefois, mais je vous réponds bien que j’aurai toujours un bouclier contre ses armes . L’imposture peut m’accuser, mais jamais me confondre. Je ferais beau bruit si on s’avisait de s’en prendre à un homme de soixante-douze ans, à qui toute sa petite province rend témoignage de sa conduite chrétienne, de ses bons sentiments, et de ses bonnes œuvres, et qui, de plus, est sous les ailes de ses anges. En vérité, je fais trop de bien pour qu’on me fasse du mal.

Respect et tendresse.

V.»

1 Les Questions sur les miracles .

3 Néologisme, se rapprochant de prétraille, dont use volontiers V* .

05/05/2021

Je sais bien que tout homme public, à moins qu’il ne soit homme puissant, est obligé de passer sa vie à réfuter la calomnie

... "Passer sa vie à " est quand même exagéré et la puissance n'est pas l'antidote parfait, tout juste un frein . Les hommes/femmes publics.ques ont , tout autant que la calomnie, et même plus, à affronter la vérité . Pas de saints chez ceux qui ont choisi de se montrer, de diriger ; ça se saurait . Peut-être un jour saura-t-on simplement bien faire et laisser dire ? Je ne vous dis pas l'égo qu'il faudra développer pour tenir, que les faits passent avant le vent des paroles néfastes .

Quant aux réseaux sociaux calomnieux ( parfaitement a-sociaux ) pourquoi aller mettre son doigt dans cet engrenage ? Se faire voir ? bien voir ? Se retrouver accroché comme un tableau  qui se croyait jusque là oeuvre d'art, et se fait traiter de vieille croûte ? Est-ce bien utile de savoir ce que des milliers/centaines/dizaines d'inconnus pensent de vous : ce ne sont que des micro-impulsions électroniques qui sont incapables de vous tenir la main en cas de besoin, pas même aptes à vous beurrer un sandwich, qu'on efface d'un clic et qui polluent l'atmosphère .

Parlons plutôt de ce qui me/nous plait : https://www.youtube.com/watch?v=j5wLXvQnufM

Qui sait flatter sait aussi calomnier. - Atmosphère Citation

Petit clin d'oeil à ceux qui aiment Napoléon en oubliant Bonaparte , et le fêtent aujourd'hui

 

 

« A Etienne-Noël Damilaville

13 janvier 1766 1

Mon cher ami, j’ai reçu vos deux lettres du 6 et du 9 de ce mois. Je réponds d’abord à l’article de Merlin 2. Son correspondant, pressé d’argent, est venu trouver mon ami Wagnière, qui lui a prêté cinq cents francs, moyennant quoi ledit correspondant  à donné un billet de cinq cents livres de Merlin, payable à l’ordre dudit Wagnière. Cela s’arrangera vers les échéances. Je compte que, tout philosophe que vous êtes, vous avez de l’ordre, étant employé dans les finances.

Ce monstre de vanité et de contradictions, d’orgueil et de bassesse, Jean-Jacques Rousseau, ne réussira certainement pas à mettre le trouble dans la fourmilière de Genève, comme il l’avait projeté. Je ne sais si on l’a chassé de Paris, comme le bruit en court ici, et s’il s’en est allé à quatre pattes ou avec sa robe d’Arménien. Figurez-vous qu’il m’avait imputé son bannissement de l’État de Berne, pour me rendre odieux au peuple de Genève. J’ai heureusement découvert et hautement confondu cette sourde imposture. Je sais bien que tout homme public, à moins qu’il ne soit homme puissant, est obligé de passer sa vie à réfuter la calomnie. Les Frérons et les Pompignans, qui m’ont accusé d’être l’auteur du Dictionnaire philosophique, n’ont pas réussi, puisque les noms de ceux qui ont fait la plupart des articles sont aujourd’hui publiquement connus.

Il en est de même des lettres des sieurs Covelle, Beaudinet, Montmollin, etc., à l’occasion des miracles de Jean-Jacques, et je ne sais quel cuistre de prédicant 3. On m’impute plusieurs de ces lettres ; mais, Dieu merci, M. Covelle m’a signé un bon billet par lequel il détruit cette accusation pitoyable. Il m’a fallu prévenir la rage des hypocrites qui me persécutent encore à Versailles, et qui veulent m’opprimer, à l’âge de 72 ans, sur le bord de mon tombeau. On en parlait, il y a quelques mois, devant les syndics de nos états de Gex. Les curés de mes terres y étaient avec quelques notables : ils me connaissent, ils savent que j’ai fait un peu de bien dans la province, et que je ne me suis pas borné à remplir tous les devoirs de chrétien et d’honnête homme . Ils signèrent un acte authentique, et ils me l’apportèrent, à mon grand étonnement. Il est trop flatteur pour que je vous le communique ; mais enfin il est trop vrai pour que je n’en fasse pas usage dans l’occasion, et que je ne l’oppose, comme une égide, aux coups que la calomnie, couverte du masque de la dévotion, voudra me porter.

J’attends tous les jours le ballot de Fauche. Je n’entends point parler des boîtes que vous m’aviez promises par le carrosse de Lyon, à l’adresse de MM. Lavergne père et fils, banquiers à Lyon 4. Je ne sais plus ce que fait Bigex 5.

Tronchin part le 24 . Je me flatte, mon cher ami, qu’il raccommodera votre estomac, lequel n’a pas soixante-douze ans comme le mien 6.

Je ne vous parle point de M. de Villette ; je ne réponds pas de sa conduite . Il m’a paru aimable, il m’a gravé, il a fait des vers pour moi. Je ne l’ai point gravé, j’ai répondu à ses vers : il faut être poli. Je ne suis point poli avec vous, mon cher ami ; mais je vous aimerai tendrement jusqu’à mon dernier soupir. »

1 L'édition Correspondance littéraire ne désigne pas le destinataire et donne 13 pour la date . Les lettres de Damilaville ne sont pas connues .

2 Le manuscrit remplace toute la fin de ce paragraphe et le début du deuxième (jusqu'à bassesse) par ces mots : par un billet de cinq cents livres .

3 David Claparède, né en 1727, mort postérieurement à 1786, est auteur des Considérations sur les miracles, 1765, in-8° ; voir les Questions sur les miracles : https://fr.wikisource.org/wiki/Questions_sur_les_miracles/%C3%89dition_Garnier

5 Ce paragraphe manque dans la copie de Darmstadt .

6 La phrase depuis Je me flatte manque dans la copie de Darmstadt .

Ce qui reste dans Genève de pédants et de cuistres du XVIè siècle perdra ses mœurs sauvages . Ils deviendront tous Français. Ils ont déjà notre argent, ils auront nos mœurs . Ils dépendront entièrement de la France, en conservant leur liberté

... Voltaire te voilà prophète . On est là pas loin de la vérité, à ceci près qu'on est dans la configuration "je te tiens, tu me tiens par la barbichette" ( ou autre partie anatomique en relief ; je mets barbichette pour ne pas choquer les dames patronnesses ). Genève ne survit que par la force de travail des frontaliers et saisonniers, lesquels ne gagnent (bien ) leur pain que par leurs compétences indispensables et vitales au peuple suisse .

Les Genevois ne deviendront pas Français, ils se contentent d'acheter tout ce qu'ils peuvent : immobilier, mobilier, nourriture, côté français ; mais  au fond les cuistres des deux côtés de la frontière ne se lassent pas encore les uns  de casser du sucre sur le dos des Frouzes, les autres de les traiter de Gueules Enfarinées ! Ouf ! ils sont minoritaires .

La vie dans le bassin genevois à la loupe | GROUPE ECOMEDIA

https://groupe-ecomedia.com/vie-bassin-genevois-loupe/

Même s'il faut réactualiser les chiffres bruts, la réalité du terrain est inchangée .

 

 

« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

et à

Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d'Argental

15 janvier 1766

Oui, mes divins anges, il faut absolument que vous veniez, sans quoi je prends tout net le parti de mourir.

M. Hennin vous logera très-bien à la ville, et nous aurons le bonheur de vous posséder à la campagne. Je vous avertis que tout le tripot de Genève, et les députés de Zuric et de Berne, désirent un homme de votre caractère. Il y avait eu bien des coups de fusil de tirés, et quelques hommes de tués, en 1737, lorsqu’on envoya un lieutenant général des armées du roi 1; mais aujourd’hui il ne s’agit que d’expliquer quelques lois, et de ramener la confiance. Personne assurément n’y est plus propre que vous.

Je sens combien il vous en coûterait de vous séparer longtemps de M. le duc de Praslin ; mais vous viendrez dans les beaux jours, et pour un mois ou six semaines tout au plus. M. Hennin vous enverra tout le procès à juger, avec son avis et celui des médiateurs suisses. Ce sera encore un grand avantage de pouvoir consulter, à Paris, les avocats en qui vous avez confiance, quoique vous n’ayez pas besoin de les consulter. Lorsque enfin M. le duc de Praslin aura approuvé les lois proposées, vous viendrez nous apporter la paix et le plaisir.

M. Hennin signera après vous, non-seulement le traité, mais l’établissement de la comédie. Ce qui reste dans Genève de pédants et de cuistres du XVIè siècle perdra ses mœurs sauvages . Ils deviendront tous Français. Ils ont déjà notre argent, ils auront nos mœurs . Ils dépendront entièrement de la France, en conservant leur liberté.

M. Hennin est homme du monde le plus capable de vous seconder dans cette belle entreprise . Il est plein d’esprit et de grâces, très instruit, conciliant, laborieux, et fait pour plaire aux gens aimables et aux barbares.

Au reste, le jeune ex-jésuite vous attend après Pâques. Je vous répète qu’on est très content de sa conduite dans la province. Il n’a eu nulle part ni au Dictionnaire philosophique, ni aux Lettres des sieurs Covelle et Beaudinet . Il a toujours preuve en main. Il dit qu’il est accoutumé à être calomnié par les Frérons, mais que l’innocence ne craint rien ; que non-seulement on ne peut lui reprocher aucun écrit équivoque, mais que s’il en avait fait dans sa jeunesse, il les désavouerait, comme saint Augustin s’est rétracté. Il ne se départira pas plus de ces principes que du culte de latrie qu’il vous a voué. »

1 Lautrec ; voir lettre du 13 novembre 1765 à d'Argental :

04/05/2021

Toute la maison de Ferney vous remercie et est à vos ordres ...

... M. Stéphane Bern, après avoir suivi , hier soir, Secrets d'histoire sur "Voltaire ou la liberté de penser" . Magnifique idée, bien réalisée avec juste un petit bémol, trop de plans montrant un Voltaire figé, lui qui est la vivacité faite homme . Mais , bon, exposer Voltaire vous vaut l'absolution .

https://www.france.tv/france-3/secrets-d-histoire/2221551...

 

 

« A Catherine-Josephte de Loras du Saix, baronne de Monthoux

A Ferney, 13 janvier 1766

Madame,

Toute la maison de Ferney vous remercie et est à vos ordres ; si ma vieillesse et ma santé me le permettaient, j'aurais l'honneur de venir moi-même les prendre chez vous .

Je suis avec bien du respect, madame, votre très humble et très obéissant serviteur .

Voltaire . »

J’aurais aimé à voir le contraste de la tyrannie insolente et du noble orgueil de l’indigence vertueuse

... Il va de soi qu'on a là un dramatique point de vue théâtral, et pourtant, je pense que la réalité dépasse la fiction, à ceci près que le tyran n'est jamais réellement confronté au vertueux indigent, ou s'il l'était , je ne vous fais pas un dessin, mais on aura alors la version humaine du pot de fer contre le pot de terre : les tessons ne feront pas le bonheur d'un futur archéologue .

 

 

« A Michel-Paul-Guy de Chabanon

À Ferney, 13 janvier 1766

Plus vos lettres, monsieur, m’ont inspiré d’estime et d’amitié pour vous, plus je sens qu’il est de mon devoir de répondre à la confiance dont vous m’honorez, en vous disant librement ma pensée.

Il m’est arrivé avec vous ce qui arrive presque toujours avec les gens du métier que l’on consulte : ils voient le sujet sous un point de vue, et l’auteur l’a envisagé sous un autre.

Je m’intéresse véritablement à vous ; le sujet 1 m’a paru d’une difficulté presque insurmontable ; ne m’en croyez pas ; consultez ceux de vos amis qui ont le plus d’usage du théâtre, et le goût le plus sûr ; laissez reposer quelque temps votre ouvrage, vous le reverrez ensuite avec des yeux frais, et vous en serez meilleur juge que personne. Ce pas-ci est glissant : il ne faudrait vous compromettre à donner une pièce au théâtre qu’en cas que tous vos amis vous eussent répondu du succès, et que vous-même, en revoyant votre pièce après l’avoir oubliée, vous vous sentissiez intérieurement entraîné par l’intérêt de l’intrigue. C’est de cette intrigue qu’il s’agit principalement ; vous jugerez si elle est assez vraisemblable et assez attachante ; c’est là ce qui fait réussir les pièces au théâtre. La diction, la beauté continue des vers, sont pour la lecture. Esther est divinement écrite, et ne peut être jouée . Le style de Rhadamiste est quelquefois barbare, mais il a un très grand intérêt, et la pièce réussira toujours. Je ne sais si je me trompe, mais j’aurais souhaité que Virginie n’eût point eu trois amants ; j’aurais voulu que l’état d’esclave dont elle est menacée eût été annoncé plus tôt, et que cet avilissement eût fait un beau contraste avec les sentiments romains de cette digne fille ; qu’elle eût traité son tyran en esclave, et que son père l’eût reconnue pour légitime à la noblesse de ses sentiments ; je voudrais que le doute sur sa naissance fût fondé sur des preuves plus fortes qu’une simple lettre de sa mère.

La conspiration contre Appius ne me paraît point faire un assez grand effet, elle empêche seulement que l’amour n’en fasse. Les intérêts partagés s’affaiblissent mutuellement.

J’aurais aimé encore, je vous l’avoue, à voir dans Virginius un simple citoyen, pauvre, et fier de cette pauvreté même. J’aurais aimé à voir le contraste de la tyrannie insolente et du noble orgueil de l’indigence vertueuse.

Mais je ne vous confie toutes ces idées qu’avec la juste défiance que je dois en avoir. Pardonnez-les, monsieur, au vif intérêt que je prends à votre gloire . Un mot, quoique jeté au hasard et mal à propos, fait souvent germer des beautés nouvelles dans la tête d’un homme de génie. Vous êtes plus en état de juger mes pensées que je ne le suis de juger votre ouvrage. Agréez l’estime infinie que je vous dois, et les sentiments d’amitié que vous faites naître dans mon cœur. Je supprime les compliments inutiles. »

03/05/2021

jouer le plus beau rôle du monde, celui de pacificateur

... L'ONU, qui devrait être le modèle des pacificateurs, est, hélas, réduit à employer les armes pour séparer les belligérants . Etre "casque bleu", c'est se mettre entre le bois et l'écorce , inconfortable . Il y a longtemps qu'on ne parle plus d'eux, les armées, bandes terroristes, rebelles sanguinaires de tous acabits sont seuls mis en évidence dans nos médias . Le meurtre à la une , et à l'évidence le constat qu'on ne sait pas l'empêcher devrait nous inciter à développer des forces d'interposition suffisantes . Peut-être ce jour viendra .

https://peacekeeping.un.org/fr/where-we-operate

C'est qui les casques bleus ? -

 

 

 

« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

et à

Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d'Argental

13è janvier 1766

Cet ordinaire-ci, mes divins anges, sera consacré au vrai tripot, non celui de Genève, mais celui de la comédie.

Nous avons lu Virginie à tous nos acteurs ; aucun n’a voulu y accepter un rôle 1. Je ne sais pas si la troupe de Paris est plus difficile que celle de Ferney , mais on a trouvé l’intrigue froide, la pièce mal construite, sans aucun intérêt, sans vraisemblance, sans beauté . On ne peut être plus mécontent.

Il se pourrait qu’après notre jugement rendu au pied du mont Jura en Sibérie la pièce réussît à Paris, puisque le Siège de Calais a réussi ; mais je me sens de l’amitié pour M. de Chabanon, et je ne peux lui déguiser mes sentiments. Je voudrais bien ne lui pas déplaire en lui disant la vérité, et je ne peux mieux m’y prendre qu’en la faisant passer par vos mains, vous êtes fait pour rendre la vérité aimable, lors même qu’elle condamne son monde.

M. Hennin, qui est actuellement chez moi, trouve la pièce de[s] Genevois bien plus ridicule ; il est étonné qu’on fasse tant de bruit pour si peu de chose. Il faudra pourtant absolument un médiateur pour juger le procès de la belette et du lapin 2, et pour apprendre à ces animaux-là à se supporter les uns les autres ; je tremble que vous ne vouliez pas venir ; mes anges n’aiment point à courir ; cependant il me semble qu’il ne serait pas mal que vous vissiez Mme de Grosley; vous attendriez les beaux jours. Dans cet intervalle, M. Hennin vous enverrait le résultat des mesures qu’il aurait prises d’avance avec les députés de Berne et de Zurich . Vous les dirigeriez ; vous vous en amuseriez avec M. le duc de Praslin ; vous pourriez même consulter vos avocats sur ce qui concerne la législature, si vous ne vouliez pas vous en rapporter à vous-même, et vous arriveriez pour signer à Genève ce que vous auriez arrêté à Paris dans votre cabinet. Les passions aveuglent les hommes, je l’avoue ; la mienne est de mourir comme le bon vieillard Siméon3, après vous avoir vu. Pardonnez-moi donc, si je me tourne de tous les sens pour vous engager à faire un voyage qui fera le seul bonheur dont je sois susceptible ; en un mot, je ne sais rien de plus à sa place, rien de plus raisonnable, de plus agréable, que ce que je vous propose, et je ne vois pas la plus petite raison de me refuser. Songez que vous n’aurez d’autre peine que celle d’aller et revenir pour jouer le plus beau rôle du monde, celui de pacificateur. »

Je ne rougis, ni de ce que j'écris, ni de ce que je pense, ni de ce que je fais

... Facile quand on est voltairien .

Les chroniques de Yannick Haenel et Philippe Lançon - Philippe  Sollers/Pileface

 

 

« A Jean-André de Luc 1

A Ferney 11è janvier 1766

En attendant, monsieur, que je sache l'adresse de M. Bertrand, j'ai pris le parti d'écrire à M. de Freudenrich, l'un des seigneurs les plus accrédités de Berne, son ami, son protecteur, et qui m'honore depuis longtemps d'un peu d’amitié .

Je vous envoie la lettre que je lui écris, et je peux vous répondre qu'il sera aussi étonné que moi-même de la singulière imposture que vous m’avez apprise . Ce tissu de calomnies que j'ai ignorées pendant plusieurs années a été, je le vois bien, une des causes des dissensions qui agitent votre République . On a voulu faire accroire que j'avais contribué à faire décréter M. Rousseau à Genève et à le faire chasser de l’État de Berne, tandis que je ne me suis mêlé de ces affaires que pour lui offrir une retraite honorable, que je lui offre encore en pur don pour sa vie . Il eût mieux fait, sans doute de l'accepter, que de fuir d'asile en asile, et de désert en désert, pour aller chez une nation dont il ne pourra jamais parler la langue ; qui se soucie très peu des livres français, et qui au bout de deux jours fait un accueil très médiocre aux étrangers . Il a mal calculé en tout, et le désir d'être singulier ne lui a attiré que des infortunes singulières .

Vous qui avez, monsieur, de la justesse dans l'esprit, et de la justice dans le cœur, je vous fais juge de sa conduite et de la mienne . Je voudrais qu'il fût temps de réparer tant de fautes et tant de malheurs . Si la vérité avait été plus tôt connue, je ne doute pas que M. Rousseau n'eût pris un meilleur ami .

Il paraît par la lettre de M. d'Ivernois que votre infortuné citoyen, aveuglé par ses malheurs et peut-être par une fierté opiniâtre, croit, ou feint de croire que j'ai agi comme lui, ce qui est directement contraire à toute ma conduite, à toutes mes maximes, et surtout à l'intérêt des opinions que je professe hautement .

Ces absurdes calomnies m'ont attiré des injures très grossières , auxquelles je n'ai répondu que par quelques plaisanteries . Mais il faut enfin en oubliant les injures et les railleries, que la vérité s'éclaircisse .

Je vous répéterai toujours que s'il y a dans Genève un seul conseiller à qui j'ai parlé, ou fait parler pour décréter M. Rousseau, je consens de passer pour un scélérat aussi lâche que celui qui a le premier débité cette étrange imposture . Il faut bien que M. d'Ivernois ne soit pas encore pleinement éclairci puisqu'écrivant souvent à M. Rousseau il est le seul de ses amis qui ne soit pas venu chez moi 2. Je vous prie de voir la lettre que je lui ai écrite en réponse à la sienne 3. Ma candeur et mon indignation l'ont dictée , et il doit sentir qu'on n'écrit point ainsi quand on a quelque chose à se reprocher .

Je désirerais fort, monsieur, pouvoir vous entretenir incessamment pour de très fortes raisons, et que vous vinssiez seul . Vous connaissez mes sentiments, et il n'est plus question de compliments entre nous .

V. »

2De fait, d'Ivernois ira finalement chez V* et rapportera les propos de son hôte dans une lettre à J.-J. Rousseau du 1er février 1766 qui constitue un témoignage vivant, reproduit ici, sauf le paragraphe d'introduction :

« J'ai vaincu ma répugnance, j'ai été enfin chez V, je lui ai fait part de la partie de votre lettre qu'il convenait qu'il sût pour bien apprendre à vous connaître, et pour le fortifier dans les intentions où il paraît être de vouloir vous être favorable . Quand je lui eus fait rapport du premier paragraphe et de ce qui termine le second, il porta ses mains sur sa tête, et dit d'un ton qui parut sortir d'un homme à sentiments, Vous m'accablez, monsieur . Hé pourquoi répondis-je ? Il faut, répliqua -t-il, faire revenir ici monsieur Rousseau, faites-lui savoir, qu'il court quelques chiffons de papier où il est question de lui, s'ils lui tombent sous la main, qu'il n'y fasse pas attention, ils étaient écrits avant que je connus ses sentiments . Je répondis : «  Si chacun connaissait comme moi la pureté des intentions de mon ami, et la droiture de son coeur, il aurait certainement moins d'ennemis et surtout dans sa patrie . » Je me servis de votre expression, mais tel fiert qui ne tue pas. « Je suis attaché à M. Rousseau de la manière la plus forte, et je n'ai pu, ni ne puis voir qu'avec peine les personnes qui ont cherché et qui cherchent peut-être encore à lui nuire . Souffrez, monsieur, que je vous fasse quelques questions . N'avez-vous point coopéré aux injustices du gouvernement envers lui ,? n'avez-vous point écrit à quelqu'un à Paris ou ailleurs, que malgré la protection du roi de Prusse, vous trouveriez le moyen de le faire sortir de la comté de Neuchâtel ? n'avez-vous pas correspondu à son sujet avec M. Bertrand de Berne, et enfin, monsieur, n'avez-vous pas cherché à lui nuire par d'autres moyens ? » A chaque question je voyais un homme saisi d'un tel étonnement qui ne caractérisait rien moins qu'un hypocrite . Voici ses réponses .

« « Chacun parle des torts d'autrui, monsieur, personne n'avoue les siens . Vous savez le conte de la poutre et du fétu, il ne faut juger que par les faits, ils sont clairs . Je conserve la lettre que M. R m'écrivit en 1759 dans laquelle il me dit qu'il ne m'aime point, que je corromps sa patrie en donnant des spectacles dans mon château ( qui n’est point dans sa patrie ) . Est-ce là le prix de l'asile que Genève vous a donné ? Cette lettre outrageante et inattendue de la part d'un homme qui faisait des opéras, des comédies, et des romans était d'autant plus déplacée qu’assurément je n'ai pas besoin d'asile . Et quand j'ai bien voulu prendre une maison auprès de Genève pour ma santé, je l'ai payée assez cher , puisque j'en ai donné près de quatre-vingts mille francs à condition qu'on m'en rendrait trente-huit mille quand je voudrais la quitter . M. R a cru apparemment, ou on lui a fait accroire qu'ayant été ainsi offensé par lui, j’avais dû me venger . Il y a eu de l'absurdité à dire que j'avais contribué à faire brûler son Vicaire savoyard et son Contrat social . Le Vicaire savoyard m'a toujours paru un excellent ouvrage et susceptible du sens le plus favorable . J'ai condamné hautement, je condamne et condamnerai toujours ceux qui ont cru flétrir cet ouvrage en le faisant brûler . Il n'y a qu'un scélérat qui puisse dire que j'aie eu la moindre part à la condamnation de M. R . J'aimerais autant qu'on dît que j'ai fait rouer Calas, que de dire que j'ai persécuté un homme de lettres . M. R croyant ou feignait de croire que je lui voulais du mal n'a cessé de m'outrager . Il s'est fait mon délateur dans les Lettres de la montagne en m'accusant d'avoir fait le Sermon des cinquante , ouvrage publiquement connu pour être de La Mettrie . Il est faux et calomnieux que j'aie jamais écrit à Paris ni ailleurs contre M. R, il est également faux que je me suis entretenu de lui avec M. Bertrand de Berne, et ma correspondance avec lui n'a roulé que sur l'histoire naturelle et pour lui procurer la vente de son cabinet ; j'offre de vous mettre sous les yeux toutes les lettres du dit monsieur dans aucune desquelles je défie qu'on trouve le nom de M. R, et je le défie lui d'articuler un seul fait où il ait à se plaindre de moi . Je ne me suis vengé qu'en plaisantant . M. Marc Chappuis est témoin que j'ai offert une maison à M. R . Écrivez-lui, monsieur, que je la lui offre toujours, et que s'il veut je me fais fort auprès des médiateurs de le faire rentrer dans tous ses droits à Genève . J'offre de vous donner cette déclaration signée de ma main, que vous pourrez rendre publique si vous trouvez à propos . Je ne rougis, ni de ce que j'écris, ni de ce que je pense, ni de ce que je fais . »

« Je le remerciai, et lui dis que je vous ferais part de cet entretien . De Luc l'aîné était présent […] / « D'Ivernois

« J'oubliais de vous dire que V m’ajouta : je veux faire imprimer Le Vicaire savoyard dans un recueil d'autres pièces que je me propose de donner au public […].

Genève le 1er février 1766 »

3 Aucune de ces lettres n'est connue, la lettre du 27 novembre 1765 à d'Ivernois en donne un idée : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2021/03/22/si-les-deux-partis-voulaient-communiquer-ensemble-amiablemen-6305043.html