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22/03/2025

Le temps est passé où les hypocrites gouvernaient les sots. Il faut détruire aujourd’hui un pouvoir aussi odieux que ridicule

 ... Hey mister Trump ! Voltaire is watching you !

 

 

« A Charles Bordes

6 septembre 1769

Voici le fait, mon cher ami : M. de Sartines a fait imprimer Les Guèbres par Lacombe, mais il ne veut pas être compromis. Les ministres souhaitent qu’on la joue, mais ils veulent qu’on la représente d’abord en province. On en donne, cette semaine, une représentation à Orangis 1, à deux lieues de Paris. Vous pouvez compter sur la vérité de ce que je vous mande.

Tout bien considéré, M. de Flesselles 2 pourrait écrire à M. de Sartines. Il est certain qu’il répondra favorablement. Je vous réponds de même de M. le duc de Choiseul, de M. le duc de Praslin, de monsieur le chancelier. À l’égard du roi, il ne se mêle en aucune manière de ces bagatelles.

J’ai fait réflexion qu’il faut bien se donner de garde de fournir à un évêque, quel qu’il soit, le prétexte de se flatter qu’on doive le consulter sur les divertissements publics ou particuliers. On joue tous les jours Le Tartuffe sans faire aux prêtres le moindre compliment ; ils ne doivent se mêler en rien de ce qui ne regarde pas l’Église ; c’est la maxime du conseil du roi et de toutes les juridictions du royaume. Le temps est passé où les hypocrites gouvernaient les sots. Il faut détruire aujourd’hui un pouvoir aussi odieux que ridicule. On ne peut mieux parvenir à ce but qu’en jouant  Les Guèbres, qui rendent la persécution exécrable, sans que ceux qui veulent être persécuteurs puissent se plaindre.

On fit très mal, à mon avis, de priver la ville de Lyon de l’usage où elle était de donner une petite fête le premier dimanche de carême, et de craindre les menaces que faisait un certain homme 3 d’écrire à la cour. Soyez très sûr que le corps de ville l’aurait emporté sur lui sans difficulté, et que ses lettres à la cour ne feraient pas plus d’effet que les excommunications de Rezzonico 4. Je ne connais pas quel rapport le parlement de Bretagne peut avoir avec l’intendant de Lyon ; mais je conçois très bien qu’il vaut mieux jouer une tragédie que de donner à jouer à des jeux de hasard ruineux, qui doivent être ignorés dans une ville de manufactures.

Au reste, rien ne presse. Ce petit divertissement sera aussi bon en novembre qu’en septembre. Je ne sais, mon cher ami, si ma santé me permettra de faire le voyage ; mais, si je le fais, il faudra que je vive à Lyon dans la plus grande retraite ; que je n’y vienne que pour consulter des médecins, et que je ne fasse absolument aucune visite. Je me meurs d’envie de vous embrasser.

V.

N. B. Ne soyez point étonné que les évêques espagnols aillent publiquement à la comédie ; c’est l’usage. Les prêtres espagnols sont en cela plus sensés que les nôtres. Il y a plusieurs pièces de théâtre à Madrid qui finissent par le comædia est 5. Alors chacun fait le signe de la croix, et va souper avec sa maîtresse. »

2 Intendant de Lyon.

3 Montazet, archevêque de Lyon.

4 Clément XIII.

5 Allusion à la fin du canon de la messe  « ite missa est »; allez la comédie est finie

Je ne puis leur refuser une chose si juste sans laquelle ils seraient en droit de regarder notre convention comme nulle

...

... Paroles de Zelensky ? Voir et suivre (lien actualisable ) : https://www.lemonde.fr/international/live/2025/03/22/en-d...

 

 

 

« Au Conseil suprême de Montbéliard

A Ferney ce 6 septembre 1769

Messieurs,

Je reçois dans ce moment une lettre de ma famille qui me force encore de vous importuner . L'argent dont M. Jeanmaire est nanti est le bien de mes parents . Ils exigent la délégation 1 sur des fermiers solvables demeurant en France telle que M. Jeanmaire l'a stipulé avec moi et telle que nos usages la prescrivent . Je ne puis leur refuser une chose si juste sans laquelle ils seraient en droit de regarder notre convention comme nulle .

Je vous demande donc en grâce, messieurs, et avec la plus vive instance de vouloir bien m'envoyer cette délégation afin qu'étant payé du quartier échu au 1er octobre prochain, je puisse satisfaire à mes engagements et ne plus essuyer les reproches continuels de ma famille . S'il ne s'agissait que de mon intérêt, je m'en remettrais uniquement à votre bonne volonté et à celle de M. Surlau ; mais M. Surlau ne peut pas répondre des deniers ; il n'est point domicilié en France, et il faut absolument un fermier ou régisseur qui s'engage en son propre et privé nom . Cela seul peut suppléer quelque temps à la subrogation que M. Jeanmaire m'a promise depuis six mois et qu'il n' a point effectuée . Ma famille a été très alarmée de ne point voir cette promesse accomplie, elle m'impute cette violation de mon traité avec M. Jeanmaire comme si c’était ma faute . Cependant M. Jeanmaire sait que j'ai insisté dans toutes mes lettres sur cette clause essentielle qui a été le fondement de notre traité , et les minutes de mes lettres en font foi .

Je vous supplie donc, messieurs , non seulement de me faire tenir cet acte de subrogation dès que vous le pourrez, mais de me donner dès à présent la délégation pour percevoir le quartier qui échoit à la fin du mois . J’attends cette justice de vous .

J'ai l'honneur d'être avec les sentiments les plus respectueux,

messieurs,

votre très humble et très obéissant serviteur

Voltaire. »

1On a dit que cette délégation fut accordée ; voir l'Appendice Best., D 323.

21/03/2025

madame : criez, faites crier

... et pas seulement dans les stades , Mme  Kirsty Coventry : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-edito-s...

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« A Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand

6è septembre 1769 1

Je viens de faire ce que vous voulez, madame ; vous savez que je me fais toujours lire pendant mon dîner. On m’a lu un éloge de Molière qui durera autant que la langue française , c’est Le Tartuffe.

Je n’ai point lu celui qui a été couronné 2 à l’Académie française. Les prix institués pour encourager les jeunes gens sont très bien imaginés. On n’exige pas d’eux des ouvrages parfaits, mais ils en étudient mieux la langue : ils la parlent plus exactement, et cet usage empêche que nous ne tombions dans une barbarie complète. Les Anglais n’ont pas besoin de travailler pour des prix ; mais il n’y a pas chez eux de bon ouvrage sans récompense : cela vaut mieux que des discours académiques. Ces discours sont précisément comme les thèmes que l’on fait au collège : ils n’influent en rien sur le goût de la nation. Ce qui a corrompu le goût, c’est principalement le théâtre, où l’on applaudit à des pièces qu’on ne peut lire ; c’est la manie de donner des préceptes quand on ne peut donner des exemples ; c’est la facilité de faire des choses médiocres, en pillant le siècle passé, et se croyant supérieur à lui. Je prouverais bien que les choses passables de ce temps-ci sont toutes puisées dans les bons écrits du Siècle de Louis XIV. Nos mauvais livres sont moins mauvais que les mauvais qu’on faisait du temps de Boileau, de Racine et de Molière, parce que, dans ces plats ouvrages d’aujourd’hui, il y a toujours quelques morceaux tirés visiblement des auteurs du règne du bon goût. Nous ressemblons à des voleurs qui changent et qui ornent ridiculement les babils qu’ils ont dérobés, de peur qu’on ne les reconnaisse.

À cette friponnerie s’est jointe la rage de la dissertation et celle du paradoxe. Le tout compose une impertinence qui est d’un ennui mortel.

Je vous promets bien, madame, de prendre toutes ces sottises en considération l’hiver prochain, si je suis en vie, et de faire voir à mes chers compatriotes que, de Français qu’ils étaient, ils sont devenus Welches.

Ce sont les derniers chapitres que vous avez lus qui sont assurément d’une autre main, et d’une main très maladroite. Il n’y a ni vérité dans les faits, ni pureté dans le style. Ce sont des guenilles qu’on a cousues à une bonne étoffe.

On va faire une nouvelle édition des Guèbres, que j’aurai l’honneur de vous envoyer. Criez bien fort pour ces bons Guèbres, madame : criez, faites crier, dites combien il serait ridicule de ne point jouer une pièce si honnête, tandis qu’on représente tous les jours Le Tartuffe. Ce n’est pas assez de haïr le mauvais goût, il faut détester les hypocrites et les persécuteurs ; il faut les rendre odieux, et en purger la terre. Vous ne détestez pas assez ces monstres-là. Je vois que vous ne haïssez que ceux qui vous ennuient. Mais pourquoi ne pas haïr aussi ceux qui ont voulu vous tromper et vous gouverner ? Ne sont-ils pas d’ailleurs cent fois plus ennuyeux que tous les discours académiques ? et n’est-ce pas là un crime dont vous devez les punir ? Mais, en même temps, n’oubliez pas d’aimer un peu le vieux solitaire, qui vous sera tendrement attaché tant qu’il vivra.

Vous savez que votre grand-maman m’a envoyé un soulier d’un pied de roi de longueur. Je lui ai envoyé une paire de bas de soie qui entrerait à peine dans le pied d’une dame chinoise. Cette paire de bas, c’est moi qui l’ai faite ; j’y ai travaillé avec un fils de Calas. J’ai trouvé le secret d’avoir des vers à soie dans un pays tout couvert de neiges sept mois de l’année ; et ma soie, dans mon climat barbare, est meilleure que celle d’Italie. J’ai voulu que le mari de votre grand-maman, qui fonde actuellement une colonie dans notre voisinage, vit par ses yeux que l’on peut avoir des manufactures dans notre climat horrible.

Je suis bien las d’être aveugle tous les hivers ; mais je ne dois pas me plaindre devant vous. Je serais comme ce sot de prêtre qui osait crier parce que les Espagnols le faisaient brûler en présence de son empereur, qu’on brûlait aussi ; vous me diriez comme l’empereur 3: Et moi, suis-je sur un lit de roses ? Vous êtes malheureuse toute l’année, et moi je ne le suis que quatre mois . Je suis bien loin de murmurer, je ne plains que vous. Pourquoi les causes secondes vous ont-elles si maltraitée ? pourquoi donner l’être sans donner le bien-être ? C’est là ce qui est cruel.

Adieu, madame ; consolons-nous. »

1 Original ; éd. Kehl dont le texte qui suit la copie Beaumarchais est corrompu, de même que les éditions suivantes .

2 Éloge de Molière, mis au concours en 1769 .

V* répond ici à une courte lettre de la marquise du 29 août qui demandait « à mains jointes » à V* de faire un « éloge, un discours […] sur Molière » : https://fr.wikisource.org/wiki/Correspondance_de_Voltaire/1769/Lettre_7645

Le texte couronné est celui de Chamfort  : https://obtic.huma-num.fr/obvil-web/corpus/moliere/critique/chamfort_eloge-moliere_1769

Voir lettre du 7 août à Chabanon : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2025/02/13/il-ne-faut-jamais-tuer-sur-le-theatre-que-des-gens-que-l-on-aime-passionnem.html

et du 27 septembre 1769 à Chamfort : https://fr.wikisource.org/wiki/Correspondance_de_Voltaire/1769/Lettre_7679

3 Paroles attribuées à l'empereur mexicain Cuatimozin ou Guauhtémoc dernier empereur du Mexique , exécuté par Fernand Cortès ; voir : https://www.universalis.fr/encyclopedie/cuauhtemoc-guatimozin/

la chose est délicate, mais on peut la tenter

... Au moins deux choses délicates en ce moment : le financement de nos armées et les alliances à faire quand Trump se défile .

https://www.francetvinfo.fr/economie/emploi/metiers/armee-et-securite/comment-va-fonctionner-le-nouveau-produit-d-epargne-visant-a-financer-le-secteur-de-la-defense_7141023.html

et

https://www.ouest-france.fr/politique/defense/une-defense-europeenne-sans-les-etats-unis-le-point-de-vue-de-deux-experts-26f63192-04dd-11f0-a7a0-db29bf98805a

Que faire pour ne pas sombrer ?

 

« A Charles Bordes

6 septembre [1769] 1

Plus je pense à cet ouvrage 2, mon cher ami, plus je crois qu’il serait très important de le jouer en public. Je vous enverrai incessamment quelques exemplaires de l’édition de Genève corrigée. Je voudrais auparavant être instruit des motifs de refus de M. de La Verpillière 3. Il faut savoir surtout s’il a consulté monsieur l’archevêque 4, ou s’il a seulement craint de le choquer. Il me semble que l’archevêque n’a rien du tout à démêler avec des prêtres de Pluton, attendu qu’il a été assez longtemps prêtre de Vénus, et que ces deux divinités ne se rencontrent jamais ensemble. De plus, votre archevêque est réputé chrétien, et par conséquent il ne peut prendre le parti des prêtres païens. J’ajoute à ces raisons qu’il est mon confrère à l’Académie française ou françoise ; mais mon meilleur argument est que je l’ai connu homme de beaucoup d’esprit, et infiniment aimable.

Me conseilleriez-vous de lui écrire en faveur de l’auteur de cette pièce qui m’est dédiée, et de le prier seulement d’ignorer si on la joue ? Je ne ferai cette démarche qu’en cas que M. de La Verpillière fût disposé à la laisser jouer ; et j’attendrai vos avis pour me conduire.

Mandez-moi, je vous prie, si mon roman peut devenir une réalité ; si Mme Lobreau 5 peut faire jouer une pièce nouvelle de son autorité privée ; si elle est discrète ; si on peut avoir déjà à Lyon l’édition de Paris ; s’il y a quelques acteurs qu’on puisse débarbariser et déprovincialiser. Savez-vous bien que je serais homme à me rendre incognito à Lyon ? Nous verrions ensemble comment il faudrait s’y prendre pour former des acteurs ; nous ne dirions d’abord notre secret qu’à la directrice. Je crois qu’il n’y a dans sa troupe aucun comédien qui me connaisse : la chose est délicate, mais on peut la tenter. Vous pourriez me trouver quelque petit appartement bien ignoré ; j’y viendrais en habit noir, comme un vieux avocat de vos parents et de vos amis. Le pis qui pourrait m’arriver serait d’être reconnu, et il n’y aurait pas grand mal.

Cette idée m’amuse. Qu’a-t-on à faire dans cette courte vie que de s’amuser ? Mais une considération bien plus forte m’occupe ; je voudrais vous voir, causer avec vous, et oublier les sottises de ce monde dans le sein de la philosophie et de l’amitié. Les fidèles faisaient autrefois de plus longs voyages pour se consoler de la persécution.

Au reste, le petit troupeau de sages augmente tous les jours, mais le grand troupeau de fanatiques frappe toujours de la corne, et mugit contre les bergers du petit troupeau.

Je vous embrasse en frère. »

 

1 Copie ancienne ; éd. Supplément au recueil qui a été suivie . En effet le manuscrit ne fait qu'une seule lettre de la présente et d'une du même jour pour laquelle existe une bonne source manuscrite .

2 La tragédie des Guèbres .

3 Prévôt des marchands de Lyon.

5 A été longtemps auparavant directrice du théâtre de Lyon ; voir lettre du 24 mars 1755 à Lekain : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2011/12/11/si-apres-cela-vous-avez-le-courage-de-venir-chez-moi-il-faut.html

20/03/2025

Je suis un imbécile ...On n’a pas le temps de lire dans le pays où vous êtes, et j’avais mis le doigt sur les endroits qu’on doit lire avec plaisir.

... Certains voient ainsi, sans doute, mon blog voltairien . Pourquoi pas ! mais il en est de pires . J'ai le meilleur exemple avec le Patriarche au vif esprit .

 

 

« A Louis-François-Armand du Plessis, duc de Richelieu

4è septembre 1769 à Ferney

Mon héros,

Je suis un imbécile ; je voulais qu’elle 1 trouvât sur sa toilette ce qui est à la gloire de son amant et de son ami. On n’a pas le temps de lire dans le pays où vous êtes, et j’avais mis le doigt sur les endroits qu’on doit lire avec plaisir.

La lettre dont mon héros m’honore, du 20 auguste (que les Welches appellent barbarement août), a été croisée par celle de son vieux serviteur 2, qui lui demandait Les Scythes très humblement et très instamment, au lieu de Mérope et après Mérope 3.

Je vous remercie de tout mon cœur, monseigneur, de vos bontés pour La Princesse de Navarre. La musique est charmante, et, en vérité, il y a quelquefois d’assez jolies choses dans les paroles. Je n’aurais pas osé vous la demander. Vous mettez, à votre ordinaire, des grâces dans vos bienfaits. Mais il faut que mon héros ait le diable au corps d’imaginer que je parle de la musique de Pandore, sans l’avoir entendue. J’en ai entendu trois actes dans mon ermitage ; Mme Denis, qui s’y connaît parfaitement, en a été très contente. M. le duc d’Aumont, qui avait pris d’autres engagements, demandait qu’une belle dame lui forçât un peu la main. Je suppose que mon ami La Borde a fait sur cela son devoir et ses diligences.

Mon héros est encore possédé d’un autre diable, en croyant que je m’adresse à M. d’Argental pour les bagatelles du théâtre. J’en suis bien loin. Mais il est rempli de l’esprit divin en faisant de belles réflexions sur les vanités et sur les tracasseries de ce monde. Le grand Condé disait à Chantilly qu’ayant tâté de tout, il était lassé de tout. Vous êtes encore dans la fleur de l’âge, vous n’avez que soixante et onze ans . Quand vous en aurez soixante-seize, comme moi, vous serez bien plus grand philosophe que je ne puis l’être . Vous verrez d’un œil bien plus aguerri toutes les pauvretés de ce monde, et vous jouirez de votre belle âme en paix. À Dieu ne plaise que je mette les beaux-arts dans le rang des misères dont on doit être dégoûté . Cela serait horrible en parlant au doyen de l’Académie française.

Je ne sais si une tragédie nouvelle, intitulée Les Guèbres, est parvenue jusqu’à vous . Si vous vouliez vous en amuser, je vous en enverrais une édition, quoiqu’elle me soit dédiée . Vous verriez qu’on peut faire quelque chose du jeune auteur.

Agréez, monseigneur, mon très tendre respect et ma vive reconnaissance.

V. »

3 C'est Mme Denis qui a suggéré de demander le remplacement de Mérope par Les Scythes parmi les quatre tragédies prévues pour les fêtes de Fontainebleau ; voir lettre http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2025/03/07/m-6538714je-ne-vois-pas-pourquoi-ceux-qui-rendent-service-a-la-patrie-n-en.html

19/03/2025

Peut-être vaut-il mieux que je ne paraisse pas

... Cette réflexion ne passera jamais dans la gueule* de Mélenchon, modèle de prétention XXXL .

* Je mets "gueule" car à partir d'une certaine taille et ce qui en sort une bouche n'a plus rien d'humain .

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« A Charles Bordes

4è septembre 1769

Je vous envoie à bon compte, mon cher ami, un exemplaire des Guèbres, que l'auteur a corrigé à peu près comme vous l'avez voulu . Ce jeune homme a une grande confiance dans votre goût et dans votre avis .

J'ignore si on jouera cette pièce à la campagne . J'ignore ce que ma mauvaise santé me permettra de faire . Peut-être vaut-il mieux que je ne paraisse pas . Mandez-moi ce que vous avez fait, et ce que je puis faire, aimez-moi, et cultivez la philosophie en dépit de ses ennemis . »

18/03/2025

pourquoi tant d’assassinats religieux

... Mais quel.s dieu.x honorent les assassins ? Les dieux et leurs prophètes ne sont que des alibis pour des humains pourris .

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Sous tous les cieux et climats, tuer celui qui n'honore pas le même prophète ou dieu est follement justifié

 

 

« A Pierre-Firmin de La Croix

Ferney, 4è Septembre 1769 par Lyon 1

Je ne conçois pas, monsieur, pourquoi cet infortuné Sirven se hâte si fort de se remettre en prison à Mazamet, puisque vous serez à la campagne jusqu’à la saint-Martin. Il faut qu’il s’abandonne entièrement à vos conseils. Je crains pour sa tête dans une prison où il sera probablement longtemps. Il m’a envoyé la consultation des médecins et chirurgiens de Montpellier 2. Il est clair que le rapport de ceux de Mazamet était absurde, et que l’ignorance et le fanatisme ont condamné, flétri, ruiné une famille entière, et une famille très vertueuse. J’ai eu tout le temps de la connaître ; elle demeure, depuis six ans, dans mon voisinage. La mère est morte de douleur en me venant voir ; elle a pris Dieu à témoin de son innocence à son dernier moment ; elle n’avait pas même besoin d’un tel témoin.

Ce jugement est horrible, et déshonore la France dans les pays étrangers. Vous travaillez, monsieur, non seulement pour secourir l’innocence opprimée, mais pour rétablir l’honneur de la patrie.

J’espère beaucoup dans l’équité et dans l’humanité de monsieur le procureur général. M. le prince de Beauvau lui a écrit, et prend cette affaire fort à cœur ; mais je crois qu’on n’a besoin d’aucune sollicitation dans une cause que vous défendez. Je suis même persuadé que le Parlement embrassera avec zèle l’occasion de montrer à l’Europe qu’il ne peut être séduit deux fois par le fanatisme du peuple, et par de malheureuses circonstances qui peuvent tromper les hommes les plus équitables et les plus habiles. J’ai toujours été convaincu qu’il y avait dans l’affaire des Calas de quoi excuser les juges. Les Calas étaient très innocents, cela est démontré ; mais ils s’étaient contredits. Ils avaient été assez imbéciles pour vouloir sauver d’abord le prétendu honneur de Marc-Antoine leur fils, et pour dire qu’il était mort d’apoplexie, lorsqu’il était évident qu’il s’était défait lui-même. C’est une aventure abominable ; mais enfin on ne peut reprocher aux juges que d’avoir trop cru les apparences. Or il n’y a ici nulle apparence contre Sirven et sa famille. L’alibi est prouvé invinciblement . Cela seul devait arrêter le juge ignorant et barbare qui l’a condamné.

On m’a mandé que le Parlement avait déjà nommé d’autres juges pour revoir le procès en première instance. Si cette nouvelle est vraie, je tiens la réparation sûre ; si elle est fausse, je serai affligé. Je voudrais être en état de faire dès à présent le voyage de Toulouse. Je me flatte que les magistrats me verraient avec bonté, et qu’ils me verraient avec d’autant moins mauvais gré d’avoir pris si hautement le parti des Calas, que j’ai toujours marqué dans mes démarches le plus profond respect pour le Parlement, et que je n’ai imputé l’horreur de cette catastrophe qu’au fanatisme dont le peuple était enivré. Si les hommes connaissaient le prix de la tolérance, si les lois romaines, qui sont le fond de votre jurisprudence, étaient mieux suivies, on verrait moins de ces crimes et de ces supplices qui effraient la nature. C’est le seul esprit d’intolérance qui assassina Henri III et Henri IV, votre premier président Duranti, et l’avocat général Rafis 3 ; c’est lui qui a fait la Saint-Barthélemy ; c’est lui qui a fait expirer Calas sur la roue. Pourquoi ces abominations n’arrivent-elles qu’en France ? pourquoi tant d’assassinats religieux, et tant de lettres de cachet prodiguées par le jésuite Le Tellier ? Sont-ils le partage d’un peuple si renommé pour la danse et pour l’opéra-comique ?

Tant que vous aurez des pénitents blancs, gris, et noirs, vous serez exposés à toutes ces horreurs ; il n’y a que la philosophie qui puisse vous en tirer ; mais la philosophie vient à pas lents, et le fanatisme parcourt la terre à pas de géant.

Je me consolerai, et j’aurai quelque espérance de voir les hommes devenirs meilleurs, si vous faites rendre aux Sirven une justice complète. Je vous prie, monsieur, de ne vous point rebuter des irrégularités dans lesquelles peut tomber un homme accablé d’une infortune de sept années, capable de déranger la meilleure tête.

Au reste, il doit avoir encore assez d’argent, et il n’en manquera pas.

Je suis tout prêt de faire ce que veut M. Darquier 4 ; je pense entièrement comme lui ; il m’a pris par mon faible, et vous augmentez beaucoup l’envie que j’ai de rendre ce petit service à la littérature. Il faudrait pour cela être sur les lieux, il faudrait passer l’hiver à Toulouse ; c’est une grande entreprise pour un vieillard de soixante-quinze ans, qui aime passionnément les beaux-arts, mais qui n’a que des désirs et point de force.

J’ai l’honneur d’être, monsieur, avec tous les sentiments d’estime, et j’ose dire d’amitié que vous méritez, votre très humble et très obéissant serviteur

Voltaire. »

 

 

1 Original signé ; éd . Kehl avec un fragment de la lettre du 30 août 1769 à Audra et sous son nom, suivant la copie Beaumarchais ; les lettres Best. D15843 du 23 août et 15991 du 13 septembre respectivement de La Croix et Audra, permettent de rétablir la correspondance .

2 La Décision de la faculté de médecine de Montpellier , imprimée par La Croix en appendice à son Mémoire pour le sieur Pierre-Paul Sirven […] : page 165 : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6291073c/f173.image.r=faculte

3 Voir l'Histoire du parlement de Paris , chap. XXXI : page 514 : https://fr.wikisource.org/wiki/Histoire_du_parlement/%C3%89dition_Garnier/Chapitre_31