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02/04/2016

Rien n'est plus commun que de nous prouver que nous avons tort, et rien de plus rare que de nous corriger .

... No comment !

 

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« A Philibert-Charles-Marie Varenne de Fénille,

Commis de Mgr le Contrôleur

général à Paris

Au château de Ferney 22 avril 1761

Vous ne pouvez douter, monsieur, que je ne reçoive avec bien du plaisir la mainlevée de l'anathème prononcé contre mes troupes . Il est bien difficile d'excommunier les soldats, sans que les éclaboussures des foudres sacrés ne frappent un peu les officiers . La contradiction ridicule d'être payé par le roi et de n'être pas enterré par son curé est d'ailleurs une des impertinences des plus dignes de nos lois et de nos mœurs . Si vous parvenez à nous défaire de cette barbarie, vous rendrez service à la nation . J'attends votre livre 1 avec impatience, mais je doute fort qu'il produise un autre effet que celui de nous convaincre de notre sottise . Rien n'est plus commun que de nous prouver que nous avons tort, et rien de plus rare que de nous corriger .

J'ai l'honneur d'être avec toute l'estime que votre projet m'inspire

monsieur

votre très humble et très obéissant serviteur

Voltaire. »

1 Bestermann suggère qu'il peut s'agir du Moyen d'acquitter les dettes de l'Etat dans un temps donné sans recourir au papier monnaie ; voir : http://data.bnf.fr/12443470/philibert-charles-marie_varenne_de_fenille/#allmanifs

. Cependant il nous semble que toute la lettre se réfère à l'excommunication prononcée contre les comédiens, « payés par le roi » mais non « enterrés par [leur] curé » ; voir lettre du même jour à Thieriot : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2016/04/01/m-damilaville-me-mande-qu-il-y-a-quelque-breche-a-votre-roto-5782839.html

On observera du reste que , dans diverses copies anciennes de cette lettre elle est suivie de l'Epître du pape à Mlle Clairon, faussement attribuée à V* depuis 1762, qui reprend le même sujet ; voir page 232 : https://books.google.fr/books?id=fwFlAAAAcAAJ&pg=PA232&lpg=PA232&dq=Ep%C3%AEtre+du+pape+%C3%A0+Mlle+Clairon&source=bl&ots=b75hPkDfSs&sig=T_wHYhoMfoweyPbpvpMhvip4uKQ&hl=fr&sa=X&ved=0ahUKEwiD0NPyxO_LAhXMORQKHed1AMEQ6AEIHTAA#v=onepage&q=Ep%C3%AEtre%20du%20pape%20%C3%A0%20Mlle%20Clairon&f=false

 

 

les canons et les baïonnettes seront les vrais négociateurs

... Je le crains bien dans la lutte contre les fanatiques islamistes et tous autres assassins en guerres civiles en quelque coin du monde que ce soit .

"L'hymne à la joie" , il faut le jouer et le chanter plutôt que d'être totalement aigri

https://www.youtube.com/watch?v=tJMFIL0BUy0

et j'aime cette version percutante et tonique .

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Le pharaon-sphynx louche un peu, mais bon, il travaille pour la gendarmerie.

http://www.gign.org/groupe-intervention/?p=3382

 

 

« A Jean-Robert Tronchin , Banquier

depuis ma lettre écrite j'ai été obligé d'écrire l'incluse à mon procureur, je la recommande franco aux bontés de M. Tronchin

à Lyon

Ferney 22 avril [1761]

Le congrès d'Augsbourg 1 mon cher monsieur, n'empêchera point qu'on ne fasse la guerre cette année, ou je suis bien trompé, et les articles de la paix seront dictés par les succès de la campagne, les canons et les baïonnettes seront les vrais négociateurs . J'ai pris la liberté de vous adresser par la messagerie un petit tableau encaissé pour M. d'Argental, puis-je encore pousser l'abus que je fais de toutes vos bontés jusqu'à vous prier de faire mettre sur cette petite caisse l'adresse de M. d'Argental, et d'ordonner que le port en soit payé à Lyon ? Vous me ferez un sensible plaisir ; je crois que c'est par la diligence qu'il faut envoyer cette petite caisse .

Vous devez avoir à présent à Lyon M. de Chimène . Il est entièrement des nôtres, il a acheté une grange, de mauvais prés, de mauvais champs avec une mauvaise vigne qui donne de mauvais vin, à Saconnex ; et il va faire jouer à Lyon une tragédie de sa façon 2 que nous souhaitons beaucoup qu'on ne trouve pas mauvaise . S'il avait pour auditeur Jean-Jacques, je crois qu'il serait à plaindre .

À propos de Jean-Jacques, j'ai bien grondé le petit Jean-Louis Wagnière d'avoir eu l'impertinence de vous adresser un paquet de lettres sur le roman de Rousseau . J’espère qu'il ne fera plus de pareille sottise .

On exige le 3è vingtième avec tant de rigueur qu'il faut bien croire que nous serons payés de nos effets royaux .

Mme Denis et Mlle Corneille vous font mille compliments, bonsoir mon cher ami .

V. »

1 Plusieurs des parties en guerre avaient convenu de se rencontrer à Augsbourg ; mais ce congrès n'eut finalement pas lieu .

 

01/04/2016

J'm'en fish !...

... and chips !

DSCF3782 fish and chips.JPG

Dansons sous la charmille : https://www.youtube.com/watch?v=tT9gT5bqi6Y

M. Damilaville me mande qu'il y a quelque brèche à votre rotondité

... Et comme n'a pas osé le dire ce cher Damilaville (militant honteux ), vous avez tout d'un monument historique en ruines M. Hollande .

 

 

« A Nicolas-Claude Thieriot, chez M.

Baron, médecin

rue Couture-Sainte Catherine

à Paris

Ferney 22 avril 1761 1

Mon ancien ami, je vous croyais opulent, ou du moins arrondi . M. Damilaville me mande qu'il y a quelque brèche à votre rotondité . Voici une idée qui m'est venue . Un magistrat de Dijon, jeune et de beaucoup d'esprit, a fait une comédie très singulière, et ne voudrait pour rien [au]2 monde être connu . Son idée est de la faire jouer , et de partager les honoraires entre celui qui se chargera du délit, et un secrétaire très affectionné , vieux serviteur de la maison . Ils auront aussi le profit de l'édition . Voyez si vous pouvez vous charger de cette besogne . Je crois que ce n'est pas une mauvaise affaire . L'auteur exige un profond secret ; êtes-vous en état de faire lire cette comédie au tripot, sans vous commettre, et sans commettre personne ? Je remplis la mission dont l’amitié me charge . Mandez-moi votre résolution .

J'ai demandé un almanach où l'on trouve les patriarches grecs . J'en ai besoin, non pas que je prenne un vif intérêt à l'église grecque, mais en qualité de pédant .

On m'a promis un livre contre l'excommunication des comédiens 3. L'auteur doit me l'envoyer .

Du Molard m'a demandé une trève de la part de l'abbé Trublet, il dit qu'il ne compilera plus . Je donne donc l'absolution à l'archidiacre mon confrère . »

1 Date complétée par Thiriot .

2 V* a écrit par erreur autre pour au . Pour le « jeune magistrat », voir lettre du 29 mars 1761 à Mme Belot : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2016/03/16/ce-que-vous-refuserez-si-la-proposition-offense-votre-honneu-5774879.html

 

S'il y a quelque chose à faire de ma part, je suis à vos ordres

...

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 Ainsi fit Voltaire !

 

« A Louis-Gaspard Fabry 1

Je vous confie, monsieur, la lettre ci-jointe 2, que le sieur Sédillot fils m'envoie sous l'enveloppe de monsieur le contrôleur général . S'il y a quelque chose à faire de ma part, je suis à vos ordres comme vous savez . Vous ne doutez pas des sentiments avec lesquels j'aurai l'honneur d'être toute ma vie, monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur

Voltaire.

22è avril 1761, à Ferney . »

1 L'original signé porte la mention suivante de la main de Fabry : « Lettre de M. de Voltaire 22 avril 1761 : avec copie d'une lettre par lui reçue de M. Sédillot fils du 15 du même mois . »

2 Lettre non connue .

 

 

31/03/2016

Il faut connaître ses gens avant de leur prodiguer des louanges

... Mais est-ce parce que je connais mal nos hommes politiques que je ne suis pas enclin à leur prodiguer mes louanges ? ou est-ce parce que j'en sais déjà trop que je les critique ?

- Les deux, mon général !

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« A Etienne-Noël Damilaville

A Ferney, le 22 avril 1761 1

Je suis le partisan de M . Diderot parce qu'à ses profondes connaissances il joint le mérite de ne vouloir point jouer le philosophe, et qu'il l'a toujours été assez pour ne pas sacrifier à d'infâmes préjugés qui déshonorent la raison . Mais qu'un Jean-Jacques, un valet de Diogène, crie du fond de son tonneau contre la comédie, après avoir fait des comédies (et même détestables ) ; que ce polisson ait l'insolence de m'écrire que je corromps les mœurs de sa patrie ; qu'il se donne l'air d'aimer sa patrie (qui se moque de lui ) ; qu'enfin après avoir trois fois changé de religion, ce misérable fasse une brigue avec des prêtres sociniens de la ville de Genève, pour empêcher le peu de Genevois qui ont des talents, de venir les exercer dans ma maison (laquelle n'est pas dans le petit territoire de Genève ) ; tous ces traits rassemblés forment le portrait du fou le plus méprisable que j'aie jamais connu . M. le marquis de Ximènes a daigné s’abaisser jusqu'à couvrir de ridicule son ennuyeux et impertinent roman 2; ce roman est un libelle fort plat contre la nation qui donne à l'auteur de quoi vivre ; et ceux qui ont traité les quatre jolies lettres de M. de Ximenès de libelle, ont extravagué . Un homme de condition est au moins en droit de réprimer l'insolence d'un J.-J. qui imprime qu'il y a vingt à parier contre un que tout gentilhomme descend d'un fripon .

Voilà mon cher monsieur, ce que je pense hautement, et que je vous prie de dire à M. Diderot . Il ne doit pas être à se repentir d'avoir apostrophé ce pauvre homme, et de s'être écrié : ô Rousseau ! dans un dictionnaire 3. Il se trouve à la fin de compte que ô Rousseau ne signifie que ô insensé ! Il faut connaître ses gens avant de leur prodiguer des louanges . J'écris tout ceci pour vous . »

1 La copie Beaumarchais et les suivantes éditions, amalgament des passages de cette lettre et de celles du 8 mai 1761, du 9 mai à Damilaville et du 26 juin 1761 à d'Argental pour en faire une lettre datée du « 8 mai » 1761 .

2 Julie ou La nouvelle Héloïse .

3 A l'article « Encyclopédie » de l'Encyclopédie, Diderot avait écrit : « L 'éloge d'un honnête homme est la plus digne et la plus douce récompense d'un autre honnête homme : après l'éloge de sa conscience, le plus flatteur est celui d'un homme de bien . Ô Rousseau, mon cher et digne ami, je n'ai jamais eu la force de me refuser à ta louange : j'en ai senti croître mon goût pour la vérité, et mon amour pour la vertu . »

 

30/03/2016

J’ai souffert quarante ans les outrages des bigots et des polissons. J’ai vu qu’il n’y avait rien à gagner à être modéré, et que c’est une duperie

... Coffe Jean-Pierre , tu l'as compris toi aussi ! on regrette ton départ et on ne t'oubliera pas de sitôt .

http://www.jeanpierrecoffe.com/

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Allez, on se téléphone et on se fait une bonne bouffe !

 

 

« A Jean Le Rond d'Alembert

20 avril [1761] à Ferney

Je me hâte de vous répondre ( mon grand calculateur de petite-vérole )1, plein d’esprit et de génie, et antipode des calculateurs, que diligo adhuc Ciceronianum-Olivetum quia optimus grammaticus, quia 2 il fut mon maître, et qu’il me donnait des claques sur le cul quand j’avais quatorze ans. Je ne dirai pas qu’il en a menti, mais il a dit la chose qui n’est pas. Qu’il vous montre ma lettre, s’il l’ose 3. Certainement votre nom n’y est pas. Il peut avoir quelque finesse, ayant été jésuite. Il a voulu se jouer de votre vivacité parisienne, et vous arracher votre secret. Vous avez peut-être donné dans le panneau. Soyez très sûr que je ne vous compromettrai jamais, et que vous pouvez donner l’essor avec moi à votre très plaisante imagination en toute sûreté.

Vous me paraissez bien honnête de dire qu’un homme de trente ans peut en espérer trente autres. La vie commune ne s’étend qu’à vingt-deux ans sur la masse totale 4. Je n’ai pas encore bien examiné votre compte ; je vais vous relire . À Paris on ne relit point. Vive la campagne, où le temps est à nous ! En général, je vois que vous en savez plus que notre sourdaud 5.

Je vous remercie de votre bon mari 6. Il faut avouer que la reine est bien bonne, et que si elle était la maîtresse, nous aurions un siècle bien éclairé.

Je vous donne mon blanc-seing pour ma place à l’Académie, à la première fantaisie que vous aurez de résigner ; cela sera assez plaisant, et c’est une facétie qu’il ne faut pas manquer. Faites la lettre de remerciement, et je vous réponds de la signer.

A l’égard de Jean-Jacques, s’il n’était qu’un inconséquent, un petit bout d’homme pétri de vanité, il n’y aurait pas grand mal ; mais qu’il ait ajouté à l’impertinence de sa lettre l’infamie de cabaler, du fond de son village, avec des pédants sociniens, pour m’empêcher d’avoir un théâtre à Tournay, ou du moins pour empêcher ses concitoyens, qu’il ne connaît pas, de jouer avec moi ; qu’il ait voulu, par cette indigne manœuvre, se préparer un retour triomphant dans ses rues basses  ; c’est l’action d’un coquin, et je ne lui pardonnerai jamais. J’aurais tâché de me venger de Platon s’il m’avait joué un pareil tour ; à plus forte raison du laquais de Diogène. Je n’aime ni ses ouvrages ni sa personne, et son procédé est haïssable. L’auteur de la Nouvelle Aloïsia n’est qu’un polisson malfaisant. Que les philosophes véritables fassent une confrérie, et alors je me fais brûler pour eux. Cette académie secrète vaudrait mieux que l’académie d’Athènes et toutes celles de Paris ; mais chacun ne songe qu’à soi, et on oublie le premier des devoirs, qui est d’anéantir l’infâme . 

Je vous prie, mon grand philosophe, de dire à madame du Deffand combien je lui suis attaché ; je lui écrirai quelque jour une énorme lettre. J’aime à penser avec elle ; je voudrais y souper : je l’aime d’autant plus que j’ai les sots en horreur. Mes compliments à l’abbé Trublet ; j’attends sa harangue avec l’impatience du parterre qui a des sifflets en poche, et qui ne voit pas lever la toile.

A propos, haïssez-vous toujours M. de Chimène, ou Ximenès ? Il vient d’acheter une maison, des prés, des vignes et des champs dans le pays de Gex. Voilà le fruit apparemment de l’Épître sur l’Agriculture.

Je suis devenu un malin vieillard. Il y a longtemps que j’ai fait la Capilotade . C’est un chant qui entre dans la Pucelle 7. Il y aura toujours place pour les personnes que vous me recommanderez. J’ai souffert quarante ans les outrages des bigots et des polissons. J’ai vu qu’il n’y avait rien à gagner à être modéré, et que c’est une duperie. Il faut faire la guerre et mourir noblement

  sur un tas de bigots immolés à mes pieds. 

riez et aimez-moi ; confondez l’infâme le plus que vous pourrez.

 

N.B. -  J’ai lu le mémoire contre les jésuites banqueroutiers 8. L’avocat a raison : aucun jésuite ne peut traiter sans engager ses supérieurs. Quand je les ai chassés d’un domaine qu’ils avaient usurpé, il a fallu que le provincial signât le désistement ; mais je les ai chassés sans bruit, je n’ai eu que la moitié du plaisir.

V.»

1D'Alembert écrivait le 9 avril 1761 : http://www.monsieurdevoltaire.com/article-correspondance-...

Le 2 septembre 1760, il annonçait à V* qu'un « grand diable d'ouvrage de géométrie » était sous presse ; il s'agissait des Opuscules mathématiques ou Mémoires sur différents sujets de géométrie, de mécanique, d'optique, d'astronomie [etc], 1761 ; d'Alembert y discutait notamment les avantages de l'inoculation sur la base du calcul des probabilités . Voir : http://www.monsieurdevoltaire.com/article-correspondance-...

2 J'aime encore d'Olivet cicéronien, parce qu'il est le meilleur grammairien, parce que [...]

3 D'Alembert avait conté comment, dans une séance à l'Académie, d'Olivet l'avait accusé d'être un « fripon » et d'avoir « écrit à Genève [qu'il avait] molli dans l'affaire de Trublet » . Comme d'Alembert avait nié le fait, « à la vérité assez faiblement », d'Olivet avait répondu qu'il « en avait la preuve dans sa poche » . D'Alembert de peur d'être confondu , n'avait pas osé demandé à la voir .

4 C'est un chiffre sur lequel V* reviendra dans L'Homme aux quarante écus . mais si l'on tient compte de la forte mortalité infantile, le calcul de d'Alembert peut n'avoir pas été éloigné de la vérité .

5 Sur ce sourdaud, il doit s'agir de La Condamine comme il appert de la lettre du 6 août 1760 à Mme du Deffand : http://www.monsieurdevoltaire.com/article-correspondance-...

Mais aussi V* se dit lui-même sourdaud vers cette époque .

6 Toujours dans la même lettre du 9 avril 1761, d'Alembert rend compte d'une lecture de l’Épître sur l'agriculture faite devant la reine, dans laquelle pour ne pas « off en[ser] les oreilles pieuses » il a remplacé le sot mari par le bon mari d'Eve et manger la moitié de sa pomme par goûter de la fatale pomme .

7 Chant XVIII : http://www.monsieurdevoltaire.com/article-la-pucelle-d-or...

8 Voir lettre du 17 avril 1761 à d'Argental : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2016/03/30/u...

Voir aussi le chapitre LXVIII de l’Histoire du Parlement de Paris. (Georges Avenel.)