27/10/2019
si vous ne daignez pas écrire en faveur de la bonne cause, du moins vous écraserez la mauvaise, en disant ce que vous pensez
... C'est le moins qu'on puisse faire .
Avec ou sans humour ?
Avec ! https://www.youtube.com/watch?v=hz5xWgjSUlk
Et , remarquablement : https://www.youtube.com/watch?v=UKQGL9PEoIg
« A Jean Le Rond d'Alembert
7 septembre [1764]
Mon cher philosophe, vos lettres sont comme vous, au-dessus de notre siècle, et n’ont assurément rien de welche. Je voudrais pouvoir vous écrire souvent pour m’en attirer quelques-unes. C’est donc de votre estomac, et non pas de votre cœur, que vous vous plaignez ! Vos calomniateurs se sont mépris. Il semble qu’on vous injurie, vous autres philosophes, quand on vous soupçonne d’avoir des sentiments. Il paraît que vous en avez en amitié, puisque vous avez été fidèle à M. d’Argenson après sa disgrâce et après sa mort. Vous avez assisté à son enterrement comme son confrère ; mais Simon Le Franc, qui n’est le confrère de personne, a prétendu y être comme parent : il faisait par vanité ce que vous faisiez par reconnaissance 1.
Vous me parlez souvent d’un certain homme 2. S’il l’avait voulu faire ce qu’il m’avait autrefois tant promis, prêter vigoureusement la main pour écraser l’infâme, je pourrais lui pardonner ; mais j’ai renoncé aux vanités du monde, et je crois qu’il faut un peu modérer notre enthousiasme pour le Nord . Il produit d’étranges philosophes. Vous savez bien ce qui s’est passé 3, et vous avez fait vos réflexions. Je laisse madame Denis 4 donner des repas de vingt-six couverts, et jouer la comédie pour ducs et présidents, et intendants et passe-volants, qu’on ne reverra plus. Je me mets dans mon lit au milieu de ce fracas, et je ferme ma porte. Omnia fert aetas 5. Vraiment j’ai lu ce dictionnaire diabolique 6, il m’a effrayé comme vous ; mais le comble de mon affliction est qu’il y ait des chrétiens assez indignes de ce beau nom pour me soupçonner d’être l’auteur d’un ouvrage aussi antichrétien. Hélas ! à peine ai-je pu parvenir à en attraper un exemplaire. On dit que frère Damilaville en a quatre, et qu’il y en a un pour vous. Je suis consolé quand je vois que cette abominable production ne tombe qu’en si bonnes mains. Qui est plus capable que vous de réfuter en deux mots tous ces vains sophismes ? Vous en direz au moins votre avis avec cette force et cette énergie que vous mettez dans vos raisonnements et dans vos bons mots ; et si vous ne daignez pas écrire en faveur de la bonne cause, du moins vous écraserez la mauvaise, en disant ce que vous pensez. Votre conversation vaut au moins tous les écrits des saints Pères. En vérité le cœur saigne quand on voit les progrès des mécréants. Figurez-vous que neuf ou dix prétendus philosophes, qui à peine se connaissent, vinrent ces jours passé souper chez moi. L’un d’eux, en regardant la compagnie, dit , Messieurs, je crois que le Christ se trouvera mal de cette séance. Ils saisirent tous ce texte ; je les prenais pour des conseillers du prétoire de Pilate ; et cette scène se passait devant un jésuite ! et à la porte de Calvin ! Je vous avoue que les cheveux me dressaient à la tête. J’eus beau leur représenter les prophéties accomplies, les miracles opérés, et les raisons convaincantes d’Augustin, de l’abbé Houteville, et du père Garasse : on me traita d’imbécile. Enfin la perversité est venue au point, qu’il y a dans Genève une assemblée qu’ils appellent cercle, où l’on ne reçoit pas un seul homme qui croie en Christ ; et quand ils en voient passer un, ils font des exclamations à la fenêtre, comme les petits enfants quand ils voient un capucin pour la première fois. J’ai le cœur serré en vous mandant ces horreurs. Elles enflammeront peut-être votre zèle ; mais vous aimez mieux rire que servir. Conservez-moi votre amitié, elle me servira à finir doucement ma carrière.
Je me flatte que votre d’Argenson, mon contemporain, est mort avec componction et avec extrême-onction. C’est là un des grands agréments de ceux qui ont le bonheur de mourir chez vous ; on ne leur épargne, Dieu merci, aucune des consolations qui rendent la mort si aimable. Toutes ces choses-là sont si sages qu’on les croirait inventées par des Welches, s’ils avaient jamais inventé quelque chose .
Vale.
Je vous conjure de crier que je n’ai nulle part au Portatif. »
1 D'Alembert a écrit le 29 août 1764 : « […] savez-vous que Simon Lefranc est à Paris ? Il est vrai que c'est bien incognito, et qu'il ne tient pas table de 26 couverts. Je l'aperçus l'autre jour à l'enterrement du pauvre M. d'Argenson, où il était comme parent, et moi comme homme de lettres . »
2 Frédéric II ; D'Alembert dit qu'il vient d’en recevoir « une grande et belle lettre [...] » ; voir lettre du 29 août 1764 : http://www.monsieurdevoltaire.com/2015/02/correspondance-avec-d-alembert-partie-32.html
3 Le meurtre d'Ivan . Ce passage est à retenir pour le commentaire du conte intitulé Éloge historique de la raison, où l’enthousiasme pour le « Nord », en dépit du partage de la Pologne, est en effet excessif . Voir : http://www.litteratureaudio.com/livre-audio-gratuit-mp3/voltaire-eloge-historique-de-la-raison.html
4 Mot ajouté au-dessus de la ligne .
5 Tout vient avec l'âge , Virgile, Bucoliques, IX 51
6 « J'ai lu, par une grâce spéciale de la Providence, ce dictionnaire de Satan dont vous me parlez …. » , voir lettre du 29 août 1764 citée ci-dessus.
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26/10/2019
je révoque la permission et je le poursuivrai pour les dégâts
... Tenez le vous pour dit trottinettistes indélicats et dangereux ! A ce propos, l'un des arguments pour les mettre sur la chaussée étant qu'ils causent trop d'accidents aux piétons, je pense qu'on va voir maintenant un nombre plus grand de victimes, cette fois-ci chez ces deux roues mélangées au flot automobile : voiture contre trottinette, je ne vois que des kamikazes suicidaires pour oser la cohabitation . Espérons que je me trompe .
https://www.youtube.com/watch?v=0WW4IRo-9Rg
« A Gabriel Grenier
Gabriel Grenier ayant abusé de la permission que je lui avait donnée 1 de prendre des pierres dans ma carrière, et ayant malgré mes défenses fait passer des charrettes chargées de pierres par le petit chemin de Tournay à Pregny, je révoque la permission et je le poursuivrai pour les dégâts .
Voltaire.
Fait à Ferney 2 septembre [1764] »
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25/10/2019
aujourd’hui les meilleurs écrivains ne pourraient dire que ce qu’on sait. Le dégoût est venu de l’abondance
... Le dégoût de la lecture atteindra-t-il un jour le dégoût que montrent les jeunes ( et souvent leurs parents ) pour toute nourriture autre que les sacro-saintes chips et les divins hamburgers inondés de coca ? J'en ai peur parfois, et les petit(e)s gros(ses) brayant "j'aime pas ça !" à tort et à travers, ne savent pas de quoi ils se privent, et ne sachant pas distinguer une carotte d'un navet, ne sauront pas plus distinguer Voltaire de Bernard-Henri Lévy .
Dis-moi ce que tu n'aimes pas et je te dirai ce qui te restes à apprendre
« A Michel-Paul-Guy de Chabanon
Au château de Ferney, 2 septembre [1764] 1
Je vous dois, monsieur, de l’estime et de la reconnaissance, et je m’acquitte de ces deux tributs en vous remerciant avec autant de sensibilité que je vous lis avec plaisir 2. Vous pensez en philosophe, et vous faites des vers en vrai poète. Ce n’est pas la philosophie à qui on doit attribuer la décadence des beaux-arts. C’est du temps de Neuton qu’ont fleuri les meilleurs poètes anglais ; Corneille était contemporain de Descartes, et Molière était l’élève de Gassendi. Notre décadence vient peut-être de ce que les orateurs et les poètes du siècle de Louis XIV nous ont dit ce que nous ne savions pas, et qu’aujourd’hui les meilleurs écrivains ne pourraient dire que ce qu’on sait. Le dégoût est venu de l’abondance. Vous avez parfaitement saisi le mérite d’Homère ; mais vous sentez bien, monsieur, qu'on ne doit pas plus écrire aujourd'hui dans son goût qu’on ne doit combattre à la manière d’Achille et de Sarpédon. Racine était un homme adroit ; il louait beaucoup Euripide, l’imitait un peu (il en a pris tout au plus une douzaine de vers), et il le surpassait infiniment. C’est qu’il a su se plier au goût, au génie de la nation un peu ingrate pour laquelle il travaillait . C’est la seule façon de réussir dans tous les arts. Je veux croire qu’Orphée était un grand musicien : mais s’il revenait parmi nous pour faire un opéra, je lui conseillerais d’aller à l’école de Rameau.
Je sais bien qu’aujourd’hui les Welches n’ont que leur opéra-comique ; mais je suis persuadé que des génies tels que vous peuvent leur ramener le siècle de Louis XIV ; c’est à vous de rallumer le reste du feu sacré qui n’est pas encore tout à fait éteint. Je ne suis plus qu’un vieux soldat retiré dans sa chaumière. Je souhaite passionnément que vous combattiez contre le mauvais goût avec plus de succès que nous n’avons résisté à nos autres ennemis 3. C’est avec ces sentiments très sincères que j’ai l’honneur d’être, monsieur,
votre très humble et très obéissant serviteur
Voltaire. »
1 Le manuscrit autographe est passé à la vente Liepmanssohn en 1920 ; l'édition de Kehl place la lettre en 1766 . la rectification de date fut faite par Beuchot .
2 Chabanon a envoyé à Voltaire son opuscule : Sur le sort de la poésie en ce siècle philosophe, 1764, , avec une dissertation sur Homère considéré comme poète tragique, et une tragédie en un acte intitulée Priam au camp d’Achille.
Voir : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k108144k/f1.image
et : https://fr.wikipedia.org/wiki/Michel_Paul_Guy_de_Chabanon
3 Entendu les Anglais et Prussiens lors de la Guerre de Sept ans .
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24/10/2019
je ne peux digérer votre galimafrée ; elle me fait enfler le devant et le derrière
...
... et les vents ont redoublé de fureur, mais les sacrements ont un peu apaisé la tempête ! On ne vantera jamais assez le pouvoir de guérison de l'eau bénite sur les méfaits des fayots . Bon appétit, ô végans !
« A Louis-François-Armand du Plessis, duc de Richelieu
31è auguste 1764 à Ferney
J’eus une belle alarme ces jours passés, monseigneur, pour votre commandant de Guyenne. J’envoyai de mon lit, dont je ne sors guère, savoir des nouvelles de la brillante santé que Tronchin lui avait promise ; il venait de recevoir ses sacrements et de faire son testament. La raison de cette opération soudaine, la voici .
Tronchin l’a condamné à ne manger que des légumes, des carottes, des fèves cuites à l’eau ; Monsieur, a dit M. le duc de Lorges, je ne peux digérer votre galimafrée ; elle me fait enfler le devant et le derrière. On lui a appliqué les sangsues pour le derrière, et on lui a fait la ponction pour le devant ; les vents ont redoublé de fureur, mais les sacrements ont un peu apaisé la tempête, et il est actuellement hors de danger. M. le duc de Randan, son frère, et M. le duc de la Trémoille, sont arrivés avec vingt officiers ; Mme Denis veut absolument leur donner la comédie, je vais recevoir mes sacrements aussi, pour avoir une raison valable de ne point faire le baladin à soixante-dix ans.
J’apprends dans ce moment la mort de M. d’Argenson 1, et j’en suis plus touché que de celle de l’empereur Ivan 2, parce qu’il était plus aimable. Il va se raccommoder avec Mme de Pompadour, car ils ne pouvaient bien vivre ensemble que dans l’autre monde 3.
J’ai le ridicule de m’intéresser à l’élection d’un roi de Pologne ; mais je crains fort que l’aventure du prince Ivan, supposé qu’elle soit vraie, n’empêche M. Poniatowski, favori de l’impératrice, d’être élu roi, comme il s’en flattait. On prétend qu’il y aura un peu de trouble au fond du Nord, pendant que mon héros fait régner la paix et les plaisirs dans son beau duché d’Aquitaine. Continuez cette douce vie, et daignez vous ressouvenir avec bonté de votre vieux courtisan redevenu aveugle, qui vous présente son tendre et profond respect. »
1 Marc-Pierre d'Argenson , mort le 22 août 1764 ; voir lettre du même jour à Mme Du Deffand : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2019/10/23/la-premiere-lecon-que-je-crois-qu-il-faut-donner-aux-hommes-c-est-de-leur-i.html
2 Voir lettre du 7 août 1762 à d'Argental : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2017/07/02/je-voudrais-que-quelque-bonne-ame-put-dire-au-roi-sire-voyez-5959449.html
3 On attribuait à Mme de Pompadour la disgrâce d'Argenson, laquelle est survenue le 1er février 1757 et fut accompagnée de l'exil du ministre . Voir : https://fr.wikipedia.org/wiki/Marc_Pierre_de_Voyer_de_Paulmy_d%27Argenson
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23/10/2019
La première leçon que je crois qu’il faut donner aux hommes, c’est de leur inspirer du courage dans l’esprit ; et puisque nous sommes nés pour souffrir et pour mourir, il faut se familiariser avec cette dure destinée
...
« A Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand
à Saint-Joseph
à Paris
31è auguste 1764 à Ferney
J’apprends, madame, que vous avez perdu M. d’Argenson. Si cette nouvelle est vraie, je m’en afflige avec vous. Nous sommes tous comme des prisonniers condamnés à mort, qui s’amusent un moment sur le préau jusqu’à ce qu’on vienne les chercher pour les expédier 1. Cette idée est plus vraie que consolante. La première leçon que je crois qu’il faut donner aux hommes, c’est de leur inspirer du courage dans l’esprit ; et puisque nous sommes nés pour souffrir et pour mourir, il faut se familiariser avec cette dure destinée.
Je voudrais bien savoir si M. d’Argenson est mort en philosophe ou en poule mouillée 2. Les derniers moments sont accompagnés, dans une partie de l’Europe, de circonstances si dégoûtantes et si ridicules, qu’il est fort difficile de savoir ce que pensent les mourants ; ils passent tous par les mêmes cérémonies. Il y a eu des jésuites assez impudents pour dire que M. de Montesquieu était mort en imbécile 3, et ils s’en faisaient un droit pour engager les autres à mourir de même. Il faut avouer que les Anciens, nos maîtres en tout, avaient sur nous un grand avantage ; ils ne troublaient point la vie et la mort par des assujettissements qui rendaient l’un 4 et l’autre funestes. On vivait, du temps des Scipion et des César, on pensait et on mourait comme on voulait ; mais pour nous autres, on nous traite comme des marionnettes. Je vous crois assez philosophe, madame, pour être de mon avis. Si vous ne l’êtes pas, brûlez ma lettre ; mais conservez-moi toujours un peu d’amitié pour le peu de temps que j’ai encore à ramper sur le tas de boue où la nature nous a mis. »
1L'idée vient de Pascal (Pensées, 199 ) . Le commentaire qu'y ajoute V* (« Cette idée est plus vraie que consolante. ») marque le chemin parcouru depuis les Lettres philosophiques . Voir XXVè lettre philosophique : https://www.atramenta.net/lire/oeuvre820-chapitre-25.html
2 Mme Du Deffand répond dans sa lettre du 10 septembre 1764 : « M. d'Argenson arriva ici le 12 de juillet à demi mort, une fièvre lente, la poitrine affectée, son état empirait tous les jours – mais insensiblement ; le 22 du mois dernier on s'aperçut qu'il était à l'extrémité . On envoya chercher le curé, qui resta avec lui jusqu'à cinq heures du soir, qu'il mourut . De toutes les pratiques accoutumées il ne fut question que de l’extrême-onction . On n'a pu savoir ce qu'il pensait , n ayant point parlé. »
D'Alembert écrit le 4 octobre 1764 : « Votre contemporain d'Argenson est mort assez joliment ; une heure avant que d'expirer, il disait à son curé qui lui parlait des sacrements, cela ne presse pas » . Rappelons que le prêtre ne peut donner l’extrême-onction que s'il a des raisons de penser que le malade s'est repenti et désire mourir chrétiennement (on parle de nos jours du sacrement des malades ) .
3 La réponse de Mme Du Deffand ne dément pas les jésuites : « Le président de Montesquieu fit tout ce qu'on a coutume de faire et dit tout ce qu'on voulut lui faire dire . »
4 Sic . Le masculin peut s'expliquer comme un neutre : l'une et l'autre chose .
15:20 | Lien permanent | Commentaires (0)
Il est question d’assurer la créance, sans déplaire au débiteur
... BCE et Brexit . Quand time is money , plus de questions que de réponses : https://www.lesechos.fr/idees-debats/editos-analyses/la-b...
Qui gagnera dans tous ces paniers de crabes ? qui passera à la casserole ?
« A Sébastien Dupont
Mon cher ami, je n’ai pu vous remercier plus tôt de vos bons offices ; j’ai été malade, et je ne peux encore écrire de ma main. Mes pauvres yeux vont fort mal, mais j’espère que mon affaire ira bien. Il est question d’assurer la créance, sans déplaire au débiteur. J’attends des nouvelles de M. le duc de Virtemberg . Je vous manderai quelles sont ses résolutions ; nous vous conduirons en conséquence . Je voudrais bien que cette anicroche me fournît un prétexte de faire encore un voyage à Colmar ; la véritable raison serait de vous embrasser, et de philosopher un peu avec vous. Je vous embrasse de tout mon cœur, vous et toute votre famille.
V.
28è auguste 1764 à Ferney. »
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22/10/2019
gentilhomme savoyard, par conséquent pauvre ; et en qualité de pauvre, grand faiseur d’enfants
... Ce qui donne les "allocations braguette" à la Réunion et quelques autres départements, dont l'un , Mayotte, reçoit notre président ce jour . " J'ai connu plus agréable comme déplacement " doit-il penser en toute sincérité, après avoir baragouiné quelques mots en shimaoré: «Maore na farantsa pakatcho», assure-t-il. «Mayotte, c’est la France jusqu’au bout.» Le bout du bout même . Trump en accepterait-il le don , plutôt que d'acheter le Groenland ?
https://www.liberation.fr/france/2019/10/22/macron-mayott...
Et notre président l'a fait ?
« A Bernard-Louis Chauvelin
A Ferney 28 auguste [1764] 1
Le petit ex-jésuite, auteur des Roués n’a pas une santé bien brillante, et n’est pas dans la première jeunesse. Ce vieux pauvre diable présente ses très sincères respects à leurs excellences . Il vous supplie de lui renvoyer soit à lui, soit aux anges, certain drame qu’il a tâché de rendre moins indigne de votre suffrage . Quand vous aurez une occasion , renvoyez, dit-il, ce croquis, afin qu’on tâche de vous présenter un tableau.
Nous avons eu M. de La Tremblaye, qui fait de fort jolies choses, et M. le prince Camille, qui en sent le prix . M. le duc de Lorges est toujours à Genève . Il a mal par devant et par derrière, et moi j’ai mal partout . Ainsi je lui fais peu ma cour. Mais voici M. le duc de Randan qui arrive aussi avec dix-sept ou dix-huit amis qui jouent tous la comédie. Ils prétendent représenter sur le théâtre de Ferney ; je le leur abandonne de tout mon cœur, pourvu que je ne sois pas de la troupe. Voilà qui est fait . J’ai renoncé au théâtre. Il faut prendre congé, à soixante-dix ans passés. Si c’était madame l’ambassadrice qui jouât Phèdre, encore pourrai-je faire Théramène, et puis mourir à ses pieds ; mais c’est un effort que je ne ferai que pour elle.
Dirai-je à Votre Excellence qu’il m’est venu un M. de La Balle ? point ; c’est M. de La Balme, surnommé de L’Échelle, gentilhomme savoyard, par conséquent pauvre ; et en qualité de pauvre, grand faiseur d’enfants. Ce M. de La Balme est oncle de ce jeune homme à qui j’ai donné mademoiselle Corneille. J’ai un fils haut de cinq pieds et demi, m’a-t-il dit, et je ne sais qu’en faire ; vous êtes connu de M. l’ambassadeur de France à Turin ; il a pour vous des bontés ; il est sans doute ami du ministre de la guerre . Ainsi mon fils sera enseigne . Il a déjà un frère et deux oncles dans le service, et ses ancêtres ont servi dès le temps de César . Je m’en prendrai à vous si mon fils n’est pas enseigne. Monsieur, lui ai-je répondu, je doute fort que M. de Chauvelin se mêle des enseignes de Savoie, et je ne suis pas assez hardi pour abuser à ce point des bontés dont il m’honore. Alors le bon M. de La Balme m’a embrassé tendrement : mon cher monsieur de Voltaire, écrivez à M. l’ambassadeur, je vous en conjure. Monsieur, je n’ose, cela passe mes forces. Enfin il m’a tant prié, tant pressé, il était si ému, que j’ai la hardiesse d’écrire ; mais je n’écris qu’en cas que la chose soit facile, qu’elle s’accorde avec toutes vos convenances, qu’elle ne vous compromette en rien, et que vous me pardonniez la liberté que je prends.
Que Vos Excellences agréent les respects du bonhomme
V. »
1 L'édition de Kehl date de 1766 , corrigé par Beuchot .
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