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25/01/2025

On s’en est servi, on a suppléé, on a ajouté, on a broché, brodé comme on a pu . On a vendu le tout

... Paroles de sénateur après avoir adopté le projet de loi des finances : https://www.senat.fr/travaux-parlementaires/textes-legisl...

Qu'on se le dise !

 

 

"A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

22 juillet [1769]

Mon cher ange, sur votre lettre du 13, je vous renvoie à Mme Denis. Je lui ai confié une partie du mystère d’iniquité 1. Je ne l’ai su que par elle. En vérité tout est un jeu de hasard dans ce monde, ou peu s’en faut.

La Duchesne, bonne imbécile, consulte Mme Denis sur un recueil de mes lettres 2 qu’on lui a vendu, et qu’elle veut imprimer. Je ne reçois ce beau recueil par Mme Denis 3 que le 19 du mois. Je vois alors qu’on m’a volé beaucoup de manuscrits, et entre autres ces lettres, peu faites assurément pour voir le jour, et un gros manuscrit de recherches sur l’histoire, par ordre alphabétique. La lettre P était fort ample 4. On s’en est servi, on a suppléé, on a ajouté, on a broché, brodé comme on a pu . On a vendu le tout.

L’auteur 5 de toute cette manœuvre m’est assez connu, mais je dois absolument me taire. On me dirait : « Vous avouez qu’on vous a volé ces lettres : donc elles sont de vous ; vous avouez qu’on vous a volé le recueil P : donc il est de vous. » De plus, que de noirceurs nouvelles on ajouterait à la première ! on ne s’arrête pas dans le chemin du crime. Cette affaire deviendrait un labyrinthe horrible dont je ne pourrais me tirer. Je n’ai que la certitude entière qu’on a trahi l’hospitalité. Je n’ai point de preuves juridiques, et, quand j’en aurais, elles ne serviraient qu’à me plonger dans un abîme, et les cagots m’y égorgeraient à leur plaisir.

Je n’ai donc d’autre parti à prendre que celui de me justifier sans accuser personne.

Je vous jure, mon cher ange, que je n’ai pas la moindre petite part à ces derniers chapitres. Je les trouve croqués, plats, faux, ridicules, insolents, et je le dis, et je ferai encore plus.

Ce petit mot écrit a M. Marin 6 me paraît déjà un léger appareil sur la blessure qu’on m’a faite. Il me semble qu’on ne peut trop faire courir mon billet à M. Marin chez les personnes intéressées. Je voudrais que M. l’abbé de Chauvelin en eût 7 des copies, et qu’on en donnât aux avocats généraux. Mon neveu d’Hornoy 8 peut y servir beaucoup. On a déjà prévenu les coups que l’on pourrait porter du côté de la cour. Je compte sur la voix de mes anges, beaucoup plus que sur tout le reste. Elle est accoutumée à soutenir la vérité et l’amitié ; elle a toujours été ma plus grande consolation. J’ai résisté à des secousses plus violentes. J’ai pour moi mon innocence et mes anges ; je puis paraître hardiment devant Dieu.

Ah ! mon cher ange, que me dites-vous sur le bonheur que j’ai eu de vous offrir 9 un petit service . Vous êtes mille fois trop bon.

V."

2 Je n’ai pas connaissance que ce recueil de lettres ait été imprimé. (Beuchot.)

3 Ces trois mots sont une addition interligne sur le manuscrit.

4 L’Histoire du Parlement de Paris.

5 Voltaire veut parler de La Harpe, qui, en 1768, lui avait dérobé quelques manuscrits ( voir page 17 : https://fr.wikisource.org/wiki/Page:Voltaire_-_Œuvres_complètes_Garnier_tome27.djvu/ ); mais La Harpe n’était pour rien dans la publication de l’Histoire du Parlement.

Voir lettre du 8 juillet à Mme Denis .

6 Lettre à Marin du 5 juillet 1769 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2025/01/06/la-multitude-des-ouvrages-inutiles-est-si-immense-que-la-vie-6529896.html

7 V* a corrigé en eût en et que les avocats généraux en eussent . Il est revenu ensuite au texte initial .

8 Conseiller au parlement.

9 Voltaire lui avait prêté 10,000 francs.

Voir lettre du 7 juillet 1769 à d'Argental : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2025/01/08/vous-ne-sauriez-croire-quelle-consideration-le-ministere-de-france-a-chez-l.html

24/01/2025

Cette aventure est une noirceur effroyable

... Je n'ose en citer une plus qu'une autre tant il y en a chaque jour relatées dans les media , lesquels media vivent de ces horreurs .

 

 

"Au chevalier Jacques de Rochefort d'Ally

20 juillet 1769

Je n’ai que le temps, monsieur, de vous envoyer ce papier, que je reçois dans le moment au départ de la poste. J’aurai l’honneur de vous écrire incessamment plus en détail. Cette aventure est une noirceur effroyable. La lettre à M. Marin 1 le fait voir assez, et j’en ai d’ailleurs les preuves les plus indubitables. Je suis indigné autant que vous de l’injustice qu’on fait à notre ami. Il ne faut pas souffrir une pareille injustice. Il m’a mandé qu’il aurait l’honneur de vous écrire incessamment ; mais je sais qu’il est actuellement si malade qu’il faut lui pardonner s’il ne vous écrit pas par cet ordinaire.

J’ai l’honneur d’être avec tous les sentiments que vous me connaissez, monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur.

V."

1 La lettre du 19 juillet 1769 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2025/01/22/j-ai-toujours-remarque-qu-on-ne-lisait-point-qu-on-parcourai-6532129.html. La présente lettre à Rochefort est aussi relative à l’Histoire du Parlement.

il vaut encore mieux cultiver son jardin que d'admirer ceux des rois

... Et ainsi pratiquer une culture raisonnée et participer à la lutte contre le réchauffement climatique, même si c'est à une mesure modérée, c'est toujours ça de fait .

 

 

"A Marie-Jeanne Pajot de Vaux 1

A Ferney 20 juillet [1769]

J'ai l'air d'un ingrat madame ; je vous jure que je ne le suis pas . J'avais égaré votre lettre et je croyais vous avoir répondu . Je m'imaginais que je n'avais pu manquer à un devoir qui m’est si cher . Je vous demande en grâce de me pardonner mon péché d'omission et d'être bien persuadée que mon cœur ne sera jamais coupable envers vous . Le cœur est tout ce qui reste aux pauvres vieillards et le mien est encore jeune pour l'amitié . Vous avez vu Paris et Versailles mais il vaut encore mieux cultiver son jardin que d'admirer ceux des rois, c'est ainsi qu'en use monsieur votre frère avec sa femme . Ils font valoir Maconney comme je fais valoir Ferney . Mme Denis est toujours à Paris où ses affaires la retiennent jusqu'à ce que je puisse la rejoindre . Voila je crois bientôt le temps où M. de Vaux pourra demander la vétérance . Mais le moment n'est pas encore venu . J'espère qu'un jour le chancelier ne sera pas si difficile que la garde des Sceaux son père . Peut-être dans six mois je serai à portée de solliciter cette grâce . Ce sera la plus pressante de mes affaires .

Je n'ose plus me recommander aux bonnes grâces de mon cher Pâté, je me mets aux pieds de madame de Vaux .

V."

1 Sœur de Pierre-Jacques-Claude Dupuits .Voir : https://www.wikidata.org/wiki/Q103883327

23/01/2025

Je ne suis pas homme d’ailleurs à demander un billet pour assister à la fête ; je ne vous parle qu’en bon citoyen qui ne songe qu’au plaisir des autres

... C'est ce que disent hypocritement tous les politicards ( en tout cas les Français ) qui n'ont pas été invités à assister à l'intronisation trumpienne . Ils ne pourront pas bicher comme des poux en l'évoquant, et c'est tant mieux . Trump en grand Guignol a montré ce qui lui importe et ses effets de manches ne trompent pas la justice qui va corriger ses dictatures  : https://www.rts.ch/info/monde/2025/article/trump-decrets-choc-entre-application-immediate-et-obstacles-juridiques-28764761.html

Il y a des limites , même au Great again !

 

 

 

"A Louis-François-Armand du Plessis, duc de Richelieu

À Ferney, 19è juillet 1769

Ce n’est point aujourd’hui à monsieur le doyen de notre Académie, c’est au premier gentilhomme de la chambre que je présente ma requête. Je vous jure, monseigneur, que la musique de Pandore est charmante, et que ce spectacle ferait le plus bel effet du monde aux yeux et aux oreilles . Il n’y avait certainement qu’un grand opéra qui pût réussir dans la salle du Manège, où vous donnâtes une si belle fête aux noces de la première dauphine ; mais la voûte était si haute que les acteurs paraissaient des pygmées ; on ne pouvait les entendre. Le contraste d’une musique bruyante avec un récit qui était entièrement perdu faisait l’effet des orgues qui font retentir une église quand le prêtre dit la messe à voix basse. Il faut, pour des fêtes qui attirent une grande multitude, un bruit qui ne cesse point, et un spectacle qui plaise continuellement aux yeux. Vous trouverez tous ces avantages dans la Pandore de M. de La Borde, et vous aurez de plus une musique infiniment agréable, qui réunit, à mon gré, le brillant de l’italien et le noble du français.

Je vous en parle assurément en homme très désintéressé, car je suis aveugle tout l’hiver, et presque sourd le long de l’année. Je ne suis pas homme d’ailleurs à demander un billet pour assister à la fête ; je ne vous parle qu’en bon citoyen qui ne songe qu’au plaisir des autres.

De plus, il me semble que l’opéra de Pandore est convenable aux mariages de tous les princes 1, car vous m’avouerez que partout, il y a de grands malheurs ou de grands chagrins mêlés de cent mille petits désagréments. Pandore apporte l’amour et l’espérance, qui sont les consolations de ce monde et le baume de la vie. Vous me direz peut-être que ce n’est pas à moi à me mêler de vos plaisirs, que je ne suis qu’un pauvre laboureur occupé de mes moissons, de mes vers à soie, et de mes abeilles ; mais je me souviens encore du temps passé, et, si je ne peux plus donner de plaisir, je suis enchanté qu’on en ait.

Mme de Fontaine-Martel, en mourant, ayant demandé quelle heure il était, ajouta : « Dieu soit béni ! quelque heure qu’il soit, il y a un rendez-vous. »

Pour moi, je n’emporterai que le regret d’avoir traîné les dernières années de ma vie sans vous faire ma cour ; mais je vous suis attaché comme si je vous la faisais tous les jours.

Agréez le tendre respect de V."

1 Voir une note de la lettre du 31 juillet 1769 à d'Argental : https://fr.wikisource.org/wiki/Correspondance_de_Voltaire/1769/Lettre_7616

Lors du mariage du dauphin et de Marie-Antoinette, dont il était question depuis longtemps (voir lettre du 16 décembre 1768 à Mme Denis : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2024/06/20/je-ne-songe-a-present-qu-a-rebatir.html ) et qui n'eût lieu que le 16 mai 1770 .

22/01/2025

j’ai toujours remarqué qu’on ne lisait point, qu’on parcourait avec négligence, et qu’on jugeait au hasard

... On peut le dire au présent ; mon pauvre Voltaire si tu pouvais lire ce qui se dit à jet continu sur les réseaux-dits-sociaux, tu n'en reviendrais pas que tant d'énergie soit dépensée pour donner de si lamentables éructations .

 

 

"A François-Louis-Claude Marin

A Ferney 19 juillet 1769 1

Je n’avais point achevé, monsieur, la lecture de l’Histoire du Parlement, lorsque je vous mandais 2 que cet ouvrage me paraissait très superficiel, et d’ailleurs un plagiat presque continuel. Mais je vous avoue que les derniers chapitres m’ont paru aussi indécents que faux et mal écrits. Qu’est-ce qu’un supplice perpétré ? Qu’est-ce qu’un départ pour son exil ? Qu’est-ce qu’un procès à faire à Damiens 3 ? Je ne connais guère de plus mauvais style que celui de ces derniers chapitres : ils ne paraissent pas de la même plume 4 que les premiers ; et ils sont si mauvais en tout sens qu’ils ne méritent pas qu’on les réfute. Si on lisait avec quelque attention, si tous les lecteurs étaient aussi judicieux que vous, on ne m’imputerait pas de telles rapsodies ; mais j’ai toujours remarqué qu’on ne lisait point, qu’on parcourait avec négligence, et qu’on jugeait au hasard. Rien ne peut égaler l’indignation où je suis, ni ma sincère amitié pour vous."

1 Copie envoyée à Mme Denis ; autre copie envoyée à d'Hornoy . Ed. Lettres inédites . La date est donnée seulement par la seconde des deux copies .

3 Voltaire, qui relève ces phrases, n’a pas changé la seconde ; voir page 96 : https://fr.wikisource.org/wiki/Page:Voltaire_-_Œuvres_complètes_Garnier_tome16.djvu/106

4 Ed. : main

vous savez que les morts sont bien moins ingrats que les vivants

... Pour peu qu'on leur laisse la parole . Il doit y en avoir quelques exemples dans ces oeuvres posthumes, autobiograhiques, je vous laisse le choix :

https://fr.wikipedia.org/wiki/Cat%C3%A9gorie:Roman_posthume

Voir par exemple Samuel Butler "Ainsi va toute chair" : https://fr.wikipedia.org/wiki/Ainsi_va_toute_chair

Le Paradis, d'hervé Guibert : https://fr.wikipedia.org/wiki/Le_Paradis_(roman)

La Fille pauvre , de Maxence Van der Meersch : https://fr.wikipedia.org/wiki/Le_Paradis_(roman)

 

 

 

"A Jean-Chrysostome Larcher, comte de La Touraille

19è juillet 1769

Vraiment, monsieur, je ne savais pas l’honneur que vous m’avez fait 1 et l’obligation que je vous ai. Vous écrivez des lettres charmantes à des pédants, et après vous être fait tailler avec tant de courage, vous vous amusez à venger la pauvre innocence opprimée. Vous rendez justice à la mémoire de mon cher oncle, l’abbé Bazin. Je le verrai bientôt, et je lui dirai ce que vous avez daigné faire pour lui ; il y sera sensible; vous savez que les morts sont bien moins ingrats que les vivants.

Je ne sais pourquoi on s’obstine parmi les vivants à m’attribuer l’Histoire du Parlement. Il est juste que je prenne la liberté de vous confier ce que je pense sur cet ouvrage, dont l’impression est, je vous assure, un grand mystère d’iniquité. Voici la copie de la lettre que j’ai écrite 2 à M. Marin, secrétaire de la librairie. Vous vous êtes fait mon chevalier : vous voilà engagé par vos bienfaits; ajoutez, monsieur, à toutes les grâces dont vous me comblez, celle de me mettre aux pieds du digne petit-fils du grand Condé.

Comptez, monsieur, jusqu’au dernier moment de ma vie, sur le tendre respect de l’ermite des Alpes."

Nous verrons si on sera assez barbare pour agir contre un homme de soixante et quinze ans sur des propos vagues et ridicules sans la moindre apparence de preuve

... C'est du Sarkozy tout pur [sic], celui qui serait capable de tricher sur son âge comme sur bien des affaires malhonnêtes : https://www.lemonde.fr/societe/article/2025/01/21/au-proc...

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https://www.lunion.fr/id676766/article/2025-01-05/lactual...

 

 

"A Alexandre-Marie-François de Paule de Dompierre d'Hornoy

19è juillet [1769] 1

La poste part, mon cher ami, presque au moment où je reçois votre lettre . À peine ai-je le temps et la force de vous dire combien je vous suis obligé de m'avoir instruit de tout ce qui se passe . Tout ce que je puis vous dire c'est que je ne sais rien de plus erroné et de plus platement écrit que la fin de cet ouvrage . Cela n'est pas assurément de moi . Il faut être bien peu judicieux ou très méchant pour dire que c'est là mon style . Mme Denis sait qu'on m'a volé des lettres qu'on veut encore faire imprimer 2. L'aventure dont vous me parlez est beaucoup plus odieuse . Je n'ai d'autre parti à prendre que celui de me taire et de me renfermer dans l'innocence la plus prouvée .

Au reste, voilà à peu près le centième ouvrage qu'on m'impute . Nous verrons si on sera assez barbare pour agir contre un homme de soixante et quinze ans sur des propos vagues et ridicules sans la moindre apparence de preuve . J'ai assez vécu, et je mourrai en vous aimant .

Vous pourrez montrer la copie ci-jointe 3.

Si vous avez la bonté d'envoyer les arrêts en question, je vous prie de les envoyer par M.Marin."

1 Original, les deux derniers paragraphes sont autographes .