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04/06/2016

mon cher ange, j’ai mal aux yeux aussi . Je soupçonne que c’est en qualité d’ivrogne

... Et je ne cesserai pas de vous dire qu'être doué de double vue est une qualité .

 

Ze'l zure, sur la tête d'une bonne mousse !

 

 

«A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

Au château de Ferney 29 juin 1761

Mais vraiment, mon cher ange, j’ai mal aux yeux aussi . Je soupçonne que c’est en qualité d’ivrogne. Je bois quelquefois demi-setier 1, je crois même avoir été jusqu’à chopine ; et quand c’est du vin de Bourgogne, je sens qu’il porte un peu aux yeux, surtout après avoir écrit dix ou douze lettres de ma main par jour. N’en auriez-vous point fait à peu près autant ? L’eau fraîche me soulage. Qu’ont de commun les pilules de Béloste avec les yeux 2? quel rapport d’une pilule avec les glandes lacrymales ? Je sais bien qu’il faut se purger quelquefois, surtout si l’on est gourmand. Mais savez-vous de quoi les pilules de Béloste sont composées ? Toute pilule échauffe, ou je suis fort trompé ; c’est le propre de tout ce qui purge en petit volume ; j’en excepte les divins minoratifs 3, casse et manne, remèdes que nous devons à nos chers mahométans. Je dis chers mahométans, parce que je dicte à présent Zulime, que je vous enverrai incessamment ; et je suis persuadé que Zulime ne se purgeait jamais qu’avec de la casse.

A l’égard de l’autre sujet dont vous me parlez, et auquel je pense avoir renoncé, il est moitié français et moitié espagnol 4. On y voyait un Bertrand Duguesclin entre don Pèdre le Cruel et Henri de Trastamara 5. Marie de Padille, sous un nom plus noble et plus théâtral, est amoureuse comme une folle de ce don Pèdre, violent, emporté, moins cruel qu’on ne le dit, amoureux à l’excès, jaloux de même, ayant à combattre ses sujets, qui lui reprochent son amour. Sa maîtresse connaît tous ses défauts, et ne l’en aime que davantage.

Henri de Trastamara est son rival ; il lui dispute le trône et Marie de Padille . Bertrand Duguesclin, envoyé par le roi de France pour accommoder les deux frères, et pour soutenir Henri en cas de guerre, fait assembler les États généraux : las Cortès de Castille, les députés des États peuvent faire un bel effet sur le théâtre, depuis qu’il n’y a plus de petits maîtres. Don Pèdre ne peut souffrir ni las cortès, ni Duguesclin, ni son bâtard de frère Henri ; il se croit trahi de tout le monde, et même de sa maîtresse, dont il est adoré.

Bertrand est enfin obligé de faire avancer les troupes françaises ; il fait à la fois le rôle de protecteur de Henri, d’admoniteur 6 de don Pèdre, d’ambassadeur de France, et de général.

Henri vainqueur se propose à Marie de Padille, les mains teintes du sang de son frère ; et Padille, plutôt que d’accepter la main du meurtrier de son amant, se tue sur le corps de don Pèdre. Bertrand les pleure tous deux, donne en quatre mots quelques conseils à Henri, et retourne en France jouir de sa gloire.

Voilà en gros quel était mon sujet. Mes anges verront mieux que moi si on peut en tirer parti. Je me dégoûte un peu de travailler en relisant les belles scènes de Corneille. Ce n’est pas à mon âge que je pourrai marcher sur les traces de ce grand homme ; il me paraît plus honnête et plus sûr de chercher à le commenter qu’à le suivre, et j’aime mieux trouver des souscriptions pour mademoiselle Corneille que des sifflets pour moi.

Mes anges daigneront encore observer que l’Histoire générale et le Czar prennent un peu de temps, et que les détails de l’histoire nuisent un peu à l’enthousiasme tragique. Une église et des procès sont encore de terribles éteignoirs ; mais s’il me reste encore quelque feu caché sous la cendre, mes anges souffleront et il se ranimera.

Je suppose qu’ils ont reçu mon paquet pour le Saint-Père, qu’ils ont ri, que M. le duc de Choiseul a ri, que le cardinal Passionei rira : pour le sieur Rezzonico, il ne rit point. On dit que mon ami Benoît 7 valait bien mieux.

Je suppose encore que l’affaire des souscriptions cornéliennes réussira en France ; et s’il arrivait (ce que je ne crois pas) que les Français n’eussent pas de l’empressement pour des propositions si honnêtes, j’avertis que les Anglais sont tout prêts à faire ce que les Français auraient refusé. Ce serait une négociation plus aisée à terminer que celle de M de Bussy 8.

Respect et tendresse.

V. »

 

 

1 Un demi-setier est un quart de pinte, un peu moins d'un quart de litre , une chopine est une demi-pinte .

3 Les remèdes « minoratifs » sont ceux qui « purgent doucement » . Le mot attesté depuis le XVIè siècle fut refusé par l'Académie en 1762 .

4 La tragédie de Don Pèdre, qui ne fut imprimée que quinze ans après.

5 Henri II de Trastamara, roi de Castille : https://fr.wikipedia.org/wiki/Henri_II_%28roi_de_Castille%29

6 Chez les jésuites, l'admoniteur est un maître des novices .

7 Benoît XIV, prédécesseur de Clément XIII ; voir : https://fr.wikipedia.org/wiki/Beno%C3%AEt_XIV

et : https://fr.wikipedia.org/wiki/Cl%C3%A9ment_XIII

8 Envoyé à Londres, comme Stanley à Versailles, pour négocier la paix. Voir lettre du 1er juin 1761 à Chennevières : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2016/05/01/j-ai-ete-accable-de-mille-petites-affaires-qui-font-mourir-e-5795742.html

 

03/06/2016

Si vous faites justice, monsieur, de l'âne qui étourdit à force de braire, n'oubliez pas l'âne qui rue

... L'âne [Philippe] Martin[ez] n'en finit pas de braire, il est de bon ton alors de lui rappeler qu'il est bête à manger du foin , âne bâté, bon à renvoyer à l'écurie dont il n'aurait jamais dû sortir . Je le vois bien finir en saucisson d'Arles, et encore serait-il immangeable (les poils de moustache cégétiste sont particulièrement toxiques) . Quant aux grévistes, le réveil va être comateux, et ils seront les premiers à se plaindre d'un chômage qu'ils ont provoqué , bande de bras cassés .

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Que l'âne qui rue -le gouvernement- n'hésite plus à lui casser la machoire ( NDLR :- métaphoriquement parlant, bien sûr !) , les limites de la malfaisance sont dépassées .

 

 

« A Ponce-Denis Ecouchard Le Brun

Au château de Ferney, par Genève,

28 juin 1761

Si vous faites justice, monsieur, de l'âne qui étourdit à force de braire, n'oubliez pas l'âne qui rue 1 ; vous vengerez sans doute le sang du grand Corneille de l'insolence calomnieuse avec laquelle il a voulu flétrir son éducation . Ce sera le sujet d'une feuille, et ce sujet, manié par vous d'une manière intéressante , peut rendre ce malheureux exécrable à ceux qui le protègent . Il n'a en effet que trop de protecteurs et c'est assez qu'il soit méchant pour qu'il en ait . Il faut espérer qu'en faisant connaître ses infamies comme ses ridicules, vous lui ôterez le peu de vogue qu'il avait, et qui déshonorait la nation .

J'ose espérer que cette nation sera assez touchée de la véritable gloire pour contribuer à l'édition du grand Corneille, et à l'avantage des seuls héritiers de son nom . C'est vous, monsieur, qui avez le premier ouvert cette carrière ; vous en avez l'honneur . Je ne doute pas que le nom de Conti et de La Marche ne se trouve à la tête de l'entreprise . S'il arrivait que cette idée ne réussit point, j'avoue qu'il faudrait compter la France pour la dernière des nations ; mais je veux écarter une crainte si honteuse, et je veux croire que le grand Corneille a appris à mes compatriotes à penser noblement .

Je vous supplie de vouloir bien toujours m'écrire sous un contreseing, attendu la multiplicité des lettres que Corneille et Fréron exigeront .

Mille respects à toute la maison du Tillet 2. Je crois qu'on y approuvera mon entreprise . »

 

02/06/2016

Vous n'avez guère le temps de lire, monsieur, mais vous avez toujours celui de faire du bien

... Alors, pas d'hésitation , faites-le sans tarder, mister french president !

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Les mille jours sont passés .

Il serait temps !

Il serait temps , urgent même, de contrer les semeurs de bordel cégétistes , qui ne lisent rien qui dépasse dix mots, ni ne savent faire du bien , rois de la pancarte, et du briquet pour griller des pneus . Pollueurs d'esprits et d'atmosphère .

 

 

 

« A Jean Pâris de Montmartel 1

Conseiller d’État etc.

en son hôtel

à Paris

Au château de Ferney en Bourgogne

par Genève , 27è juin 1761

Vous n'avez guère le temps de lire, monsieur, mais vous avez toujours celui de faire du bien . Voici d'ailleurs le temps où monsieur votre fils 2 va perfectionner son éducation . La lecture des bons ouvrages du grand Corneille, avec des notes utiles sur la langue, achèvera de former la noblesse de ses sentiments et son goût . Je vous demande que son nom soit parmi les souscripteurs pour une douzaine d'exemplaires, dont il pourra faire des présents à ses amis, et qui seront un monument de votre générosité . Vous verrez, monsieur, par l’avertissement ci-joint 3 que mon entreprise est honorable pour la nation . Elle vous doit déjà beaucoup, il faut qu'elle vous ait encore l'obligation d'être le bienfaiteur du sang de Corneille .

Je souscris moi-même pour six exemplaires . Ayez la bonté, monsieur, de m'instruire du nom et des qualités de monsieur votre fils, car nous imprimons la liste des souscripteurs, et nous ferons voir aux Anglais que nous savons au moins comme eux honorer les talents des grands hommes , dans les temps même les plus malheureux .

Vous connaissez monsieur l'estime respectueuse et le tendre attachement que vous a voué votre très humble et très obéissant serviteur
Voltaire .

Je vous supplie monsieur de m’adresser votre réponse, à M. Jannel, intendant des postes 4, qui a la bonté de se charger de la correspondance . »

2 Armand-Louis-Joseph Pâris, marquis de Brunoy, né en 1748, qui se rendit plus tard célèbre par ses excentricités grandioses ; son nom apparaît parmi les souscripteurs pour 12 exemplaires . Voir : http://onlinebooks.library.upenn.edu/webbin/book/lookupname?key=Paris%20de%20Montmartel%2C%20Armand%20Louis%20Joseph%2C%20marquis%20de%20Brunoy%2C%201748-1781

et : http://www.trashcancan.fr/2014/12/16/le-deuil-du-marquis-de-brunoy/

3 Voici le mémorandum, de la main de Wagnière, qu'on retrouvera cité cité dans la lettre du 1er juillet 1761 au comte de Saint-Florentin .

« L'Académie ayant été priée par plusieurs gens de lettres de France et des pays étrangers, de donner des éditions des auteurs classiques du siècle passé, avec des notes qui pussent servir à fixer la langue et le goût, elle a agréé la proposition d'un de ses membres, qui s'offre de faire imprimer les tragédies de Pierre Corneille, en les accompagnant de remarques historiques et critiques . Elle a cru qu'il était juste de commencer par les ouvrages de ce grand homme, puisque ce fut par lui que la langue française commença à devenir la langue des nations .

Celui qui s'est chargé de ce travail sous les auspices de l'Académie, et avec le secours de ses décisions, prendra soin que la beauté de l'édition ne soit pas indigne du nom de Corneille, et de l'Académie qui encourage l'entreprise .

Le produit appartiendra aux deux héritiers de ce nom illustre, au père et à la fille, dont la fortune ne répond pas à leur naissance autant que leurs sentiments .

Il ne s'agit que de trouver un assez grand nombre de souscripteurs pour rembourser les frais de l'édition, et pour produire quelque bénéfice aux deux héritiers du grand Corneille .

Ceux qui auront donné leurs noms ne paieront rien qu'en recevant l'ouvrage ; et l'édition in-octavo sur le pus beau papier, avec de très belles estampes, ne coutera que quarante livres, attendu que ceux qui se chargent de l'entreprise, se font un honneur d'en bannir toute espèce d'intérêt . Ce monument sera honoré de la liste des noms des souscripteurs . Le roi permettra que le sien soit à la tête, nous osons nous en flatter . »

Un autre texte de la main de Wagnière donne une version différente de la dernière phrase : « On se flatte que le roi permettra que son nom soit à la tête des autres souverains qui encouragent cette entreprise . »

 

Vos vers sont charmants mon cher ami

... Et vos citations choisies me touchent infiniment ma chère amie  Mam'zelle Wagnière .

 

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To you !

 

 

 « A François de Chennevières, Premier

Commis des bureaux de la guerre etc.

à Versailles

27 juin [1761] 1

Vos vers sont charmants mon cher ami . Vous n'en avez fait jamais de si jolis . Je ne m'occupe plus à présent que des vers des autres .

Me voici enfoncé dans ceux du grand Corneille . J'entreprends avec l'agrément de l'Académie une magnifique édition de ses pièces de théâtre avec des remarques sur la langue et sur l'art qu'il a créé . Je fais établir une souscription . Le produit sera pour M. Corneille et pour sa fille qui n'ont d'autre bien que le nom de Corneille . Le prix de chaque exemplaire orné de très belles vignettes ne sera que de 40 livres et on ne les paiera qu'en recevant le livre . Je souscris moi-même pour six exemplaires, presque tous nos académiciens en font autant . Nous nous flattons que le roi permettra que son nom soit à la tête des souscripteurs . Ne pourriez-vous me dire, vous qui êtes du pays, comment on s'y prend auprès de M. de La Vauguyon 2 pour obtenir de monseigneur le dauphin une action généreuse ? Je crois la chose très aisée, mais je suis absolument inconnu de M. le duc de La Vauguyon . Si vous connaissez quelque belle âme qui veuille pour 40 et même pour 80 livres , se mettre au rang des bienfaiteurs du sang de Corneille, et voir son nom imprimé avec celui du roi, comme lorsqu'on a vendu sa vaisselle, [nommez-]3 moi ce noble personnage .

Mille respects à la sœur du p[ot] .

1 L'édition Cayrol date de février 1761, corrigée par Georges Avenel .

3 Le manuscrit étant abimé, les mots entre crochets ont été restitués d'après la copie Boissy d'Anglas (Clarke) .

 

01/06/2016

qu'on voie leurs noms imprimés à la tête du programme, et qu'ils encouragent la nation à faire du bien

... Que tous les candidats à des élections (syndicales comprises) suivent quelques principes de base dont celui-ci :

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« A Anne-Robert-Jacques Turgot, 1 Maître

des Requêtes

En son hôtel

à Paris

Au château de Ferney par Genève

26è juin 1761 2

Il me faut tous les Turgot, monsieur, car il s'agit d’une bonne oeuvre . Il est question de montrer aux Anglais que nous savons comme eux honorer les beaux-arts, et le sang des grands hommes . M. d'Alembert vous aura dit peut-être quelle est mon entreprise . Je veux expier mes médiocrités et celles de mon siècle, en donnant une édition de Pierre Corneille avec des notes qui ne seront peut-être pas sans utilité . L'édition sera magnifique, et l'exemplaire ne coûtera que quarante livres ; elle se fait par souscription au profit des seuls descendants de Corneille qui portent son nom, et qui n'ont que ce beau nom pour héritage . Chaque académicien souscrit pour plusieurs exemplaires . Nous nous flattons que le roi, comme protecteur, sera à la tête des souscripteurs . Au reste nous sommes fiers, nous ne demandons point d'argent, on n'en donnera qu'en recevant le livre ; et on le recevra bientôt s'il se trouve beaucoup d'âmes nobles . Si Bernard, fils de Bernard, ne m'avait pas fait une horrible banqueroute, je ne serais pas dans cette peine . Donnez-nous des Turgot, monsieur, vous dis-je , et quelques-uns de leurs amis, qu'on voie leurs noms imprimés à la tête du programme, et qu'ils encouragent la nation à faire du bien .

Ayez la bonté d'envoyer votre réponse à M. Jannel qui me la fera tenir .

Mille respects.

Le Suisse V. »

2 L'édition Lettres inédites date à tort du 20 juin . Une autre main a noté sur le manuscrit : « Turgot 3/ ch[evalie]r Turgot 1 / abbé de Cacé [ ?] / abbé de Véri auditeur de Bot. à Rome / [ces deux lignes ensuite rayées sur manuscrit] Me Blondel 1 / M. Trud[aine de ] Mon[tigny] 1 / Me Dupré 1 / m[arqu]is de Cl[ermont] d'Amb[oise] 1/9. »

 

 

31/05/2016

Puisse la paix donner à l’Europe le loisir de cultiver les arts de toute espèce !

... Hier ...

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Aujourd'hui ...

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 Pourvu que ça dure !

 

 

 

« A Louise-Dorothée von Meiningen, duchesse de Saxe-Gotha

Au château de Ferney par Genève

26 juin 1761

Madame, mon silence doit avoir dit à votre Altesse Sérénissime que je n’étais pas en état d’écrire. J’avais presque perdu la vue, en conservant la plus forte envie de revoir Gotha et sa souveraine. J’occupe ma vieillesse, et je trompe mes maux par un travail très agréable pour lequel je demande votre protection.

L’Académie française agrée que je fasse une édition des bonnes tragédies du grand Corneille, avec des notes sur la langue et sur l’art qu’elle a créés. Cet ouvrage sera principalement utile aux étrangers. Il se fait par souscription, et l’édition sera magnifique. Le produit de cette entreprise est pour tirer de la misère les restes de la famille du grand Corneille, famille noble, et qui languit dans la pauvreté. Nous imprimons les noms des souscripteurs : je supplie Votre Altesse Sérénissime de permettre que son nom honore cette liste. Chaque académicien souscrit pour six exemplaires. Ce livre sera du moins un monument de générosité, si de ma part ce n’est pas un monument de science et de goût. Puisse la paix donner à l’Europe le loisir de cultiver les arts de toute espèce ! Ce long fléau détruit tout. Hélas ! au premier coup de canon, je dis : En voilà pour sept ans ! Puissé-je me tromper au moins d’une année !

M. Stanley 1 est à Paris ; il est assidu à nos spectacles ; il voit nos géomètres. Il ne parle point de paix : c’est apparemment par politesse qu’il ne nous parle point de nos besoins.

Je me mets à vos pieds, madame, et à ceux de toute votre auguste famille. Grande maîtresse des cœurs, recevez mes hommages, et présentez-les à la divine Dorothée.

Le Suisse V. »

1 Hans Stanley, chargé par le cabinet de Saint-James de conférer avec le cabinet de Versailles . Voir lettre du 1er juin 1761 à Chennevières : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2016/05/01/j-ai-ete-accable-de-mille-petites-affaires-qui-font-mourir-e-5795742.html

Voir : https://en.wikipedia.org/wiki/Hans_Stanley et : https://en.wikisource.org/wiki/Stanley,_Hans_%28DNB00%29

 

30/05/2016

il faut faire oublier toutes nos médiocrités de ce siècle, en rendant justice aux chefs-d'oeuvre

... L'oubli, le bienheureux oubli  des médiocrités est journalier, sinon comment admettre l'emballement médiatique, -the buzz on the net-, effaçant le buzz précédent tout aussi inepte, en attendant le pire si tant est que ce soit possible .

Chef d'oeuvre :

Non seulement je suis fan de Klimt, mais de plus je trouve ici un double chef-d'oeuvre, la peinture exploitant les folles cicatrices de la guerre, et le génie de Tammam Azzam :

http://www.unpaondemur.com/article9.php

Trouver des chefs-d'oeuvre en ce XXIè siècle, et les faire admirer, voilà qui est bien ardu . Du moins à mes yeux , car aux yeux des critiques professionnels on trouve une palanquée d'oeuvres ad-mi-raaaa-bleueueu, sublaïme ma chérie ! C'est sans doute que mes revenus ne dépendent pas de mon opinion, qui au demeurant, vous intéresse comme mon premier rôt .

 

Chef d'oeuvre vivant ...

... Et pour mon amie Mam'zelle Wagnière, ce lien pour une anecdote sur la Grande Catherine :

http://jeudi.lu/au-musee-de-lermitage-des-chats-tiennent-...

 

 

 

« A Claude-Philippe Fyot de La Marche

Au château de Ferney par Genève

26 juin 1761

Il faut, monsieur, que je vous serve suivant votre goût . Il faut que je prenne la liberté de vous mettre à la tête d'une bonne action qui se fera dans votre Bourgogne .

J'étais à Londres quand on apprit qu'il y avait une fille de Milton qui était dans la dernière pauvreté, et incontinent elle fut riche .

J'ai mis dans ma tête de faire voir aux Anglais que nous savons comme eux honorer les beaux-arts et le sang des grands hommes . J’ai imaginé de faire une magnifique édition des tragédies de Pierre Corneille, avec des notes qui seront peut-être utiles aux étrangers, et même aux Français . Je finirai ma carrière en élevant un monument à mon maître, et en procurant un établissement à sa petite fille . Le profit de l'édition sera pour elle et son père . Je n'ai pas beaucoup de bien libre ; mon malheureux château, et mon église me ruinent, et Dieu seul me saura gré de cette église car l'évêque allobroge ne m'en sait aucun . J'espère que la nation sera un peu plus contente de l'édition de Corneille . C'est presque le seul moyen de laisser à sa descendance une fortune digne d'elle . Toute l'Académie concourt à cette entreprise, et je me flatte que le roi sera à la tête des souscripteurs . Je souscris pour six exemplaires 1, plusieurs académiciens en font autant, d'autres suivront . L'édition sera uniquement pour ceux qui auront souscrit , on ne paiera rien d'avance . Ce sera un monument qui restera dans la famille de chaque souscripteur . Ils permettront qu'on imprime leurs noms, parce que ces noms qui seront les premiers du royaume encourageront les autres . Je demande le vôtre , et celui de monsieur votre fils . M. de Ruffey donnera le sien ; je taxe M. De Brosses à deux exemplaires, à quarante livres pièce, c'est marché donné, pour une terre qu'il m'a vendue un peu chèrement . Nos confrères les académiciens de Paris, qui ont à expier leur asservissement au cardinal de Richelieu, et leur censure du Cid 2, doivent prendre plus d'exemplaires que les autres .

Je ne demande pas que messieurs de Dijon, qui ne sont point coupables, retiennent un aussi grand nombre d'exemplaires ; il suffira d'un ou de deux pour chacun . Je voudrais que l'évêque fût du nombre, l'auteur de Polyeucte le mérite .

Je vous recommande Corneille et son sang . Je finis , car Cinna et Cornélie m'appellent ; il faut faire oublier toutes nos médiocrités de ce siècle, en rendant justice aux chefs-d'oeuvre du siècle de Louis XIV . Permettez-moi la liberté de vous embrasser, et de vous assurer de mon très tendre respect .

Voltaire . »

1 En fait V* souscrivit pour cent exemplaires .