Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

29/07/2020

il ne tiendrait qu'à vous de dire bientôt : que de fous j'ai guéris !

... Ô Donald Trump, que de merveilles dont vous ornez et honorez le monde ! https://www.huffingtonpost.fr/entry/apres-setre-assagi-tr...

feticheur.jpg

Trump a fait des émules

 

 

« A Jean Le Rond d'Alembert

16 avril [1765] 1

Mon cher appui de la raison, c'est bien la faute à frère Gabriel, s'il a lâché trois ou quatre exemplaires à des indiscrets ; mais , ou je me trompe fort, ou jamais Merlin n'aurait osé rien débiter sans une permission tacite ; et , malheureusement, pour avoir cette permission de débiter la raison, il faut s'adresser à des gens qui n'en ont point du tout . Si on en fait une édition furtive, alors Gabriel débitera la sienne . Fournissez-nous souvent de ces petits stylets mortels à poignée d'or enrichie de pierreries, l'inf sera percée par les plus belles armes du monde, et ne craignez point que Gabriel y perde .

Vous avez bien raison de citer les vers des Plaideurs : Que de fous !2 etc. ; mais il ne tiendrait qu'à vous de dire bientôt : que de fous j'ai guéris ! Tous les honnêtes gens commencent à entendre raison ; il est vrai qu'aucun d'eux ne veut être martyr, mais il y aura secrètement un très grand nombre de confesseurs, et c'est tout ce qu'il nous faut .

Jean-Jacques , dont vous me parlez, fait un peu de tort à la bonne cause ; jamais les Pères de l’Église ne se sont contredits autant que lui . Son esprit est faux, et son cœur est celui d'un malhonnête homme ; cependant il a encore des appuis . Je lui pardonnerais tous ses torts envers moi , s'il se mettait à pulvériser, par un bon ouvrage, les prêtres de Baal qui le persécutent . J'avoue que sa main n'est pas digne de soutenir notre arche ; mais

Qu’importe de quel bras Dieu daigne se servir !3

Frère Helvétius réussira sans doute auprès de Frédéric ; s'il pouvait partir de là quelques traits qui secondassent les vôtres, ce serait une bonne affaire .

Adieu, mon cher maître et mon cher frère ; je m'affaiblis beaucoup, et je compte aller bientôt dans le sein d'Abraham qui n'était, comme dit l'Alcoran, ni juif ni chrétien. »

2 « Que de fous ! Je ne fus jamais à telle fête », vers des Plaideurs de Racine cité par d'Alembert à la fin de sa lettre .

mais je pense qu'il est bien difficile d'exiger de lui une promesse en forme

... Lui, qui  ?

Tout politique au pouvoir actuellement et qui doit répondre aux attentes de soixante millions d'individus sans compter les chats et les petits cochons .

 

 

« A Jacob Tronchin

[avril 1765] 1

La Fontaine a fait assurément bien de l'honneur à ces cent nouvelles du coin de la rue 2. C'est là tirer de l'or du fumier . Je vous remercie monsieur de m'avoir fait connaître la source où il a puisé quelquefois .

Je ne manquerai pas assurément à la première occasion que j'aurai de faire souvenir M. le duc de Choiseul de ses bontés, et des espérances qu'il nous a données , mais je pense qu'il est bien difficile d'exiger de lui une promesse en forme . Il est d'ailleurs si affligé à présent de l'inexécution de tous ses ordres à la Cayenne que ces moments-ci ne sont pas mollia fandi tempora 3. Mille tendres respects .

V. »

1L'édition Tronchin est limitée à un court extrait non daté ; Droz date de février 1758et donne François Tronchin comme destinataire ; Delattre suggère Jacob Tronchin et place la lettre en avril-mai 1765 .

Elle se situe à la suite d'un lettre de Choiseul du 3 avril 1765 : « Il est vrai que j'ai eu du chagrin pour ma colonie de Cayenne ; des sots, des fripons, et pis que cela des ignorants qui croyaient en savoir beaucoup, m'ont entraîné dans de fausse démarches ; je suis corrigé, ce n'est pas une matière aisée à traiter que celle de colonies ; j'apprends tous les jours que je suis plus ignorant que je ne croyais la veille ; à force d'application, j'arriverai au bien , à ce que j'espère […] L'histoire du canton de Schvitz fait plus d'honneur à ce canton qu'il ne mérite ; nous n'avions d'eux que soixante-seize hommes à notre service ; ils reviennent tous successivement, le canton reviendra aussi, et , s'il ne revient pas , nous aurons ses hommes et il n'aura pas nos pensions . M. de Villette a de l'esprit, mais cet esprit est renfermé dans une mauvaise tête ; si cependant il avait un bon cœur, il n'y aurait rien de perdu […] je donnerai volontiers mon consentement à tout ce que son père demandera pour lui . Vivez heureux, tranquille, ma chère marmotte, ne vous embarrassez ni des jésuites, ni des parlements[…] . »

Voir : http://w3public.ville-ge.ch/bge/odyssee.nsf/Attachments/arch_tronchin_141-397frameset.htm/$file/arch_tronchin_141-397.pdf

2 Les Cent nouvelles nouvelles , dont La Fontaine s'est inspiré dans quelques contes ? Voir : https://fr.wikipedia.org/wiki/Cent_nouvelles_nouvelles

et : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b86000684/f5.image

3 Les occasions favorables pour parler ; d'après L'Enéide, IV, 293-294 , de Virgile ; voir : http://bcs.fltr.ucl.ac.be/Virg/V04-173-295.html

28/07/2020

Vous avez de bons conseils, consultez-les et faites ce qu'ils vous diront 

... De Sarlozy à Macron ?

L'ex-président, hôte-homme-à-tics, se fait de la pub pour son "Le temps des tempêtes", livre de plage pour le temps des trempettes . Ah pognon , quand tu nous tient !

 

 

« A Charles Manoël de Végobre

à Genève

M. Debrus sait sans doute que M. le duc de Praslin a parlé fortement au Conseil pour faire avoir une gratification à Mme Calas, sans préjudice de la prise à partie contre laquelle monsieur le vice-chancelier s’était déclaré d'abord 1. Si M. Debrus n'en est pas encore instruit, monsieur de Végobre est supplié de le lui apprendre .

Je crois qu'on peut tirer un très grand parti du manuscrit que monsieur de Végobre m'a confié ; mais je pense qu'il y faut mettre beaucoup plus de modération, et que l'ouvrage doit paraître venir d'un auteur impartial . Il ne servirait, dans l'état où il est, qu'à mettre les Toulousains en fureur, et il ferait beaucoup plus de tort que de bien aux protestants . J'en raisonnerai avec monsieur de Végobre quand je serai assez heureux pour avoir l'honneur de le voir .

A Ferney 13è avril 1765 . »

1 Élie de Beaumont écrit le 11 avril à V* : « Quelqu'un vous mandera peut-être aujourd'hui que le roi vient de faire un traitement à la famille Calas . Mme Calas vint me voir hier matin et me fit part qu'elle était mandée chez M. le vice-chancelier pour 11 heures pour recevoir la volonté du roi . Vers midi son fils Pierre vint chez moi me dire que le roi leur donnait 36 000 livres savoir 30 000 livres de gratification et 6000 pour les frais de leurs voyages . Après les premiers remerciements ils lui demandèrent si Sa Majesté leur défendait par là prise à partie . M. le vice-chancelier leur répondit : « Vous avez de bons conseils, consultez-les et faites ce qu'ils vous diront . » Cette réponse a cela de bon qu'elle n'annonce nullement que la prise à partie déplaise au roi comme les Toulousains d'ici l'avaient répandu d'abord . On doute néanmoins qu’elle puisse avoir lieu si les esprits des magistrats du Conseil ne sont pas un peu animés, tantae molis est [trad. : tout est une entreprise difficile] de punir parmi nous des prévaricateurs dont les charges excèdent 40 000 livres . Le dernier résultat de l'assemblée tenue chez M. d'Argental le mercredi 3 avril a été que pour être conséquent et raisonnable il fallait aussi prendre à partie les treize juges de la Tournelle plus coupables encore que les capitouls puisqu'ils étaient préposés par la loi pour les rectifier . Pour cela il faut la permission du Conseil et l'on craint fort que ces petits rois plébéiens ne paraissent assez puissants pour que par une faiblesse honorée du nom de politique on refuse de la permettre . On dit même qu'ils font à Toulouse la bonne contenance de vouloir faire imprimer la procédure, et qu’ils ont rendu arrêt portant défense d'afficher notre jugement d'absolution . Mais ce dernier fait n'est pas confirmé . On pense qu'il n'y a que des défenses verbales qui après tout produiront le même effet . »

 

 

27/07/2020

Il me paraît que la douane des pensées est beaucoup plus sévère que celle des fermiers-généraux, et qu’il est plus aisé de faire passer des étoffes en contrebande que de l’esprit et de la raison

... Marre des intégristes de toutes sortes, politiques, alimentaires, religieux, musicaux, littéraires, ... Marre des intolérants soi-disant bien pensants !

Astérix — Wikipédia

 

 

 

« A Etienne-Noël Damilaville

13è avril 1765 1

Votre lettre du 6è avril mon cher frère, ne m'est parvenue que le 12 parce que j'ai manqué d'envoyer à Genève . Elle ne m'apprend point que vous avez reçu la sentence et l'arrêt contre Sirven , que probablement vous avez eu depuis . Si malheureusement ce paquet avait été arrêté à la poste comme un peu gros, je pense que M. Jeannel vous le ferait rende aisément, en lui faisant voir ce qu'il contient . Vous saurez que le bruit avait couru à Toulouse que l'arrêt des maîtres des requêtes ne regardait que la forme , et que moi votre frère je serait admonesté pour m'être mêlé de cette affaire . Il se trouve au contraire que c'est moi qui ai l'honneur d'admonester tout doucement Messieurs ; mais les meilleurs admonesteurs ont été M. d'Argental et et vous .

Si nous pouvons parvenir à faire une seconde correction à ceux qui ont pendu l'ami Sirven et sa femme, nous deviendrions très redoutables .

Ne trouvez-vous pas singulier que ce soit du fond des Alpes et du quai Saint-Bernard que partent les flèches qui percent les tuteurs des rois toulousains ?2

Je compte enfin à présent sur les bienfaits dont le roi honorera la pauvre veuve Calas ; et alors elle pourra en toute sûreté prendre à partie les juges qui auraient dû prévenir ce dernier affront, en indemnisant la famille qu'il ont persécutée . J'exhorte maintenant cette famille à la prise à partie ; ce sera une grande époque, et une grande leçon .

Je pense entièrement comme vous sur la pièce dont vous me parlez ; je trouve cet ouvrage aussi mal fait que mal écrit ; mais je ne le dis qu'à vous .

Il est bien triste assurément que Gabriel ait laissé échapper quelques exemplaires de la Destruction, mais je ne crois pas que ce soit cette imprudence qui ait produit les difficultés qu’Archimède éprouve. Il me semble que l’enchanteur Merlin n’aurait jamais pu s’empêcher de présenter ce livre à l’examen et n’aurait point hasardé d’être déchu de sa maîtrise. Il me paraît que la douane des pensées est beaucoup plus sévère que celle des fermiers-généraux, et qu’il est plus aisé de faire passer des étoffes en contrebande que de l’esprit et de la raison. La maxime du père Canaye 3 subsiste toujours , point de raison chez les Welches. Ils sont de toute façon plus welches que jamais.

Il n’y a qu’un très petit nombre de Français ; pusillus grex 4, comme dit l’autre  . Cependant ce petit troupeau augmente tous les jours. J’ai vu depuis peu des officiers et des magistrats qui ne sont point du tout welches, et j’ai béni Dieu. Entretenons le feu sacré. Je vous salue, je vous embrasse en esprit et en vérité . Ecr. l’inf. »

1 L'édition de Kehl , suivant la copie Beaumarchais et suivie des autres éditions, joint des extraits de cette lettre à un texte incomplet de celle du 16 avril 1765 ; voir : http://www.monsieurdevoltaire.com/2014/09/correspondance-annee-1765-partie-14.html

2 Allusion aux capitouls de Toulouse qui avaient contribué à la condamnation de Calas . V* les désigne par cette périphrase parce que les capitouls, représentants de la ville, avaient interposé leur autorité entre le comte de Toulouse, suzerain de la ville, et les bourgeois toulousains .

3 Dans la Conversation du maréchal d'Hocquincourt avec le père Canaye, de Saint-Evremond, 1706, le père Canaye félicite la maréchal de croire « sans savoir pourquoi » : « Point de raison ! Que Dieu vous a fait , monseigneur , une belle grâce ! » . Voir : https://fr.wikisource.org/wiki/Conversation_du_mar%C3%A9chal_d%E2%80%99Hocquincourt_avec_le_p%C3%A8re_Canaye

4 Le petit troupeau ; évangile selon Luc, XII, 32 : https://www.prionseneglise.fr/textes-du-jour/evangile/2016-08-07

26/07/2020

Je suis un bien mauvais correspondant, madame, mais je n'en suis pas moins sensible aux bontés dont vous m'honorez

... Mea culpa Mam'zelle Wagnière ...

 

 

« A Anne-Marie Cholier, baronne de Verna

12 avril 1765, à Ferney 1

Je suis un bien mauvais correspondant, madame, mais je n'en suis pas moins sensible aux bontés dont vous m'honorez . Il est digne d'une âme comme la vôtre d'être touchée du sort des Calas . On a déclaré leur innocence ; mais en cela, on n'a rien appris à l'Europe . Il est question de les dédommager . Ce procès a coûté des sommes immenses . On se flatte que le roi daignera consoler cette malheureuse famille par quelques libéralités . Si on est réduit . J'ai eu l'honneur de voir quelquefois chez moi M. de Servan, l'un de vos avocats généraux 2. C'est un jeune homme plein de mérite, qui sera cher à tous ceux qui auront le bonheur de le connaître . J'ai l'honneur d'être avec bien du respect etc . Permettez-moi d'en dire autant à M. votre fils que je n'oublierai jamais . »

1 D'après l'édition « Trois lettres de Voltaire à Mme la baronne de Verna, à Grenoble », 1786, qui comporte deux lacunes, marquées par trois lignes de points pour la première après Si on est réduit, et par une ligne et demie de points après l'un de vos avocats généraux .

25/07/2020

Présentez mes respects à vos deux maris

...

 

« A Marie-Jeanne Pajot de Vaux, Maîtresse

des comptes

à Lons-le-Saulnier

Il faut bien que je vous respecte, madame, vous voilà une mère de famille vénérable, toute jeune que vous êtes ; il n'y a plus moyen de vous appeler pâté . J'aurais désiré infiniment d’accompagner monsieur votre frère , de faire ma cour à la mère, et de voir son gros petit enfant, mais ma misérable santé ne me permet pas ces consolations . Si jamais je peux voyager ce sera assurément pour vous, et pour avoir l'honneur de revoir vos deux aimables maris .

Je fais actuellement le métier de maçon ; je bâtis des appartements pour vous recevoir, en cas qu'il vous prenne fantaisie de revoir le pays de Gex . Dites, je vous en prie, à mon filleul, que je l'aime déjà beaucoup, et que je veux radoter un jour à ses noces 1.

Adieu, madame, soyez toujours aussi heureuse que vous méritez de l'être . Présentez mes respects à vos deux maris , et recevez les miens .

V.

10è avril 1765 à Ferney. »

24/07/2020

Il est fort à son aise, nous lui avons fait bâtir une jolie église, nous lui avons donné des ornements d'évêque, et s'il ne boit pas d'aussi bon vin que moi, il en boit beaucoup davantage

... Ah ! l'heureux temps où l'on pouvait boire, vin de messe ou autre, sans inviter ce fumeux "modération" !

Si les musulmans m'agacent par leurs invocations incessantes à Allah au début, au milieu , à la fin de chaque phrase, les présentateurs de télévision et tous journalistes de l'audio-visuel me gonflent sérieusement par leur "avec modération" dès qu'on parle, peu ou prou, de boisson, peu ou prou, alcoolisée . On croirait qu'ils jouent leur place s'ils ne se plient pas à la sacro-sainte formule . Ridicule ! 

En toute logique médicale, la modération devrait être aussi impérative pour toutes les boissons sucrées, sodas et autres mixtures qui tuent plus sournoisement mais aussi à coup sûr que le picrate de nos anciens . Maintenant que nous avons des élus écologistes patentés , quand vont-ils pondre un texte de loi étendant le "modération" aux boissons mortelles non alcoolisées ?

https://www.pressesante.com/sodas-un-pied-dans-la-tombe-s...

 

 

 

« A Antoine-Jean-Gabriel Le Bault

A Ferney , 10 avril 1765

Monsieur,

Ce que vous avez bien voulu m'écrire dans la dernière lettre dont vous m'honorez 1, concernant les justices subalternes, est digne d'un magistrat tel que vous . Je vis, il y a un an, le parlement de Bourgogne, sous la juridiction duquel j'ai le bonheur de me trouver, donner un bel exemple qui doit contenir ces justices dans les bornes des lois . Une pauvre fille de mon voisinage qui n'avait point celé sa grossesse, et qui était accouchée entre les mains de trois femmes d'un enfant mort en naissant, fut condamnée à être pendue par des juges de village : elle fut amenée par-devant votre Tournelle qui la déclara innocente, et trouva la sentence très inique .

Quelques-uns de vos magistrats me firent plusieurs mois après, l'honneur de venir dîner à Ferney . Le juge qui avait porté cette malheureuse sentence s'y trouvait, on en parla ; un de vos messieurs, indigné, lui dit : « Quel est le butor qui a prononcé cette sentence ? Il mériterait qu'on le prît à partie, et qu'on le punît sévèrement . »

Le butor à qui on adressait la parole ne répondit rien, et je ne lui fis pas l'affront de le découvrir . Je peux vous assurer, monsieur, que la justice de Gex aurait besoin quelquefois d'être éclairée par ses supérieurs . M. Dupuits qui a épousé Mlle Corneille et qui aura l 'honneur de vous rendre ma lettre, est appelant d'une sentence de Gex, rendue contre lui en faveur d'un Genevois 2. Je crois que vous serez son juge ; je ne prends pas la liberté inutile de vous solliciter ; la sollicitation ne doit être que dans l'évidence du bon droit . Il vous expliquera sa cause . Peut-être est-elle d'une nature que les ordonnances sur substitution n'ont ni assez éclaircie, ni même assez prévue : car l’ordonnance ressemble assez, comme vous savez, au conte de La Fontaine : On ne s'avise jamais de tout 3.

Je crois que je serai bientôt au nombre de vos clients . Ma nièce, du moins, à qui j'ai donné le château de Ferney, pourra être obligée de plaider par-devant vous contre son curé pour les dîmes ; c'est une affaire dont nous n'avons pas encore la moindre connaissance ; elle était pendante au Conseil du roi du temps des prédécesseurs du seigneur et du curé . Les principaux documents sont à Turin et à Berne ; tout ce que j'en sais, c'est que nous avons contre nous le concile de Latran, et pour nous Henri IV ; c'est lui qui sollicite en notre faveur, et je crois même que vous avez déjà fait gagner notre cause, en enregistrant des lettres patentes de ce prince qui maintiennent les seigneurs de Gex dans la possession de leurs dîmes, en vertu des traités faits avec les ducs de Savoie et le canton de Berne . Je ne sais si ces traités furent enregistrés au parlement . Il serait bien étrange qu'on eût omis une formalité si essentielle .

M. de Fontette négocie actuellement avec M. le duc de Praslin, pour prendre des arrangements convenables . Je n'en sais pas davantage . Oserais-je vous supplier, monsieur, d'en parler à M. de Fontette ? Il paraît que messieurs de Berne et de Genève ayant les mêmes intérêts que nous dans ce qui regarde le maintien des traités, c'est une affaire d’État autant que de jurisprudence .

Au reste , les petits délais que doit nécessairement éprouver le curé de Ferney, ne lui sont pas bien préjudiciables . Il est fort à son aise, nous lui avons fait bâtir une jolie église, nous lui avons donné des ornements d'évêque, et s'il ne boit pas d'aussi bon vin que moi, il en boit beaucoup davantage .

J’ai l'honneur d'être, avec beaucoup de respect, monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur.

Voltaire . »

1 Lettre inconnue .

2 Vers cette époque Mme Denis écrit à Ruffey : « [M. Dupuits] vient à Dijon pour un procès qui doit être jugé incessamment . […] Faites-nous l'amitié de le conduire et de lui dire les démarches qu'il faut faire . »