30/03/2016
un ministre n'a qu'à ordonner, et le pauvre campagnard des Alpes est obligé de faire tout lui-même . Il n'a jamais de loisir ; et il en faut pour penser
... Penser et agir, l'un n'exclut pas l'autre chez Jean-Pierre Coffe qui vient de casser sa pipe . Il aurait aimé Voltaire qui tenait à offrir des produits de qualité à sa table et qui aimait le rire .

Ecce homo !
« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental
17è avril [1761] à Ferney
Plus anges que jamais, et moi plus endiablé . La tête me tourne de ma création de Ferney . Je tiens une terre à gouverner pire qu'un royaume, car un ministre n'a qu'à ordonner, et le pauvre campagnard des Alpes est obligé de faire tout lui-même . Il n'a jamais de loisir ; et il en faut pour penser . Ainsi donc mes anges vous pardonnerez à ma tête épuisée .
1° Oreste se recommande à vos divines ailes . Ma mère en fait autant 1 est le commencement d'une chanson plutôt que d'un vers tragique, quelquefois un misérable hémistiche coûte .
Il a montré pour nous l'amitié la plus tendre
Il révérait mon père ; il pleurait sur sa cendre .
ELECTRE
Et ma mère l'invoque ! Ainsi donc les mortels 2
Se baignent dans le sang, et tremblent aux autels .
Voilà je crois la sottise amendée .
La sottise des anecdotes de Fréron 3 est d'un La Harpe, jadis son complice, aujourd’hui domestique de M. le duc de La Vallière . Thieriot me les a envoyées . Je vous en ai fait part, mais cela n'est bon que pour vos laquais et pour les cafés .
Votre première présidente est une bigote insolente, et son frère un fripon 4. Mais il faut être poli .
Il est plaisant que Bernard m’ait volé, et que je n'ose pas le dire 5, mais Leriche 6 vaut mieux , et grâces vous soient rendues . Le produit net des 173 journaux 7 est fort plaisant, et plus honnête, mais savez-vous bien que vous faites Jean-Jacques un très grand seigneur ? Vous lui donnez là cent mille écus de rente . La compagnie des Indes sans le tabac ne pourrait en donner autant à ses actionnaires ; vous êtes généreux mes anges .
J'ai une curiosité extrême de savoir si Mme de Pompadour et M. le duc de Choiseul ont reçu leur exemplaire de Prault .
Autre curiosité de savoir si on joue la seconde scène du second acte de Tancrède comme elle est imprimée dans l'édition Cramer, et comme elle ne l'est pas dans l'édition de ce Prault . Je vous conjure de me dire la vérité . Je trouve la façon Cramer , plus attachante, plus théâtrale, plus favorable à de bons acteurs . Ai-je tort ?
Lekain ne m'a point écrit .
Si vous étiez des anges sans préjugés vous verriez que Le Droit du seigneur n'est pas à dédaigner, que le fond en était bon, que la forme y a été mise à la fin, qu'il n'y a pas une de vos critiques dont on n'ait profité, que la pièce est tout le contraire de ce que vous avez vu . En un mot je vous conjure de la laisser passer sous le masque en son temps .
Il faut un autre amant à Fanime . Je lui en fournirai un . Mais le czar m'attend, et l'Histoire générale se réimprime augmentée de moitié ; et la journée n'a que vingt-quatre heures, et je ne suis pas de fer .
Je n'ai point la nouvelle reconnaissance d'Oreste et d'Electre . Daignez me l'envoyer ; ou , j'en ferai une autre . Je suis entouré de vers, de prose, de comptes d'ouvriers . Je ne peux me reconnaître . Il est très vrai qu'il s'agit d'un mariage pour Mlle Corneille, et que l'emploi de valet de poste a arrêté le soupirant 8. Voilà ce qu'a produit Fréron ! et on protège cet homme !
Le Brun est un bavard . Il m’avait insinué dans ses premières lettres que je ne devais pas laisser Mlle Corneille dans l'indigence après ma mort . Je lui ai mandé que j'avais fait là-dessus mon devoir . Il l'a dit, et il a tort .
Que voulez-vous donc de plus terrible, de plus affreux à la mort de Clytemnestre, que de l'entendre crier ? Il n'y a point là de beaux vers à faire . C'est le spectacle qui parle , et ce qu'on dit en pareil cas , affaiblit ce qu'on fait .
Mais songez que Térée 9 et Oreste tout de suite, … voilà bien du grec, voilà bien de l'horreur ; il faut laisser respirer ; je voudrais une petite comédie entre ces deux atrocités pour le bien du tripot .
Daignerez-vous répondre à tous mes points ? Je n'en peux plus . Mais je vous adore .
V.
Pour Dieu dites-moi si vous ne trouvez pas le mémoire contre les jésuites bien fort 10, et bien concluant ? Comment s'en tireront-ils ? Je les ai fait plier tout d'un coup sans mémoire ; je les ai fait sortir d'un domaine qu'ils usurpaient . Ils n'ont pas osé plaider contre moi , mais il ne s'agissait que de 160 000 livres . Quand pourrai-je voir, disait un homme assez dur, les jésuites étranglés avec des boyaux de jansénistes ?11 »
1 Ce vers était ainsi conçu : Ma mère en fait autant : les coupables mortels [...]
2 Oreste , IV, 3
3 Voir lettre du 3 avril 1761 à d'Argental : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2016/03/22/c-est-une-affaire-que-nous-n-abandonnerons-jamais-5777656.html
Noter que ce paragraphe et le suivant sont omis dans l'édition de Kehl .
4 Ce sont Mme de Molé et le financier Bernard ; voir lettre du 15 mai 1758 à d'Argental : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2013/08/19/nous-sommes-des-barbares-et-vous-autres-gens-polis-vous-donn.html
et lettre du 11 avril 1754 à Mme Denis : « M. de Mauconseil m'assure que Bernard est mort absolument ruiné, qu'il le savait depuis trois ans, et que son notaire l'avertit alors de ne pas avoir à faire avec lui . Laleu, notaire de Bernard, nous a fait donner dans le traquet . »
5 Sur la copie Beaumarchais-Kehl, on lit ici cette note de Condorcet : « Nota . Il était père de la première présidente Molé qui ne paya point ses dettes mais qui trouvait fort mauvais qu'on dit qu'il avait volé ses créanciers . »
6 Le copiste a écrit ce mot Leriche suivant en cela sans doute l'original ; en fait V* propose ici une correction au vers 32 de l 'Épître sur l'agriculture , où on lit : « Qu'un Bernard l'ai volé » ; cette substitution, qui suppose d'ailleurs un remaniement du vers ne fut pas faite .
7 V* n'est pas loin de la vérité car une bibliographie cite 124 périodiques français pour l'année 1790 .
8 Voir lettre du 3 avril 1761 à d'Argental , citée plus haut .
9 Voir lettre du 27 octobre 1760 à d'Argental : http://www.monsieurdevoltaire.com/article-correspondance-annee-1760-partie-40-120940768.html
10 Jean-Charlemagne Lalourcé: Mémoire à consulter et consultation pour Jean Lioncy, créancier et syndic de la masse de la maison de commerce établie à Marseille, sous le nom de Lioncy frères et Gouffre, contre le corps et société des pères jésuites, 1761 ; il s'agit d'un volume de plus de 500 pages . Voir : http://www.livre-rare-book.com/search/current.seam?maximumPrice=0.0&keywords=&firstResult=0&faceted=true&ISBN=¢ury=ALL&quicksearch=&l=fr&bookType=ALL&reference=&matchTypeList=ALL&author=lavalette++antoine+++sur+++lioncy++jean++et+gouffre+++le+pelletier+de+saint+fargeau+et+maitre+le+gouve+++rouhette+et+target+++lherminier++gillet++maillard++taboue++de+la+monnoie++babille++thevenot+d+essaule+++me+laget+bardelin+++dufranc+++la+valette&title=&description=&minimumPrice=0.0&sorting=RELEVANCE&minimumYear=0&ageFilter=ALL&keycodes=&maximumYear=0&cid=3189511
11 Cette exclamation figure déjà dans la lettre du 25 avril 1760 à Mme d'Epinay : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2015/04/24/les-honnetes-gens-sont-bien-peu-honnetes-ils-voient-tranquil-5609695.html
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29/03/2016
Je ferai l'impossible pour venir prendre part à la joie publique
... Oui, mais pourquoi ? où ? et quand ?
Pour l'instant, sans joie véritable, ni privée , ni publique, je ris quand même en voyant le casse-tête imposé au CSA quant aux temps de paroles médiatiques des candidats à la présidentielle , plus nombreux que des morpions dans le lit de la marquise et tout aussi accrocheurs d'ailleurs . Amis de la polémique : "bonjour !"

Allez ! laissez-moi rire, il faut que je retourne bosser !
« A Cosimo Alessandro Collini
14 avril [1761]
Je ressens bien vivement, mon cher Collini, l'extrême bonté de Mgr l’Électeur qui daigne me parler se son bonheur, et qui fait le mien . Je ferai l'impossible pour venir prendre part à la joie publique dans Shwessingen et c'en sera une bien grande pour moi de vous y voir et de pouvoir vous y être de quelque utilité . Je solliciterai tant que je pourrai M. de Beker . Je vous ai envoyé ce que vous me demandiez pour l'édition 1. Je vous embrasse de tout mon coeur .
V. »
1 Voir lettre du 4 avril 1761 à Collini : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2016/03/23/je-ne-tire-aucun-profit-de-mes-ouvrages-je-n-en-ai-que-la-pe-5778728.html
16:01 | Lien permanent | Commentaires (0)
Chacun de nous a son messie
... https://www.youtube.com/watch?v=SEIg2FwzlXA
Messi ?
Mais si !
« A Charles-Philippe-Théodore von Sulzbach, électeur palatin
De Ferney le 14 avril 1761 1
Que je suis heureux, que j'aspire
A voir briller cet heureux jour,
Ce jour si cher à votre cour,
A vos États, à tout l'empire !
Que j'aurais de plaisir à dire,
En voyant combler votre espoir :
J'ai vu l'enfant que je désire
Et mes yeux n'ont plus rien à voir !
Je ressemble au vieux Siméon,2
Chacun de nous a son messie ;
J'ai pour vous plus de passion
Que pour Joseph et pour Marie .
Monseigneur, que Votre Altesse Électorale me pardonne mon petit enthousiasme un peu profane, la joie le rend excusable 3. Je ne sais ce que je fais, ma lettre manque à l'étiquette . Du temps de la naissance du duc de Bourgogne, tous les polissons se mirent à danser dans la chambre de Louis XIV . Je serais un grand polisson dans Schwetzingen, si je pouvais dans le mois de juillet être assez heureux pour me mettre aux pieds du père, de la mère, et de l'enfant . Un fils et la paix, voilà ce que mon cœur souhaite à Votre Altesse Sérénissime Électorale et un fils sans la paix est encore une bien bonne aventure . Je me mets à vos genoux Monseigneur ! Je les embrasse de joie . Agréez, vous et madame l’Électrice, ma mauvaise prose, mes mauvais vers, mon profond respect, mon ivresse de cœur et daignez conserver des bontés à votre petit Suisse
Voltaire. »
1 Copie et édition sont expurgées : les vers sont interrompus à Je ressemble […] ; l'édition est datée « A Ferney , ce 14 août 1761 » , ce que la référence au mois de juillet rend impossible . L'édition Kehl met , au premier vers, touché pour heureux .
2 Évangile de Luc, II, 25 .
3 L’Électeur avait appris à V* par une lettre du 28 mars 1761, la grossesse de sa femme ; il ajoutait : « Si vous venez à Schwetzingen vous verrez un papa jouer avec un enfant, et après l'avoir bercé, s'entretenir avec plaisr avec son cher Suisse […] . »
08:52 | Lien permanent | Commentaires (0)
28/03/2016
Je salue toujours les frères et les fidèles ; je m'unis à eux dans l'esprit de vérité et de charité . Nous avons des faux-frères dans l'église
... Urbi et orbi ! Bien dit pape François ! Belles Pâques ! Voltaire serait fier de toi, il n'aurait pas dit mieux, je crois .
Les petits cadeaux entretiennent l'amitié ! Tope-là, ou plutôt : Pope, là !
« A Etienne-Noël Damilaville
et à
Nicolas-Claude Thieriot
11 avril 1761
Je salue toujours les frères et les fidèles ; je m'unis à eux dans l'esprit de vérité et de charité . Nous avons des faux-frères dans l'église : Jean-Jacques qui devait être apôtre est devenu apostat ; sa lettre de laquelle j'ai rendu compte aux frères, et dont je n'ai point de réponse 1, était le comble de l'absurdité et de l'insolence .
Pourquoi a-t-on mis ( comme on le dit ) à la Bastille le censeur de Sobieski 2, et pourquoi laisse-t-on impuni le censeur de L'Année littéraire, qui donne son infâme approbation à des lignes infâmes contre une fille respectable ?
Pesselier m'a envoyé son ouvrage contre la Théorie de l'impôt 3. Je voudrais qu'on renvoyât toutes ces théories à la paix, et qu'on ne parlât point du gouvernement dans un temps où il faut le plaindre, et où tout bon citoyen doit s'unir à lui .
Je prie monsieur Thieriot de m'envoyer Quand parlera--telle ?4 Il faut bien que je rie comme les autres ; et il n'y a guère de critique dont on ne puisse profiter . Je recommande l'incluse aux frères, et les remercie tendrement de leur zèle . »
1 On sait que V* n'avait pas répondu .
2 L'abbé Coyer ; voir lettre du 26 mars 1761 à Le Brun : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2016/03/14/je-le-repete-monsieur-si-on-avait-fait-cet-outrage-a-la-fill-5774158.html
3 Voir lettre du 6 avril 1761 à Damilaville : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2016/03/24/si-le-style-de-la-reponse-est-aussi-inintelligible-que-celui-5779036.html
4 Ce titre désigne une parodie de Tancrède par Antoine-François Riccoboni qui avait été jouée au Théâtre-Italien le 4 avril, mais ne fut pas publiée . Voir page 144 : https://books.google.fr/books?id=A3gGAAAAQAAJ&pg=RA4-PA144&lpg=RA4-PA144&dq=antoine+fran%C3%A7ois+riccoboni+Quand+parlera--telle%C2%A0?&source=bl&ots=wkcW5WzokA&sig=Ov04tXGnZs00HV8uRYiCEqhPwhU&hl=fr&sa=X&ved=0ahUKEwjShJ6kyePLAhWEbhQKHahoD4cQ6AEIJjAA#v=onepage&q=antoine%20fran%C3%A7ois%20riccoboni%20Quand%20parlera--telle%C2%A0%3F&f=false
et : https://fr.wikipedia.org/wiki/Antoine-Fran%C3%A7ois_Riccoboni
17:14 | Lien permanent | Commentaires (0)
Voyez si ces petits changements que je vous envoie sont admissibles .
... Aurait pu dire Rachida Dati si sa modestie en l'avait pas étouffée !
http://www.lejdd.fr/Politique/Dati-La-perpetuite-reelle-t...
CAUTION :
ANIMALS CAN BITE !
Craignant de faire appliquer une peine de prison perpétuelle, elle serait assez en faveur d'une peine incompressible de 40 ans ! Oh la remarquable différence pour le condamné ! Oh quel espoir ! Oh quelle incitation au calme ! Vous êtes au mieux stupide au dernier degré , au pire, je n'ose vous qualifier tant vous personnifiez l'âpreté au gain de célébrité et financièrement bien entendu . Madame a des goûts de luxe, est courte sur pattes et maquillée comme un carré d'as .
Madame enfonce des portes ouvertes et ne renonce pas à sa soif de reconnaissance . Mais vous n'avez su pondre qu'un rapport ,voté, -comme bien d'autres sans importance-, au parlement européen , la belle affaire !
Alors pour éliminer toxines et toxiques : Deep Purple : https://www.youtube.com/watch?v=OorZcOzNcgE
« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental
Ferney 11 avril 1761
Personne au monde n'a jamais adressé plus de prières que moi à ses anges gardiens . Ce Tancrède est, dit-on, rejoué et reçu avec quelque indulgence 1 comme une pièce à laquelle vos bons avis ont ôté quelques défauts ; et on pardonne à ceux qui restent . Mais je ne reçois ni exemplaire de Tancrède, ni celui de l'apologie de mes maitres contre les Anglais 2. Vous m'avouerez, mes anges, que cela n'est pas juste . Souffrez que je recommande encore Oreste à vos bontés . Voyez si ces petits changements que je vous envoie sont admissibles .
J’ai une autre supplique à présenter . Je soupçonne que le petit Prault qui ne m'a pas envoyé un Tancrède, n’a pas mieux traité Mme de Pompadour 3 et M. le duc de Choiseul, malgré toutes ses promesses . Je soupçonne qu'ils n'en sont pas trop contents, et qu'ils croient que j'ai manqué à mon devoir . Ils ne peuvent savoir que je ne me suis pas mêlé de l'édition . Il eût été assez placé que Lekain ou Mlle Clairon eût présenté l'ouvrage . Tout le fruit que j'ai recueilli de mes peines aura été peut-être de déplaire à ceux dont je voulais mériter la bienveillance et d'être immolé à une parodie . Tout cela est l'état du métier . Ne vaut-il pas mieux planter, semer et bâtir ?
J'ai écrit en dernier lieu à M. le duc de Choiseul une lettre 4 dont il a dû être content . Je crois bien que le fardeau immense 5 dont il est chargé, ne lui permet peut-être pas de faire réponse à des gens aussi inutiles que moi . Il y avait pourtant dans ma lettre quelque chose d'utile . Enfin je demande en grâce à monsieur d'Argental de m'apprendre si je suis en grâce auprès de son ami .
Malgré les petits désagréments que j’essuie sur Tancrède, j'ai toujours du goût pour Oreste . Ce serait une action digne de mes anges de faire enfin triompher la simplicité de Sophocle, des cabales des soldats de Corbulon 6.
Mille tendres respects .
V. »
1 Tancrède fut représenté devant un public nombreux à la clôture du 7 mars 1761, et devant une salle plus nombreuse encore à la réouverture du théâtre le 2 avril ; il y eut encore neuf autres représentations .
2 L' Appel aux nations .
3 Si Mme de ¨Pompadour n'avait pas été bien traitée, ce n’était pas par Prault, mais éventuellement par V* lui-même, qui, dans le premier alinéa de son Épître dédicatoire avait écrit : « Si quelque censeur pouvait désapprouver l'hommage que je vous rends, ce ne pourrait être qu’un cœur né ingrat . Je vous dois beaucoup, madame, et je dois le dire . J'ose encore plus, j'ose vous remercier publiquement du bien que vous avez fait à un très grand nombre de véritables gens de lettres, de grands artistes, d'hommes de mérite en plus d'un genre . » . C'était peut-être sous entendre qu'il fallait beaucoup de courage pour faire l’éloge de la favorite malgré l'opinion publique .
4 Cette lettre n'est pas connue .
5 Il avait à la fois le portefeuille de la Guerre et celui des Affaires étrangères .Voir : https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89tienne-Fran%C3%A7ois_de_Choiseul
6 Ce sont les partisans de Crébillon père , qui avait reçu une pension grâce à Mme de Pompadour .Voir : https://fr.wikipedia.org/wiki/Prosper_Jolyot_de_Cr%C3%A9billon
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27/03/2016
Il est temps de prévenir (j'ai presque dit d'arrêter) la décadence de la langue et du goût
... Si tous les goûts sont dans la nature, il en est de meilleurs les uns que les autres, mais les décadents d'un jour peuvent être l'avant-garde du jour suivant , je vous l'assure, -- si, si , ça s'est déjà vu,-- et ça se verra éternellement tant que la liberté d'expression existera, tant mieux ou tant pis pour des générations de critiques .

La décadence de la langue ne me semble pas réellement d'actualité, à moins qu'on ne considère la nullité en ortografe comme le premier signe de celle-ci . Dans ce cas, la prévention par l'enseignement fait défaut, il ne reste qu'à tenter encore et encore de faire lire et écrire nos chères têtes blondes qui ont le nez collé à un écran du matin au soir, et même du soir au matin .

« A Pierre-Joseph Thoulier , abbé d'Olivet de
l'Académie
etc.
quartier du Louvre
à Paris
Mais mon maître est-ce que vous n'auriez point reçu un paquet que je fis partir il y a trois semaines à l'adresse que vous m'avez donnée ? ou mon paquet ne méritait-il pas un mot de vous ? ou êtes-vous malade ? ou êtes-vous paresseux ?
Eh bien voilà notre ancien projet 1 de donner un recueil d'auteurs classiques , qui fait fortune . Rien ne sera plus glorieux pour l'Académie, ni plus utile pour les Français et pour les étrangers . Il est temps de prévenir (j'ai presque dit d'arrêter) la décadence de la langue et du goût . Quel grand homme prenez-vous pour votre part ? Pour moi j'ai l'impudence de demander Pierre Corneille . C'est La Rose 2 qui veut parler des campagnes de Turenne . Je vous dirai , Cornelium Olivete relegi, qui quid sit magnum, quid turpe, quid utile, quid non, plenius ac melius Rousseau multis que docebat 3, et j'ajouterai, quam scit uterque libens censebo exereat artem 4.
La tragédie est un art que j'ai peut-être mal cultivé, mais je suis de ces barbouilleurs, qu'on appelle curieux, et qui étant à peine capable d'égaler Person 5, connaissent très bien la touche des grands maîtres ; en un mot si personne n'a retenu le lot de Corneille je le demande , et j'en écris à M. Duclos 6. Je crois que vous avez fait une très bonne acquisition dans M. Saurin . Il est littérateur et homme de génie .
Dites-moi qui se charge de La Fontaine 7. Je l'avais autrefois commencé sur le projet que vous aviez . Mais je ne sais ce que cela est devenu . J'ai perdu dans mes fréquentes tournées les trois quarts de mes paperasses et il m'en reste encore trop .
Vive, vale, scribe, ciceroniane Olivete 8.
V.
A Ferney tout près de votre Franche-Comté 10 avril 1761 . »
1 Est-ce le projet mentionné dans les lettres à Georg Conrad Walther en 1751 , comme le croit Bestermann ? [voir : http://w3public.ville-ge.ch/bge/volage.nsf/Attachments/ms... ] Il nous semble qu'il s'agit en fait des commentaires d'auteurs classiques entrepris par l'Académie sous l'impulsion de différents académiciens, et qui aboutirent notamment à la rédaction d'un commentaire détaillé du Quinte-Curce de Vaugelas ( voir : http://www.e-rara.ch/zut/content/pageview/9686900 et http://www.mshs.univ-poitiers.fr/gehlf/caron/quinte-curce... ) . D'Olivet avait proposé l'extension de l'entreprise à d'autres écrivains ; voir Alexis François , Histoire de la langue française, VI, p. 880 . Ses Remarques de grammaire sur Racine, publiées en 1738 représentent une sorte de modèle du genre .[voir : https://fr.wikipedia.org/wiki/Pierre-Joseph_Thoulier_d'Olivet ]
2 La Rose ou Rosimond était le pseudonyme de Jean-Baptiste du Mesnil, qui écrivit des pièces légères pour le théâtre du Marais vers 1670 ; mais on pense aussi à un nom de valet .Voir : http://www.theatre-classique.fr/pages/programmes/personnagesAuteur.php?a=ROSIMOND,%20Jean-Baptiste%20du%20Mesnil%20dit%20Claude%20La%20Rose&s=auteur
3 J'ai relu Corneille, d'Olivet, lui qui enseignait ce qui est grand, honteux, utile et ce qui ne l'est pas, plus amplement et mieux que Rousseau et que beaucoup d'autres ; d'après Horace, Épîtres, I, ii, 2-4 .
4 Je suis d'avis que l'un et l'autre exerce de bon cœur l'art qu'il connait ; Horace , Épîtres, I, XIV, 44 .
5 On ne connait ce personnage que par une épigramme de Jean-Baptiste Rousseau, II, 28 :
Gacon , rimailleur subalterne,
Vante Person le barbouilleur .
6 Voir lettre du même jour à Pinot Duclos : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2011/04/09/la-langue-et-le-gout-deux-choses-assez-inconstantes-dans-ma.html
7Il ne semble pas que l'académie se soit occupée d'une édition ou d'un commentaire des oeuvres de La Fontaine .
8 Vis, porte-toi bien, écris , d'Olivet cicéronien .
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26/03/2016
Monsieur, je ne peux plus me plaindre de la fermière en question , puisque vous la protégez
...
« A Louis-Gaspard Fabry, Maire et
subdélégué
à Gex
9è avril 1761 à Ferney
Monsieur, je ne peux plus me plaindre de la fermière en question , puisque vous la protégez ; c'est la faute de La Croix de n'avoir pas acquitté les droits de ses planches ; et tout cela n'est qu'un malentendu .
On rendrait sans doute, monsieur, un grand service au pays, en faisant saigner tous les marais, je ne doute pas que tous les particuliers ne concourent à donner chacun sur leur terrain l'écoulement nécessaire aux eaux ; ceux qui refuseraient ce service y seront sans doute forcés ; M. Vuaillet vous a parlé, monsieur, d'un règlement pour les taupes 1, que vous avez paru approuver ; je le crois très utile, et je pense que ce sera une nouvelle obligation que vous aura cette petite province .
J'ai l'honneur d'être avec tous les sentiments que vous me connaissez, monsieur,votre très humble et très obéissant serviteur
Voltaire . »
1 « Taupe », selon Littré, est un « terme rural » employé dans l'expression taupe à rigoles, « charrue pour les irrigations et les dessèchements ».
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