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16/04/2024

Les intendants, monsieur, sont faits, à ce que je vois, pour vexer les pauvres cultivateurs

... Triste actualité sous un titre ronflant : Ministère de l'Agriculture et de la Souveraineté alimentaire ; l'emploi du temps de Marc Fesneau peut se suivre sur les réseaux sociaux si vous avez le temps entre deux traites, un épandage, un semis, un désherbage, un nourrissage, des soins vétérinaires, le dépannage du matériel, la tenue de kilos de documents français et européens, la bagarre avec les banques , et tutti quanti ...

Petite actualité sur le quotidien paysan de ceux qui nous nourrissent : https://www.terre-net.fr/

 

 

 

« A Joseph-Jérôme Le François de La Lande , de

l 'Académie des sciences, etc.

à Bourg-en-Bresse 1

1er octobre 1768

Les intendants, monsieur, sont faits, à ce que je vois, pour vexer les pauvres cultivateurs . Ils vous ont enlevé à moi. Je ne peux pourtant pas blâmer monsieur l’intendant de Bourgogne 2 ; si j’avais été à sa place, je vous assure que j’en aurais fait autant que lui. Comme il est de très bonne compagnie, il est bien juste qu’il l’aime.

C’est bien dommage, monsieur, que ce qui arrive aujourd’hui en Italie ne soit pas arrivé quand vous y étiez ; vous auriez ajouté un tome bien curieux à vos six volumes 3. La bulle In cœna Domini 4, proscrite par la dévote reine de Hongrie ; le pape enrôlant des soldats ; les femmes poursuivant les enrôleurs à coups de pierres, et criant qu’on enrôle des jésuites, et qu’on leur rende leurs amants ; les Romains se moquant universellement de Rezzonico ; le pape s’amusant à faire des saints dans le temps qu’on lui prend ses villes 5 : tout cela forme un tableau qui méritait d’être peint par vous, puisque vous avez eu la bonté de mêler l’étude des folies de la Terre à celle des phénomènes du ciel.

Nous saurons donc, l’année qui vient, à quelle distance nous sommes du soleil 6; j’espère que nous saurons aussi à quel point nous sommes éloignés de la superstition.

Si vous voyez votre très aimable commandant 7, je vous prie de me mettre à ses pieds.

Vous ne doutez pas que j’aie l’honneur d’être, avec la plus véritable et la plus respectueuse estime, monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur

V. »

1 Joseph-Jérôme Le Français de Lalande, né à Bourg-en-Bresse le 11 juillet 1732, mort le 4 avril 1807. Voir : https://fr.wikipedia.org/wiki/Joseph_J%C3%A9r%C3%B4me_Lefran%C3%A7ois_de_Lalande

4 La bulle In coena domini est une condamnation annuelle de divers hérésies ou sacrilèges ; voir : https://www.vaticannews.va/fr/vacances-liturgiques/jeudi-saint---coena-domini.html

6 Halley a montré que la parallaxe du soleil pouvait être déterminées à l’occasion des passages de Vénus sur le disque solaire . V* songeait à l'ouvrage suivant de son correspondant : Explication de la figure du passage de Vénus sur le disque du soleil qui s'observera le 3 juin 1769, 1694 et qui fut suivi par son Mémoire sur le passage de Vénus observé le 3 juin 1769, 1772.

Voir : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k32004770.texteImage

et

https://fr.wikisource.org/wiki/M%C3%A9moires_extraits_des_recueils_de_l%E2%80%99Acad%C3%A9mie_royale_de_Berlin/M%C3%A9moire_sur_le_passage_de_V%C3%A9nus_du_3_juin_1769

7 Le chevalier de Jaucourt, frère de l'encyclopédiste . Voir lettre du 29 janvier 1767 à Hennin : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2022/05/23/vous-savez-que-le-pays-de-gex-ne-fournit-rien-du-tout-vous-etes-temoin-que.html

 

15/04/2024

il voulait de l’ordre et de l’économie ; on n’aime ni l’un ni l’autre

...  Il n'est qu'à voir les intentions de vote pour le mois de juin pour se persuader que ça se vérifie toujours en France . Faire confiance à ce point à un Bardella c'est se tirer une balle dans le pied, à un NUPES se bousiller le second et un LR se trancher la gorge .  Cette élection va être un carnage .

 

 

« A Jean-François-René Tabareau

[ Septembre – octobre 1768 ] 1

Il est étonnant, monsieur, que les Chinois sachent au juste le nombre de leurs concitoyens, et que nous, qui avons tant d’esprit et qui sommes si drôles, nous soyons encore dans l’incertitude ou plutôt dans l’ignorance sur un objet si important. Je ne garantis pas le calcul de M. de La Michodière 2 ; mais, s’il y a vingt millions d’hommes en France, chaque individu doit prétendre à quarante écus de rente ; et si nous n’avons que seize millions d’animaux à deux pieds et à deux mains, il nous revient à chacun 144 livres ou environ. Cela est fort honnête ; mais les hommes ne savent pas borner leurs désirs.

Il y a une chose qui me fâche davantage, c’est que quand vous avez la bonté de donner cours à mes paquets pour Paris, vos commis mettent Genève sur l’enveloppe : cela est cause qu’ils sont ouverts à Paris. Les tracasseries genevoises ont probablement été l’objet de cette recherche ; mais je ne suis point Genevois représentant. J’ai cru que ma correspondance, favorisée par vous, serait en sûreté. Je vous prie en grâce de me dire si les paquets pareils à ceux que je vous ai fait tenir pour vous-même ont été marqués, dans vos bureaux, de ce mot funeste Genève. Il serait possible que, dans la multiplicité de mes correspondances, j’eusse envoyé quelques-unes de ces brochures imprimées en Hollande, qu’on me demande quelquefois ; il serait bien cruel qu’elles fussent tombées dans des mains dangereuses.

Tout le monde paraît content du débusquement 3 de M. Del Averdi ; et on ne l’appelle plus que M. Laverdi 4. Cela semble prouver qu’il voulait de l’ordre et de l’économie ; on n’aime ni l’un ni l’autre à la cour, mais il en faut pour le pauvre peuple 5. Cependant ce ministre avait fait du bien ; on lui devait la liberté du commerce des grains, celle de l’exercice de toutes les professions, la noblesse donnée aux commerçants, la suppression des recherches sur le centième denier après deux années, les privilèges des corps de villes, l’établissement de la caisse d’amortissement. Le public est soupçonné quelquefois d’être injuste et ingrat.

Comme nous allons bientôt entrer dans l’Avent, votre bibliothécaire, monsieur, vous envoie un sermon 6. Il est vrai que ce sermon est d’un huguenot ; mais la morale est de toutes les religions. Je ne manquerai pas de vous faire parvenir tous les ouvrages de dévotion qui paraîtront dans ce saint temps.

Vous savez combien je vous suis attaché. »

1 Copie Beaumarchais-Kehl ; édition de Kehl . Cette lettre est très probablement l'amalgame de deux lettres, la première contemporaine de L'Homme aux quarante écus, l'autre de septembre ou octobre ; voir note 2 de la présente lettre .

3 Littré ne cite que l'exemple de ce passage pour débusquement, au sens « action de déposséder quelqu'un de l'emploi qu'il occupe ». Cet emploi est en revanche bien attesté pour le verbe débusquer .

4 Sur François de Laverdy , voir lettre du 19 décembre 1763 à d'Argental : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2018/12/25/e... . Dans cette lettre V* écrit son nom De La Verdi, d'où sans doute ce jeu de mots . Laverdy fut démis de ses fonctions de contrôleur général par Maupéou qui était devenu chancelier le 18 septembre .

Voir : https://fr.wikisource.org/wiki/Page:Voltaire_-_%C5%92uvres_compl%C3%A8tes_Garnier_tome43.djvu/208

et https://fr.wikisource.org/wiki/Page:Voltaire_-_%C5%92uvres_compl%C3%A8tes_Garnier_tome43.djvu/234

 

Lorsqu’il quitta le ministère, on fit ce couplet sur L’air de la Bourbonnaise :

Le roi, dimanche,
Dit à Laverdi, (bis)
Le roi, dimanche,
Dit à Laverdi :
Va-t’en lundi. »

5 La copie Beaumarchais-Kehl poursuit par : On dit que la livre de Paris vaut quatre sous et demi à Paris, et que les murmures sont grands. Cette phrase a été biffée et remplacée par le reste du paragraphe tel qu'il a été donné .

6 L'Homélie du pasteur Bourn, 1768.

C’est vers février 1768 que Voltaire avait publié son Sermon prêché à Bâle (voir : https://fr.wikisource.org/wiki/Page:Voltaire_-_%C5%92uvres_compl%C3%A8tes_Garnier_tome26.djvu/591). Je crois qu’il s’agit ici de l’Homélie du pasteur Bourn, qui parut en octobre (voir : https://fr.wikisource.org/wiki/Page:Voltaire_-_%C5%92uvre... ). (Beuchot.)

14/04/2024

il mourra de rage sur un gratte-cul de n'être pas regardé

... Trump bien sûr ! Et on peut compter sur Joe Biden pour le mettre hors-jeu : https://www.msn.com/fr-fr/actualite/elections-americaines...

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Véritable face de pet

 

 

« A Charles Bordes

[septembre-octobre 1768]1

Mon cher vrai philosophe, le pseudo-philosophe Jean-Jacques Renaud herborise 2 , il ne donnera jamais la préférence qu'aux pisse-en-lit et aux chardons , et il mourra de rage sur un gratte-cul 3 de n'être pas regardé . Cultivons, nous autres, tout doucement la vigne du Seigneur. »

1 Original ; édition Cayrol. Sur le sort de cette lettre dans l'édition de Kehl, voir la lettre du 16 septembre 1768 à Bordes : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2024/04/03/on-ne-fait-pas-toujours-tout-ce-dont-on-serait-capable-6492490.html

2 Il s'agit manifestement de Rousseau qui a herborisé tout 'été aux environs de Grenoble . Mais pourquoi V* l'appelle-t-il ainsi ? Est-ce par allusion à Geneviève Regnault qui publia plus tard trois volumes in-folio intitulés La Botanique mise à la portée de tout le monde, 1774  [ https://archive.org/details/BIUSante_pharma_res000033x01/page/n11/mode/2up ] ou plutôt parce que Rousseau vivait sous le pseudonyme de Renou ?[ https://www.persee.fr/doc/linly_1160-6398_1914_num_60_1_16616 ]

3 Fruit de l'églantier et du rosier, à cause de la bourre piquante qui le remplit . Mais le mot désigne aussi par métaphore une femme vielle et désagréable . Voir : https://www.cnrtl.fr/definition/gratte-cul#:~:text=GRATTE....

13/04/2024

Il s’agit des vivants et des morts . Ils vous auront tous obligation

...  A l'heure où le président n'exclue pas totalement une intervention de nos armées au côté de l'Ukraine , je ne peux m'empêcher de penser à nos légionnaires , troupe d'élite incomparable :   La Légion ne pleure pas ses morts, elle les honore !

N'oublions pas qu'ils ne sont pas une simple attraction pour le défilé du 14 juillet :

https://www.legion-etrangere.com/mdl/page.php?id=474&block=17&titre=La-Legion-ne-pleure-pas-ses-morts-elle-les-honor

 

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En espérant qu'une telle cérémonie soit l'exception

 

 

« A Pierre-Michel Hennin

Mon très aimable et très cher résident, voici un paquet qu’on m’adresse. Il me semble que monsieur votre frère peut beaucoup dans cette affaire . Il s’agit des vivants et des morts 1. Ils vous auront tous obligation. Pour moi, tant que je serai au nombre des vivants, je vous serai bien tendrement attaché.

V.

À Ferney, samedi au soir [30 septembre 1768]. 2»

1 Il s’agissait, dans cette lettre, d'après une note de Hennin, d’un Mémoire sur la nécessité de transporter le cimetière de l’église de Saint-Louis de Versailles hors de la ville , fait par H. Pacou, et qui sera imprimé dans un Mémoire sur les sépultures hors des villes , 1774 . Voir : https://books.openedition.org/pup/33945#bodyftn33

Le frère de P.-M. Hennin était procureur du roi à Versailles.

La lettre de Voltaire à M. Pacou, en réponse à l’envoi qu’il lui avait fait de son mémoire, est du 3 octobre 1768.

2 Manuscrit olographe ; édition Correspondance inédite, 1823 . La date a été ajoutée sur le manuscrit et se trouve confirmée par celle de la réponse de Hennin du 2 octobre 1768 : https://fr.wikisource.org/wiki/Correspondance_de_Voltaire/1768/Lettre_7350

12/04/2024

Non, madame, mon cœur n’a pas renoncé au genre humain, dont vous êtes une très aimable partie... vous seule, madame, me réconcilierez avec le monde

... Hélas, je ne dois parler de vous, physiquement, qu'au passé chère Mam'zelle Wagnière - LoveVoltaire mais vous continuez à m'inspirer et soutenir au fil des jours de ce blog voltairien : merci pour tout .

 

 

« A Anne-Madeline-Louise-Charlotte-Auguste de La Tour du Pin de Saint-Julien

À Ferney, 30 septembre 1768

Si madame papillon-philosophe garde les secrets aussi bien que les paquets, je me confesserai à elle à Pâques. Non, madame, mon cœur n’a pas renoncé au genre humain, dont vous êtes une très aimable partie. Je suis vieux, malade et dégoûtant, mais je ne suis point du tout dégoûté ; et vous seule, madame, me réconcilierez avec le monde.

Voici le secret dont il s’agit. Mme Denis m’a mandé qu’un jeune homme a tourné en opéra-comique 1 un certain conte intitulé L’Éducation d’un Prince . Je n’ai point vu cette facétie, mais elle prétend qu’elle prête beaucoup à la musique. J’ai songé alors à votre protégé, et j’ai cru que je vous ferais ma cour en priant Mme Denis d’avoir l’honneur de vous en parler. Tout ce que je crains, c’est qu’elle ne se soit déjà engagée. Ne connaissant ni la pièce ni les talents des musiciens, j’ai saisi seulement cette occasion pour vous renouveler mes hommages. L’état triste où je suis ne me permet guère de m’amuser d’un opéra-comique. Il y a loin entre la gaieté et moi ; mais mon respectueux attachement pour vous, madame, ne vieillira jamais, et rien ne contribuera plus à me faire supporter ma très languissante vie que la continuation de vos bontés.

J’ignore en quel endroit M. le chevalier de Pezay prend actuellement le bain avec Zélis 2. S’il s’est toujours baigné depuis qu’il vous remit cette affaire entre les mains, il doit être fort affaibli.

Vous tirez toujours des perdrix, sans doute, et vous n’êtes pas une personne à tirer votre poudre aux moineaux. Rassemblez le plus de plaisir que vous pourrez, et soyez heureuse autant que vous méritez de l’être.

Agréez, madame, mon tendre respect.

V. »

1 Le Baron d’Otrante, que Voltaire, l'auteur, avait envoyé à Grétry ; voir : https://fr.wikisource.org/wiki/Page:Voltaire_-_%C5%92uvres_compl%C3%A8tes_Garnier_tome6.djvu/583

Ce baron est un personnage de L’Éducation d'un prince qui ne se confond pas avec la dialogue du même nom de Marivaux . Voir lettre du 15 octobre 1768 à Mme Denis, ainsi que Pierre Long des Clavières, La Jeunesse de Grétry, 1921.

11/04/2024

Me voilà lavé, mais non absous

... Petit Etat riche en monnaie, en grandes gueules et hypocrites, la Suisse se fait enfin condamner comme pollueur inactif dans la lutte contre le réchauffement climatique : https://www.lemonde.fr/idees/article/2024/04/10/condamnat...

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https://www.chappatte.com/fr/dessins-de-presse-recherche

 

 

« A Charles-Jean-François Hénault

28 septembre 1768 à Ferney 1

Mon cher et illustre confrère, j’ai reçu vos deux lettres, dont l’une rectifie l’autre. Vivez et portez-vous bien. Le cardinal de Fleury avait, à votre âge, une tête capable d’affaires ; Huet, Fontenelle, ont écrit à quatre-vingts ans. Il y a de très beaux soleils couchants ; mais couchez-vous très tard.

Laissons là l’éloquent Bossuet et son histoire prétendue universelle, où il rapporte tout aux Juifs, où les Perses, les Égyptiens, les Grecs, et les Romains, sont subordonnés aux Juifs, où ils n’agissent que pour les Juifs ; on en rit aujourd’hui ; mais ce n’est pas des Juifs dont il est question ici, c’est de vous. J’avais déjà prévenu plusieurs de mes amis, qui m’ont pressé de leur faire parvenir cet Examen de l’Histoire d’Henri IV, duquel il y a déjà trois éditions. Je l’ai envoyé chargé de mes notes 2, dans lesquelles je fais voir qu’il y a presque autant d’erreurs dans l’examen que dans le livre examiné. L’erreur que j’ai le plus relevée est celle où il tombe à votre égard. Vous connaissez mon amitié et mon estime également constantes. Vous pensez bien que je n’ai pas vu de sang-froid une telle injustice. J’avais même préparé une dissertation pour être envoyée à tous les journaux ; mais j’ai été arrêté par l’assurance qu’on m’a donnée que c’est un marquis de Belloste 3 qui est l’auteur de l’ouvrage. On dit qu’en effet il y a un homme de ce nom en Languedoc. Je ne connaissais que les pilules de Belloste 4, et point de marquis si profond et en même temps si fautif dans l’histoire de France . Si c’est lui qui est le coupable, il ne convient pas de le traiter comme un La Beaumelle ; il faut le faire rougir poliment de son tort. J’avoue que j’ai cru reconnaître le style, les phrases de ce La Beaumelle, son ton décisif, son audace à citer à tort et à travers, son tour d’esprit, ses termes favoris. Il se peut qu’il ait travaillé avec M. de Belloste. Je fais ce que je puis pour m’en éclaircir.

Il y a une chose très curieuse et très importante sur laquelle vous pourriez m’instruire avant que j’ose être votre champion ; c’est à vous de me fournir des armes.

Le marquis vrai ou prétendu assure qu’aux premiers états de Blois, les députés des trois ordres déclarèrent, avec l’approbation du roi, de Catherine, et du duc d’Alençon, que les parlements sont des états généraux au petit pied. Il ajoute qu’il est étrange qu’aucun historien n’ait parlé d’un fait si public. Il vous serait aisé de faire chercher dans la Bibliothèque du roi s’il reste quelque trace de cette anecdote, qui semblerait donner quelque atteinte à l’autorité royale 5. C’est une matière très-délicate, sur laquelle il ne serait pas permis de s’expliquer sans avoir des cautions sûres.

Parmi les fautes qui règnent dans cet examen, il faut avouer qu’on trouve des recherches profondes. Il est vrai qu’il suffit d’avoir lu des anecdotes pour les copier ; mais enfin cela tient lieu de mérite auprès de la plupart des lecteurs, séduits d’ailleurs par la licence et par la satire. La plupart des gens lisent sans attention ; très peu sont en état de juger. C’est ce qui donne une assez grande vogue à ce petit ouvrage. Il me paraît nécessaire de le réfuter. J’attendrai vos instructions et vos ordres ; et si vous chargez un autre que moi de combattre sous vos drapeaux, je n’aurai point de jalousie, et je n’en aurai pas moins de zèle.

Ce qui affaiblit beaucoup mes soupçons sur La Beaumelle c’est qu’il ne dit point de mal de moi 6. Quel que soit l’auteur, je persiste à croire qu’une réfutation est nécessaire.

Je pense qu’en fait d’ouvrage de génie 7 il ne faut jamais répondre aux critiques, attendu qu’on ne peut disputer des goûts . Mais en fait d’histoire il faut répondre, parce que lorsqu’on m’accuse d’avoir menti, il faut que je me lave. Le révérend père Nonotte m’a accusé auprès du pape d’avoir menti, en soutenant que Charlemagne n’avait jamais donné Ravenne au pape. Mon bon ange a découvert une lettre par laquelle Charlemagne institue un gouverneur dans Ravenne. Me voilà lavé, mais non absous. J’espère que le révérend père Nonotte n’empêchera pas qu’on ne nomme bientôt un gouverneur dans Castro.

À propos de Castro, j’ai envoyé à Mme Du Deffand des anecdotes très curieuses, touchant les droits de Sa Sainteté 8. C’est à un Vénitien que nous en sommes redevables. Cela n’est peut-être pas trop amusant pour une dame de Paris ; il n’y a point là d’esprit, point de traits saillants ; mais vous y trouverez des particularités aussi vraies qu’intéressantes. Les yeux s’ouvrent dans toute l’Europe. Il s’est fait une révolution dans l’esprit humain qui aura de grandes suites. Puissions-nous, vous et moi, en être témoins ! Comptez que rien ne peut diminuer l’estime infinie et le tendre attachement que je vous ai voués pour le reste de ma vie.

V. »

1 Original ; minute olographe ; édition de Kehl , incomplète des trois derniers paragraphes ( qui manquent en effet dans la minute) et datée du 7 ; éd. Renouard .

2 Ces notes sont partiellement reproduites dans l'Evangile du jour, 1769, d'après un volume de L'Examen […] contenant en marge les notes de V*, actuellement conservé à la B.N. De Paris .

« J’ai vu cet exemplaire. Les notes sont de la main de Wagnière. Presque toutes sont imprimées dans le tome II de l’Évangile du jour. » (Beuchot .)

3 C’était Hennin qui avait donné ce nom ( lettre du 25 septembre 1768 : https://fr.wikisource.org/wiki/Correspondance_de_Voltaire... ), au lieu de Belestat ; voir lettre du 17 octobre 1768 à Hénault : https://fr.wikisource.org/wiki/Correspondance_de_Voltaire/1768/Lettre_7360

, et aussi la lettre du 5 janvier 1769 adressée à Belestat, qui avait été le prête-nom de La Beaumelle : https://fr.wikisource.org/wiki/Correspondance_de_Voltaire/1769/Lettre_7447

4 Augustin Belloste est notamment l'auteur d'une Dissertation […] sur les pilules mercuriales (vers 1725).

Voir : https://www.persee.fr/doc/pharm_0035-2349_2001_num_89_331_5248

5 Par une curieuse coïncidence, les Nouvelles de divers endroits , du 23 mars 1768 avaient imprimé la nouvelle suivante : « M. de La Lourée, un des meilleurs avocats vient de mourir ; il a été trouvé chez lui une pièce très rare, qu'on est étonné de ne pas être à la bibliothèque du Roi ; sans doute elle y sera remise. C'est l'original du procès-verbal des états tenus à Blois en 1588. »

6 V* semble avoir enfin vérifié les allégations hasardeuses de d'Alembert : voir lettre du 2 septembre 1768 à d'Alembert : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2024/03/20/je-ne-vois-partout-que-des-extravagances-des-systemes-de-cyr-6490529.html

7 On dé »signe ainsi à l'époque les ouvrages de création, par rapport aux ouvrages d'érudition .

8 Les Droits des hommes et les Usurpations des papes, pages 193 et 204 : https://fr.wikisource.org/wiki/Page:Voltaire_-_%C5%92uvres_compl%C3%A8tes_Garnier_tome27.djvu/201

10/04/2024

ils ne seront pas même scandalisés de voir le malade en robe de chambre

... Les enfants d'Alain Delon , grands pourvoyeurs de complications devront s'y faire ; s'il n'échappait pas aux désagréments de la vieillesse, en plus leurs basses manoeuvres l'usaient et le recours à une tierce personne s'imposait : https://www.ouest-france.fr/culture/people/alain-delon/af...

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Remarquable M. Klein

 

 

« A François de Caire

On a flatté le vieux malade de Ferney que monsieur et madame de Caire pourraient faire une bonne œuvre de venir dîner demain jeudi dans son hôpital, et qu'ils ne seront pas même scandalisés de voir le malade en robe de chambre. S'ils ont cet excès d'indulgence ils seront reçus avec autant de respect que de frugalité .

V.

Ce mercredi 28è septembre 1768 à Ferney. »